Intervention de Axel Poniatowski

Séance en hémicycle du 1er décembre 2016 à 9h30
Ratification du protocole au traité de l'atlantique nord sur l'accession du monténégro — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAxel Poniatowski :

Cela peut faire rêver, mes chers collègues, mais n’y voyez-vous pas quelque chose d’anormal et de peu courant ? Cette mainmise du clan Djukanovic sur les leviers politiques et économiques bénéficie par ailleurs d’une omerta médiatique totale. Pas moins de vingt-trois cas de violences à l’encontre de journalistes dans le pays ont été dénoncés par le Centre européen pour la liberté des médias et de la presse, entre février 2014 et octobre 2015. Enfin, on veut nous faire croire que la page du clan Djukanovic est politiquement tournée, ou en passe de l’être, à la suite des élections législatives d’octobre dernier. Il ne s’agit en réalité que d’un bien pâle ravalement de façade, puisque le nouveau premier ministre n’est autre que le vice-premier ministre sortant.

Nous parlons donc d’un pays au système politique et judiciaire corrompu, où la liberté de la presse est sans cesse malmenée, et dont la légitimité démocratique est entachée de fraudes grossières.

Ce n’est pas un hasard si en 2011 l’Allemagne a décidé de suspendre les négociations avec le Monténégro sur son adhésion à l’Union européenne, notamment pour non-respect de la liberté de la presse.

C’est ce pays, ou plutôt ce régime, que nous nous apprêtons à accueillir au sein de l’OTAN, sous la dictée d’une bien-pensance qui nous invite à fermer les yeux au prétexte que l’intention à plus long terme est louable, au prétexte que c’est le type même de pays qu’il faut aider à mettre sur la bonne voie. Il n’en sera rien ; c’est même tout l’inverse : un encouragement à toutes les formes de déviance.

C’est précisément cette même bien-pensance, cette même précipitation et ce même engrenage qui nous ont conduits à accepter l’intégration dans l’Union européenne de la Roumanie en 2007 et de la Hongrie en 2004, alors que ces deux pays n’étaient à l’évidence pas prêts, et la suite l’a montré. De cette erreur découle une profonde déstabilisation de l’Union européenne.

Le Monténégro ne coche à ce stade rigoureusement aucune des cases lui permettant de prétendre rejoindre l’Organisation atlantique, à commencer par la première d’entre elle : être un État de droit. Cette question est d’autant plus cruciale que, ne nous y trompons pas, l’étape suivante est l’entrée du Monténégro dans l’Union européenne – tous les orateurs précédents l’ont évoquée – avec l’OTAN comme marchepied, alors même que tout le monde s’accorde à dire qu’il convient de mettre un frein sévère au processus continu d’élargissement de celle-ci. Monsieur le ministre, vous l’avez vous-même répété maintes fois.

Le vote d’aujourd’hui est donc à mes yeux tout sauf une formalité ou une étape évidente visant à ancrer un pays dans la zone d’influence occidentale. Je crains que cette adhésion, bien loin d’apaiser et de stabiliser le Monténégro et sa région, aboutira en fait au résultat exactement inverse, y compris pour l’Union européenne, qui poursuit sa spirale infernale de l’élargissement malgré les avertissements tant politiques qu’économiques.

Erreur politique, faute morale : voilà les deux raisons pour lesquelles je ne voterai pas la ratification du protocole soumis aujourd’hui à notre suffrage, et bon nombre de mes collègues du groupe Les Républicains me rejoignent sur cette ligne.

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