Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’examen en commission, puis en séance publique, de l’accord d’accession du Monténégro à l’Alliance atlantique soulève parfois des réserves sur certains bancs de cette assemblée. Pourtant, ratifier une convention internationale, un protocole, n’entraîne pas de difficulté particulière, dès lors que l’organisation internationale – en l’occurrence l’OTAN – a estimé que le pays concerné remplissait tous les critères d’accession. Il conviendrait, pour certains, de faire du Monténégro une exception, un cas d’école, en raison de « circonstances » particulières. Mais de quelles circonstances si graves s’agit-il donc ?
Une première circonstance aggravante justifiant de repousser l’accession du Monténégro à l’Alliance résiderait dans le fait que ce pays ne serait pas un État de droit ; les autorités monténégrines masqueraient leur autoritarisme pour abuser les authentiques démocraties que nous sommes et forcer une entrée dans l’OTAN, qu’elles ne méritent pas. Le Monténégro, il est vrai, est ce qu’on appelle une « jeune » démocratie, avec ses qualités et ses insuffisances : jusque-là, nous sommes tous d’accord.
En revanche, je ne partage pas le pessimisme de certains de nos collègues. La bouteille démocratique monténégrine est aussi à moitié pleine. Notre rapporteur, dont avons tous salué la connaissance fine de ce territoire et dont nous avons loué la qualité de l’analyse, a rappelé combien le Conseil de l’Europe assure un suivi circonstancié et une veille démocratique tatillonne. Or, le constat dressé par cette institution est celui d’une évolution du Monténégro dans la bonne direction, d’une consolidation de l’état de droit. C’est le constat d’un État qui a manifesté, dès le lendemain d’une indépendance acquise pacifiquement, sa volonté de se rapprocher de l’OTAN, et qui a, depuis, franchi avec succès toutes les étapes menant à l’élargissement. C’est le constat d’un État qui, dans le cadre des négociations d’adhésion à l’Union européenne, a accompli des progrès constants en matière de transparence des institutions et de lutte contre la criminalité organisée, et s’efforce de répondre à des exigences renforcées dans ce domaine. D’un État, enfin, qui a fait de cette adhésion à l’Alliance une priorité politique et diplomatique, soutenue par la majorité de sa population et de ses mouvements politiques. Oui, on peut porter un regard sévère sur ce pays, mais les avancées sont réelles et méritent d’être soutenues.
Des considérations d’équité doivent aussi entrer en ligne de compte. En 2009, notre assemblée a ratifié l’accession de l’Albanie à l’Alliance atlantique. L’Albanie de 2009, mes chers collègues, était-elle une démocratie modèle ? Pourquoi ferions-nous deux poids, deux mesures ? La confiance qui était demandée dans les capacités d’évolution de l’Albanie, le Monténégro y a droit tout autant aujourd’hui. Il me semble que la question que nous devons nous poser est la suivante : comment pouvons-nous agir le plus efficacement possible pour rapprocher de nos standards un pays comme le Monténégro, engagé avec volontarisme, depuis dix ans, dans la voie des réformes et qui contribue déjà à la sécurité de l’espace euroatlantique par une participation dans les opérations de l’OTAN et de l’Union européenne ?
Il me semble que le dialogue, dans le cadre de la coopération euroatlantique, est la tactique la plus efficace qui soit pour obtenir des progrès tangibles. S’efforcer de progresser sur tous les terrains, par un dialogue pragmatique, prudent, incitatif, donne plus de résultats que l’adoption de positions frontales. C’est d’ailleurs le choix qu’a souvent fait notre assemblée dans la ratification de protocoles ou d’accords commerciaux internationaux, il faut le rappeler. C’est cette capacité à ne pas laisser les pays en transition au bord du chemin, à ne pas les regarder de haut, à conserver une attitude d’ouverture bienveillante, qui n’exclut pas la fermeté, qui fait la grandeur et la spécificité de la diplomatie française.
On nous oppose, par ailleurs, la « circonstance » russe. La Russie grognerait contre un empiétement occidental inacceptable dans sa sphère d’influence, et l’accession du Monténégro à l’OTAN serait une provocation vis-à-vis de la Russie. L’argument aurait pu et dû sans doute être pris en compte s’agissant des pays ayant appartenu au pacte de Varsovie et qui sont entrés ultérieurement dans l’OTAN. Mais enfin, cette page, qui aurait mérité réflexion en son temps, est aujourd’hui tournée. Le Monténégro est l’un des États héritiers de l’ex-Yougoslavie, laquelle n’a jamais fait partie du premier cercle de l’Union soviétique. Et la relation de la France avec ce grand pays qu’est la Russie est suffisamment solide, empreinte de dialogue et de respect mutuel sur des enjeux majeurs, pour ne pas être entachée par cet acte.
Il est vrai que l’Europe adriatique a connu, dans un passé encore proche, une agitation génératrice d’une grave instabilité. L’appartenance à l’Alliance atlantique, comme bientôt à l’Union européenne, d’ailleurs, est un gage d’équilibre régional que la France doit encourager. La France, en tant que pays fondateur de l’OTAN, a la capacité d’envoyer un message de coopération, de paix et de développement, particulièrement bienvenu dans une région qui n’a que trop souffert au cours de son histoire. C’est dans son intérêt de consolider la marche vers l’état de droit et la démocratie.
En ce qui me concerne, comme mon groupe, je voterai donc cet accord, gage de stabilité et de consolidation démocratique pour le Monténégro, ses voisins, l’Europe et la France.