La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi de M. Bruno Le Roux, Mmes Catherine Coutelle, Catherine Lemorton, Maud Olivier et plusieurs de leurs collègues relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse (nos 4118, 4245).
Ce matin, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à Mme Pascale Crozon.
Monsieur le président, madame la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mes chers collègues, comment ne pas être choquée lorsque ce qui est aujourd’hui considéré par 77 % de nos concitoyennes comme un droit acquis et irréversible redevient soudainement un enjeu des primaires de la droite, dont le vainqueur a déclaré qu’il était personnellement contre…
…alors qu’il avait voté pour, en 2014, lors de la résolution pour les quarante ans de la loi. Le droit des femmes à disposer de leur corps mérite mieux que ces gesticulations politiciennes dont chacun comprend bien qu’elles ne visent qu’à s’attirer les faveurs de l’électorat le plus conservateur et le plus traditionaliste.
Mais si, madame, j’ai bien dit « le plus conservateur et le plus traditionaliste ».
Votre texte, madame la rapporteure, s’inscrit dans une longue liste d’avancées qui ont toutes en commun de protéger les femmes de toute forme de pression extérieure et de garantir le choix de mener ou non une grossesse à terme – c’est souvent un choix douloureux, qui doit être fait en conscience. Parmi les avancées, je noterai la création du délit d’entrave visant, en 1993, les commandos anti IVG et l’extension, en 2001, de ce délit aux menaces et pressions sur le corps médical, la suppression, la même année, de l’autorisation parentale pour les mineures, ainsi que la réforme de la tarification et le remboursement à 100 %, en 2012, pour lever aussi les pressions économiques. Il est donc de bon sens, alors qu’internet est aujourd’hui devenu la première source d’information des jeunes en matière de santé, de prolonger cette même logique aux supports numériques.
J’entends dire que tous les combats que nous avons menés, souvent à gauche mais parfois aussi au-delà des clivages politiques – je veux saluer ici bien évidemment Simone Veil, mais aussi Roselyne Bachelot – seraient une propagande idéologique pour propager une « culture de mort » et inciter les femmes à avorter. Mais cette accusation n’a aucun sens, elle ne répond à aucune forme de réalité : en 1980, 54 % des Françaises avaient déjà eu recours au moins une fois à l’avortement ; dix ans plus tard, elles n’étaient déjà plus que 38 % ; et elles sont aujourd’hui 33 %.
Ces chiffres nous disent deux choses. D’une part, ils nous rappellent que le risque de grossesse non désirée n’est pas marginal, qu’il n’est pas lié à des pratiques à risque dont les femmes se rendraient seules coupables : il fait partie du quotidien des femmes, peut potentiellement frapper demain n’importe laquelle de vos compagnes, de vos soeurs ou de vos filles.
D’autre part, ces chiffres nous disent que la seule politique efficace, c’est celle que mène la France depuis quarante ans : la prévention de ces grossesses non désirées, l’accès à une information sexuelle et reproductive objective et de qualité, l’accès à une contraception adaptée, le refus de la stigmatisation et de la culpabilisation des femmes. C’est ce que nous cherchons à faire et c’est ce que vous et les vôtres détricotez en supprimant, par exemple, les Pass contraception dans les régions.
Absolument !
Je souhaite sincèrement que ces chiffres continuent à diminuer. Il y a encore du travail de prévention à faire et à améliorer, notamment auprès des jeunes, même si, on le sait, cette courbe finira sûrement par stagner parce que la grande majorité des IVG pratiquées aujourd’hui sont liées à des accidents impondérables de contraception. Et c’est pourquoi ce droit doit être absolument garanti et consolidé par des protections comme celle dont nous discutons aujourd’hui.
À en croire les amendements de l’opposition, ce serait, et j’en conclurai par là, une atteinte à la liberté d’expression. Je ne crois pas, chers collègues de l’opposition, que votre liberté d’expression ait été muselée au cours de ces dernières années. Chacun connaît vos opinions et vous pourrez continuer à les défendre demain.
Mais ce ne sont que des opinions. Nous refusons avec ce texte que de telles opinions soient frauduleusement présentées comme une information objective, dans le seul but de dissuader une femme de choisir librement pour elle-même. C’est l’intentionnalité qui fonde le délit d’entrave et c’est de cela, et de rien d’autre, qu’il est question aujourd’hui.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, chers collègues, l’Assemblée nationale est malade.
« Oh là, là ! » sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Elle souffre de ses erreurs, de ses trahisons, de ses abdications. Sa conscience en vient tout de même parfois à lui rappeler que quelques sujets méritent mieux qu’un colloque d’idéologues aux ordres des laboratoires pharmaceutiques et des officines du libertarisme. Le mal empirera encore gravement avec votre texte.
Chers collègues, je demandai pardon, il y a quelques mois, quand vous inscrivîtes l’avortement comme droit fondamental à notre ordre du jour.
Sourires.
Je veux vous rappeler aujourd’hui que nous serons tous jugés.
Jugés pour avoir laissé l’avortement devenir un outil politique de la gauche pour maquiller son électoralisme en progressisme.
Jugés pour avoir laissé la droite s’effrayer quelquefois de son opposition à la suppression de la vie à naître.
Jugés pour avoir laissé la dissolution de la pensée française entraîner la désignation de l’embryon comme premier ennemi de la Cité.
Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Jugés pour avoir laissé 225 000 vies disparaître chaque année dans notre pays, sans oser nous opposer à la culture de mort qui règne sur ses bancs.
Jugés pour avoir refoulé nos convictions afin de complaire aux tribunaux médiatiques et aux délires cosmopolites.
Jugés pour avoir préféré le Grand Remplacement à la politique nataliste, la destruction de notre civilisation plutôt que la nation des mères et des familles nombreuses.
Jugés pour avoir laissé les furies de l’avortement de masse
Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain
martyriser celles et ceux qui proposent le choix de la vie aux femmes en souffrance.
Jugés pour avoir prétendu que les remords, les douleurs, ne s’empareraient pas de générations entières déchirées par la banalisation de l’avortement systématique.
Jugés pour avoir laissé l’ère de la vivisection morale devenir le credo d’une humanité consacrée à la jouissance et à l’irresponsabilité.
Jugés pour avoir laissé croire à nos filles que l’État était en droit de s’introduire dans leur sentimentalité, leur sexualité et leur maternité.
Jugés pour avoir laissé croire à nos fils que la sexualité ne portait pas à d’autres conséquences possibles que les maladies vénériennes et la pilule du lendemain.
Jugés pour avoir laissé Mme Coutelle refuser d’écouter les bénévoles qui animent des sites internet présentant un discours différent du totalitarisme de mort qui s’est emparé de notre pays au sujet de l’avortement.
Jugés pour avoir laissé quelques militantes en emploi fictif donner des leçons à la Pologne quand elle voulut proposer la vie pour les enfants à naître.
Jugés pour avoir laissé l’ONU obliger les réfugiés et les déplacés de par le monde à avorter pour satisfaire à des normes comptables.
Jugés pour avoir laissé l’Assemblée interdire aux femmes un délai de réflexion qui était aussi un délai de sociabilisation de l’état de grossesse.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Jugés pour avoir obligé des pharmaciens à perdre leur emploi plutôt que de distribuer la mort en pilules.
Jugés par ceux qui ne comprendront pas que les hommes de bonne volonté de notre pays laissent les familles aux savants fous du progressisme.
Jugés par ceux qui réfléchiront aux pulsions démiurgiques et au babil libertaire qui tient lieu d’idéologie d’État dans notre pays.
Jugés pour avoir fourni des salariés parfaits au marché, en réduisant l’humanité à sa capacité à faire carrière au prix de dérèglements hormonaux sans comparaison historique.
Jugés pour avoir laissé l’État redéfinir l’Homme et la vie alors que les totalitarismes communistes et nazis ont à peine disparu de la planète.
Jugés pour avoir laissé le monde s’adonner à la culture du déchet, se débarrassant de la vie humaine, du foetus jusqu’aux impotents.
Jugés pour avoir permis que l’Assemblée nationale diffuse la mort là où elle n’avait pour mission que de servir le bien commun.
Jugés, enfin, pour avoir laissé des gens comme vous présider aux destinées de notre pays en l’inscrivant dans les plus clairs retours à la barbarie.
Vous, majorité et Gouvernement, avez donc décidé de réduire au silence ceux qui ne pensent pas comme vous.
Il est vrai que nous sommes habitués : au moment des débats sur le mariage pour tous, des manifestants ont subi des arrestations abusives,…
…des gardes à vue, des interpellations pour le moins énergiques, qui avaient toutes pour but non pas de maintenir l’ordre public, mais de les faire taire. C’est donc en réalité une méthode assez classique de votre part et nous ne sommes pas surpris de la voir revenir aujourd’hui. Avec cette obsession particulière qui restera une des marques de ce quinquennat, celle qui consiste à traiter avec la dernière énergie des questions sur lesquelles les Français n’ont pas d’attente particulière, vous ajoutez de l’huile sur un pays en feu qui n’a franchement pas besoin de cela. Votre obsession aura au moins conduit au réveil politique des Français qui s’étaient un peu endormis : c’est bien le seul motif pour lequel j’ai presque envie de vous remercier cet après-midi.
Pour le reste, le texte proposé est imprécis. Il fait de l’interruption volontaire grossesse de fait une pure prestation commerciale à propos de laquelle aucune information mensongère ne pourrait demeurer sans sanction. Je note d’ailleurs que les termes employés dans l’article unique, madame la rapporteure, sont repris directement de l’article L. 122-1 du code de commerce. Voilà un symbole dont nous devons prendre toute la portée.
Vous avez déjà retiré du code de la santé publique la notion de détresse, puis le délai de réflexion. Comment pouvez-vous accorder si peu d’importance au respect des principes fondateurs de la loi de bioéthique dont notre droit s’irrigue : je veux parler ici du principe du consentement éclairé.
Ça n’a rien à voir !
Vous reprochez aux sites que vous attaquez de diffuser une information partielle sur l’avortement, qui serait de plus mensongère. Dans votre vision des choses, il doit être interdit d’évoquer les complications médicales de l’avortement, ses conséquences psychologiques pour la femme, pour sa famille ou son environnement, et d’autres faits diffusés par ces sites d’information. Mais comment expliquez-vous l’orientation monolithique des sites d’information gouvernementale et autres sites officiels qui ne disent rien des différents aspects que je viens de rappeler ? Comment expliquez-vous que le rapport de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale évoque des complications importantes, souvent graves, après les IVG médicamenteuses alors que le site du Gouvernement n’en fait aucun état et que ce site soit le seul à ne pas donner la parole aux femmes qui ont avorté et pour lesquelles les choses se sont mal passées ? Enfin, comment expliquez-vous qu’il n’y ait aucun espace officiel pour exprimer des doutes, des craintes, des contraintes subies ou encore le besoin d’une véritable alternative en cas de grossesse non désirée ?
Une telle situation est bien la marque principale de notre corps social face à l’accueil de la vie inattendue. Mais cette politique du tout IVG est un échec. Elle refuse de prendre en compte la diversité et la complexité des situations personnelles, partant du principe que quand une femme s’approche des services qui l’orientent vers l’IVG, sa décision est prise irrémédiablement, en toute liberté et en pleine connaissance de cause, ce qui n’est pas certain. Cette politique prétend aussi que l’avortement serait une vraie alternative à une grossesse inattendue – madame la ministre, vous me le disiez hier encore –, alors que dans les services de santé publique ou assimilés, personne n’indiquera à cette femme enceinte les moyens et les aides qui permettraient de faire naître son bébé et de l’éduquer dans des conditions normales si elle souhaite.
« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Et pour cause : sauf exception et malgré le dévouement quotidien de quelques associations d’accueil, ces aides et cet accueil n’existent pas.
Ce choix unique n’est pas une alternative par définition. C’est bien là le coeur du problème : si les sites du Gouvernement diffusaient l’information de manière complète et objective, ces autres sites n’existeraient probablement pas.
Si personne n’éprouvait le besoin de compléter les informations manquantes, et de les diffuser, ces sites n’existeraient pas. Si nous étions capables de dire, collectivement, aux femmes enceintes dont la grossesse complique l’avenir, qu’il existe des solutions pour les accompagner vers la naissance de leur enfant et pour les aider dans leur éducation, la donne changerait et nos débats prendraient une autre tournure.
Si nous étions capables de tirer, ensemble, les conséquences de ce qu’est un avortement – la suppression d’une vie humaine, avec les conséquences tragiques qu’elle emporte sur la vie des personnes et sur leur entourage –, alors le débat prendrait une autre tournure.
Malheureusement, la manière dont vous traitez la question, mesdames, messieurs les députés de la majorité, ne le permet décidément pas. Je le regrette infiniment.
Le plus cocasse est qu’à vouloir mettre à l’amende des publications à votre sens partiales ou orientées sur la question de l’avortement, vous ouvrez paradoxalement la possibilité d’une mise en cause des sites gouvernementaux eux-mêmes. Et que dire de la quantité innombrable d’autres sites, y compris ceux de certains organes de presse, qui pourraient être inquiétés, du simple fait qu’ils ne pensent pas comme vous.
Si, madame la ministre, madame la rapporteure, vous envisagez de nettoyer toute la Toile des sites qui manipulent, qui désinforment, qui mentent, alors, bon courage, vous n’avez pas fini, et nous y passerons sans doute quelques années !
Pour évoquer un autre sujet d’actualité, qui concerne tous les Français, j’attends avec une grande impatience l’énergie que vous déploierez pour contrer tous les sites allant contre la volonté de vaccination généralisée, qui est aujourd’hui la politique du ministère de la santé.
Madame la rapporteure, mon opposition à votre proposition de loi est motivée par trois convictions, en plus de mon opposition au principe, qui est connue.
Premièrement, tout doit être fait d’abord pour accompagner réellement la fragilité des femmes enceintes qui pensent à l’avortement.
Deuxièmement, tout doit être fait par le Gouvernement pour donner une information complète et claire sur l’avortement et toutes ses conséquences, certaines ou éventuelles.
Troisièmement, tout doit être fait pour protéger la liberté d’expression.
Or, rien dans votre proposition de loi ne va dans ce sens. Je voterai donc contre.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, quarante-deux ans après la promulgation de la loi Veil, nous voilà, au XXIe siècle, obligés de légiférer à nouveau, sur l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse. Malheureusement, ce ne sera certainement pas la dernière fois.
Le contexte factuel n’est pas celui de 1993, où le gouvernement de l’époque avait légiféré contre les actions des commandos bloquant l’accès des centres d’IVG. Ces actions prennent aujourd’hui une forme nouvelle, concrétisée par des groupes de pression anti-IVG utilisant des sites internet connus, ou des plates-formes téléphoniques s’apparentant à des sites de propagande anti-IVG, l’information étant un prétexte à la dissuasion.
Un autre élément de contexte récent concerne la primaire de la droite et du centre : certains des candidats – non des moindres – ont émis des doutes sur les intentions de François Fillon concernant l’IVG
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains
Monsieur Tian, nous écoutons Mme Iborra, qui est seule à avoir la parole !
…demandant des éclaircissements, rejoint qu’il a été par des groupes anti-IVG connus et, pour certains, convaincus et actifs.
Ce contexte objectif nécessite donc la plus grande vigilance et la plus grande clarté dans les intentions. Cela vous gêne, mais c’est la réalité.
Sans nier le droit d’expression et le respect que l’on doit aux convictions de chacun,…
…le législateur, ne vous en déplaise, se doit cependant d’intervenir si ce qui est devenu un droit est menacé, même de manière insidieuse, par des organisations, quelles qu’elles soient.
Des alternatives à l’IVG sont prévues par des sites : il s’agit – écoutez bien, chers collègues – d’aides financières temporaires, d’un hébergement en centre maternel, de l’accouchement sous X, et, dans le cas où l’enfant à naître n’est pas viable, de soins palliatifs en maternité pour accompagner le décès de l’enfant à la naissance. C’est ce que j’ai lu, ce matin encore, sur les sites internet.
C’est du Zola au XXIe siècle ! Pis encore, par leur aspect inquisiteur, ces solutions sont dignes du Moyen Âge.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Décider ou accepter une grossesse, comme ne pas l’accepter, relève du choix personnel.
Ce choix peut être difficile, ambivalent, mais il relève de la personne : il peut être éclairé par ceux qui sont habilités à le faire,…
…, notamment le corps médical et les personnels paramédicaux habilités à cet effet.
Pourquoi voulez-vous les remplacer ? Je voudrai aussi insister sur un autre aspect dont on parle peu : la notion d’enfant désiré. Peut-on imaginer la relation mère-enfant ou couple-enfant après la naissance d’un enfant qui n’a pas été désiré et qui, d’une certaine manière, a été imposé. Quel accueil dans la vie pour ce futur adulte ?
« C’est hors sujet ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Quel environnement affectif, nécessaire à la construction de sa personnalité ?
Alors je dis oui à la prévention de l’IVG, qui n’est jamais un acte banal, par la contraception ! Oui, à la liberté d’opinion ! Mais non à des organisations sournoises représentant dans les faits une entrave à l’application de la loi !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, après son échec au Sénat en octobre dernier, où il avait voulu créer, par amendement, un délit d’entrave numérique à l’IVG, le Gouvernement revient donc en deuxième semaine – et en procédure accélérée s’il vous plaît ! –, par l’intermédiaire de son groupe majoritaire pour se refaire, semble-t-il, une petite santé.
Quoi de mieux, en effet, que les sujets de société – celui de l’avortement en est un – pour ressouder ce qu’il reste de la majorité à la veille d’une campagne qui exposera, à nouveau, s’il en était besoin, ses fractures internes ?
Sur le sujet, mesdames, messieurs les députés de la majorité, il est vrai que, depuis quatre ans et demi, vous n’avez vraiment pas chômé ! Je vous en donne volontiers acte !
Il ne vous a pas suffi de supprimer le délai de réflexion de sept jours fixé dans la loi Veil. Il ne vous a pas suffi de supprimer la notion de détresse. Il ne vous a pas suffi d’intégrer l’avortement aux contrats d’objectifs des établissements sanitaires. Il s’agit désormais de tenter de recoller les morceaux de la gauche, mais surtout de museler ceux qui exprimeraient des doutes sur la nécessité et l’opportunité d’une interruption volontaire de grossesse.
Bien évidemment, nous ne pouvons pas vous suivre car le sujet, vous l’avez bien compris, n’est pas tant la question de l’IVG que celui d’une liberté fondamentale, qui est la liberté d’expression.
La proposition de loi que nous examinons vise à punir de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende les personnes qui, par tout moyen, notamment par le biais des sites internet, que nous évoquions ce matin, délivrent une information préventive sur les risques et les conséquences de l’IVG.
Pour nous, c’est une atteinte inacceptable à la liberté d’expression, à la liberté de conscience. Vous créez en réalité un véritable délit d’opinion !
Vous allez beaucoup trop loin et foulez des valeurs essentielles de la République !
« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Les libertés fondamentales, la Constitution, l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme valent-ils donc si peu ?
Le Gouvernement, par le biais de sa majorité, tente ainsi d’imposer une pensée unique, une forme de vérité d’État sur l’IVG, en punissant sévèrement la contradiction, en réprimant la possibilité de fournir des raisons de ne pas avorter. Laissons donc les dogmatismes et les caricatures pour revenir à l’esprit de la loi de 1974 !
Car en réalité, vous le savez bien, mesdames, messieurs de la majorité, il n’est nullement question, ici, pour nous, de remettre en cause la loi Veil. De cette liberté donnée aux femmes, chacun a une approche plus ou moins lointaine, mais personne n’entend la leur reprendre.
Qui serions-nous pour juger et stigmatiser celles qui choisissent l’avortement ? La réalité, c’est bien celle de la liberté d’expression.
Il y a quarante-deux ans, Simone Veil le disait elle-même, à cette tribune : « L’avortement doit rester l’exception, l’ultime recours contre une situation sans issue ».
Elle disait aussi que la société ne devait pas non plus paraître encourager l’avortement. Nous sommes bien loin de tout cela aujourd’hui.
Certes, nos conceptions collectives ont évolué depuis 1974, mais l’avortement, quoi qu’on en dise, n’est pas un acte anodin.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Il n’est pas un acte sans conséquence, ni pour la mère, ni pour le couple, ni pour la famille. L’information donnée doit être la plus complète, la plus sincère et la plus objective possible, incluant donc les conséquences, y compris négatives, de l’IVG.
Or la vérité et l’information naissent du débat et de la contradiction, pas du bâillon et de la censure que promeut ce texte.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
La désinformation dissuasive, tout comme la désinformation incitative qui, du reste, brille par son absence dans ce texte, doivent évidemment être empêchées. Il n’y a aucun doute sur ce sujet. Il n’est pas question de défendre une autre position, sauf à tomber dans la caricature, comme certains le font !
Les conséquences de l’IVG sont réelles, les traumatismes non négligeables, les questionnements nombreux. De nombreuses études scientifiques sérieuses, pondérées, le disent. Il ne s’agit pas d’opinions ; il s’agit d’études ! Est-ce devenu un délit de citer de telles sources, des travaux universitaires ?
Peut-être ! Tous ces points méritent donc d’être mis en lumière, sans que l’on soit systématiquement suspecté d’intégrisme, d’extrémisme, voire d’obscurantisme. Que n’entendons-nous pas sur le sujet ?
Arrêtons donc de caricaturer ce débat, qui est devenu totalement binaire dans notre pays. Et plutôt que de porter atteinte à la liberté d’expression – je note que le professeur Nisand, dans une tribune de Libération, parle de véritable doxa, que Charlie Hebdo nous rejoint, tout comme La Quadrature du net,…
…ce qui n’est pas courant –, le Gouvernement serait plus inspiré d’accompagner ces femmes et ces couples qui ont besoin d’une écoute attentive avant de faire un choix intime qui leur appartient.
…mais je constate qu’ailleurs en Europe, en Allemagne, en Italie, on se préoccupe davantage de l’enfant à naître. Les femmes qui y poursuivent leur grossesse sont mieux prises en charge, mieux accompagnées. Je ne vois pas pourquoi il y aurait une pensée unique.
Alors, chers collègues, plutôt que de museler les contradicteurs, protégeons l’objectivité de l’information, garantissons la liberté d’expression ! C’est à cela que je veux croire !
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, chers collègues, la liberté et la dignité des femmes sont de longs combats, jalonnés de dates clés.
Le 17 janvier 1975, la loi Veil dépénalise l’interruption volontaire de grossesse. Le 27 janvier 1993, la loi Neiertz crée le délit d’entrave à l’IVG. Le 4 juillet 2001, une loi vient renforcer ce délit d’entrave et y ajoute la notion de pressions morales et psychologiques. Et, plus récemment, le 4 août 2014, la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes élargit encore un peu plus le champ du délit en permettant la sanction des actions qui visent à empêcher l’accès à l’information sur l’IVG.
Après ces quatre lois majeures, nous nous retrouvons aujourd’hui pour examiner la proposition de loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse. Nous ne légiférons pas aujourd’hui par hasard.
Nous ne légiférons pas dans un contexte neutre : partout dans le monde, et ici aussi, des droits que nous pouvions croire établis sont remis en cause. La tentation de la régression menace, parfois frontalement, mais le plus souvent de manière pernicieuse pour ce qui concerne le droit à l’IVG.
Cela peut prendre la forme d’amendements, qui tentent d’en supprimer le remboursement. Cela peut prendre la forme d’annonces de baisses des subventions au planning familial dans certaines régions. Et, sur l’internet, cela prend la forme de pseudo-sites d’information, qui distillent des messages mensongers, pratiquent une désinformation subtile et déguisée.
