Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, cette proposition de loi sur l’adaptation des territoires littoraux au changement climatique constitue la concrétisation des 40 mesures proposées par le comité de suivi de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte. Certains de nos collègues ont participé à ce comité, et je salue le travail qu’il a accompli depuis un an.
En tant qu’élu du littoral, je constate régulièrement que le recul du trait de côte devient un véritable risque naturel, qui, manifestement, doit faire l’objet de protection. Nos 11 millions de kilomètres carré de littoral sont un atout exceptionnel pour notre pays. C’est aussi un environnement d’une très grande richesse. La loi Littoral de 1986, si souvent décriée pour son manque de souplesse, a quand même permis de protéger notre littoral de façon exemplaire. Nous pouvons tous nous rejoindre sur ce point.
Cette proposition de loi a le mérite de proposer des solutions de gestion du recul du trait de côte. Nous ne souhaitons toutefois pas qu’elle devienne une réglementation supplémentaire, empilée sur la montagne de contraintes qui s’appliquent aux élus du littoral et qui les empêchent de développer leur territoire.
En ce sens, je partage les préoccupations de l’article 1er, qui prévoit une articulation entre la collectivité locale et l’État pour le développement de stratégies nationales et territoriales de gestion intégrée du trait de côte. Leur mise en oeuvre sera d’abord confiée aux collectivités locales compétentes en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations. Ainsi, elles pourront concilier deux problématiques – l’indispensable protection des populations, d’une part, et la gestion du trait de côte, d’autre part – tout en prenant en compte les spécificités locales.
L’article 3 prévoit que le risque de recul du trait de côte est renvoyé à la définition des plans de prévention. Il autorise désormais les aménagements de culture marine à rester implantés dans les zones de mobilité du trait de côte, les ZMTC. Si je suis prêt à reconnaître qu’il s’agit là d’une avancée par rapport à la première version du texte, je la considère comme insuffisante. C’est pourquoi je proposerai un amendement sur ce sujet au cours des débats.
Quant à l’article 12 de la proposition de loi, il instaure le bail réel immobilier littoral, le BRILi. Je vous remercie d’avoir répondu en commission à la question de la gestion domaniale, en incluant le Conservatoire du littoral dans la liste des personnes publiques qui pourront recourir à ce bail.
Le Conservatoire du littoral est, en effet, propriétaire d’un grand nombre de sites littoraux exposés au recul du trait de côte. Et je dois reconnaître qu’il sait développer des méthodes de gestion environnementale correspondant à nos préoccupations de développement durable. Cette gestion des territoires côtiers doit être partagée, en concertation avec les élus et les acteurs locaux.
En dehors de ces points, mon expérience locale me conduit à être très prudent, si ce n’est réservé sur des textes qui appliquent des mesures uniformes à tout le littoral. Les plans de prévention contre les risques de submersion marine, imposés de façon identique à tout le littoral français à la suite de la tempête Xynthia de février 2010, en sont un exemple criant. Si j’entends parfaitement l’impérative nécessité de protéger les populations contre les risques de submersion marine, surtout avec la remontée annoncée du niveau de la mer, liée au réchauffement climatique, j’ai du mal à comprendre que les mesures prises pour une situation spécifique en Vendée soient appliquées de manière identique aux autres littoraux, lesquels ont des spécificités propres. Je pourrai citer en exemple la circonscription de Saint-Malo et de la baie du Mont Saint-Michel, dans laquelle je suis élu. Les collectivités locales qui bordent la baie sont de plus en plus contraintes par une accumulation de textes qui, si nous n’y prenons garde, finiront par mettre sous cloche nos territoires.
Dès lors, mes chers collègues, vous comprendrez ma méfiance, et celles des élus locaux, envers un nouveau texte, qui viendrait aggraver encore plus ces contraintes. Je m’interroge par ailleurs sur l’élaboration de ces plans de prévention nouvelle génération devant intégrer un volet relatif au recul du trait de côte.
En effet, les articles 3 et 3 bis semblent donner les pleins pouvoirs au préfet pour la délimitation des nouvelles zones – ZART et ZMTC. Malgré les assurances que vous m’avez données en commission, madame la rapporteure, je crains que cette nouvelle prérogative des préfets ne renforce le caractère contraignant de ce zonage, que les communes n’auront plus qu’à subir.
Dans les zones d’activité résiliente et temporaire, le préfet pourra imposer des contraintes de construction temporaire ou des garanties financières de démolition, au cas où le risque de recul de côte se réaliserait. Quant aux ZMTC, elles lui donnent la possibilité d’interdire tout ouvrage de défense contre la mer, dès lors qu’il est établi en dehors de l’exercice de la compétence de la gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations.
Or la GEMAPI a été confiée aux intercommunalités par les lois de décentralisation du 27 janvier 2014 et du 7 août 2015. Elle se substitue aux actions préexistantes des collectivités territoriales et de leurs groupements, et remplace des actions, qui étaient jusqu’alors facultatives et non uniformément présentes sur les territoires exposés au risque d’inondation ou de submersion marine.
Nous aurions donc besoin d’une clarification sur le caractère facultatif ou obligatoire des compétences du préfet par rapport aux intercommunalités dans la détermination des ZART et des ZMTC, ainsi que sur l’exercice des prérogatives afférentes.
Enfin, le fonds de prévention des risques majeurs prévu ne prendra plus en charge l’appropriation des biens soumis au risque du recul de trait de côte après le 1er janvier 2022. Je m’interroge sur cette disposition, qui ne s’appliquera aux mouvements de terrain côtiers qu’en l’absence de plan de prévention des risques naturels prescrit. D’après ce que je crois comprendre du texte, d’autres conditions énumérées dans l’article 13 permettront une indemnisation après le 1er janvier 2022 – autant de questions qui vont rendre cet article extrêmement complexe, voire irréalisable.
Toutes ces raisons me conduisent à m’abstenir sur ce texte.