Intervention de Justin Vaïsse

Réunion du 23 novembre 2016 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Justin Vaïsse, directeur du Centre d'analyse, de prévision et de stratégie au Ministère des affaires étrangères et du développement international, sur les conséquences des élections américaines :

C'est vrai. En tout cas, nous avions, quant à nous, anticipé la possibilité d'une élection de Trump, même si nous jugions que cette hypothèse n'était pas la plus probable – nous l'évaluions à 15-20 %. Nous avions donc préparé toutes les notes nécessaires pour parer à cette éventualité.

En ce qui concerne les relations avec l'Iran, je crois que la question nucléaire est centrale. Plusieurs des personnalités qui ont été nommées, notamment Mattis et Pompeo, ont en effet beaucoup critiqué l'accord sur le nucléaire. C'est donc un sujet qui peut susciter l'inquiétude car, si nous avons beaucoup travaillé pour renforcer cet accord quand nous le jugions insuffisamment protecteur du point de vue de la non-prolifération, nous estimons aujourd'hui qu'il doit être absolument préservé, aussi bien des tricheries iraniennes, dont on a perçu certains signes, que de la menace que Trump fait peser sur lui, même si, là encore, il s'est beaucoup contredit.

Enfin, en ce qui concerne l'Ukraine, sur laquelle m'a interrogé Mme la présidente, il est certain que ce pays fait partie de ceux qui ont le plus à perdre. Souvenez-vous que l'équipe Trump a fait supprimer de la plateforme républicaine – même si ce document n'est pas très important – l'engagement de soutenir ce pays, y compris par des livraisons d'armes. Il est donc certain qu'un deal avec Poutine serait perçu avec beaucoup d'angoisse en Ukraine, mais aussi dans les pays baltes et en Pologne notamment.

Quant aux risques de conflits d'intérêts, Trump a déclaré, dans son interview au New York Times, que le Président ne pouvait pas se trouver dans une telle situation. Je crois qu'en réalité, il a fait une confusion entre le fait que le Président ne peut pas être un justiciable ordinaire et l'absence de conflit d'intérêts, ce qui est évidemment très différent. Or, ces derniers jours, il a évoqué la question des éoliennes en Écosse avec Nigel Farage – même si celui-ci n'est pas un officiel britannique, c'est un fait intéressant –, il a rencontré des hommes d'affaires indiens samedi dernier et il continue de défendre les intérêts de son empire immobilier tout en étant le Président-elect. Donc, oui, la question se pose mais, là encore, je me méfie des controverses médiatiques, aussi importantes soient-elles du point de vue éthique, qui risquent de chasser les débats politiques substantiels.

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