Entendons-nous bien : être hostile à l’IVG est un droit reconnu et protégé par la liberté d’expression. Chacun peut dire son opposition, ses réticences ou ses inquiétudes quant à une pratique qui n’est jamais – il est sans doute utile de le redire ici – un choix opéré de gaieté de coeur, par aucune femme. Simone Veil l’a admirablement développé, ici même, à cette tribune, il y a quarante-deux ans. Que certaines autorités religieuses ou spirituelles exhortent leurs fidèles à ne pas recourir à l’IVG, voilà qui relève de la liberté ; mais cela devient de la tromperie lorsque certains lobbies, sous couvert d’information, travestissent leur opposition via des sites internet d’apparence neutre, voire institutionnelle.
Aujourd’hui, parmi les 15-30 ans, ce sont, vous l’avez dit, madame la présidente de la commission, plus de 50 % des femmes et 40 % des hommes qui utilisent l’internet pour s’informer de sujets relatifs à la santé ; 80 % d’entre eux estiment crédibles les informations recueillies par cette voie.
Faites vous-même l’expérience : tapez « IVG » sur votre moteur de recherche. Quatre fois sur cinq, vous aboutirez sur un site tenu par un lobby anti-IVG, dont la principale mission est d’inquiéter et de culpabiliser le lecteur pour, in fine, confisquer le choix individuel. Il est de notre devoir de protéger toutes celles et ceux qui, souvent dans une situation de grande fragilité, se tournent vers l’internet pour obtenir des informations. Celles-ci se doivent d’être fiables et objectives. Toutes ces personnes sont en droit de trouver un message honnête et de qualité sur la réalité de l’avortement. À moins de vouloir tromper délibérément les femmes, les considérations militantes ou religieuses ne devraient pas pouvoir s’y développer si elles ne sont pas affichées comme telles.
Faisons preuve de cohérence : nous avons, au cours de cette législature, adopté une résolution qui rappelle que l’accès à l’IVG est un droit fondamental pour les femmes. Il ne s’agit pas d’une question qui oppose la droite et la gauche.
C’est un sujet fondamental, qui voit s’affronter deux conceptions du monde. C’est le combat du progrès contre la régression.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Je lisais ce matin le témoignage d’une jeune femme dont je ne partage pas l’engagement politique : Aurore Bergé, qui est membre des Républicains. Elle s’est livrée à une expérience édifiante en appelant le numéro vert proposé par l’un de ces sites de pseudo-information consultables sur l’internet, en se faisant passer pour une femme à la recherche d’un centre d’IVG. Son récit est terrible dans ce qu’il dit de la manipulation, de l’évitement auxquels elle a été confrontée.
Écoutons, mes chers collègues, au-delà de nos légitimes divergences politiques, la conclusion d’Aurore Bergé : « Être contre l’IVG est une opinion. Entraver volontairement le droit à l’information des femmes est une atteinte à leurs droits. C’est un poison, et c’est un scandale. »
Refusons ce poison, évitons ce scandale et adoptons ce texte juste, qui vient utilement compléter une série de lois qui, toutes, visent le même but : respecter, partout, toujours, le libre arbitre des femmes et leur dignité !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne comprends toujours pas ce que nous faisons là aujourd’hui !
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
C’est la cinquième fois depuis 2013 que l’Assemblée nationale a à connaître de la loi Veil. À cinq mois de la fin de ce mandat catastrophique, à trois mois de la fin de cette législature, n’avez-vous pas d’autres priorités pour légiférer et redresser notre pays ?
Je ne comprends pas l’urgence qu’il y aurait à légiférer une nouvelle fois sur la loi Veil et à étendre le délit d’entrave. Cela fait quarante-deux ans que les femmes ont la liberté de recourir, ou non, à l’interruption volontaire de grossesse. Cela fait quarante-deux ans que les femmes exercent cette liberté. Où avez-vous vu que la liberté des femmes françaises était entravée ?
Avec 218 000 IVG pour 810 000 naissances par an et un taux de recours à l’IVG de quatorze pour mille femmes, contre sept pour mille en Allemagne, le risque dans notre pays est moins l’entrave à la liberté des femmes que la banalisation de l’IVG !
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Avec 218 000 IVG, sans compter les interruptions médicamenteuses de grossesse, on peut légitimement craindre que le recours à l’IVG ne se banalise au point de devenir une contraception a posteriori.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris : je m’opposerai à votre projet d’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse.
Je m’opposerai à votre délit d’entrave numérique, car il est contraire à l’esprit et à la lettre de la loi Veil de 1974.
Pour Mme Veil, en 1974, la loi devait être dissuasive. Le 26 novembre 1974, à cette même tribune, Mme Veil déclarait : « Je voudrais tout d’abord vous faire partager une conviction de femme – je m’excuse de le faire devant cette assemblée presque exclusivement composée d’hommes : aucune femme ne recourt de gaieté de coeur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes. C’est toujours un drame et cela restera toujours un drame. C’est pourquoi, si le projet qui vous est présenté tient compte de la situation de fait existante, s’il admet la possibilité d’une interruption de grossesse, c’est pour la contrôler et, autant que possible, en dissuader la femme. »
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Je m’opposerai à votre délit d’entrave numérique, car il est contraire à notre Constitution.
D’abord, il est contraire à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, car il porte atteinte à la liberté d’expression et à la liberté de penser. Ce texte instaure un véritable délit d’opinion. Comment osez-vous vous engager aussi crânement sur cette voie totalitaire ?
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Faut-il que votre idéologie vous aveugle à ce point ?
Ensuite, il est contraire à l’article 8 de cette même Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, au titre duquel la peine doit être proportionnelle : prévoir une peine de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende est manifestement inconstitutionnel !
Je m’opposerai à votre délit d’entrave numérique, car il est contraire à nos engagements internationaux, issus notamment de la conférence du Caire, en 1994, et de la conférence de Pékin, en 1995.
Il est contraire également à la résolution 1607 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, aux termes de laquelle « les États doivent promouvoir une attitude plus favorable à la famille dans les campagnes d’information publiques et fournir des conseils et un soutien concret pour aider les femmes qui demandent un avortement en raison de pressions familiales ou financières ».
Je m’opposerai à votre délit d’entrave numérique, car il est contraire à la liberté des femmes.
Pour que celles-ci puissent exercer pleinement leur liberté, l’État doit garantir leur information.
Comment mener une véritable politique publique de prévention et d’information si vous pénalisez l’expression d’opinions non conformes à votre idéologie ? Comme le déclarait le professeur Israël Nisand, peu suspect d’entraver le libre accès à l’avortement : « La meilleure IVG est celle que l’on peut éviter » !
Je m’opposerai à votre délit d’entrave numérique, car il est contraire à notre devoir de protection de la vie, particulièrement à son commencement, lorsqu’elle est la plus fragile.
La loi Veil de 1974 reposait sur un fragile équilibre. Elle affirmait le principe supérieur de protection de la vie, principe général et d’ordre public garanti par l’article 16 du code civil, et admettait, dans certaines circonstances, des exceptions, comme l’interruption volontaire de grossesse. Depuis 2013, vos modifications successives ont rompu cet équilibre. Débat après débat, dans cet hémicycle, je constate et déplore qu’il est impossible de discuter sereinement de la protection de la vie à naître, alors même qu’en tant que députés de la nation, nous sommes élus pour défendre les intérêts supérieurs de celle-ci.
Il n’est pas question ici de revenir sur l’équilibre initial et l’accès à une interruption volontaire de grossesse ;…
…il s’agit de rétablir la hiérarchie des principes et de débattre juridiquement de la nécessaire protection de la vie à naître.
En conclusion, mes chers collègues, sauf à vouloir agiter une nouvelle fois les sujets sociétaux pour masquer vos échecs sur les fronts de la sécurité, de la croissance et de l’emploi, laissez tranquille la loi Veil ! Laissez les femmes libres de leur choix !
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Laissez les Français s’exprimer !
Ma conviction, c’est que, sur un sujet aussi sensible, aussi intime, les femmes de France et les Français ne vous demandaient rien.
Ma conviction, c’est que rien ne vous obligeait à remettre la loi Veil en débat à cinq reprises à l’Assemblée nationale depuis 2013.
Rien ne vous obligeait à instrumentaliser cette loi à des fins bassement politiciennes. C’est inutile et indigne. Les Françaises et les Français ne vous remercient pas pour ces agitations politiciennes !
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, ancienne présidente de la Délégation aux droits des femmes et rapporteure en 2001 de la loi relative à l’interruption volontaire de grossesse, je voudrais tout d’abord exprimer la fierté qui est la mienne face aux mesures prises par ce gouvernement depuis 2012 en faveur des droits et des libertés pour les femmes, notamment sur le plan de la santé : contraception gratuite pour les moins de dix-huit ans ; suppression de la notion de détresse et de la semaine de réflexion en cas d’une demande d’IVG ; remboursement à 100 % de l’IVG et des examens conjoints ; création d’un site officiel dédié à l’IVG ; campagne nationale d’information sur le droit des femmes à disposer de leur corps ; reconnaissance du statut des étudiants et des étudiantes sages-femmes. Aujourd’hui, à travers la proposition de loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse, il nous est proposé de poursuivre dans la même direction. Je me réjouis que ce gouvernement de gauche soit vigilant et qu’il décide de renforcer la loi Veil adoptée en 1975.
Qui aurait cru que quarante ans après, nous soyons obligés de nous battre à nouveau, dans cet hémicycle, pour défendre le droit fondamental des femmes à disposer de leur corps ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit – d’ailleurs, les débats auxquels nous avons assisté aujourd’hui, notamment les interventions venues du côté droit de l’hémicycle, le prouvent. Je le redis : l’accès entier et transparent à l’IVG est un droit fondamental. Pour faire référence à un débat qui a été diffusé par des chaînes de télévision la semaine dernière, il est vrai qu’il ne s’agit pas d’un droit constitutionnel ; mais nous sommes en France dans un État de droit, qui protège chaque personne, et il ne peut être envisagé que les libertés de chacune et de chacun, définies en droit, ne soient pas respectées au nom de la morale.
Certains, hostiles au droit des Françaises à disposer librement de leur corps, n’hésitent pas à outrepasser la loi et les règles qui organisent notre vie en commun.
Je fais ici référence à la loi de 1905. Cette loi proclame la liberté de conscience, la liberté d’expression et elle pose aussi un principe fondamental : celui de la séparation de l’Église et de l’État. Que voulez-vous ? Quand j’entends le président de la Conférence des évêques de France s’adresser directement au Président de la République pour lui demander de retirer la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, à mes yeux il commet une double faute.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
C’est son droit : tout le monde peut s’adresser au Président de la République !
Il culpabilise et infantilise de façon patriarcale les femmes confrontées à l’IVG, et il bouscule l’équilibre institutionnel laïc de notre État de droit.
D’aucuns opposent que cette loi serait une atteinte à la liberté d’expression, ce qui est faux.
D’autres l’ont dit avant moi : il s’agit ici non pas d’interdire de parler à ceux qui sont opposés à l’avortement,…
…mais d’empêcher que de fausses informations sur l’avortement, intimidant, culpabilisant les femmes, soient diffusées sur l’internet au travers de sites dont l’apparence est similaire à ceux des ministères. Face à ces sites de désinformation, l’État doit être le garant d’une information diffusée notamment en termes de santé publique.
Bien sûr, l’État doit garantir la liberté de chacune et de chacun à faire le choix qui lui convient, en toute sécurité, notamment lorsqu’il s’agit d’une décision difficile.
À l’ère du numérique dans laquelle nous vivons, cette proposition de loi me paraît pertinente car elle permet de garantir la loi Veil, notamment dans l’adaptation de ses principes à notre époque.
En conclusion, je veux dire deux choses, tout d’abord pour m’adresser, avec un peu d’humour, au Père Jean-Régis Fropo, qui m’a envoyé, ainsi qu’à bon nombre de mes collègues, un courriel pour dire : « Si vous signez la proposition de loi interdisant les sites internet pro-vie, vous signez votre entrée dans l’enfer éternel ! ».
Rires sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
« Non, une menace ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Dans un contexte international qui s’obscurcit pour les droits et l’image des femmes – je pense notamment aux propos sexistes de Donald Trump, à la décision de l’État du Texas d’imposer un enterrement après chaque avortement
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains
Je termine, monsieur le président.
Dans ce contexte, disais-je, je suis fière que le gouvernement de mon pays renforce les libertés des femmes.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
En 1975, monsieur Kert, votre camp, dans sa grande majorité, n’a pas pris la marche de l’histoire ;…
…mais ce n’est pas une raison pour la réécrire. La loi défendue par Simone Veil, que tout le monde loue sur nos bancs, est passée grâce aux votes – je les ai ici sous les yeux – des partis de gauche : il faut le rappeler.
« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Ce n’est pas une accusation ; c’est un fait : j’invite tout le monde à le vérifier.
Ensuite, madame Le Callennec, il n’y a aucun fait personnel dans ce que Mme Khirouni vous a dit ce matin. Vous êtes devenue le numéro trois du parti Les Républicains : je m’en félicite sincèrement, au regard du syndrome costume-cravate que l’on voit apparaître dans ce débat, puisque vous êtes la seule femme de votre parti présente dans notre hémicycle aujourd’hui.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Il n’y a aucun sexisme à féliciter une collègue qui prend du grade dans un parti politique.
Si, c’est ce que vous avez dit. Quelle est l’alternative, en l’occurrence ? Dire à une femme désireuse de pratiquer une IVG qu’elle ne doit pas interrompre sa grossesse.
Je vous invite à vous rendre sur les sites concernés : vous verrez. Dans cette alternative, donc, la femme va au bout de sa grossesse, accouchant d’un enfant non voulu et non attendu. Le projet parental est donc absent, l’enfant imaginaire n’a pas existé. Dans ce cas, les conseilleurs ne sont pas les payeurs : quoi qu’ils en disent, ils n’accompagneront la femme que quelque temps, car un enfant qui arrive sans avoir été attendu peut être ensuite abandonné, hélas, ou faire l’objet d’un accouchement sous X, vous le savez. Un enfant, c’est un engagement de toute une vie ; et les enfants, nous les aimons autant que vous. Que se passera-t-il une fois que la femme aura été influencée dans le mauvais sens, c’est-à-dire contre sa volonté intime, parce que l’on aura profité de sa fragilité ? Le mot, d’ailleurs, m’irrite – comme si les femmes étaient forcément fragiles : elles sont, elles aussi, capables de prendre leur vie en main. L’idée de la protection masculine m’agace profondément.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Dans votre parcours d’élue, mais surtout de femme, madame Le Callennec, vous avez sans doute rencontré des femmes qui voient tomber sur elles, comme une bombe, un test de grossesse positif. Que lisez-vous alors dans leur regard ? La panique, la détresse, qu’elles soient jeunes ou moins jeunes – et j’ai eu affaire à ce type de femmes, de par mon parcours professionnel. La vérité, c’est qu’elles ne veulent pas se voir imposer un temps de réflexion : elles veulent aller vite car, parfois, elles prennent la décision seules, loin du regard « protecteur » des hommes, maris, pères, ou je ne sais quoi d’autre.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Rires sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Telle est la vérité, madame Le Callennec. Dans les années qui suivent, vous ne serez plus aux côtés de ces femmes pour les accompagner. Que faire lorsqu’un site veut empêcher une femme de pratiquer une IVG rapidement, afin d’être un peu plus libre ? Je n’ai pas dit, au demeurant, que la chose était facile. Il ne faudrait pas laisser penser, avez-vous déclaré dans la presse, que l’IVG est un mode de contraception. Comment pouvez-vous dire des choses pareilles ?
Mme Le Callennec : on peut notamment trouver cette déclaration sur le site internet de LCI. Personne, sur nos bancs, n’a jamais dit que l’IVG pouvait être un mode de contraception. Jamais, madame Le Callennec. Un tel acte est trop grave.
Et parce qu’il est grave et qu’il affecte la vie des gens, la vie des femmes, il doit intervenir le plus vite possible après la décision de le pratiquer.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à Mme la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes.
Je veux répondre à plusieurs orateurs, à commencer par M. Vigier, qui a posé des questions justes et pratiques, notamment sur la mise en oeuvre et l’efficacité de la future loi.
Aux termes de l’article unique, le délit d’entrave de grossesse est étendu aux allégations, indications de nature à induire intentionnellement en erreur diffusées « par tout moyen de communication au public, y compris […] par voie électronique ou en ligne », et dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d’une interruption volontaire de grossesse.
De quoi parlons-nous ? Des sites internet, bien sûr, mais, derrière eux, des fameux « numéros verts », dont il est question depuis plusieurs heures et même plusieurs semaines, depuis le dépôt de cette proposition de loi par Mme Coutelle et plusieurs autres membres du groupe socialiste, écologiste et républicain. Le vrai sujet est là, en réalité. Les sites internet diffusent en effet des allégations fausses ; mais la vraie pression s’exerce aussitôt après qu’une femme a décroché son téléphone et composé le numéro vert, donné son âge, le nombre de semaines de sa grossesse et interrogé son interlocuteur sur la façon de procéder à une IVG.
Tout à l’heure, Véronique Massonneau a cité une élue Les Républicains, Aurore Bergé – que nul ne peut donc soupçonner de la moindre complaisance à l’égard du Gouvernement – qui, après avoir composé le fameux numéro vert, s’est entendu répondre, d’abord, que toutes les femmes ne peuvent avoir recours à l’IVG ; que les couples ne s’en remettent pas – le propos est aussi brutal que cela – ; que l’IVG augmente considérablement les risques d’infertilité…
« C’est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
C’était vrai, oui, du temps des IVG clandestines, avant la loi Veil ! Maintenant, ça ne l’est plus !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
L’IVG n’augmente pas considérablement les risques d’infertilité.
Je continue de dérouler le tissu de sottises… On lui a répondu, donc, que la plupart des femmes ayant eu recours à une procréation médicalement assistée – PMA – avaient d’abord subi une IVG, ce qui est totalement faux.
Notre but n’est pas de prendre qui que ce soit par surprise : je n’entends piéger personne, je ne mène pas de guerre idéologique. Je veux seulement protéger les femmes qui souhaitent pratiquer une IVG et être informées sur les conditions d’accès à cet acte.
Ces numéros verts feront donc l’objet – de la part des associations aussi – de testings téléphoniques enregistrés, et des poursuites seront engagées contre les sites qui proposent des conversations en ligne avec des femmes, les fameuses « écoutantes » qui, loin d’être des professionnelles, sont en réalité des militantes anti-IVG cachées derrière l’anonymat que leur donnent ces numéros.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Le cadrage juridique est donc précis, me semble-t-il, s’agissant de la définition d’une « allégation », de la façon dont elle est diffusée et de ce qu’est une pression ou une information mensongère, exercée ou proférée dans le but de dissuader les femmes de recourir à une IVG. Il n’y a là, à mon sens, aucune atteinte à la liberté d’expression ou d’opinion.
Plusieurs orateurs ont également cité des articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en particulier les articles 10 et 11. Mais encore faut-il les citer en entier. L’article 10 dispose : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. » Nous sommes tous absolument d’accord, voyez-vous, sur l’application de cet article.
Aux termes de l’article 11, « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement » – la citation s’est arrêtée là, me semble-t-il – « sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».
L’article 4, lui, dispose que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Or nous considérons que le fait d’induire, de façon intentionnelle, une personne en erreur lui nuit incontestablement.
Vous considérez la chose comme une erreur : c’est là toute la difficulté !
La proposition de loi garantit donc bien le respect de la liberté d’expression et d’opinion telle qu’elle est définie par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, laquelle proclame cette liberté tout en fixant ses limites, qui tiennent à la volonté de nuire à autrui.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Enfin, vous avez évoqué une éventuelle inconstitutionnalité de l’article unique.
Tant que le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé, vous pouvez toujours invoquer cet argument ; mais l’on peut aussi tenter de déduire sa position par l’examen de sa jurisprudence. Pour ma part je me réfère à une décision du 18 janvier 1995, qui consacre le droit d’expression collective des idées et des opinions, tout en admettant que des limites peuvent y être instituées, à condition qu’elles soient « à la fois justifiées et raisonnables ». Ces atteintes « doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi ». Il reviendra donc au Conseil constitutionnel de se prononcer.
« Tout moyen de communication » est visé, aux termes de l’article unique ! C’est bien le problème !
Vous n’êtes pas le Conseil constitutionnel, monsieur Gosselin, j’en suis désolée.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Vous le saisirez, et je m’inclinerai si sa décision va dans votre sens.
Nous le saisirons, en effet ! Et vous n’êtes pas non plus le Conseil constitutionnel, madame la ministre, fort heureusement d’ailleurs !
Pour ma part je considère que la proposition de loi est conforme à la jurisprudence constitutionnelle, et je sais qu’en disant cela, j’assume le risque qu’assume tout membre du Gouvernement ou le législateur lorsqu’il évoque la jurisprudence de cette institution libre et indépendante.
Vous semblez enfin considérer comme acquis le délit d’entrave institué en 1993 : M. Kert, en défendant la motion de procédure, y a fait référence, suggérant qu’aucun problème ne se posait à cet égard. Je veux donc vous lire ce que disaient, en 1993, les orateurs de l’opposition lors de la discussion relative au délit d’entrave.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
S’il vous plaît, mes chers collègues, seule Mme la ministre a la parole !
Vous pouvez considérer n’être en rien les héritiers de vos prédécesseurs sur ces bancs en 1993 ;…
…nous nous regardons, pour notre part, comme les héritiers de Mme Neiertz et de la majorité de gauche qui, en 1993, a voté le projet de loi qu’elle défendait.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Nous sommes vingt-trois ans plus tard ! Vous faites un procès d’intention !
Je n’entends pas vous mettre en difficulté avec cette lecture, mais vous rappeler certains arguments : « Nous voulons concilier le respect de la liberté de manifestation publique, même pour ceux qui défendent des opinions que nous ne partageons pas, avec le souci du respect dû à chacun. Or la rédaction de l’article 15 nous paraît dangereuse au regard des libertés. Le mot "perturber" ne signifie pas forcément "empêcher". Dans un domaine particulièrement délicat, qui a trait au respect des libertés réciproques » – j’insiste sur ce terme – « l’expression "perturber l’accès" peut donner lieu à toutes sortes d’interprétations. Le mot "entraver" caractérise une infraction claire, identifiable […]. Sanctionner par une peine d’emprisonnement la perturbation de l’accès aux établissements est excessif. Il n’y a pas plus de raisons de réprimer la manifestation de ceux qui sont hostiles à l’avortement devant un hôpital que de réprimer une manifestation d’infirmières. Distinguer entre différents types de manifestations est une pente dangereuse. »
Bref, en 1993, vous disiez déjà que le délit d’entrave menaçait la liberté d’expression, d’opinion et de manifestation !
Exclamations sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
Vous employez aujourd’hui les mêmes arguments qu’alors ; mais ce qui me rassure c’est que, dans dix ans, vos successeurs les feront leurs à leur tour, tout en rendant hommage à la loi qui sera votée aujourd’hui, la jugeant acquise et déclarant qu’elle est devenue notre bien collectif.
Je voudrais apporter quelques précisions sur certains chiffres qui ont été donnés. J’ai entendu Mme Le Callenec dire il y a un instant – mais elle l’avait déjà fait publiquement à plusieurs reprises, et encore il y a quelques jours de cela – que l’on comptait, de manière constante, 200 000 IVG par an. Elle voit dans ce chiffre la preuve de l’échec des politiques de prévention, voire, car je l’entends aussi dire, de notre absence de volonté de prévenir l’IVG.
Une remarque : 200 000 IVG par an est un chiffre stable en valeur absolue, mais pas relative. Entre 1975 et 2016 en effet, la population française s’est accrue de 12,5 millions d’habitants : par conséquent, la part relative des IVG rapportée à la population totale a baissé.
Enfin, j’ai entendu M. Moreau dire qu’il fallait ajouter à ces 200 000 IVG les IVG médicamenteuses. Non, monsieur Moreau, ces 200 000 IVG comprennent déjà les IVG médicamenteuses : on n’ajoute donc pas ces dernières au nombre total d’IVG.
Par conséquent, je me suis demandé pourquoi, monsieur Moreau, alors que vous avez probablement veillé à la précision de vos propos, vous aviez commis cette erreur. Et mon interprétation – j’espère que vous me montrerez tout à l’heure que je me suis trompée – est la suivante : n’auriez-vous pas, par hasard, confondu IVG médicamenteuse et pilule du lendemain ? Rassurez-moi : vous ne faites pas partie de ces adversaires de la contraception et de l’IVG qui classent la pilule du lendemain dans les avortements ? Si ce n’est pas le cas, c’est bien une erreur de chiffres que vous avez commise. Pour vous, la pilule du lendemain est donc bien une méthode contraceptive et en rien une méthode abortive.
Je vous le dis car c’est une affirmation que je lis fréquemment sur les sites, dans le cadre d’une vaste campagne contre l’avortement : la pilule du lendemain relèverait des méthodes abortives, au même titre que le dispositif intra-utérin.
Je vais y venir, madame Le Callenec, car je vous ai entendue hier à la radio.
S’agissant de l’alternative à l’IVG, un discours récurrent nous reproche de donner des informations sur l’IVG mais de ne pas informer sur les alternatives à celle-ci. Je dois dire que c’est une allégation qui me laisse toujours perplexe : l’IVG est l’alternative à une grossesse non désirée. L’état premier étant la grossesse, une femme placée dans cette situation et qui ne peut pas ou ne veut pas la mener à terme décide de recourir à l’IVG.
C’est le moment que vous choisissez pour brandir votre alternative : or il n’y en qu’une alternative, c’est la grossesse ! Entre l’IVG et la grossesse, il n’existe pas de troisième voie ! C’est binaire.
Par conséquent, selon vous il faudrait dire aux femmes qui ont décidé de recourir à une IVG qu’il existe une alternative : garder leur enfant. Mais ça elles le savent puisqu’elles ont déjà réfléchi et pris leur décision. Il y a, dans ces propos constants, à l’égard des femmes, une suspicion de légèreté, d’irresponsabilité, de fragilité et d’absence de réflexion, qui est insupportable.
Croyez-moi, quand une femme décide de recourir à une IVG, quand elle décroche son téléphone, quand elle consulte un site internet ou pousse la porte d’un service hospitalier ou du cabinet de son médecin traitant, c’est qu’elle a longuement et mûrement réfléchi.
Enfin, vous souhaitiez, madame Le Callenec, que nous parlions des mineurs. Je vous ai entendue dire hier matin à la radio : pour une mineure, c’est tout de même terrible de commencer sa vie par une IVG. Certes, mais j’ajoute qu’une grossesse non désirée n’est pas non plus le meilleur moyen de commencer sa vie.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Et je suis très heureuse que les mineures aient bénéficié des réformes portées par la gauche, et en particulier de la loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception, dite loi Aubry-Guiguou, qui a justement permis de lever l’exigence de l’accord de l’autorité parentale et de lui substituer celle de l’accompagnement par un majeur. Je suis très heureuse qu’une jeune fille âgée de quinze ou de seize ans puisse, en France, accéder à une IVG. La question n’est pas celle de l’alternative à l’IVG ; c’est celle de la prévention et de la contraception.
Et là encore, je cherche la cohérence : les mêmes courants qui sont hostiles à l’IVG – je ne parle pas de vous, madame Le Callenec –…
…sont ceux qui considèrent que l’éducation à la sexualité et à la contraception ne doit pas relever de l’éducation nationale, qu’elle est de la seule responsabilité de la famille. Selon eux, l’on n’aurait pas à expliquer aux jeunes comment on fait, à seize ans, pour faire l’amour sans risquer d’être enceinte ou de contracter des maladies sexuellement transmissibles. Les mêmes ne veulent pas que le Planning familial et les associations pro-choix interviennent dans les lycées pour expliquer aux élèves comment ils peuvent se protéger des grossesses et des infections sexuellement transmissibles. Et vous nous expliquez que, pour une mineure, il devrait y avoir des alternatives à l’IVG ? Mais à ce moment-là, soutenez la contraception, soutenez les campagnes d’information, soutenez le Planning familial et condamnez M. Wauquiez, qui siège sur vos bancs et qui vient d’annoncer, dans sa région, une baisse de 30 % des subventions accordées au Planning familial, ce qui aura pour conséquence de diminuer de moitié le nombre d’interventions que celui-ci pourra faire dans les lycées de la région Auvergne-Rhône-Alpes et laissera, précisément, les jeunes filles seules, sans information !
Et les familles ? Dans certaines d’entre elles, on parle et on donne des explications, mais dans d’autres, il est très difficile d’expliquer la contraception. Il faut donc que l’éducation à la sexualité et à la contraception soit dispensée à l’école : c’est en effet le seul endroit où l’on peut toucher tous les jeunes de manière juste et égale.
Enfin, vous avez tous dit, la main sur le coeur, qu’en réalité, vous n’étiez pas opposés à l’IVG, que vous étiez très attachés et très favorables à la loi Veil et que – promis, juré – vous n’y toucheriez jamais, dans la mesure où elle établit un droit pour les femmes.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Un petit peu, quand même ! Comment vous dire, monsieur Tian : l’IVG et le sujet dont nous parlons ont un rapport quand même.
Je note simplement que lorsque l’Assemblée nationale a délibéré de la résolution réaffirmant le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse en France et en Europe, sept députés ont voté contre.
Et sur ces sept députés qui ont voté contre, trois sont ici cet après-midi. Et aucun des députés du groupe Les Républicains présents aujourd’hui, en tous cas aucun de ceux qui sont intervenus au cours de la discussion générale n’a voté cette résolution.
Alors vous pouvez expliquer tout ce que vous voulez, mais il faudra en faire beaucoup plus pour lever nos inquiétudes et nos suspicions.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique de la proposition de loi.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article unique.
La parole est à M. Jacques Bompard.
Nous sommes presque sans mots devant l’indignité de votre texte. Nous sommes presque sans mots quand vous voulez abandonner les femmes aux seuls sites internet gouvernementaux qui décrivent l’avortement médical comme la simple aspiration d’un oeuf, ou se font l’écho des imprécations politiques du Planning familial qui, d’ailleurs, vient d’être condamné aux États-Unis pour le trafic d’organes humains ou d’embryons qu’il organisait. Et c’est cela que nous devons financer !
On aimerait vous avertir : cette procédure accélérée témoigne de votre obsession pour la culture de mort, qui trouvera un rempart – du moins peut-on l’espérer – dans la Cour européenne des droits de l’homme. Mais cette obsession a des traductions législatives qui vont laisser de graves traces. Vous êtes les pires ennemis des femmes, car vous avez transformé le drame de l’avortement, c’est-à-dire de la suppression d’un être humain, en une lutte idéologique.
En agissant de la sorte, vous insultez les souffrances, les traumatismes et les complications médicales qui ne manquent pas d’advenir, mais que vous méprisez. J’ai d’ailleurs compris pourquoi le Gouvernement avait, sur cette proposition de loi, engagé la procédure accélérée : après avoir fait de l’avortement un passage obligé pour une lycéenne sur dix en Île-de-France, vous subissez une révolte des adolescentes elles-mêmes. Ce sont en effet elles qui consultent les sites internet et les pages Facebook contre lesquelles vous combattez. Elles y trouvent les témoignages que vous avez méprisés et comprennent que vous leur mentez afin de satisfaire vos lubies idéologiques. Et cela, elles ne vous le pardonneront pas.
Oh là !
Au moins, vous ne pourrez pas me reprocher le syndrome du costume-cravate. J’ai, quoi qu’il en soit, l’impression de voir en vous l’expression d’un véritable féminisme patriarcal.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
En effet, vous semblez entretenir les femmes dans une forme de sujétion mentale : vous les prenez pour des êtres complètement stupides. Il faudrait, selon vous, les prendre par la main, les protéger d’informations qu’elles ne pourraient pas comprendre, les orienter correctement dans la bonne voie parce qu’elles seraient tout à la fois vulnérables, fragiles et dépourvues du discernement nécessaire.
Il faudrait donc que l’État nounou et protecteur soit là pour leur garantir de faire le bon choix. Je vous livre mon point de vue de femme : je trouve cela extrêmement humiliant et particulièrement étonnant venant de la majorité. Vous êtes manifestement totalement aveuglés par l’idéologie.
Preuve en est : faites un test tout simple et remplacez, dans l’article unique de votre proposition de loi, le terme d’IVG par n’importe quel autre terme, que ce soit l’écologie, l’immigration ou tout autre sujet politique. Vous pourrez alors constater l’absurdité totale du procédé, qui est scandaleux en ce qu’il consiste, de fait, à créer un délit d’opinion.
Et arrêtez de nous dire que la politique gouvernementale est neutre vis-à-vis de ce sujet puisque, précisément, dans cette proposition de loi, vous ne citez pas les arguments incitatifs, quand bien même ces arguments seraient faux. Il y a donc dans ce texte un parti pris. Vous faites du juge l’arbitre et le censeur des informations justes ou fausses mises en ligne. Un seul exemple : les séquelles psychologiques consécutives à un avortement. Tous les médecins ne sont pas d’accord sur le sujet, vous l’avez constaté. Le Gouvernement a lui-même fait le choix de ne livrer le témoignage que d’un seul médecin qui explique, évidemment, qu’un avortement ne laisse aucune séquelle psychologique. Cela démontre d’ailleurs, une nouvelle fois, votre parti pris.
Madame la ministre, madame la rapporteure, je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, vous êtes peut-être gynécologues-obstétriciennes, psychiatres ou particulièrement bien informées sur le sujet, mais admettez tout de même qu’un jugement sur cette question implique un certain recul. Je ne suis pas sûr que le juge ait la capacité d’évaluer, y compris sur le plan médical, la véracité de certains arguments. Il faut dont, à l’évidence, supprimer cet article unique qui est complètement délirant.
Madame la ministre, madame la rapporteure, je trouve que vous avez bien de la chance de savoir où est la vérité. C’est vous qui la détenez, c’est vous qui savez nous dire ce qu’il faut lire ou ne pas lire, ce qu’il faut exprimer ou ne pas exprimer, ce qu’il faut faire ou ne pas faire ! Ce n’est tout simplement pas notre conception de la démocratie.
Sur une proposition de loi comme celle-là, sur la situation de grossesse, qui échappe à la loi, avoir autant de certitudes pour ne pas admettre que chaque individu dispose d’une capacité de discernement, cela revient, tout simplement, à remettre en cause le principe de liberté.
C’est ce qui me choque dans cette proposition : madame la ministre, vous l’avez dit au début de votre intervention, ce n’est pas un texte sur l’IVG ; c’est un texte qui est construit sur une négation de la liberté, sur un reniement de la capacité de discernement, sur cette idée que vous avez la vérité et que nous serions incapables de débattre avec vous dans la mesure où vous détiendriez avec ce texte la seule solution s’adressant aux femmes.
Eh bien non, nous ne sommes pas d’accord avec cela. Nous pensons que le point de départ est non pas la décision que vous avez évoquée tout à l’heure, mais la grossesse, au cours de laquelle les femmes ont certes la liberté d’avorter – sur laquelle nous ne revenons pas – mais également celle de se voir proposer d’autres solutions et d’autres voies. Avoir un enfant peut également être une source d’épanouissement et de bonheur, tout simplement. Avec ce texte, vous créez un délit d’opinion. C’est la raison pour laquelle je m’opposerai à cet article, qui n’a pas lieu d’être.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Vous niez la double dimension de la nature humaine, physique et psychique. Vous avez commencé à détruire la loi de Simone Veil en supprimant le terme de détresse, en ne pensant pas aux adolescentes qui n’ont pas la chance d’avoir un cadre parental et qui, de ce fait, n’ont plus d’adultes auprès desquels déposer leur fardeau. En effet, ces gestes ne sont jamais anodins et, au moment de la vie où survient une parentalité, ils reviennent.
De grâce, cessez de dire que pratiquer un avortement est un geste anodin !
Personne ne dit cela !
Cessez dire qu’il n’y a pas un coût psychique ! Cessez d’avoir une vision totalitaire. Le texte que vous défendez pourrait s’appliquer à n’importe quelle proposition. Il est redoutablement dangereux et liberticide.
Une société de liberté, madame la ministre, c’est effectivement une société dans laquelle les femmes ont le droit de disposer de leur corps, mais c’est aussi une société dans laquelle celles et ceux qui défendent une vision différente de la vôtre ont le droit de s’exprimer. C’est une société ouverte, une société dans laquelle l’information peut circuler, et même la désinformation, et votre gouvernement en sait quelque chose. Je pourrais vous parler de votre budget, exemple de désinformation. Vous avez évoqué des déclarations politiques. Je me souviens d’un certain candidat en 2012 qui disait « moi président, je ferai ceci, cela » et qui a fait exactement l’inverse. N’est-ce pas un exemple de désinformation ?
Ce que vous dites pourrait s’appliquer à tout discours politique. De grâce, revenez à la raison. Vous êtes en train de déstructurer la loi de Simone Veil parce que vous voulez nier cette double dimension fondamentale de l’être humain. Vous êtes en train d’instrumentaliser les femmes, que vous considérez comme faisant partie d’une sous-espèce, et qui devraient en permanence être assistées. C’est l’inverse de votre théorie du genre puisque vous considérez accessoirement que les hommes n’ont rien à dire. Mais, madame la ministre, un enfant cela peut se faire à deux a priori.
Votre objectif de déconstruction de toutes les structures familiales, de toute construction d’une société civilisée, c’est-à-dire ouverte, vous en porterez la responsabilité, qui est grave.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Je vous demande, au nom des adolescentes de ce pays, de revenir sur votre vision, qui est une vision des années 70. Vous représentez le passé, madame la ministre.
Toute femme qui se pose la question de mener à terme une grossesse non désirée doit pouvoir obtenir les informations qu’elle cherche,…
…en ayant l’assurance d’avoir des informations objectives, non dirigées pour satisfaire telle ou telle conscience…
Or, sur les sites que nous évoquons, ce n’est pas le cas.
Cette exigence est tout aussi nécessaire pour chaque homme ou femme qui, pour son cercle sentimental ou familial, est en quête de renseignements pour conseiller ou orienter l’un de ses proches.
La proposition de loi que nous examinons concerne au premier chef les femmes qui envisagent une IVG, mais elle s’adresse aussi à toutes celles et ceux, et la parité ici a beaucoup de sens, qui veulent être bien informés ou bien conseillés.
Il appartient donc à la puissance publique de remettre de l’ordre dans les informations qui circulent. Il appartient aux autorités dûment habilitées de s’assurer que les plus gros mensonges ne sont pas érigés en postulat. Pour ce faire, il nous appartient à nous, législateur, de faire en sorte qu’une information soit sourcée, nommée, justifiée et non imposée.
Les femmes subissent en effet déjà suffisamment de pressions pour ne pas ajouter la désinformation et l’irrespect.
C’est la raison pour laquelle cette proposition de loi est une bonne chose. Et il me paraît d’autant plus étrange, à moi qui étais la rapporteure du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, que, d’un certain côté de l’hémicycle, on nous parle de la liberté d’expression quand on sait ce que le Sénat de droite a voulu faire de la loi sur la liberté de la presse.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
…pas du fait de savoir si toutes les opinions se valent, comme si tout était dans tout et que cela n’avait finalement aucune importance. Nous débattons de formes de pressions psychologiques exercées sur des femmes qui traversent des épreuves, qui ont besoin d’être aidées et qui, au lieu de recevoir de l’aide, sont trompées, mises en relation avec des militants religieux qui cherchent à les culpabiliser et leur promettent la douleur physique et le péché. Ce ne sont pas des opinions qui se valent, il s’agit d’obscurantisme.
Mes chers collègues, vous êtes comme moi assaillis de messages électroniques vous demandant de voter ou de ne pas voter cette proposition de loi. J’ai reçu hier, comme d’autres de mes collègues qui sont signataires de cette proposition – Mme Lignières-Cassou en a parlé – un e-mail du fameux prêtre catholique qui se dit exorciste à Toulon, qui n’est pas trop ami, je l’espère, avec un certain nombre de nos collègues d’extrême droite, qui nous promet l’enfer éternel si nous votons ce texte.
L’enfer éternel, voilà ce qu’une éminence des mouvements pro-vie se permet de promettre à des députés, à des représentants de la nation ! Il n’y a pas de quoi en rire.
Il s’agit de lutter contre des pratiques dangereuses déviantes, inspirées par un obscurantisme d’un autre âge. Ces menaces, qui font fi de la séparation de l’église et de l’État, qui en appellent à l’application d’une loi naturelle sont du même registre que celles que nous avons à combattre ici lorsque nous luttons contre la propagande extrémiste et obscurantiste inspirée par d’autres courants radicaux religieux. Vous êtes d’ailleurs les premiers, vous, les défenseurs des libertés, à vouloir alors fermer ces sites. J’y suis d’ailleurs favorable.
Il nous faut donc soutenir cette proposition de loi pour que, grâce au délit d’entrave, de tels sites délictueux n’existent plus dans ce pays.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Les débats de ce matin l’ont montré, et cela a continué cet après-midi, dès que nous abordons ce sujet très complexe de l’interruption volontaire de grossesse, les esprits s’échauffent, les prises de parole sont excessives…
…et en conséquence sans portée alors que tous ici, nous devrions unir nos efforts pour que ce genre de débat se déroule de façon sereine et apaisée. Nous le devons à toutes les femmes qui, à un moment ou à un autre de leur vie, se sont trouvées confrontées à de telles situations de détresse qui, comme beaucoup l’ont dit, laissent des blessures irrémédiables.
Tous ici, nous réaffirmons que l’interruption volontaire de grossesse est un droit, une liberté des femmes voulue par la loi Veil de 1974. Ce fut en tout cas le sens de mon vote lors de la résolution que vous nous avez présentée, madame Coutelle, au moment du quarantième anniversaire de cette loi.
Pour autant, je pense que les nombreuses dispositions que vous avez fait voter par le Parlement, souvent à la sauvette,…
…au détour d’amendements sans rapport avec le texte en examen, ont porté de sérieux coups à cette loi : suppression de la mention de situation de détresse, suppression du délai de réflexion de sept jours, et j’en passe.
Je m’y suis à chaque fois opposé et j’affirme aujourd’hui que, par la proposition de loi que vous nous soumettez, vous vous attaquez profondément à la liberté d’expression dans notre pays.
Votre proposition de loi vise à pénaliser systématiquement les avis ou conseils dès lors qu’ils sont donnés sur un site internet et qu’ils ne sont pas conformes au site officiel du Gouvernement. C’est la pensée unique que vous voulez nous imposer. C’est une atteinte à la liberté d’opinion que nous ne pouvons tolérer.
Oui, madame la ministre, l’avortement est loin d’être un acte anodin. En quoi l’affirmer est-il condamnable ? Nous savons tous ici quelles conséquences psychologiques et physiques peut avoir une interruption volontaire de grossesse pour une femme. En quoi apporter des éléments de solution ou des compléments d’information lorsqu’ils ne sont pas attentatoires à la liberté de la femme serait-il condamnable puisque le site officiel du Gouvernement ne le fait pas ?
Le 26 novembre 1974, Mme Veil prononçait ces mots dans un discours qui restera dans l’histoire de l’Assemblée nationale : « Si le projet qui vous est présenté admet la possibilité d’une interruption volontaire de grossesse, c’est pour la contrôler et, autant que possible, en dissuader la femme. »
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La lutte à mener pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes est difficile, exigeante, laborieuse. La bataille pour que les femmes aient accès à leurs droits fondamentaux l’est encore plus, la teneur de certains propos entendus en cette assemblée depuis ce matin en atteste d’ailleurs gravement.
Nous affrontons aujourd’hui les représentants de la droite et de l’extrême droite main dans la main pour combattre la proposition de loi sur le délit d’entrave à l’IVG, qui n’est motivée que par la seule défense des droits des femmes. Cette proposition de loi vise en effet à faire cesser une pratique insoutenable qui consiste, via internet, à culpabiliser les femmes qui envisagent de recourir à l’IVG et à les dissuader de faire appel à ce droit pourtant obtenu il y a plus de quarante ans.
Ces pratiques trompeuses et malhonnêtes s’appuient sur l’exercice de véritables pressions morales sur les femmes. Il est urgent de reconnaître ces agissements comme des délits. Pourtant, force est de constater que nous assistons à une effrayante remise en cause des droits acquis qui constituent les véritables avancées de notre grande nation.
Nous refusons cette conception passéiste et archaïque de la France, car elle est source d’inégalité et de recul des droits humains fondamentaux. C’est une attaque contre les valeurs d’égalité et de liberté qui sont les piliers inaliénables de notre socle républicain. En ce sens, elle est à l’opposé du projet que nous, à gauche, défendons pour notre pays. En cette période préélectorale, le message adressé par la droite à la France concernant les droits des femmes est ici très clair. Aucune mesure en faveur de l’égalité réelle ne pourrait faire l’objet d’une mobilisation concrète.
Le Gouvernement actuel a, lui, un bilan positif à défendre en la matière. Vous qui êtes les champions de la liberté d’expression depuis ce matin, permettez-moi de m’exprimer à mon tour !
Pour ne parler que de l’accès à l’IVG, depuis 2012, un site officiel d’information a été créé, l’IVG est désormais remboursée à 100 % par l’assurance maladie, on a donné aux sages-femmes la possibilité d’effectuer des IVG médicamenteuses et un plan d’accès à l’avortement est élaboré dans chaque région.
Dans la continuité de nos actions, nous sommes fiers de voter une nouvelle proposition de loi tendant à protéger les droits des femmes. La protection des libertés individuelles fondamentales est une priorité très forte au sein de notre majorité et nous nous battrons sans relâche pour que les droits des femmes soient préservés.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
M. Cavard disait tout à l’heure que l’article unique ne visait que la communication numérique. C’est inexact. Il y est fait état de tout moyen de communication au public, « y compris en diffusant ou en transmettant par voie électronique ou en ligne »… Marisol Touraine a d’ailleurs expliqué sur les médias ces derniers jours que cela concernait tous les moyens de communication écrits ou numériques et Mme Rossignol a l’air de le confirmer. Le champ n’est donc pas limité à la communication numérique.
Avec vous, parfois, on a le sentiment d’avoir le droit de ne pas être d’accord, mais surtout on n’a pas le droit de le dire. Telle est en résumé la synthèse de votre article, voilà ce que vous faites de la liberté d’expression.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Hors sujet !
Je ne vois pas en quoi vous pouvez être aussi fiers d’emprunter cette voie totalitaire.
Il y a deux personnalités que j’aurais rêvé d’accompagner dans cet hémicycle : Simone Veil et Robert Badinter.
Simone Veil, tout le monde s’en réclame depuis ce matin et, pourtant, j’ai le sentiment que, quarante-deux ans plus tard, si nous avions le même débat aujourd’hui, la configuration de l’hémicycle ne serait pas très différente de celle qu’elle était en novembre 1974.
Chaque fois que ce débat revient, c’est toujours la même chose. Ce sont d’ailleurs toujours les mêmes qui sont mobilisés, vous aviez raison, madame la ministre, de le souligner. On voit bien que, dans l’opposition, ne se mobilisent lorsque nous en discutons que ceux qui ont le courage, que je vous reconnais, chers collègues, de leurs opinions, des opinions tranchées sur cette question.
Je ne pense pas que ce soit aujourd’hui l’opinion majoritaire de votre groupe,…
Nous avons beaucoup plus de doutes que vous, c’est toute la différence !
…mais courage fuyons. À chaque fois qu’il est question des droits des femmes et de l’IVG, on ne retrouve personne dans votre camp qui soit capable de défendre une position progressiste.
C’est toujours le camp du recul qui est en séance lorsque nous débattons de problèmes de société.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
J’ai moi aussi reçu quelques mails, et la position qui est la mienne, je l’assume totalement. J’espère que le texte que nous allons voter aujourd’hui permettra à chacun d’assumer ses propos. Quand on fera un numéro trouvé sur un site internet, la personne qui décrochera sera obligée de dire immédiatement qu’elle est contre l’IVG et qu’elle va expliquer pourquoi, ce qui, aujourd’hui, n’est absolument pas le cas.
Les reportages que nous avons entendus ce matin montrent de façon édifiante comment on essaie de faire passer de la tromperie pour de l’empathie, vu la façon dont on donne les informations.
Puisque le Gouvernement n’a pas réussi à faire voter une telle disposition au Sénat, je suis fier d’être le président d’un groupe qui dit que, non, il ne pourra pas y avoir plus longtemps de tromperie dans les informations sur l’interruption volontaire de grossesse données aux femmes par les nouveaux moyens à leur disposition.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
J’ai enfin entendu dire de l’autre côté de l’hémicycle que l’IVG n’était pas un acte anodin. Je vous remercie de nous rejoindre sur ces positions.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Je vous remercie aussi de couper court et de tordre le cou à ceux qui nous affirment que le seul fait de le dire, ce serait être contre l’avortement.
Par ailleurs, madame la ministre, je me suis permis de vous demander combien de mineures avaient recours à l’IVG chaque année, et je ne crois pas avoir entendu de réponse.
Non, vous avez parlé des majeures, si je me souviens bien. Or, cela m’intéresse de connaître le chiffre officiel des mineures.
Vous avez également parlé des numéros verts que l’on est susceptible d’appeler pour avoir des renseignements et des informations sur les IVG. Si je ne m’abuse, le ministère de la santé a son numéro vert : le 0800 08 11 11. J’en fais aussi de la publicité, parce que, depuis ce matin, vous en faites beaucoup pour ces sites que vous condamnez et que vous voulez tout simplement interdire.
Qui répond, quand on appelle ce numéro ? Qu’est-ce qui est dit aux femmes ? Vous nous avez cité un exemple de ce qui est dit, lorsque l’on appelle le numéro vert d’un site dont je ne donnerai pas le nom, parce que ce serait lui faire de la publicité, mais qu’est-ce que le ministère de la santé dit officiellement aux femmes qui veulent être informées avant de prendre leur décision ? Vous avez été très pertinente, madame la ministre, en nous disant que, quand les femmes ont pris leur décision, il ne faut pas les en dissuader. Soit. Mais qu’est-ce qui se passe entre le moment où l’on se pose la question et celui où l’on prend la décision ?
C’est là qu’il faut une information complète et objective, pour reprendre les propos de notre collègue Chapdelaine. Vous voulez interdire des sites, ni plus ni moins. C’est, ni plus ni moins, un délit d’opinion. Vous mettez le doigt dans un engrenage dangereux pour notre pays. C’est une loi liberticide.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 33 .
J’ai longuement exposé, en discussion générale tout à l’heure, les motifs pour lesquels j’étais opposé à cet article unique. Je veux tout de même préciser certains points, puisque vous continuez de reprocher à ces sites de faire de la désinformation. Après avoir parlé sur le fond en discussion générale, je voudrais m’attacher à la forme sur le simple plan du droit. Il y a, dans le droit actuel, tous les outils qui permettent d’agir contre les sites dont vous suspectez qu’ils pratiquent la désinformation. Il y a une jurisprudence constante du droit civil, qui prévoit qu’à partir du moment où une personne, physique ou morale, diffuse une information, elle a la responsabilité d’en vérifier l’exactitude. Il existe à ce sujet une jurisprudence massive en droit social, en droit de la protection sociale ou en droit de l’environnement.
Je ne comprends donc pas, madame la ministre, pourquoi vous n’avez pas attaqué directement ces sites devant la justice. Ce sont les juges qui sont les mieux placés pour savoir si les informations diffusées sont exactes ou non. Il n’est pas besoin de passer par une loi qui restreint la liberté de parler et de diffuser des informations pour obtenir satisfaction sous ce rapport. Je ne comprends pas pourquoi la voie judiciaire, qui est la plus simple, n’a pas été choisie.
Par ailleurs, comme je l’ai dit à la tribune, votre texte est imprécis. Que veut dire « par tout moyen de communication au public » ? Cela signifie-t-il qu’après un passage des animateurs ou des animatrices de ces sites à la radio ou à la télévision, vous attaqueriez le directeur de la rédaction pour obtenir réparation ? Qu’allez-vous faire ? Les laisser parler ? Contrer leur message ? Mettre à l’amende les chaînes de radio et de télévision au nom de votre texte ? Comment allez-vous procéder ? Vous devez expliciter quels sont ces moyens de communication.
Cela veut dire que vous attaquez aussi toute forme de publication écrite, quels que soient son contenu, sa forme et son format. Cette offensive relève non pas de la protection du droit des femmes, contrairement à ce que vous dites, mais de la volonté de restreindre la liberté de parler de ceux qui ne sont pas d’accord avec vous.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 54 .
Il faut vraiment insister sur la volonté qu’a le Gouvernement de restreindre la liberté d’expression. Nous nous sommes focalisés dans les débats, peut-être parce que c’est le plus simple d’un point de vue médiatique, pour l’extérieur, sur un délit d’entrave numérique. Mais, et j’insiste sur cette formulation, l’article unique prévoit un délit « par tout moyen de communication », y compris le numérique. Cela veut dire que nous sommes face à une interdiction générale et absolue,…
…ce qui, en droit, est extrêmement important, puisque cela peut entraîner une nullité, quand le Conseil d’État ou le Conseil constitutionnel est saisi. Il faut avoir en tête ces éléments juridiques. Il n’y a pas de proportionnalité. Cette interdiction générale et absolue constitue bien, selon les articles déjà cités de la Constitution, les articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, une atteinte claire à la liberté d’expression. C’est en réalité un délit d’opinion que vous êtes en train de créer : l’État dit sa vérité, alors qu’il peut y avoir des opinions réellement différentes. Ce n’est vraiment pas à la hauteur des enjeux.
On entend dans cette assemblée, du côté de la majorité, des tentatives de récupération de Mme Veil. Pour y mettre fin, je voudrais simplement citer le discours qu’elle a tenu le 26 novembre 1974 à notre tribune. Dans son intervention, elle rappelait la vocation dissuasive de sa loi : elle voulait dissuader le maximum de femmes d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. C’est la réalité historique ! Elle le disait ainsi : « […] aucune femme ne recourt de gaieté de coeur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes. C’est toujours un drame et cela restera toujours un drame. C’est pourquoi, si le projet qui vous est présenté tient compte de la situation de fait existante, s’il admet la possibilité d’une interruption de grossesse, c’est pour la contrôler et, autant que possible, en dissuader la femme. »
Madame la ministre, quels sont les moyens que le Gouvernement va mettre en oeuvre pour informer les femmes sur les alternatives à l’interruption volontaire de grossesse, de manière à essayer, dans l’esprit de la loi Veil, de dissuader les femmes d’avoir recours à cet acte qui est toujours un drame intime pour chacune ?
La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, pour soutenir l’amendement no 81 .
De la même manière, je pense qu’il est intéressant non pas de s’en tenir à l’icône de Simone Veil, qui est beaucoup utilisée et dont beaucoup se revendiquent et surinterprètent les positions, mais de revenir au texte. Trois extraits de son discours me semblent particulièrement intéressants. Le premier vient d’être cité : « […] si le projet qui vous est présenté tient compte de la situation de fait existante, s’il admet la possibilité d’une interruption de grossesse, c’est pour la contrôler et, autant que possible, en dissuader la femme. »
Le deuxième est celui-ci : « […] l’interruption de grossesse ne peut être que précoce, parce que ses risques physiques et psychiques, qui ne sont jamais nuls, deviennent trop sérieux après la fin de la dixième semaine […] ».
Enfin, troisième extrait : « Je n’ignore pas l’action de ceux qui, profondément conscients de leurs responsabilités, font tout ce qui est à leur portée pour permettre à ces femmes d’assumer leur maternité. Nous aiderons leur entreprise ; nous ferons appel à eux pour nous aider à assurer les consultations sociales prévues par la loi. » Tel était donc précisément l’esprit de Simone Veil, que vous avez trahi dans ce texte et dans les très nombreuses réformes menées sur ce sujet.
Tout d’abord, pour vous, l’IVG n’est plus une loi d’exception, puisqu’il ne faut surtout pas chercher à dissuader la femme d’y recourir – et vous l’assumez parfaitement. Deuxième trahison, vous niez l’information sur les conséquences ou sur le fait même qu’il y ait des conséquences physiques et psychiques suite à une IVG. J’en veux de nouveau pour preuve le témoignage du médecin que vous mettez en avant sur le site du Gouvernement, qui explique qu’il n’y a aucune conséquence psychique suite à un avortement. Quant à la troisième trahison, c’est de faire taire toutes les associations qui cherchent à accompagner ou à conseiller les femmes qui souhaiteraient garder leurs enfants, par la censure du juge qui pourra définir ce qui est juste ou ce qui est faux sur le plan médical, ce qui apparaît absolument délirant.
La parole est à Mme Catherine Coutelle, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements.
Je vais essayer de répondre globalement aux orateurs, puisque je n’ai pas pris la parole après la discussion générale. S’agissant des amendements de suppression, vous parlez souvent du risque de troubles psychiques après une IVG. Ces troubles sont présentés, sur les sites dont nous parlons, comme une conséquence très grave des IVG. Or, une étude très sérieuse de l’INSERM, menée par le docteur Laurence Esterle, qui vient d’analyser toutes les études scientifiques, conclut que celles-ci prêtent pour la plupart à caution et ne sont pas sérieuses, car les échantillons ne sont pas nombreux et certains des scientifiques ont des positions pro-life, qui les rendent également sujets à caution.
Laurence Esterle termine son étude ainsi : « Nos conclusions rejoignent celles de l’analyse du RCP […] : Aucune preuve tangible ne permet d’affirmer actuellement que l’IVG peut être à l’origine d’une augmentation de la fréquence de troubles mentaux ; […] Aucune preuve tangible n’existe actuellement pour penser que les femmes qui interrompent une grossesse non désirée présentent plus de troubles mentaux que celles qui l’ont menée à terme. » Aucune étude scientifique ne peut donc servir vos thèses !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Je le dis aux différents orateurs, je le redis et le redirai autant de fois qu’il sera nécessaire : notre texte n’est pas un délit d’entrave à la liberté d’expression !
Je le dis dans cet hémicycle et au-delà de ces murs : il n’est pas un délit d’entrave à la liberté d’expression ! Nous ne créons aucun délit nouveau. Le délit d’entrave existe. Il est dans le code pénal aujourd’hui, et il n’y a eu aucun recours au Conseil constitutionnel.
Nous ajoutons une nouvelle précision à ce délit qui existe depuis vingt ans, après celle de 2014, relative à l’information. Aujourd’hui, c’est de l’entrave que nous parlons, pas de la liberté d’information, ni de la liberté d’opinion ! Toutes les opinions peuvent se dire et être sur internet, où chacun peut dire ce qu’il a envie de dire.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains
Nous ajoutons une précision relative à cette information trompeuse, faussée, qui se trouve sur internet. Je le redis : les sites ne seront pas fermés !
On ne leur demandera même pas, je le précise pour lever une ambiguïté, de dévoiler leur vérité ou de signaler leur combat politique. En revanche, comme ils se masquent, comme ils donnent de fausses informations, ils pourront être attaqués par les associations prévues dans le code de la santé publique…
…et par les personnes qui auront été victimes de cette entrave et qui n’auront pas pu subir une IVG au moment où elles le demandaient, parce qu’on leur aura fait dépasser les délais, qu’on leur aura donné une mauvaise information, qu’on aura fait pression sur elles ou qu’on les aura harcelées, au téléphone ou par sms, par exemple, pour qu’elles y renoncent. Les victimes de cette entrave pourront aller devant la justice demander réparation. Mais ces sites ne seront pas fermés ! Cessez donc de le répéter en boucle ! C’est faux ! Je ne peux pas être plus claire.
Aujourd’hui, nous ajoutons une nouvelle précision, puisque les jeunes en particulier, mais pas seulement, s’informent sur la santé sur internet.
Ne dites pas le contraire ! N’offrir aux femmes que des témoignages de traumatismes et de détresse, que des informations négatives, leur demander d’annuler leur rendez-vous chez le gynécologue, leur dire, par téléphone ou sur des sites, qu’elles commettent une grave erreur, qu’elles en souffriront toute leur vie, qu’elles seront stériles, que leur compagnon les quittera, qu’elles ne pourront plus avoir d’enfants, qu’elles auront forcément des troubles psychologiques – vous venez de nous le dire –, tout cela constitue des entraves parce qu’il s’agit de fausses informations.
C’est ce que l’on trouve sur ces sites. Quarante ans après la loi Veil, nous en sommes encore à en parler ! Je vous rappelle que cette loi n’est pas sortie de rien, mais de combats de féministes qui ont eu énormément de mal à faire reconnaître ce droit, y compris contre votre majorité de l’époque, et à ne pas laisser ces pratiques clandestines, parce qu’elles les payaient de leur vie. Cela a été un long combat, y compris pour Simone Veil, qui s’était sentie bien seule ; vous pouvez reprendre ses propos. La presse me demande aujourd’hui si je suis étonnée de vos réactions ; je dois dire que oui, elles me laissent absolument sidérée lorsque je vois que quarante ans après, on débat dans cet hémicycle de la même chose. On en a débattu lorsqu’on a mis fin à la notion de détresse : pourquoi une femme devrait-elle manifester de la détresse pour pouvoir avorter ? On en a débattu à propos du délai de réflexion : bien sûr qu’on laisse les femmes réfléchir, mais il n’était pas utile de mentionner ce délai dans la loi. Certains d’entre vous étaient prêts à supprimer le remboursement de l’IVG.
Face à ces reculs omniprésents, face à ces sites qui font de la désinformation, nous ne faisons qu’une chose : étendre et généraliser le délit d’entrave.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Je voudrais revenir sur quelques points, et avant tout la question de savoir si l’IVG est ou non anodine. Personne n’a jamais dit qu’elle l’était, et il est même désagréable de devoir s’expliquer…
…de devoir se justifier sur le fait que dans cette assemblée, personne ne pense que l’IVG serait, par principe, une intervention anodine.
En revanche, je pense que les femmes sont diverses, qu’elles n’ont pas toutes la même histoire, qu’elles ne font pas toutes des IVG pour les mêmes raisons, ni au même moment de leur vie. Selon les femmes, leur histoire, les raisons pour lesquelles elles y ont recours, leur vie amoureuse au moment de l’événement, l’IVG peut être plus ou moins douloureuse. Il n’y a pas d’assignation au traumatisme !
C’est cela que je conteste, madame Le Callennec : cette espèce d’assignation systématique, pour les femmes, à devoir être traumatisées par l’IVG, à défaut de quoi elles devraient se poser des questions sur leur humanité !
Eh bien, non ! Cela ne se passe pas ainsi, et c’est pourquoi je combats ce discours qui consiste à dire aux femmes qui veulent pratiquer une IVG qu’elles seront traumatisées.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Ces sites leur affirment : vous ferez des cauchemars toute votre vie, vous serez traumatisée, vos enfants seront traumatisés, votre famille sera traumatisée, et pour celles qui auront échappé à la stérilité inéluctablement programmée après une IVG – je l’ai lu ! –, les enfants qui naîtront après seront, eux aussi, traumatisés par ce secret de famille que constituera l’IVG de leur mère.
C’est avec cela que je ne suis pas d’accord, et c’est ce que je ne veux pas voir dit aux femmes car je veux que chaque femme puisse vivre elle-même les choses en pleine responsabilité, sans être assignée, comme vous le faites, à une obligation de traumatisme.
S’agissant de l’aspect juridique, vous parlez de cet article comme si vous craigniez que demain, tous ceux qui sont hostiles à l’IVG – ils existent, ils s’expriment beaucoup, ils manifestent – ne pourraient plus le faire. Mais lisez bien l’article : il ne suffit pas d’être hostile à l’IVG ; il faut diffuser « des allégations, indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d’une IVG ». Pour être plus claire, vous pourrez continuer de dire que pour vous, l’IVG est un crime et un drame, et que la vie commence au moment où le spermatozoïde rencontre l’ovule ; vous n’entrerez pas dans le champ de l’incrimination, parce qu’il faudra cumuler l’ensemble des critères mentionnés dans la loi, à savoir des allégations fausses, une intention, la volonté de tromper les femmes pour les dissuader de recourir à une IVG. Croyez-moi, les juges sont capables d’examiner ces quatre conditions et de prononcer des peines si elles sont toutes réunies. Cela n’entame en rien ni la liberté d’opinion, ni celle d’expression. C’est pourquoi je donne un avis défavorable à ces amendements de suppression.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
J’entends ce que vous dites, madame la ministre, mais ceux qui sont réfractaires, critiques ou dubitatifs à l’égard du message que vous propagez à propos de l’avortement pourront, pour les mêmes raisons, attaquer les sites du Gouvernement. En effet, vu la gravité du sujet qui nous occupe aujourd’hui – car nous parlons bien de choses graves, vous l’avez vous-même reconnu –, n’importe qui pourra reprocher aux sites d’information officiels de ne pas donner une information complète et claire.
Par ailleurs, je maintiens que dans certains cas, malgré le caractère cumulatif des conditions que vous alléguez en vous référant à l’article unique de cette proposition de loi, toute position critique, qui ne rejoindrait pas votre vision des choses, sera susceptible d’être punie par le juge. Et cela concernera les positions exprimées sur n’importe quel support, soit tous les moyens d’expression sans exception – les moyens médiatiques traditionnels, mais aussi, monsieur Cavard, les moyens numériques.
Vous affirmez, madame la rapporteure, ne pas créer de délit supplémentaire ; dans ce cas, pourquoi faire une loi ? Ensuite, l’entrave revêt en droit un sens tout à fait particulier : il s’agit du fait de s’opposer physiquement à quelqu’un qui souhaite bénéficier d’un droit.
Ce n’est pas vrai ! Le délit d’entrave syndicale n’a rien de physique !
Je suis désolé de devoir vous l’expliquer, madame la ministre, mais le délit d’entrave syndicale renvoie soit à l’empêchement de réunir les instances du personnel, soit au fait de ne pas diffuser les informations. C’est donc une manière physique d’empêcher l’accomplissement d’un droit pour une personne. La fausse information n’est pas un délit en droit français, pas plus que la désinformation – sauf en cas d’usage de faux. Vous êtes donc en train d’inventer quelque chose qui n’existe pas.
Certes, vous n’inventez probablement pas un délit supplémentaire, mais vous êtes en train d’introduire une novation juridique extrêmement hasardeuse, qui nous emmène beaucoup plus loin que vous ne l’imaginez.
Il est procédé au scrutin.
La parole est à Mme Catherine Coutelle, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 36 .
Cet amendement vise à sécuriser le régime du délit d’entrave, puisque vous ne cessez de nous le demander afin d’y revenir chaque fois qu’il migre. On voudrait ne pas y revenir. Depuis les lois Neiertz de 1993, ce délit est caractérisé soit lorsque l’accès aux établissements est perturbé avant que la femme ne s’y rende – il s’agit là, en effet, d’une entrave physique –, soit lorsqu’il est exercé une pression psychologique et morale au moment où la femme se rend dans l’établissement. Dans ce deuxième cas, l’entrave n’est pas physique, mais psychologique ou morale ; c’est donc bien déjà dans la loi, monsieur Poisson !
Contrairement à ce qui a été dit, la présente proposition de loi ne définit pas un nouveau délit d’entrave électronique ; elle précise simplement que quel que soit le moyen, même s’il est électronique, perturber l’accès aux établissements ou exercer des pressions psychologiques sur une personne constitue bien un délit. Pour cela, l’amendement fait remonter la précision sur les moyens, qu’apporte la proposition de loi, au premier alinéa de l’article L.2223-2 du code de la santé publique, afin d’englober non seulement la pression psychologique et morale, et la perturbation de l’accès à un établissement de santé, mais aussi le fait de donner des informations fausses sur les horaires, la fermeture d’un établissement ou toute autre manière de dissuader les femmes de prendre un rendez-vous.
L’amendement no 36 est adopté.
L’expression « interdire par tout moyen » est conforme à l’autoritarisme le plus absolu. Votre gouvernement recourt là à la censure, comme tous les totalitarismes le font toujours. N’a-t-on plus le droit de penser et d’exprimer sa pensée, surtout lorsqu’elle est fondée sur des faits avérés ? Vous êtes en train de nous enlever le droit d’évoquer toutes les facettes d’une réalité. Vous défendez un droit, et à ce titre la volonté de le faire connaître ; pour ma part, je réclame d’avoir encore le droit d’évoquer l’autre facette de la réalité, celle des dangers de l’IVG. Est-ce si scandaleux ? Lorsque le droit contredit la nature, il me semble légitime de pouvoir informer les femmes sur les risques encourus ! Laissez aux femmes la possibilité de choisir ! Or pour choisir, il faut avoir le choix. Cela implique de pouvoir entendre différents points de vue objectifs. L’association Choisir la vie risquerait, avec votre loi, deux ans de prison pour permettre aux femmes de discuter avec des psychologues. Voilà où nous allons !
L’amendement no 4 n’est pas adopté.
Je propose de supprimer la mention « par tout moyen de communication au public, y compris en diffusant ou en transmettant par voie électronique ou en ligne, des », car le recours aux moyens de communication au public par voie électronique implique que des messages puissent être réceptionnés dans les boîtes de courrier électronique des personnes. Or si une telle intrusion dans la vie privée est acceptée pour le Planning familial, pourquoi d’autres institutions ou groupements avertissant des risques de l’avortement devraient-ils subir un traitement différent ? La gauche irait-elle à l’encontre de la liberté d’expression, qu’elle défend par ailleurs, paraît-il, avec tant de passion ?
Vous remarquerez mon effort de neutralité lorsque je parle des risques de l’avortement. En réalité, ce ne sont pas des risques, mais des faits. Outre les risques de dépression, une étude de l’hôpital universitaire d’oncologie de Tianjin en Chine révèle que le risque de développer une tumeur du sein est quarante-quatre fois plus important après un avortement. Les femmes le savent-elles, ou bien cette information est-elle censurée ? Quand sur le site internet du Gouvernement vous parlez de « fragments de grossesse », c’est vous qui insultez la vie.
L’amendement no 6 n’est pas adopté.
Je demande ici que tous les sites subissent le même traitement, que les informations prosélytes, non argumentées, puissent être sanctionnées de la même façon quel que soit le point de vue défendu. Or le fait d’énoncer simplement le droit à l’avortement ne traduit pas, en soi, une argumentation. Cette dernière doit répondre à la question « pourquoi » : pourquoi recourir à l’avortement, pourquoi ne pas y recourir ? Le Planning familial explique comment le faire, mais non pourquoi ; il devrait donc être sanctionné. Les différents canaux de communication qui participent à une politique de prévention argumentée de l’avortement ne font qu’honorer la dignité de la femme, puisqu’ils honorent la liberté de conscience de toutes les femmes, de toutes les mères. Au lieu d’être regardés avec suspicion, ils devraient être remerciés. D’ailleurs, de Charlie Hebdo à la Conférence des évêques de France, toute la société civile s’indigne de votre totalitarisme.
L’amendement no 5 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Catherine Coutelle, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 37 .
Il s’agit d’un amendement de précision, comme l’amendement no 36 que j’ai présenté tout à l’heure. Puisque cette proposition de loi englobe désormais l’ensemble du délit d’entrave, nous proposons de remplacer l’expression « par tout moyen de communication au public » par la formule « par tout moyen ».
Il s’agit là d’un amendement déposé en votre nom propre, non d’un amendement de la commission. Je dois donc, formellement, vous demander l’avis de la commission sur cet amendement.
La commission a examiné cet amendement selon la procédure prévue à l’article 88 du règlement de notre assemblée, et a donné un avis favorable.
L’amendement no 37 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Le fait d’interdire de transmettre des informations relatives aux risques de l’avortement revient à brimer la liberté d’expression de toute personne sensible à la protection de la vie. Il est intéressant de noter que le Gouvernement trouve légitime de promouvoir l’avortement au nom de la liberté de la femme, de son « émancipation », pour reprendre le terme consacré par la gauche. En revanche, l’émancipation qui permettrait à la femme de résister au matraquage de la pensée unique que le Gouvernement véhicule est considérée comme mauvaise, au point d’être toujours plus restreinte.
C’est regrettable : vous considérez si peu la femme…
…que vous orientez son émancipation. Vous prônez l’émancipation : assumez-la ! Laissez les femmes libres de s’informer et de transmettre leurs informations.
Mme la présidente de la commission des affaires sociales a dit devant nous que les enfants non désirés devaient être suivis psychologiquement. Vous êtes dans la ligne des heures les plus sombres de notre histoire !
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Pardonnez-moi d’avoir l’esprit de l’escalier : j’ai été pris, tout à l’heure, par la vitesse du débat, et je voudrais à présent demander une précision à Mme le rapporteur. Par l’amendement no 37 , vous avez supprimé la mention « de communication au public » après les mots « par tout moyen ». Entendez-vous par là faire entrer les conversations privées dans le champ de cette proposition de loi ?
Non, monsieur Poisson, cela vise les entraves physiques. Dans sa rédaction actuelle, le début de l’article L. 2223-2 du code de la santé publique est ainsi rédigé : « Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur une interruption de grossesse ou les actes préalables prévus par les articles L. 2212-3 à L. 2212-8 »
Cette proposition de loi vise à compléter cette phrase par une mention spécifique. Cette mention a été modifiée par l’amendement no 37 . Elle est désormais rédigée en ces termes : « par tout moyen, y compris en diffusant ou en transmettant par voie électronique ou en ligne, des allégations, indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d’une interruption volontaire de grossesse. »
Suivent, dans la rédaction actuelle du code de la santé publique, deux alinéas que nous ne modifions pas. Le premier commence ainsi : « soit en perturbant de quelque manière que ce soit l’accès aux établissements… » ; le second débute par ces mots : « soit en exerçant des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d’intimidation… »
Puisque cet article concerne aussi les entraves physiques, nous avons modifié la rédaction de cette proposition de loi afin de viser tous les moyens, et pas seulement les moyens de communication. Je précise que la mention des « pressions morales et psychologiques » figure dans la loi depuis longtemps.
L’amendement no 7 n’est pas adopté.
Trop souvent accusé d’être un fauteur de troubles, j’ai presque envie d’aller dans votre sens lorsque vous voulez sanctionner les allégations. Cependant ce terme peut prêter à confusion : selon les définitions, il renvoie à « une affirmation étayée ou non » ou encore une « affirmation considérée comme mal fondée ou mensongère ». Je demande donc la suppression de ce mot.
S’il était maintenu, il risquerait d’entraîner la sanction d’informations objectives et argumentées. Or j’imagine que vous ne voulez pas aller jusque-là ! En effet, ne pas faire part d’une information qui pourrait protéger l’intégrité physique et mentale des femmes irait a priori à l’encontre de l’attention toute particulière que vous prétendez porter à ces dernières.
Légiférer sur des allégations, c’est revenir à la loi des suspects !
Je suis, moi aussi, favorable à la suppression du terme « allégations », qui est très imprécis. Vous avez du mal à nous convaincre de la réalité des entraves au libre exercice, par les femmes, de leur droit de recourir à une interruption volontaire de grossesse. C’est le coeur du problème : où avez-vous vu que la liberté des femmes était entravée ? Il y a environ 220 000 IVG par an en France ; seulement 100 000 en Allemagne. Le taux est de quatorze pour mille en France, sept pour mille en Allemagne.
Il n’y a donc pas, en réalité, d’entrave à la liberté des femmes de recourir à une IVG. Votre proposition de loi est sans fondement, sans objet.
Le mot « allégation » désigne une affirmation ou une assertion considérée comme mal fondée ou mensongère. Chacun est libre de ses allégations. En revanche, lorsqu’une allégation est présentée comme une vérité scientifique, et surtout quand elle est utilisée pour harceler ou manipuler, elle doit être punissable. C’est ce que nous voulons faire. L’avis de la commission est donc défavorable.
Le mot « allégation » figure dans de nombreux codes, et jamais la Cour de cassation n’y a trouvé à redire. Il n’y a donc pas d’inquiétude juridique à avoir quant à l’usage de ce terme. Avis défavorable.
Les termes employés par la loi doivent être précis. Dans le cas contraire, ils seraient interprétés trop largement, ce qui conduirait à les dénaturer – ce que vous ne voulez certainement pas ! Aussi je recommande de qualifier les « indications » que vous voulez combattre, en y adjoignant les mots « non objectives ». De la sorte, le champ de votre loi serait restreint aux indications qui ne sont pas objectives.
Il est acquis que nous sommes dans un système de désinformation. Sans la précision que je propose, nous irions encore plus loin : nous entrerions dans un système de censure digne d’un régime totalitaire. Vous qui voulez briser les chaînes des femmes, vous devriez faire attention à ne pas enchaîner celles que vous dites protéger – à moins que ce soit des dangers de la vérité que vous vouliez les protéger ? Je vous enjoins donc de ne pas commettre de crime historique : n’enchaînez pas la France à la prohibition de la défense de la vie !
L’amendement no 9 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 56 rectifié .
L’amendement le plus important était celui qui visait à supprimer l’article unique, à cause de son caractère général et absolu. À défaut d’avoir obtenu gain de cause – nous avons bien senti l’unité de la majorité sur ce point –, j’ai présenté cet amendement qu’on pourrait qualifier de repli. Il est rédactionnel : il vise à remplacer certains termes par d’autres afin de garantir une information complète et qui ne porte pas atteinte à la liberté d’expression – ce que le texte ne permet pas en l’état.
Je vous fais remarquer que la rédaction actuelle de la proposition de loi est infiniment plus exigeante, et donc plus protectrice, que la rédaction que vous proposez. Avis défavorable, au nom de la protection de la liberté d’opinion et d’expression.
Il y a quand même un problème avec les mots « de nature à induire intentionnellement en erreur ». Que signifient les mots « en erreur » ? Je vous disais, madame la ministre, que lorsque l’on consulte le site officiel du ministère de la santé, on y lit que « la majorité des études scientifiques sérieuses qui ont été publiées montrent qu’il n’y a pas de séquelles ». Tout à l’heure, madame la rapporteure, vous vous êtes référée à une scientifique qui a exposé une opinion qui va dans le même sens.
Nous pourrions aussi citer en exemple des scientifiques qui disent exactement l’inverse !
Juste une remarque. Depuis que j’ai dit cela, il semblerait que le lien redirigeant vers ces fameuses études scientifiques prouvant qu’il n’y a pas de séquelles est devenu inaccessible.
Je ne peux pas vous laisser dire que je vous ai livré une « opinion » scientifique. Vous pourrez consulter l’étude en question : elle est disponible facilement sur internet.
Elle a été réalisée par Mme Laurence Esterle, directrice de recherche à l’INSERM. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une étude, mais d’une synthèse des études publiées dans des revues scientifiques. Elle analyse toute la littérature scientifique parue sur un sujet particulier : le traumatisme post-IVG. Pour cela, elle a passé au crible les résultats, la méthode, la validité de l’échantillon, etc.
Elle aboutit au résultat suivant : on ne peut conclure de toutes ces études qu’il y a un tel traumatisme. Aucune étude scientifiquement valable ne le prouve. Voilà ce que j’ai dit.
Madame le rapporteur, vous nous dites que les cohortes étudiées dans les articles recensés par la méta-analyse que vous citez n’étaient pas suffisantes pour trancher, pour aboutir à une conclusion. Mais la réciproque est vraie : si l’on ne peut trancher dans un sens, on ne peut trancher dans l’autre. Personne ne peut trancher !
Souvent, dans l’esprit humain, les troubles apparaissent à distance, après l’événement qui les cause : on le voit avec ce que l’on appelait autrefois la « névrose de guerre », que l’on nomme aujourd’hui PTSD – post-traumatic stress disorder, en français : trouble de stress post-traumatique. Vous niez la possibilité que des troubles apparaissent à distance.
Le site officiel du ministère de la santé explique qu’il n’y a pas de troubles après l’IVG : selon les conclusions mêmes de la méta-analyse que vous avez citée, cette affirmation aussi est erronée.
L’amendement no 56 rectifié n’est pas adopté.
La recherche de la vérité est un vaste programme, surtout en politique. La vérité, l’erreur… Qui peut définir ce qui est la vérité et ce qui est le mensonge ? Sont-ils des réalités ?
Personnellement, je ne crois pas qu’il soit légitime que le pouvoir de l’Assemblée nationale s’étende jusque-là. Au contraire, il me semble que le législateur serait imprudent de parler d’erreur, car cela oriente volontairement ab initio la pensée des personnes. C’est contraire à l’éthique d’un gouvernement qui se fait le porte-parole de la pensée libre.
C’est pourquoi il me semble plus opportun de parler d’indications de nature à « dissimuler une information ». La dissimulation d’informations est objective ; sa sanction l’est tout autant. Elle pourrait frapper tout autant des sites internet en faveur de l’avortement que ceux qui visent à en prévenir les méfaits : il y a donc égalité. Vous devez sortir même de la neutralité pour en revenir à ce constat : l’avortement est un drame ; nous devrions tous chercher à le prévenir.
L’amendement no 10 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Madame la ministre, vous avez parlé de désinformation. C’est une technique qui consiste à inonder les cibles de fausses informations. Beaucoup de gouvernements l’utilisent, et c’est répercuté dans tous les médias. Une très forte désinformation règne aujourd’hui quant à ce qui se passe dans une partie de l’Europe.
On peut même dire que le texte que votre majorité a adopté ce matin, et qui consiste en une extension de l’OTAN, est fondé sur une relative désinformation américaine.
Je ne suis pas sûre que cette proposition de loi ait grand-chose à voir avec le Monténégro !
Vous voulez, par cette proposition de loi, châtier uniquement la désinformation qui cherche à dissuader. Nous proposons, par cet amendement, de supprimer les mots « dans un but dissuasif », qui sont redondants. Il s’agit donc d’une simplification de votre texte, madame la ministre.
Ce n’est pas le texte de Mme la ministre, c’est une proposition de loi de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 55 .
C’est un amendement de repli. J’aimerais bien qu’en France, on fasse comme en Allemagne ou en Italie : une véritable politique d’alternative, une politique de l’accueil de l’enfant,…
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
…ce qui permettrait réellement de faire baisser les chiffres de l’avortement. Cela aurait pu être le sujet d’un vrai débat, plus stimulant que celui-ci. Je crois que nous ne pouvons pas nous satisfaire des données statistiques annuelles, selon lesquelles le nombre d’IVG reste à peu près le même, entre 200 000 et 220 000, alors que d’autres pays ont su faire diminuer ce chiffre de 50 % en quelques années, grâce à une volonté politique très claire de laisser le choix aux familles.
Mais est-ce un vrai choix, librement éclairé, quand aucun moyen n’est mis à la disposition de la femme, quand le discours est à sens unique et que la femme qui décide de garder son enfant se retrouve, d’une certaine manière, stigmatisée ?
Monsieur Gosselin, je ne peux pas vous laisser dire que nous n’avons pas de politique familiale en France, alors que les études européennes montrent que nous menons au contraire la meilleure de toute l’Europe.
Voulez-vous vraiment oser la comparaison avec l’Allemagne ? Je vais vous le dire franchement : je ne voudrais pas être une femme allemande ! Si c’est ce modèle que vous voulez pour la France, je m’en passe bien volontiers !
Vous regardez par le petit bout de la lorgnette ! Vous avez très bien compris ce que je voulais dire !
Vous venez de nous expliquer qu’il n’y a pas de politique familiale en France, et que c’est pour cela que les femmes avortent !
Vous venez de dire que c’est parce qu’il n’y a pas de politique familiale en France que le nombre d’avortements ne baisse pas. C’est bien ce que j’ai entendu, n’est-ce pas ?
Par ailleurs, vous oubliez un chiffre que nous connaissons tous : 40 % des femmes qui pratiquent un avortement sont sous contraceptif. Cela signifie que la contraception a échoué chez ces femmes qui se trouvaient à un moment de leur vie où elles ne souhaitaient pas avoir d’enfant, pour une raison que nous n’avons pas à juger.
Je suis d’accord, mais la question n’est pas là, et je ne porte aucun jugement.
Si ces femmes consultent les sites en question, elles liront des informations fausses et destinées à les dissuader. Nous en revenons à notre débat : il s’agit d’un délit d’entrave.
Dites-moi pourquoi les résultats sont différents en Allemagne et en Italie ! Parce qu’ils traitent le problème différemment.
Monsieur Gosselin, j’essaie de comprendre ce que vous essayez de nous dire sans y parvenir. Vous prétendez qu’en France, le nombre de femmes recourant à l’IVG serait supérieur à celui des autres pays – où le taux de natalité est bien inférieur au nôtre, ne l’oubliez pas….
…. parce que nous n’aurions pas la politique de l’accueil de l’enfant que mènent l’Allemagne et l’Italie et que nous stigmatiserions les femmes qui gardent leur enfant. Je vais essayer de démêler cet écheveau pour vous répondre sérieusement.
Il se trouve que je connais bien mes homologues allemande, espagnole et italienne car, voyez-vous, le ministre des familles en France a une fonction annexe à dimension internationale, et remplit en quelque sorte le rôle de consultant auprès des autres pays européens, qui se demandent comment nous parvenons à obtenir le taux de natalité le plus élevé d’Europe.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
« Quelle est votre politique familiale ? Comment faites-vous ? » Voilà les questions que l’on me pose.
Je crois avoir entendu l’un d’entre vous répondre que c’était à cause de l’immigration !
Il suffit de nous comparer à l’Allemagne ou à l’Italie pour comprendre que ce n’est pas la bonne réponse : ces pays accueillent aussi des migrants dont les enfants sont pris en compte dans le calcul du taux de natalité. Ce n’est pas le bon argument…
…et je ne discuterai pas du fond. Tenons-nous en à des sujets sérieux.
Quelle est donc cette politique de l’accueil qui nous ferait défaut ? Nous menons la politique familiale la plus généreuse de toute l’Europe. Une prime de naissance de 900 euros est versée à chaque naissance, dès le premier enfant, et quel que soit le nombre d’enfants. Nous versons des allocations familiales, nous construisons des crèches, bref, nous avons tout ce que les autres pays européens nous envient !
Vous citez des pays européens dont le taux de natalité est inférieur au nôtre. J’ai eu cette discussion avec mon homologue polonaise en juin. Je lui ai expliqué que nous avions un taux de natalité bien supérieur aux autres pays, en particulier la Pologne qui s’inquiète et se demande comment nous faisons, alors que nous avons, contrairement à la Pologne, garanti aux femmes un droit à l’IVG. Qu’entendez-vous donc par la politique de l’accueil de l’enfant ? Ce n’est pas la politique familiale que vous visez, je pense. À quoi pensez-vous au juste ? Une femme qui hésite à garder son enfant devrait-elle se rendre à sa caisse d’allocations familiales pour savoir ce qui peut lui être proposé ? Et la CAF de lui présenter la liste des prestations auxquelles elle aurait droit ? Quelle autre réponse pourrait-elle lui apporter ? J’aimerais que vous me précisiez ce que vous entendez par politique de l’accueil de l’enfant, au-delà de celle qui est menée au sein de chaque famille, et indépendamment des questions qu’a pu soulever chez ces femmes, dans ces familles, l’arrivée d’un enfant.
Mon avis est défavorable pour une autre raison encore : vous proposez de supprimer les termes « dans un but dissuasif » ! Et ce serait nous, le Gouvernement, la commission, qui serions les liberticides ? Mais si nous supprimions ces termes, le simple fait d’émettre une opinion sur l’IVG pourrait être poursuivi ! Or, je ne souhaite pas empêcher les personnes hostiles à l’IVG de s’exprimer, je veux simplement qu’elles cessent d’avancer des allégations mensongères dans un but dissuasif. Cette formule que vous souhaitez enlever est au contraire indispensable à la constitutionnalité de l’article. Vous le savez d’ailleurs fort bien, et c’est très certainement pour cette raison que vous souhaitez l’enlever, ce qui prouve que vous poursuivez un autre objectif que l’intérêt des femmes ou la légalité.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Depuis tout à l’heure, vous nous expliquez qu’il faut réunir des conditions cumulatives très restrictives pour que le juge censure.
Parmi ces conditions figure le caractère mensonger des informations. Parallèlement, vous revendiquez la neutralité de la politique gouvernementale, qui s’en tiendrait à des informations objectives afin de ne pas orienter les mères qui hésitent à garder leur enfant dans un sens ou un autre. Puisque telle est soi-disant votre position, ce qui n’est bien évidemment pas le cas, en particulier sur le site du Gouvernement, pourquoi vous refusez-vous à exclure de ce texte les informations mensongères, mais qui seraient de nature incitative ? Objectivement, vous n’avez pas apporté de réponse à cette question.
Au fond, le débat qui sépare les tenants du droit à l’IVG des autres en cache un autre, qui nous amène sur le terrain des libertés publiques. À ce titre, je voudrais interpeller un certain nombre de mes collègues, car la question dépasse largement le cadre de l’IVG. Je pense en particulier à la réflexion que nous avons menée autour du prosélytisme en ligne en faveur d’une religion radicale. Nous savons les limites que nous imposent le droit et la liberté d’expression. Vous connaissez ce débat, et les grands défenseurs des libertés que vous êtes furent même les premiers à aller beaucoup plus loin que nous, qui ne faisons aujourd’hui que poser le cadre d’un délit. Et encore, nous laissons libre le débat sur le fond, comme l’ont rappelé la ministre et la rapporteure. Simplement, sous certaines conditions, un délit pourra être constitué.
Par ailleurs, qui dit « délit » dit « droit de la défense » : le délit n’est constitué qu’à certaines conditions, dont il faut apporter la preuve, et on a le droit d’organiser sa défense. C’est pourquoi j’invite tous ceux qui prônent souvent des positions beaucoup plus absolues à réfléchir et à faire preuve d’honnêteté, car ils seraient prompts à vouloir supprimer des sites, voire enfermer leurs créateurs, pour le seul fait d’avoir émis leur opinion sur des sujets sensibles – appelons un chat, un chat : je pense à l’islam radical. Je ne parle pas de faits, mais bien d’opinions.
Et en l’espèce, comme par enchantement, la liberté reprend le dessus et on a le droit de tout dire ! Je vous invite à réfléchir à cette dichotomie, car ce texte laisse libre le débat d’opinion autour de l’IVG tout en confiant à la justice le soin de sanctionner des excès.
Madame la rapporteure, vous avez très bien compris dans quel cadre j’évoquais la politique familiale ! Ce n’est pas tant la politique familiale générale qui est en cause que celle dont nous parlons plus spécifiquement aujourd’hui. Avant d’y revenir, je voudrais dire quelques mots de cette politique familiale. Depuis quelques années, elle est réellement massacrée et, comme par hasard, le taux de natalité baisse en France !
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Le lien de cause à effet est évident : à chaque fois que la politique familiale est abîmée, le taux de natalité s’en ressent.
Ceci étant, mon propos était clairement d’établir la relation entre le recours à l’IVG et des critères économiques qui ne permettraient pas d’accueillir l’enfant. Un sondage IFOP n’a-t-il pas révélé que 47 % des femmes ayant interrompu leur grossesse l’ont fait pour des raisons économiques ?
Cela prouve bien que, s’il y avait des aides, une information particulière, une prise en compte particulière d’un certain nombre de femmes qui souhaitent avorter, la décision finale serait sans doute différente dans 47 % des cas. Quand bien même on tomberait à 10 % ou 12 %, peu importe, cela signifie que mes propos sont vrais et incontestables.
Le problème que soulevait l’orateur socialiste est très intéressant. En effet, il n’y aurait pas de débat si nous offrions aux femmes l’ensemble des alternatives, et si l’information était objective. Or, celle que délivre l’État aujourd’hui ne l’est pas : elle ne montre qu’une facette du problème.
Par ailleurs, l’État doit normalement se soucier non pas d’apporter une solution au dernier moment, mais de promouvoir un traitement de fond. Les femmes attendent qu’on les soutienne quand elles ont des problèmes, non pas en les aidant à se débarrasser de leur enfant mais en leur permettant de l’accueillir. Tout le débat est là ! Vous voulez évacuer le problème en les faisant avorter, alors que nous préférons qu’elles enrichissent la nation en accueillant les enfants dans de bonnes conditions. Ce sont deux positions radicalement opposées. Alors que vous retenez la solution la plus facile, nous privilégions des réponses plus affinées et soucieuses de leur intérêt.
Le fait que cette proposition de loi vise à sanctionner toute information relative à l’avortement qui aurait un but dissuasif, suppose a contrario qu’elle n’autorise que les informations qui visent à promouvoir l’avortement. L’esprit de ce texte est donc paradoxal. Vous parlez de liberté, sans pour autant permettre que des individus aient à coeur d’inviter les femmes à réfléchir de manière dépassionnée et objective à l’acte qu’elles s’apprêtent à commettre – et que vous voulez les pousser à commettre, d’ailleurs. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi seule la voix de la promotion de l’avortement devrait être entendue ?
Pouvez-vous nous expliquer comment nous avons pu arriver à un tel degré d’absurdité ? Oui, je réclame le droit à une information objective ! Ayez davantage confiance en celles que vous défendez : si le droit à l’avortement coule réellement de source, ne vous inquiétez pas, vous n’avez rien à craindre des voix alternatives.
L’amendement no 11 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
À une époque où, pour énoncer un concept simple, certains s’astreignent à user de paraphrases pour tromper le lecteur, il est temps de nommer les choses selon leur réelle nature et d’employer les mots justes. Si le concept défendu est honorable, pourquoi diluer son essence à travers une succession de mots abscons ? Nous pourrions faire un test simple en interrogeant des femmes qui ont eu recours à l’avortement. Avez-vous jamais entendu quelqu’un dire : « Bonjour, j’ai procédé à l’interruption volontaire de ma grossesse ! » Pour faire accepter votre posture, ce geste est maquillé derrière une abréviation : IVG. L’effet est radical, le terme se vulgarise au même titre que le geste qu’il implique. Je réclame le droit de nommer un avortement comme tel et que soit expliqué à tous la nature réelle de l’avortement et ses conséquences.
L’amendement no 14 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
C’est un amendement d’équilibre, madame la ministre, un amendement qui rétablit l’équilibre entre les pour et les contre. Mme la rapporteure a cité une méta-analyse dont je rappelle que les conclusions sont claires, puisqu’elles mettent en cause les arguments soutenus des deux côtés.
Le débat sur la natalité qui s’est engagé tout à l’heure est très intéressant. Je vous encourage, madame la ministre, à lire un excellent auteur qui n’est sans doute pas traduit en français, Matt Ridley. Il montre que les autorités chinoises commencent à s’apercevoir que leur politique de l’enfant unique n’a rien résolu et que la vraie question, en matière de natalité, c’est le développement économique. La baisse de la fécondité est liée au développement économique. Il serait opportun que les gouvernements actuel et futurs se penchent sur cette question pour gérer les flux migratoires,…
…que l’on ne pourra résoudre que par le développement des pays d’origine.
Ce que je vous dis est assez intéressant…
…car cela rejoint le propos de M. Gosselin. Nous savons pertinemment qu’à peu près la moitié des décisions d’avortement sont liées à des critères économiques. À l’évidence, nous ne sommes pas là dans des événements de vie ayant trait à des situations d’âge, de violence – éventuellement – ou de grossesse non désirée. Il est paradoxal d’appartenir à un gouvernement qui, depuis le début du quinquennat, n’a eu de cesse de matraquer fiscalement les Françaises et les Français, de détruire les avantages fiscaux consentis aux familles et de détruire une politique nataliste française qui était fondée, non pas sur les classes ou les différences économiques, mais sur l’ensemble de la population française.
À terme, il serait raisonnable que nous disposions enfin de statistiques objectives, qui nous montrent qu’en réalité la démographie française est exactement la même que celle de l’Allemagne, le flux migratoire venant compenser la baisse de la natalité.
L’amendement no 31 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’amendement no 63 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La recherche d’objectivité est d’autant plus fondamentale que le sujet est sensible. Tel est le sens de ce nouvel amendement.
L’humanisme médical constitue l’un des fondements séculaires de la relation de respect et de confiance entre soignants et soignés. À ce titre, informer de façon claire, loyale et appropriée est une obligation impérieuse du médecin. Si donc le médecin est ainsi lié au patient, il est bien naturel que les informations relatives aux conséquences médicales puissent être relayées largement par tous les canaux d’information.
Ce que je demande là relève, une fois encore, du bon sens, de l’objectivité, de la liberté et du devoir le plus strict, le devoir d’assistance à personne en danger. Vu vos déclarations, l’objectivité contre l’idéologie de la mort est un combat intéressant à mener.
L’amendement no 32 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La dynamique de ce nouvel amendement que je soumets à la sagesse de l’assemblée est identique à celle de l’amendement précédent : la recherche d’objectivité. Cette quête a pour seul but de purifier la loi de toute emprise idéologique, si cela est encore possible.
Murmures sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Ce but doit être atteint au nom du bien commun, au nom du droit des femmes de disposer librement de leur raison – il est bien qu’elles disposent de leur corps, il est encore mieux qu’elles disposent aussi de leur raison.
Il ne s’agit pas de la bataille de la droite, ou d’une certaine droite, contre la gauche : il s’agit d’une cause que nous devrions tous défendre, celle du droit de penser – et même, pourrait-on ajouter, du devoir de penser –, alimentée par différentes informations complémentaires pour définir plus précisément une réalité.
C’est pourquoi je réclame à nouveau davantage d’objectivité. En effet, les sites gouvernementaux sont délaissés parce qu’ils mentent, parce qu’ils dissimulent, parce qu’ils sont partiels.
L’amendement no 13 n’est pas adopté.
Puisque je réclame plus de transparence et plus d’objectivité afin que les femmes puissent disposer librement de leur raison, j’en viens tout naturellement à réclamer que ce que vous appelez « délit d’entrave » soit appliqué également, ou de façon égalitaire, comme il vous plaira de le comprendre. C’est pourquoi il me semble impératif que toute dissimulation d’informations relatives aux conséquences des avortements soit punie de la même façon que toute information calomnieuse. Notre quête commune de justice et d’équité ne peut, il me semble, que nous permettre de nous accorder sur ce point.
Je vous demande donc de recevoir favorablement mon amendement. Si vous ne le receviez pas, j’en conclurais que vous êtes toujours affiliés au « responsable mais pas coupable » de sinistre mémoire pour d’autres dossiers.
L’amendement no 15 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Le groupe socialiste a déjà mis en oeuvre tout un arsenal juridique pour condamner tout lanceur d’alerte qui contreviendrait à sa vision de l’avortement. Il est désormais interdit de dire à une femme qu’elle peut conserver la vie de son enfant à naître. Il est désormais délictueux de lui faire entrevoir les séquelles potentielles provoquées par la pilule abortive.
Le renforcement du délit d’entrave à l’avortement est inutile en même temps qu’il est vain. Vain, parce qu’il se cantonne à une acception militante de l’avortement. Qu’un docteur qui tend à une femme enceinte des chaussons d’enfant soit condamné au tribunal…
…prouve l’inanité d’un tel délit.
Condamner la promotion de la vie est désormais une insubordination. Une telle perspective est malsaine pour la cité. C’est pourquoi je propose par cet amendement de créer un délit permettant de condamner tout promoteur de la culture de mort, dans l’esprit du délit d’incitation à l’avortement qu’avait défendu Mme Veil en 1974 et que Martine Aubry, en 2001, a cru bon de supprimer. Devant votre radicalisation idéologique, nous devons faire tout ce que nous pouvons pour protéger les familles et les femmes de France.
L’amendement no 16 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article unique, amendé, est adopté.
Nous en venons aux amendements portant article additionnel après l’article unique.
La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement no 52 .
Nous continuons sur les dispositions de l’article instaurant le proche aidant pour les grossesses. Il faut absolument mettre en place un droit opposable à la mère de famille, un droit opposable qui soit un signal social montrant que nous nous soucions réellement du sort des femmes.
Par ailleurs, cette mesure montrera que nous avons mieux à proposer aux femmes qu’une extension du déjà délirant délit d’entrave de 1993. En effet, le problème pour les femmes qui réfléchissent à l’accueil de la vie n’est certainement pas la multiplicité des sites internet qui dispensent une information, mais l’abandon de toute politique nataliste et de tout accompagnement en faveur de l’accueil de la vie. Le problème des grossesses difficiles, c’est l’abandon de l’État à l’égard des souffrances qu’elles comportent. Un État qui n’a qu’une priorité : augmenter le nombre d’avortements. Un État qui a inscrit la culture de mort au coeur de sa pratique politique.
L’amendement no 52 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’humanisme classique qui protège les plus faibles est désormais abandonné par la société et remplacé par le transhumanisme. Ce n’est pas la maladie qui est traquée, mais le malade. Au risque de choquer l’assemblée, je tiens à rappeler qu’il y a des femmes et des hommes qui sont heureux d’accueillir un enfant atteint de trisomie. Savez-vous pourquoi ? Parce qu’avant d’être un trisomique, il est un enfant ! Mais dans notre société, si l’on fait ce choix courageux, on est bien souvent taxé de folie. Je regrette que l’État ne relaie pas plus d’informations positives à ce sujet. L’État doit aussi aider ces citoyens courageux. Il doit leur permettre de s’informer sans avoir à culpabiliser de choisir la vie. Votre lutte contre le formidable travail de la Fondation Lejeune prouve bien votre soutien à leur disparition sociale.
L’amendement no 67 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Je pense que nous ne pouvons pas combattre l’avortement de masse dans notre pays sans renouveler profondément la manière dont nous abordons ces sujets. Il existe une étape préliminaire qui consiste à chasser les idéologues, les épigones de mai 1968, les fausses féministes et vraies marxistes culturelles,…
…qui imposent leur vision du monde à nos enfants depuis trop d’années à ce sujet. Elles retrouveront leurs cellules militantes où elles pourront ne faire du tort qu’aux adeptes de leurs convictions. Cela les concerne, mais cela permettra surtout que nos impôts cessent de subventionner la culture de mort.
Cependant, il faudra aussi proposer au personnel médical toute une série de formations leur permettant de trouver des solutions alternatives à l’avortement. Ces solutions, tout le monde les connaît : Maison d’Ariane, soutien à l’adoption, proche aidant, et surtout rupture avec l’anthropologie progressiste fondée sur l’avortement. Dès lors, internet cessera d’être un continent de peur pour l’État, mais bien une plateforme de constitution du sens critique et du bien commun.
L’amendement no 62 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Dans un ouvrage de première importance, Droit et prévention de l’avortement en Europe, Grégor Puppinck et ses équipes ont analysé les débordements de l’éducation sexuelle à la française. Quelles sont leurs conclusions ? Nous sommes le seul pays au monde à avoir délégué l’éducation sexuelle de nos enfants à des associations tantôt communautaires, tantôt idéologiques. Certaines d’entre elles donnent même des consignes de vote !
Tout cela a eu une conséquence connue de tous ceux qui suivent activement ces sujets : la désertion des interventions tenues souvent par des gens qui choquent les consciences et les croyances. À croire que vos valeurs républicaines consistent désormais en la captation des libertés familiales !
En Italie, l’éducation sexuelle n’est pas enseignée à l’école et le taux d’avortement est plus bas que chez nous. En Allemagne, elle est morale, c’est-à-dire non incitative à l’avortement et à la multiplication des expériences. On compte dans ce pays bien moins d’avortements qu’en France. En Espagne, il y a environ 100 000 avortements par an. Comment arrivez-vous à ne pas vous poser de questions ?
Je réclame donc que l’on rende leur liberté et leur autorité parentale aux familles !
L’amendement no 61 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Il n’est pire épreuve, pour une femme enceinte, que de se voir ravir son enfant. Sans cesse, le gouvernement fait état des violences faites à l’encontre des femmes, et c’est là une disposition bien légitime. Comment ne pas se réjouir du cinquième plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes que vient de mettre en oeuvre Mme Laurence Rossignol ?
Face à cette initiative pleine de bon sens, je suggérerai au ministre de mener son plan jusqu’à son achèvement, en y inscrivant un volet consacré aux femmes enceintes victimes de violences. Dans l’éventualité où elles viendraient à en perdre leur enfant, il conviendrait de doubler la peine de l’incriminé. Une telle mesure permettrait de sanctionner le geste du criminel non seulement comme une atteinte à l’intégrité physique de la mère de famille, mais aussi comme une atteinte à celle de l’enfant à naître, qui constitue une vie à part entière quel que soit l’avancement de la grossesse maternelle. Vous ne pouvez pas mettre des embryons sur les paquets de cigarettes et refuser d’aggraver les peines en ces cas !
L’amendement no 43 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Vous ne pouvez pas croire qu’en ayant supprimé le délai de réflexion, en ayant ôté la condition de détresse, en ayant prétendu que l’avortement était un droit fondamental, vous n’avez pas insinué dans la société une véritable pression pour l’avortement de masse. Qu’est-ce que l’avortement de masse et l’incitation à l’avortement ? C’est la preuve que votre anthropologie qui prétend s’accrocher au progrès n’est en réalité qu’une forme de lutte politique contre la vie et sa sacralité.
Cela s’appelle la liberté d’expression dans l’hémicycle, mon cher collègue !
Sourires.
En cela, vous avez même contrevenu à l’idée que Simone Veil se faisait de sa loi. Mais tout de même, son indignation de ce que vous avez fait de la dépénalisation est touchante. Pourquoi est-elle touchante ? Parce qu’elle est le signe que Simone Veil a compris que vous aviez libéré toutes les pulsions barbares que la décence contenait. Aujourd’hui la pression économique, financière ou machiste n’a plus aucune limite, justement parce que vous avez banalisé l’interruption volontaire de grossesse. Et cela, l’Histoire se le rappellera !
L’amendement no 46 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Je m’interroge sur l’utilité du code de la santé publique qui, à aucun moment, me semble-t-il, ne souligne le caractère fondamental de la vie.
Je m’interroge sur le bien-fondé d’un tel code, qui inscrit dans ses pages qu’il est du ressort de la santé publique de promouvoir la disparition d’une vie à naître, qui inscrit dans ses pages qu’il est légitime de mener des recherches sur l’embryon.
La dignité humaine est inviolable. Chacun a droit à la vie et à la dignité humaine. La vie de l’embryon et du foetus est protégée dès le moment de sa conception.
À l’heure où les Hongrois inscrivent cette disposition fondamentale dans leur Constitution, comment se fait-il qu’une telle déclaration de bon sens ne trouve pas sa place, au moins dans le préambule de notre code de la santé publique ?
Partout en Europe, des initiatives voient le jour pour promouvoir la vie. En Espagne, on limite les possibilités pour les mineures d’avorter. En Pologne, le Parlement tente, à raison, de revenir sur les législations mortifères attentant à la démographie nationale. En Italie, l’absence d’éducation sexuelle d’État a fait reculer le taux d’avortement. Aux États-Unis, enfin, on assiste à la nomination de Tom Price, hostile à l’avortement, à la tête du ministère de la santé.
Nous assistons à un retour du vieux monde et, que cela vous convienne ou non, l’enfant en sera demain également tributaire.
L’amendement no 45 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, pour soutenir l’amendement no 69 .
Je profite de la discussion de cette proposition de loi pour revenir sur une disposition insérée dans la loi santé qui met en place des objectifs, c’est-à-dire des quotas d’IVG pour chaque établissement de santé.
Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Écoutez Mme Maréchal-Le Pen, mes chers collègues ! Elle seule a la parole !
Le terme vous déplaît, et je comprends que vous soyez terriblement gênés…
…comme le démontre votre réaction.
Ces quotas trahissent l’esprit de la loi Veil, qui voulait faire de l’avortement le dernier recours. Je rappelle qu’il s’agissait d’une loi d’exception, aux termes de laquelle les pouvoirs publics se devaient de tout faire pour dissuader les femmes d’en arriver à ce choix, qui est un drame.
…puisqu’il fait le choix de fixer des objectifs en matière de nombre d’avortements plutôt que de mettre en place de véritables politiques alternatives…
…alors même que l’IFOP révélait en 2010 que 47 % des femmes recouraient à l’avortement pour des raisons économiques. Aujourd’hui, vous n’apportez pas de réponse aux femmes qui rencontrent ce type de difficultés.
L’amendement no 69 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
J’ai souvent l’occasion de le répéter devant cette assemblée, je suis horrifié par le glissement de plus en plus totalitaire de notre État.
Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Ce glissement s’incarne évidemment dans cette proposition de loi, qui ne passera ni le contrôle constitutionnel, ni un éventuel recours devant la Cour européenne des droits de l’homme.
Certes, la culture de mort a établi de solides relais dans l’oligarchie, mais quelques fragments de droit résistent encore aux réseaux finissants de mai 68.
Le retour du vieux monde vous inquiète. Vous avez raison, et cela explique la tension si prégnante que l’on ressent dans chacune de vos interventions. Ce retour ne doit pas être ralenti par des appuis financiers et économiques qui participent volontairement à la diffusion d’images blessantes, traumatisantes pour la conscience collective. C’est pourquoi je demande que cessent instamment toutes vos campagnes publicitaires mensongères et choquantes.
Je demande par ailleurs que des sociétés vassalisées cessent de blesser la conscience des jeunes personnes en leur imposant cette sorte de pornographie qu’est la culture de mort.
C’est pourquoi je vous propose d’ajouter un alinéa dans le code de la santé publique.
L’amendement no 65 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Le bénéfice d’un proche aidant que vous avez proposé à l’Assemblée nationale est une heureuse disposition, qu’il faudrait d’ailleurs étendre aux femmes qui connaissent une grossesse difficile.
Qu’est-ce qu’une grossesse difficile, sinon le magnifique combat de la femme pour parvenir à transmettre la vie ?
Chacun a en mémoire la lutte de Caroline Aigle, première femme pilote de chasse, qui accepta de se sacrifier pour sauver son enfant à naître.
Au nom de toutes les femmes qui firent ce geste glorieux au cours de l’Histoire, notre société devrait tout faire pour accompagner celles qui perpétuent ce mouvement de la vie contre la mort, ce mouvement de la transmission contre celui de la disparition.
Je suis tout à fait solidaire de la mobilisation des corps sociaux pour soutenir leurs proches, qui sont la preuve que notre société possède encore une vitalité.
Accompagner et assister ceux et celles qui font le choix de la lutte pour la vie serait tout à l’honneur de l’Assemblée nationale, mais je doute que cet amendement soit accepté.
L’amendement no 50 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Cet amendement vise à obliger le Gouvernement à ajouter dans le livret officiel d’information remis aux femmes enceintes consultant en vue d’une interruption volontaire de grossesse le détail des aides proposées aux femmes enceintes et aux jeunes mères. Selon une étude IFOP de septembre 2016, 84 % des Français seraient favorables à cette mesure.
Selon une enquête de l’IFOP de 2010, 47 % des Français estiment que « la situation matérielle » est à l’origine des interruptions définitives de grossesse et cette opinion est partagée par 58 % des jeunes de 18 à 24 ans.
Le libre choix des femmes peut-il vraiment être exercé quand les considérations économiques et sociales sont aussi déterminantes dans l’exercice de la liberté de choix des femmes enceintes ?
Il est dommage de ne pas avoir reçu de réponse à ce que vient de proposer notre collègue. À défaut, est-il possible que nous sachions où figure cette information, par exemple sur le site internet officiel du ministère de la santé ?
Où trouve-t-on les informations que notre collègue vient de mentionner et qu’il propose de faire figurer dans le livret ?
Sont-elles concentrées sur le site internet du ministère de la santé ? Ce serait une bonne chose que de pouvoir disposer d’une information complète.
Les aides de la CAF n’ont pas de rapport avec l’avortement, mais je vous invite à consulter le site de la CAF !
Je sais où se trouve cette information, mais il serait intéressant qu’elle figure sur le site internet du ministère de la santé. Nous disons depuis le début du débat que nous aimerions disposer d’une information complète sur tous les dispositifs existants et sur les alternatives à l’avortement, en l’occurrence la poursuite de la grossesse.
Ne peut-on imaginer que l’information officielle et objective dont vient de parler notre collègue figure sur le site internet officiel du ministère de la santé ?
N’importe quoi ! Pourquoi pas le mode d’emploi des tests de grossesse ?
Très brièvement, madame Le Callennec, ces informations se trouvent sur le site de la Caisse d’allocations familiales. Sur le site du ministère des familles, de l’enfance et des droits des femmes, vous trouverez des liens qui vous renvoient au site de la CAF.
Si ce que vous nous demandez consiste à détailler les prestations familiales sur le site spécialement dédié à l’information sur l’IVG, la réponse est non.
L’amendement no 34 n’est pas adopté.
Vous vous en doutez, la date du 29 janvier 1913 n’est pas anodine. Savez-vous ce qui s’est passé ce jour-là ? Peut-être pas, je vais donc vous aider. Le 29 janvier 1913 a été créée la Société française d’eugénisme.
Le détournement de l’usage des diagnostics anténataux et prénataux ainsi que les diagnostics préimplantatoires en vue de dépister une trisomie 21 sont illégaux. Bientôt, le roman Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley sera notre réalité si nous ne mettons pas fin aux effets néfastes de cette idéologie sélective de l’être humain.
Ne voulant pas que les générations à venir vivent dans une classe alpha, bêta, gamma ou même delta, dans laquelle seule une élite composée des humains les plus beaux et les plus intelligents peut vivre, je réclame le droit de nous souvenir des personnes qui ont été victimes de l’eugénisme.
L’amendement no 73 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Ce qui se passe est d’une gravité extrême. Insidieusement, notre société, par compassion envers les souffrances des individus, participe à un nettoyage génétique consistant à ne faire vivre que les plus forts.
Les tests prénataux visant à détecter les cas de trisomie 21 posent un problème. Aujourd’hui, il s’agit de la trisomie, mais demain on décidera peut-être que les personnes atteintes de diabète ne méritent pas de vivre. Qui sait ?
Nous en sommes à ce niveau d’absurdité. Nous voulons dominer la nature et nous osons croire que nous le pouvons. Quelle tragédie ! Notre société maquille ses crimes en les habillant d’une compassion apparente pour que nous les tolérions, voire que nous les prenions pour un bien en soi.
Je m’oppose farouchement à cette folie car, je le rappelle, aucun système totalitaire n’a fait l’impasse sur l’eugénisme. Il serait bon que nous mettions fin au génocide des trisomiques.
L’amendement no 66 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’embryon n’est pas seulement un amas de cellules, c’est un être humain. Toute atteinte à son intégrité constitue un acte répréhensible en ce qu’il porte atteinte à la vie humaine.
Les récentes propositions qui nous ont été faites dans cet hémicycle soulignent le militantisme du gouvernement socialiste, oublieux de la nature de l’embryon, comme le démontrent les articles sur le texte de l’ANSM – Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé – et la modernisation de notre système de santé.
J’avais déposé un amendement afin de le dénoncer.
La recherche sur l’embryon s’insinue de façon spécieuse partout où elle le peut. Il faut rappeler qu’il est interdit de réaliser quelque expérimentation que ce soit sur l’être humain.
Je me dois de souligner le fait que la recherche médicale sans le consentement du sujet ne peut en aucun cas être pratiquée, et si c’est le cas elle est criminelle. Notre société s’honorerait en défendant les fragilités contre la dictature matérialiste qui prône leur suppression.
Pour animer notre soirée et celle de notre collègue Bompard qui défend moult amendements les uns à la suite des autres, je voudrais, madame la ministre, vous conseiller une saine lecture, qui traite de l’eugénisme qu’évoque l’amendement de notre collègue. Cet ouvrage, qui avait frappé toutes les élites intellectuelles de l’Europe, est celui de Matt Ridley, The Evolution of Everything. Cet ouvrage, qui n’est pas encore traduit en français, rappelle le drame des politiques eugénistes qui ont touché jusqu’à l’Inde, parce qu’elles ont été influencées par des personnes dont le passé était fort douteux, y compris au sein d’organismes publics qui ont pignon sur rue.
Les questions que soulève notre collègue, au-delà de la fatigue qui nous atteint ce soir…
L’amendement no 20 n’est pas adopté.
La recherche scientifique sur l’être humain ou l’enfant à naître que constitue l’embryon ne peut en aucun cas être avalisée. Il est ici question de la disponibilité du corps humain et de la préservation de son intégrité. La tentative conjointe du Gouvernement et du marché de s’introduire dans les domaines qui devraient être sanctuarisés nous fait pénétrer dans un temps extrêmement dangereux, où ces responsables ont le droit de jouer avec la vie et avec ses composantes.
Nous entrons dans une ère de la vivisection morale, une ère dans laquelle la dissection des parties du corps humain n’est plus estimée dangereuse. C’est une immersion dans la vie des personnes au profit d’un marché puissant qui teste les douleurs des familles, des familles qui subissent les contrecoups de la douleur provoquée par les avortements de leur fille, des familles où les mères se voient arracher leur bien le plus précieux, celui de donner la vie.
L’amendement no 22 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Un médecin est toujours libre de refuser de pratiquer une IVG. Cette mention de bon sens contenue dans le code de déontologie médicale a été récemment oblitérée. L’interdiction de la clause de conscience devient une fâcheuse habitude de ce gouvernement : preuve en est le dernier refus de Mme Rossignol d’octroyer aux pharmaciens une légitime clause de conscience.
Après avoir refusé à ce corps professionnel la possibilité de ne pas octroyer des médicaments dangereux à leurs patients, vous ne permettez pas aux médecins d’agir en leur âme et conscience. Quid de ces pharmaciens qui se refusent à délivrer des pilules abortives dont on connaît les effets néfastes ? Le fait que cette notion disparaisse du code de déontologie est significatif de la volonté du Gouvernement, qui intervient chaque jour un peu plus dans des domaines dans lesquels il n’est pas qualifié.
« On peut tout fuir, sauf sa conscience », disait Stefan Zweig. Cette échappée de la conscience, que vous soumettez aux professionnels de la santé, est vaine. Le sursaut inverse, auquel vous serez confrontés en retour, sera violent. Le délit d’entrave de 1993 était déjà un scandale ; celui de 2016 est un crime.
L’amendement no 41 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain
pour débattre de la question du commencement de la vie et tout simplement du droit à la vie, dont je vous rappelle le caractère sacré. Tout le monde peut – ou devrait – s’accorder sur ce point. Notre droit pénal se charge d’ailleurs de nous protéger contre ceux qui voudraient y porter atteinte.
Monsieur le président, il faut arrêter cela ! Il y a des enfants dans les tribunes !
Le critère du dernier recours doit se faire l’écho de notre code civil, qui dispose que « la loi garantit le respect de l’être humain, dès le commencement de sa vie ».
Si notre société réclame le droit d’avorter, je réclame celui d’encadrer ce droit de manière extrêmement précise…
…pour que nul ne soit tenté jamais de banaliser ce geste. Je réclame le droit pour la société de ne pas subir une pression constante en faveur de la culture de mort.
L’amendement no 72 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
En pénalisant toute communication soulignant qu’il existe des possibilités pour une femme de laisser vivre son enfant à naître, le Gouvernement s’égare dans les ornières idéologiques dont il est coutumier.
Tremblant à l’idée qu’il n’aura pas assez bien promu la culture de mort,…
…il en oublie la nature de l’acte commis et s’immisce dans l’intimité des personnes. Il en oublie que l’embryon est un enfant à naître et qu’à ce titre, il devait avoir la chance de vivre. Il en oublie qu’il relève de la seule décision de la mère, et non de celle de l’État, de laisser le coeur d’un enfant à naître battre dans ses entrailles. Il en oublie enfin l’une des missions premières de l’État : assurer la primauté de la personne, interdire toute atteinte à sa dignité, garantir le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie.
En outre, il contribue à entériner le vieillissement de la population. La France va connaître un véritable papy-boom.
Le nombre de centenaires pourrait atteindre 270 000 en 2070, alors qu’il était de 20 000 au 1er janvier 2016, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques. Il s’agit d’un recul démographique dont la France, devançant désormais l’Espagne et l’Italie, est devenue la championne.
Une autre route est ouverte. Saisissez cette chance !
L’amendement no 17 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Il faut lever le voile sur ce qui apparaît dorénavant comme le sujet honni des vestales ferventes de l’avortement : la nature et les caractéristiques de cet acte visant à expulser un enfant du corps de sa mère.
La proposition de loi cherche à dessein à en dissimuler les ressorts en annihilant toute acception négative des conséquences de l’avortement. Dépression nerveuse, exposition au syndrome post-avortement, telles sont les conséquences psychologiques que la femme encourt, ce dont le médecin doit l’informer.
Possibilité d’accoucher sous X, de confier son enfant à des services spécialisés, telles sont les capacités de recours d’une future mère.
Allocation de soutien familial, de revenu de solidarité active, tels sont les soutiens financiers dont peut bénéficier une mère pour élever son enfant.
Les plateformes d’écoute attentive que vous souhaitez faire taire sont autant de guides pouvant éclairer la mère qui voudrait garder son enfant.
Quels sont ces cris d’orfraie ? Je ne vois pas quel crime il peut y avoir pour une mère à vouloir garder son enfant !
La fermeture de ces plateformes serait dramatique pour les femmes confrontées à cette situation de détresse, à la solitude ou au choix unilatéral.
Je ne vais pas donner l’avis de la commission, mais je tiens à dire combien les propos de M. Bompard sont scandaleux,…
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Je serais désolée que le jeune public qui nous écoute pense que nous les approuvons. M. Bompard exprime une opinion très particulière, très personnelle, anti-choix et pro-mort.
Je voudrais juste expliquer, puisque nous avons du public, comment se déroulent nos délibérations. Nous sommes là depuis ce matin. Nous n’avons qu’une envie : en finir avec ces amendements qui ne riment à rien, qui ne correspondent pas à la loi. Donc, nous nous taisons, mais notre silence ne vaut pas approbation, au contraire ! Nous sommes scandalisés !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
L’amendement no 23 n’est pas adopté.
Madame la rapporteure, si les élus ne sont pas dans cet hémicycle pour défendre la vie de leurs concitoyens, à quoi servent-ils ? À défendre leur mort ? J’ai l’impression qu’une partie de l’assemblée n’est pas là pour protéger nos concitoyens, mais pour les détruire ! Or mon devoir d’élu, c’est de défendre la vie !
J’en reviens à l’amendement no 19 , avec l’autorisation du président. L’article unique de la proposition de loi sanctionne toute personne souhaitant indiquer dans un but dissuasif les caractéristiques ou les conséquences d’un avortement provoqué. N’est-ce pas cependant la moindre des choses ? Le Gouvernement souhaite-t-il dissimuler à la femme qui voudrait avorter les conséquences malheureuses et les dangers de cet acte ?
Pourtant, ils sont nombreux, comme le montrent des études scientifiques reconnues. En 2009, une étude finlandaise intitulée Immediate complications after medical compared with surgical termination of pregnancy a prouvé que 20% des femmes ayant eu recours à la pilule RU 486 ont souffert de complications médicales.
Même si cela vous gêne, c’est comme ça ! Il appartient au médecin, au nom du devoir d’information, de rendre compte de toutes les facettes de l’avortement, y compris de celles qui sont malheureuses ou regrettables, afin que les femmes connaissent toutes les conséquences d’un tel geste. Il serait légitime de leur expliquer qu’on expulsera de leur corps un foetus chaud, encore vivant, un enfant à naître, et qu’il peut en découler des dommages pour leur corps.
J’ajoute que ces femmes sont en droit de se retourner contre le législateur qui n’aura pas imposé qu’on les tienne au courant des handicaps découlant de cet acte.
L’amendement no 19 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, pour soutenir l’amendement no 35 .
L’amendement a pour objectif de restaurer le délai d’une semaine de réflexion avant de réaliser une interruption volontaire de grossesse. En cela, je reste, une fois de plus, fidèle à l’esprit de la loi Veil.
Dans son discours, Mme Veil disait : « Les deux entretiens qu’elle aura eus, ainsi que le délai de réflexion de huit jours qui lui sera imposé, ont paru indispensables pour faire prendre conscience à la femme de ce qu’il ne s’agit pas d’un acte normal ou banal, mais d’une décision grave qui ne peut être prise sans en avoir pesé les conséquences. » Il faut conserver l’esprit de la loi : il ne s’agit pas d’un acte banal. Toutes les personnes présentes dans l’hémicycle s’accordent sur ce fait, mais manifestement, tout le monde n’en tire pas les mêmes conclusions.
Vous vous souvenez de la manière dont votre grand-père parlait de Mme Veil ?
L’amendement no 35 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
…le Gouvernement n’a de cesse de l’infantiliser, l’enjoignant à remettre les choix les plus décisifs de sa vie entre les mains de l’État. Déresponsabiliser la mère de famille ne constitue en rien une prérogative politique. C’est cependant un pouvoir que le Gouvernement s’est arrogé en supprimant le délai de réflexion relatif à l’avortement.
Demander à la femme de ne pas réfléchir plus de deux jours à la teneur de son geste est dangereux. Une décision hâtive serait nocive dans le cas où une femme subirait des pressions de la part d’un conjoint ne souhaitant pas voir naître l’enfant. Gabrielle Cluzel l’a souligné : « Supprimer le délai de réflexion infantilise la femme en la poussant à agir de façon impulsive, ce qui est le propre de l’immaturité. »
Un délai d’une semaine, permettant de réfléchir à la teneur d’un tel acte, constitue une échéance nécessaire, quoique modeste, avant de prendre une décision qui concerne la vie de la femme comme celle de l’enfant à naître, sur lequel l’État n’a aucune autorité.
L’amendement no 21 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Les dangers de l’avortement pour une femme sont nombreux.
D’un point de vue médical, l’avortement est une violence faite au corps de la femme, dont l’enfant à naître sera expulsé par voie médicamenteuse ou chirurgicale. À ce titre, des hémorragies, des infections ainsi que des perforations de l’intestin ou de l’utérus peuvent advenir.
D’un point de vue psychologique, le risque de dépression post-avortement n’est pas négligeable. Celle-ci résulte sans doute du fait que 80 % des femmes déclarent qu’elles auraient gardé leur enfant si les circonstances avaient été différentes.
L’avortement résulte trop souvent de pressions du conjoint, de la famille ou de problèmes financiers. 30 % des femmes seraient atteintes de ce syndrome qui peut se traduire par une peur, une culpabilité intense, un état dépressif, une perte de l’estime ou du contrôle de soi.
Bref, vous l’aurez compris, si vous ne le saviez pas – : l’avortement n’est pas anodin. C’est pourquoi il est crucial de prévenir les femmes des risques qu’elles courent.
L’amendement no 76 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, pour soutenir l’amendement no 59 .
L’amendement no 59 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’incitation systématique à l’avortement est une violence faite à la femme, une violence parce qu’elle enjoint la femme à ôter la vie d’un enfant à naître, son enfant, sans lui laisser de possibilité de recours, une violence parce qu’elle encourage la mère en devenir à se voir délester d’une vie.
Les témoignages de femmes ayant avorté et regrettant leur geste sont nombreux. On ne les retrouve que sur les sites que vous voulez fermer, ceux d’une presse à laquelle l’État n’offre pas ses subventions.
« Nous n’avons pas d’information sur les conséquences de l’IVG », se plaignait une victime de l’avortement au micro de Charlotte d’Ornellas, journaliste de Boulevard Voltaire. Le gouvernement socialiste, enfermé dans une perspective militante en faveur de cet acte, en oublie le réel. Faire fi de la douleur qu’éprouve une mère dont l’enfant est arraché, c’est nier le réel. Si l’accès à l’avortement est aujourd’hui considéré comme un droit, le droit à ne pas avorter doit également être inscrit dans les prérogatives des futures mères de famille.
Une nouvelle fois, je ne veux pas répondre à M. Bompard, qui a proposé tout à l’heure qu’on instaure une amende quand on éduque un enfant à la sexualité contre la volonté de ses parents.
Un jeune public vient de s’installer dans les tribunes. Je suis heureuse qu’il puisse venir voir comment se déroulent nos débats à l’Assemblée nationale, mais je les informe que celui-ci est très particulier. Une seule personne intervient. En parlant, elle tient des propos qui peuvent les heurter. Par respect pour ce public, je vous engage, monsieur Bompard, à faire attention à ce que vous dites.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Chers collègues de la majorité, vous êtes en plein paradoxe ! D’un côté, alors que vous prétendez défendre la liberté, vous voulez la réduire. De l’autre, vous infantilisez en permanence les citoyens, qui, selon vous, devraient vivre d’aides permanentes. Les enfants qui nous écoutent sont capables de discernement et de compréhension.
Notre collègue a le droit de s’exprimer comme nous, que l’on soit ou non d’accord avec lui. C’est même son droit le plus absolu.
Vous êtes dans une contradiction totale ! Vous ne parlez que de République, mais, quand elle s’exerce, vous la critiquez.
Nous devons faire confiance aux enfants ici présents. Ils sont capables de réfléchir avec l’aide des adultes. De grâce, supportez la liberté de parole, une fois dans votre vie ! Vous ne détenez pas la vérité absolue.
Ce n’est pas la divergence d’opinion qui nous gêne, mais les mots utilisés par M. Bompard, qui parle sans cesse de « culture de mort » ou de « crime ».
L’amendement no 18 n’est pas adopté.
Normalement, notre cénacle devrait comprendre que, si nous sommes élus, c’est pour avoir la liberté de défendre les citoyens, même les plus petits, qui n’ont pas encore la possibilité de voter. Chers collègues, votre intolérance est remarquable…
À grand renfort de transparence et de liberté d’expression – il en est question ici –, le Gouvernement se targue de faire preuve d’une objectivité dont on mesure la teneur au fil des lois qui ont rythmé ce désastreux quinquennat : mariage pour tous, réforme du code de la santé publique ouvrant la recherche sur l’embryon et, maintenant, extension du délit d’entrave à l’IVG, qu’il aurait été plus juste de renommer « fermeture des sites défenseurs de la vie ». Car c’est bien de cela qu’il s’agit : vous voulez fermer les sites qui défendent la vie.
Seules les associations promotrices de l’avortement ont désormais le droit de s’exprimer. Des associations prévenant toute atteinte à la vie, il est demandé l’éradication. Au même titre que l’avortement, désormais estampillé « de droit », comme le rappelait aimablement notre collègue Marie-George Buffet la semaine dernière, le droit de ne pas avorter devrait également constituer un droit inaliénable de la femme. Or, cela, vous le refusez. À ce titre, les institutions informant les femmes de ce droit devraient bénéficier d’une voie d’expression légitime, ce que vous leur refusez.
Je veux répondre une unique fois à l’orateur. Je veux dire à M. Bompard qu’il a tous les droits…
…qu’il a bien entendu le droit le plus absolu de tenir des propos absolument ignobles…
…mais j’ai aussi le droit de les qualifier de la sorte, tout comme vous qualifiez la politique qui est menée aujourd’hui – vous avez, je le répète, tout à fait le droit de le faire. Pour notre part, nous prenons nos responsabilités. Votre droit est de tenir ces propos dans l’hémicycle, le nôtre est de dire qu’ils sont absolument ignobles…
…et de vous battre systématiquement, sur chacun des amendements, en essayant de faire en sorte que ce soit la dignité qui l’emporte et le respect de la liberté des femmes à disposer de leur corps.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Je n’en reconnais pas moins, de la façon la plus absolue, le droit que vous avez de tenir, dans cet hémicycle, durant de longues minutes, des propos absolument ignobles.
L’amendement no 24 n’est pas adopté.
En quoi mes propos sont-ils scandaleux ? Chers collègues, je conviens que, pour moi, l’avortement n’est ni un droit fondamental, ni une liberté. Pourquoi cela ? Pour une simple et éclatante raison : une liberté ne peut être un drame, une souffrance ne peut pas être une liberté publique…
…une violence faite à un embryon ne sera jamais, pour moi, autre chose que la suppression d’une vie à naître. Est-il vraiment scandaleux d’oser dire cela ? Le délit d’entrave de 1993 et ses évolutions ne servent pas la liberté, pas plus qu’un quelconque droit. S’il a parfois prévenu des débordements – quoiqu’il faille relever votre manipulation sémantique, lorsque vous parlez de « commandos » – il est devenu aujourd’hui un instrument de répression insupportable, qui n’a d’autre utilité que d’effrayer les militants de la vie. Ceux-ci ont déjà assez à faire avec vos autres persécutions, issues notamment de vos relais médiatiques. Alors ôtez au moins la pression morale, qui ne veut rien dire. La seule pression morale qui existe aujourd’hui, c’est celle qui vise à forcer la suppression de la vie à naître. Par ailleurs, cette seule acception laisse la place à des glissements totalitaires bien sensibles dans vos discours.
L’amendement no 82 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, pour soutenir l’amendement no 39 .
L’amendement no 39 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Pour être juste, le délit d’entrave doit être équitable. Or, cette équité doit être accordée et garantie par la loi, car tel est son rôle. L’objectif est de chasser toute accusation abusive qui pourrait être portée à l’encontre des sites dits « alternatifs ». De fait, trop souvent, ces sites sont accusés de délivrer « des informations objectivement fausses » selon les mots prononcés par Marisol Touraine ce matin. Elle a pris en exemple un manuel de la Fondation Lejeune où, en couverture, l’on peut voir le bébé avec un cordon ombilical qui dit « Cessez de dire que je n’étais pas vivant ». Bientôt, ce seront donc les manuels qui, eux aussi, seront interdits. D’autre part, pouvez-vous soutenir avec certitude que, lorsque, sur le site du ministère de la santé, on parle « d’aspiration d’oeuf » et « de fragments de grossesse », tout le monde peut comprendre vraiment en quoi consiste l’IVG ?
L’amendement no 80 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Il était très intéressant d’écouter Laurence Rossignol au cours de la séance publique. De quoi se plaignait-elle ? Du fait que les militants de la vie diffusent des témoignages qui ont un autre objectif que d’inciter à l’avortement. Du fait que les jeunes femmes prennent la liberté d’aller sur d’autres sites que ceux du Gouvernement, sites gouvernementaux qui se distinguent par leur idéologie mortifère et leur éloignement des réalités vécues. Des journalistes ont testé les rendez-vous au Planning familial, qui incite systématiquement à l’avortement. « Vous allez coûter cher à vos parents », « Attendez avant d’avoir un enfant », « Ne croyez pas que vous portez la vie » : ces mensonges, financés par l’État et soutenus par les affirmations délirantes du Gouvernement, tenues d’ailleurs ici même, encouragent la pression en faveur de la suppression de la vie à naître. Aussi, je vous demande, chers collègues, de défendre la liberté des femmes à conserver la vie, le droit des femmes à ne pas être conduites automatiquement à la suppression de la vie à naître, d’où l’alinéa proposé.
L’amendement no 53 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Alors que la France s’est engagée auprès de l’ONU à prévenir l’avortement, elle le promeut à travers son ministère de la santé, qui scande « IVG, mon corps, mon choix, mon droit ». Alors qu’en Europe, le taux d’IVG baisse, en France, on instaure des quotas d’avortement. Ainsi, si la loi vise à condamner le prosélytisme de ceux qui veulent empêcher ou tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur un avortement, pour être parfaitement égalitaire, elle doit condamner réciproquement le prosélytisme de ceux qui poussent à l’avortement. Ce qui doit être puni, c’est le fait d’inciter dans un sens ou dans un autre. Ce qui doit être puni, c’est la privation du libre arbitre…
…par la culpabilisation de ceux et celles qui ne seraient pas libres parce qu’ils choisissent la vie. Si tel n’est pas le cas, cela revient à reconnaître que l’information objective n’est pas voulue ou, pire encore, que la loi vise à instrumentaliser la conscience des individus, bien qu’elle s’en défende.
L’amendement no 68 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La civilisation européenne a toujours souligné la vocation protectrice de la vie, inhérente à la fonction de sage-femme. De Socrate à Montaigne, les esthètes d’antan l’ont toujours souligné. En permettant à ce corps de métier de réaliser des avortements, vous contrevenez à sa nature même. En permettant aux sages-femmes de donner la mort à l’enfant à naître, vous contribuez à la dénaturation d’un corps médical dont le premier objectif était de préserver la vie. Vous incitez ses représentants à bafouer leur engagement initial, inscrit dans le serment d’Hippocrate, en vertu duquel le professionnel de l’institution doit tout faire « pour soulager les souffrances », pour ne pas prolonger « abusivement les agonies » ; il ne provoquera « jamais la mort délibérément ». Parce qu’il n’est pas dans la mission de la sage-femme d’assurer la mort de l’enfant à naître, mais bien de lui donner la vie, je propose de revenir sur cette disposition malséante. Par ailleurs, comme le soulignaient les organisations de gynécologues à l’issue de l’examen du texte en commission, il ne peut être concédé aux sages-femmes une telle prérogative, au regard des différences de formation et de compétence de ce corps professionnel par rapport aux médecins.
L’amendement no 42 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
…que vous avez instaurée en procédant au remboursement permanent de tous les actes de suppression de la vie à naître. Comme je suis opposé au soutien de l’État et des régions au Pass contraception. Comme je suis opposé à votre idéologie d’État sise dans cette loi. Vous devez absolument revenir sur vos pas, pour la protection des jeunes filles. Comment les États-Unis parviennent-ils à réduire le nombre d’occurrences de la violence de l’avortement ? En procédant à autre chose qu’à une propagande et à un fléchage permanent en faveur des désordres de la vie. Contrairement à ce que vous pensez, et votre tension le prouve bien, l’avortement revient sur le devant des débats. Et nous allons parvenir très bientôt à repenser le dossier. L’explosion du taux d’avortement chez les mineures est un crime contre la santé publique.
L’amendement no 60 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Votre article soulève la question du respect de la liberté d’expression – on est en plein dans le sujet, aujourd’hui –, une liberté d’expression qui ne semble pas s’accorder aux perspectives unilatérales d’un gouvernement obnubilé par la fermeture de toute proposition différant des siennes. Avant même le passage de cette loi, la censure a frappé certains sites proposant de promouvoir des alternatives à l’avortement, qui ont été clos sans raison. Comment expliquez-vous que la page « IVG, vous hésitez, venez en parler », qui comptait 40 000 abonnés sur Facebook, ait été, il y a quelques jours, brutalement fermée ? Une page qui ne faisait que proposer des témoignages de jeunes femmes confrontées à l’avortement. Une page qui était tenue par une association que vous aviez rencontrée la veille, madame la rapporteure. Désormais, les responsables associatifs qui défendent la pluralité des points de vue sont bâillonnés, et leurs voies d’expression définitivement censurées. Comme le soulignait Grégoire Puppinck, directeur du Centre européen pour le droit et la justice, ces fermetures intempestives sont scandaleuses et contreviennent à la liberté d’expression. Cette loi ne résistera d’ailleurs pas aux dispositions de la Cour européenne des droits de l’homme ; et, pour une fois, on ne saurait trop lui donner raison.
L’amendement no 27 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
« Le projet n’interdit pas de donner des informations sur la loi et sur l’avortement ; il interdit l’incitation à l’avortement, par quelque moyen que ce soit, car cette incitation reste inadmissible ». Il y a plus de quarante ans, ces mots de Simone Veil retentissaient dans l’hémicycle. En choisissant délibérément de ne pas laisser s’exprimer les associations suggérant des solutions alternatives à l’avortement, vous contrevenez à la volonté originelle de la loi Veil. Vous contrevenez, par une idéologie poussée à son paroxysme, portée par un zèle déplacé, à n’offrir la parole qu’aux promoteurs de la culture de mort. En quoi la fermeture systématique des sites instruisant les femmes sur les possibilités alternatives à l’avortement diffère-t-elle de l’incitation à l’avortement ? Les sites en faisant la promotion devraient recevoir les sanctions inhérentes à cette incitation. Par ailleurs, ils devraient être dans l’obligation de souligner qu’il existe des recours à son exercice, dont la mention devrait être clairement indiquée sur ces plateformes de communication en ligne.
L’amendement no 25 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Le Gouvernement et ses officines se réclament perpétuellement des bienfaits de la liberté d’expression, qui est refusée par ce même gouvernement dans l’hémicycle. Une liberté d’expression qu’il n’envisage résolument pas ici, souhaitant museler toute opinion alternative à la sienne sur l’avortement. Noam Chomsky disait que « La défense du droit à la libre expression n’est pas limitée aux idées que l’on approuve ». En fait, continue-t-il, « c’est particulièrement pour les idées qu’on trouve offensantes que ce droit doit être défendu le plus vigoureusement. Promouvoir le droit d’exprimer des idées qui sont largement acceptées est, bien évidemment, une affaire sans intérêt. » – n’est-ce pas, monsieur le président du groupe socialiste ? J’interpelle le Gouvernement, le Conseil d’État, pour leur rappeler que la défense du pluralisme des points de vue n’est pas qu’une formule élégante et fortuite. C’est au nom de ce principe que le Conseil d’État doit dénommer les institutions informant les femmes sur l’avortement, qu’elles leur proposent d’avorter ou qu’elles leur offrent la possibilité d’un recours.
L’amendement no 26 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Simone de Beauvoir – dont on a beaucoup parlé aujourd’hui – disait qu’ « une femme libre est exactement le contraire d’une femme légère » – cela a déjà été dit.
Je ne suis pas sûre qu’elle apprécierait que vous la citiez comme cela. Vous l’instrumentalisez !
Notre société nous trompe en nous faisant croire que, parce que l’on veut quelque chose, on y a droit. La liberté ne se confond pas avec l’expression de volontés ou de désirs anarchiques. La liberté, c’est choisir d’assumer ses responsabilités, c’est préférer l’autre à soi-même. Alors oui, cela demande du courage, mais c’est aussi ce qui nous rend digne. La seule volonté rend la femme légère dans l’expression de sa liberté, parce qu’il ne s’agit pas ici de vouloir ou non un enfant comme on veut ou non une nouvelle paire de chaussures. C’est parce que la femme est en situation de détresse qu’elle pense à recourir à l’IVG. Rappeler ce critère de détresse, c’est responsabiliser la femme et son entourage. Rappeler ce critère, c’est responsabiliser la société civile tout entière. Et ce n’est pas une grossièreté de le dire, contrairement à ce que vous affirmez ! Rétablir la condition de détresse, c’est refuser la banalisation de l’avortement.
L’amendement no 78 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Le statut de l’embryon fait débat. Pour certains, il est un simple « amas de cellules, du diamètre d’un cheveu, dépourvu de toute ébauche d’organes, donc de conscience », tandis que d’autres défendent « la dignité d’être humain de l’embryon ». Or, selon le docteur Henri Bléhaut, « Dès la première cellule, l’intégralité de son code génétique [de l’embryon] est inscrit et restera inchangé jusqu’à sa mort ».
L’embryon est déjà un être humain. Dire le contraire reviendrait à affirmer, par exemple, qu’un enfant n’est pas un être humain, parce qu’il n’est pas encore un adulte – cela se disait, d’ailleurs, dans la Rome antique. Suivant ce raisonnement, un embryon ne serait pas un être humain, parce qu’il n’est pas encore un enfant.
Lorsqu’une femme annonce qu’elle est enceinte, elle dit bien : « J’attends un bébé. »
Elle ne dit pas : « J’attends un amas de cellules. » C’est donc que le bon sens populaire nous fait reconnaître spontanément qu’un embryon est déjà un enfant. Pour protéger les enfants en général, je demande donc autant que faire se peut la protection des embryons.
L’amendement no 79 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Il est intéressant de voir que dans un pays où l’on permet la diffusion d’un film pédopornographique, où la jeunesse passe des heures à regarder des films d’horreur,…
…un film de quelques minutes où des enfants trisomiques sont vus en train de rire, d’être heureux soit censuré par les hautes instances.
Il s’agit pourtant non pas de culpabiliser, mais de montrer la réalité, et la réalité n’est pas manichéenne. Elle ne se limite pas à la seule tristesse, à la responsabilité pesante. Accueillir la vie d’un enfant atteint de trisomie n’est pas en soi une malédiction. Un enfant trisomique est une personne à part entière, qui aime, qui vit, qui sourit, qui a ses peines et ses caprices.
C’est oser montrer la vie dans sous ses aspects. Le beau n’est pas l’apanage de la norme. Le beau, c’est la diversité, c’est la différence, c’est la complémentarité. Le beau, c’est défendre la vie. Ne pas le reconnaître, c’est du racisme génétique.
L’amendement no 77 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
En France, chaque année, 220 000 enfants à naître sont supprimés. En France, en 2015, 210 000 immigrés ont obtenu leur premier titre de séjour en France.
Refuser de voir que vous avez choisi d’exploiter les pays du Sud plutôt que d’instaurer une politique de natalité, c’est se mentir.
Les avortements en masse contribuent à la mise en place du phénomène du grand remplacement. Et ce n’est pas un mythe, c’est une réalité criante et palpable pour de très nombreux Français qui vivent et constatent le grand remplacement dans leur immeuble, dans leur quartier, dans l’école de leurs enfants.
Cela étant dit, pour vous prouver ma bonne foi, je demande qu’une étude sur les impacts démographiques de l’avortement soit conduite tous les cinq ans, tout en étant certain que vous ne la mènerez pas.
L’amendement no 74 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Nous en venons aux amendements portant sur le titre de la proposition de loi.
La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement no 3 .
Ce que je dénonce ici, c’est l’hypocrisie sibylline de la qualification du délit en cause comme étant « d’entrave ». Si je m’en tiens à l’esprit de votre loi, c’est la gauche tout entière que l’on devrait condamner pour délit d’entrave ! Votre texte vise à interdire tout moyen d’information alternatif à votre politique.
Ce que je défends, ce n’est pas la promotion d’un mouvement stigmatisant ou culpabilisant à l’encontre des femmes qui songent à recourir à l’avortement. Ce que je défends, c’est le droit de pouvoir exprimer des vérités objectives sur les risques de pratiquer telle ou telle opération de manière toujours plus libertaire. Or, il semble que la gauche refuse l’expression même de pensées objectives. Elle nie ainsi la réalité de nombreuses femmes qui, mal informées, pratiquent l’avortement et sont détruites psychologiquement.
L’avortement n’est pas un geste anodin. Je réclame une révolution sur ce sujet. Je réclame le droit de dire la vérité.
L’amendement no 3 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La gauche parle de délit d’entrave pour condamner toute personne coupable du fait « d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur une interruption de grossesse ». Alors que vous êtes le gouvernement de la satisfaction donnée à l’aveuglement de masse, je note ici une certaine ironie. Oui, la situation est ironique, car c’est la proposition de loi ici débattue qui vise pernicieusement à empêcher une information purement objective sur l’avortement.
C’est ce que je défends, c’est ce que je réclame : une information objective. Or, comment voulez-vous que l’information soit objective si elle ne va que dans le sens de la promotion des bienfaits de l’avortement ?
La promotion des bienfaits de l’avortement ? Que ne faut-il pas entendre !
La gauche se fait la gardienne des droits de la femme, mais que fait-elle de son droit à l’information ? Que fait-elle du droit d’informer les femmes du traumatisme qu’elles subiront lorsqu’elles réaliseront qu’elles ont supprimé une vie ? L’ère de la post-vérité, c’est vous. Les archontes qui étouffent la cité, c’est vous.
L’amendement no 2 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Cher président, je vais mettre fin à la torture de la gauche, car c’est mon dernier amendement.
Le titre de votre proposition de loi est fallacieux. Employer le terme d’interruption volontaire de grossesse revient à déresponsabiliser la femme : la conscience de la femme ne peut être oblitérée, eu égard à l’importance du geste qu’elle subit. Parler d’interruption volontaire contribue à banaliser la mise à son terme d’une vie à naître.
Mon amendement consiste à rappeler la gravité de cet acte : c’est à ce titre que l’intitulé de la proposition de loi doit faire référence à la notion d’avortement provoqué, car ces termes rappellent qu’il est mis fin délibérément à la vie d’un enfant à naître. Ils rappellent que ce geste provoque la mise à son terme d’un coeur qui bat, ce que le terme d’interruption volontaire de grossesse dissimule de façon édulcorée et précieuse, enjoignant à la banalisation de cet acte.
La progression du nombre d’avortements par an le démontre : en 2013, ce sont près de 229 000 enfants à naître qui en ont été victimes, contre 176 000 en 1976. En Belgique, aux Pays-Bas, en Angleterre, ce nombre augmente, parce que là-bas comme chez nous, c’est l’idéologie mortifère qui prévaut.
L’amendement no 1 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Christian Kert, pour le groupe Les Républicains.
Au cours de ce débat, la majorité a en réalité montré combien elle était murée dans une volonté de faire taire tout discours qui pourrait apparaître comme différent du sien. Vous restez hantés par l’idée qu’il n’y a de pensée que lorsque celle-ci est unique, chers collègues.
Ainsi que je le disais ce matin, ce texte est aux yeux du groupe Les Républicains un marqueur de votre radicalisation idéologique. Vous utilisez une arme lourde contre un ennemi quasiment imaginaire.
Madame la ministre, vous êtes dans l’ambiguïté. Je vous disais ce matin que vous étiez dans une situation de faiblesse, et non pas que vous étiez faible vous-même. À présent, permettez-moi de vous dire que vous êtes dans l’ambiguïté : vous voulez assurer le bonheur des femmes en les coupant des voies d’information. Car les femmes dont nous parlons depuis ce matin sont souvent en grande difficulté.
Elles hésitent à garder leur enfant. Elles expriment le besoin d’être conseillées.
En ces termes, pour donner ce conseil, vous ne leur offrez désormais qu’une voix, la voix institutionnelle. À vos yeux, l’État doit penser à leur place. C’est dangereux, car dès lors leur détresse devient inexprimable, elle n’aura plus de lieu où s’exprimer.
Deux réflexions me sont venues à l’esprit au cours de ce débat. Simone Veil a été abondamment citée, notamment par vous-même, madame la ministre, ce que j’ai salué. On a cependant donné le sentiment qu’était contesté le fait qu’elle ait pu appartenir à une école de pensée commune à tous nos bancs. J’aimerais donc dire à nos collègues de la majorité la profonde différence qu’il y a entre nous et eux. Pour notre part, nous reconnaissons volontiers que M. Badinter a été un grand ministre de la justice sous une présidence de gauche. Or, vous semblez trouver étrange que ce soit Simone Veil, femme politique appartenant à notre courant de pensée, qui ait pu conduire, sous une présidence de droite, ce débat formidable sur la liberté de l’avortement.
Notre collègue Mme Lignières-Cassou s’est émue qu’un grand archevêque lui ait écrit pour lui donner la position des autorités religieuses catholiques. Elle semblait le contester.
C’est regrettable, parce que la laïcité ne consiste pas à écraser les religions par le silence ; elle doit au contraire leur permettre de vivre ensemble. Il me semble donc que notre collègue doit réviser un peu sa théorie.
Ainsi que nous l’avons dit, madame la ministre, nous avons considéré, et nos convictions sont renforcées au terme de ce débat, que ce texte n’était pas conforme à la Constitution. Nous vous le confirmons donc : si ce texte est voté, nous saisirons le Conseil constitutionnel.
Le moment de saisir le Conseil viendra en temps voulu, et nous verrons alors ce qu’il en est !
Enfin, si vous m’y autorisez, monsieur le président, j’aimerais adresser mes derniers mots au président du groupe socialiste, qui a exprimé tout à l’heure sa fierté de participer à ce débat et de voter ce texte. Vous devez donc avoir bien peu d’occasions de vous réjouir du travail du gouvernement que vous soutenez, cher président Le Roux.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme Maud Olivier, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
L’examen de cette proposition de loi que Bruno Le Roux, Catherine Coutelle, Catherine Lemorton, moi-même et de nombreux autres collègues sur ces bancs avons cosignée nous a une fois encore rappelé une effarante réalité : il faut sans cesse réaffirmer que la liberté des femmes de disposer de leur corps est un droit, un droit fondamental.
Après ce débat, je serai brève. Le délit d’entrave n’est pas nouveau. Il a été défini par la loi Neiertz du 27 janvier 1993 et précisé en 2014. Aujourd’hui, nous ne définissons pas un droit spécifique à internet. Nous précisons qu’internet n’est pas une zone de non-droit, et que le délit d’entrave y vaut également.
Les femmes tireront les conclusions qui s’imposent face à la mauvaise foi de ceux qui sur les bancs de l’opposition veulent faire croire ce qui n’est pas. Nous avons eu droit à un florilège de contre-vérités et de désinformation. Cette proposition de loi ne vise ni à fermer des sites ni à limiter la liberté d’expression. Soyons sérieux, soyons dignes. Cette proposition de loi permettra de faire mieux respecter un droit existant.
Nombre de propos entendus aujourd’hui, et auxquels, j’en suis certaine, Simone Veil ne souscrirait pas, nous enseignent tristement deux choses. Premièrement, cette proposition de loi est utile, car elle permettra au juge de mieux répondre aux plaintes des personnes qui s’estimeront victimes de sites avançant masqués. Elle est utile également, et les bras m’en tombent, pour expliquer une fois encore que le droit des femmes à disposer de leur corps est non pas un sujet de débat mais un droit, ne vous en déplaise, reconnu par la République.
Deuxièmement, cette proposition de loi révèle une vivacité renouvelée des militants anti-IVG, dont les idées sont très relayées aujourd’hui sur les bancs de l’opposition.
C’est donc des deux mains que le groupe socialiste, écologique et républicain votera ce texte. Face à l’hypocrisie, seul le droit vaut. Le droit à l’IVG est un droit fondamental. Il faudra, encore et encore, le rappeler.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La proposition de loi est adoptée.
J’aimerais remercier tous les groupes, à commencer par le groupe socialiste, écologique et républicain, notamment son président, la présidente de la commission des affaires sociales et la présidente de la délégation aux droits des femmes, qui ont défendu ce texte. Je tiens également à saluer l’ensemble des groupes qui ont apporté leur soutien à cette proposition de loi, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants au groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
En conclusion, j’aimerais vous faire part de deux interrogations qu’ont pu susciter certains propos entendus tout au long de l’après-midi. Premièrement, où sont passés les députés du groupe Les Républicains qui ne sont pas sur la ligne radicale que défendent les présents ? Où sont-ils, ceux qui nous affirmaient la semaine dernière être des ardents défenseurs du droit des femmes à disposer de leur corps et considérer que l’IVG n’était pas un sujet de débat, ceux qui nous assuraient qu’on pouvait être confiant sur l’avenir ? Je m’inquiète de leur absence et je m’inquiète que la droite délègue à ses membres les plus radicaux le soin de traiter de ces sujets dans l’hémicycle.
Deuxièmement, sur le fond, ce qui me trouble dans les propos entendus cet après-midi, c’est qu’aucun des orateurs de l’opposition n’a reconnu que les sites visés diffusaient des informations fausses et trompaient les femmes, aucun n’a posé la question de savoir comment nous pourrions ensemble limiter leur capacité de nuisance. C’est que, en réalité, au nom de la liberté d’expression, qui a été le faux nez de votre soutien aux propos publiés sur ces sites, vous avez défendu le droit de ces sites et des lignes téléphoniques qui leur sont associées à continuer de mentir et de tromper les femmes à la seule fin de les dissuader de pratiquer une IVG.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Voilà le bilan que je tire de cette journée. Je remercie toutes celles et tous ceux qui ont voté cette proposition de loi.
Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs.
La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante.
La parole est à Mme Pascale Got, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, qui pourrait douter aujourd’hui de la réalité du changement climatique et de ses effets sur notre environnement, notamment sur nos littoraux de l’Hexagone et des territoires d’outre-mer ? La simple élévation du niveau de la mer l’interdit, ainsi que les toutes dernières prédictions du BRGM – Bureau de recherches géologiques et minières – prévoyant une accélération de l’érosion, notamment en Nouvelle-Aquitaine. En 2025, le trait de côte devrait y avoir reculé de 20 mètres sur la côte sableuse et de 9 mètres sur la côte rocheuse. Les chiffres pour 2050 sont pires : le recul serait de 50 mètres sur la côte sableuse et de 25 mètres sur la côte rocheuse.
Sans vouloir faire resurgir dans les mémoires des événements dramatiques, comment oublier la tempête Xynthia et le lourd tribut payé en vies humaines ? Comment oublier les tempêtes qui ont, lors de plusieurs hivers successifs, jeté définitivement hors de chez elles des dizaines de personnes ? Comment oublier la menace qui pèse d’ores et déjà sur de nombreux territoires et sur leurs populations qui sont en prise immédiate avec les conséquences de l’érosion côtière et du recul du trait de côte ? Enfin et surtout, comment oublier l’impasse juridique dans laquelle se trouvent les élus qui veulent commencer à relocaliser ?
Personne ne le peut dans cet hémicycle, du moins je l’espère ! Il est temps, mes chers collègues, de se saisir du problème et d’arrêter de finasser – passez-moi l’expression – sur les différentes appréciations de mouvement de terrain ou l’éligibilité au fonds de prévention des risques majeurs ou fonds Barnier, dont j’appelle d’ailleurs à améliorer la gouvernance, et de perdre du temps et risquer des vies humaines en ne réagissant qu’après l’aléa et toujours dans l’urgence. Si des avancées ont été réalisées en matière d’inondation et de submersion, l’érosion côtière a été délaissée en raison d’une temporalité particulière qui à défaut d’être reconnue mène au laxisme et débouche immanquablement sur la mise en danger de territoires, de biens et de personnes.
Dès lors, saisissons-nous de cette temporalité particulière pour lui donner une assise juridique, pour mieux anticiper et protéger, pour apporter des réponses aux élus, maintenir l’activité, aménager en conséquence et informer, en un mot pour développer la culture du risque qui manque tant en France ! Tel est l’objectif de ce texte, issu des travaux menés au sein du comité de suivi de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte par des élus, des scientifiques et des représentants d’associations sous l’égide du ministère de l’environnement. Ces travaux nous ont amenées, Chantal Berthelot et moi-même, qui sommes co-présidentes de ce comité, à remettre à Mme la ministre de l’environnement un rapport détaillant quarante propositions pour faire face au recul du trait de côte.
Ce texte apporte des premières réponses aux attentes formulées par les maires des territoires concernés. Il est d’ailleurs soutenu par l’Association nationale des élus du littoral, par l’association France Environnement, par le Partenariat français pour l’eau, par les représentants des cultures marines et par les différents organismes publics chargés d’accompagner les territoires, tels que le GIP Littoral Aquitain, et par le Conservatoire du Littoral. Quels sont les nouveaux outils que nous proposons tant aux territoires de la métropole qu’à ceux des outre-mer ?
Nous proposons d’abord de procéder à la reconnaissance juridique de la définition du recul du trait de côte dans le code de l’environnement, dans les plans de prévention des risques et dans les documents d’urbanisme tels que les SRADDT – schémas régionaux d’aménagement et de développement durable du territoire, les SAR – schémas d’aménagement régionaux et les SCOT – schéma de cohérence territoriale. Nous souhaitons ensuite que ces mêmes documents reconnaissent la stratégie nationale de gestion intégrée du trait côte mais aussi les stratégies régionales et les stratégies locales. Sachez, chers collègues, que les collectivités ayant élaboré des stratégies locales pour faire face à l’érosion côtière sont actuellement bloquées pour les mettre en oeuvre alors qu’elles ont répondu à des appels d’offres les incitant à amorcer une relocalisation. Il y a là un vrai paradoxe !
Nous proposons donc de créer un zonage spécifique à la temporalité du recul du trait de côte permettant des opérations d’aménagement adaptées à l’érosion : la zone d’activité résiliente et temporaire appelée « ZART » au sein de laquelle des constructions, des aménagements et des exploitations pourront être implantés, utilisés et déplacés en fonction du risque. Elle ouvrira des possibilités de préemption, de délaissement et de décote pour risques qui seront autant d’outils mis à la disposition des acteurs de terrain pour imaginer le littoral dans dix, cinquante, soixante ou cent ans. Nous proposons également de permettre aux élus de créer une zone de mobilité du trait côte où mener des actions de protection des écosystèmes côtiers, qui sont particulièrement importants outremer, et ériger si nécessaire des ouvrages de défense contre la mer, ce qui est actuellement impossible en zone rouge.
Ce texte comporte un autre apport : la création d’un bail réel immobilier littoral, appelé BRILi, spécifique à la ZART. Il présente deux vertus : la commune peut louer les biens acquis et bénéficier d’un retour sur investissement, les propriétaires peuvent vendre leurs biens à la collectivité tout en continuant à y résider en contractant un bail avec la commune. La spécificité de ce contrat réside dans la mention de la réalisation du risque et de la démolition du bien. Comme ils sont situés dans une zone à risque, ces nouveaux dispositifs s’inscriront obligatoirement dans un plan de prévention des risques naturels. Nous instaurons aussi une meilleure information des acquéreurs et des locataires de biens situés dans une ZART. Enfin, nous proposons d’accorder des exonérations fiscales à la création d’activité économique et clarifions l’utilisation du fonds de prévention des risques majeurs pour l’acquisition de biens menacés à échéance de dix ans afin d’inciter les acteurs à se saisir de ces nouveaux dispositifs.
Chers collègues, les collectivités disposaient sinon de rien, du moins de peu d’outils face au recul du trait de côte et à la nécessaire adaptation des territoires. Ce n’est plus le cas, à elles de vouloir s’en saisir. Rien n’est imposé.
Voter ce texte, c’est voter pour un projet protecteur, solidaire et responsable. Un projet protecteur, car les populations sont au coeur de nos préoccupations. Cela passe par l’information : il faut informer sur l’existence du risque, sa durée, sa fréquence et ses conséquences, ne rien cacher aux Français des réalités qui les toucheront dans leur quotidien, ou qui les touchent d’ores et déjà. Je pense ici aux copropriétaires du Signal, actuellement en grande difficulté. Je proposerai un amendement les concernant.
Un projet solidaire, car le principe de solidarité est essentiel pour faire face à ces nouveaux risques. Il s’agit d’aider ceux qui, de bonne foi, n’ont pu se prémunir contre ce risque de recul du trait de côte, encore mal apprécié il y a quelques années, faute d’outils pour construire des solutions alternatives. La France fait partie des rares pays qui accompagnent ses citoyens en cas de sinistres causés par un phénomène naturel. Je pense qu’il faut en être fier et qu’il convient d’appliquer ce principe à l’érosion des côtes.
Un projet responsable, car la responsabilité est le corollaire de la solidarité : État, collectivités territoriales, résidents, entreprises, associations, nous avons tous la responsabilité d’élaborer une stratégie de développement durable pour notre littoral de demain. Les littoraux connaîtront une forte attractivité ces prochaines années – l’INSEE annonce plus de 4 millions d’habitants supplémentaires d’ici 2040. Cette dynamique n’est pas incompatible avec celle du recul du trait de côte, mais nous devons en profiter pour repenser différemment les activités sur certaines zones.
Mes chers collègues, ayons l’ambition de définir des objectifs à moyen et long terme. Au-delà de nos mandats, pensons aux générations futures et préparons-leur le littoral de demain. Pour cela, donnons une impulsion, une ligne. Préférons un objectif clair, celui de la prévention, plutôt que celui de la gestion dans l’urgence ; préférons l’adaptation, plutôt que la défense coûteuse et de court terme contre les éléments naturels.
Le ministre de l’aménagement, au sortir des Trente Glorieuses, lors de la remise du premier rapport sur le littoral français déclarait : « Les hommes des villes ont domestiqué le littoral, parfois avec brutalité, souvent avec amour (mais plus possessif que tendre), pas toujours avec talent. Il nous reste à l’aménager ». A mon tour, je dirai : à le réaménager !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, je me dois tout d’abord de saluer cette initiative parlementaire qui vise à traiter un sujet émergent pour les habitants des territoires littoraux, l’érosion côtière. Ce phénomène grignote peu à peu les côtes françaises.
Avec ses 7 500 km de côtes, dont 1 650 km pour les départements et régions d’outre-mer, la France est particulièrement concernée par les risques littoraux. Aucun département côtier n’est épargné par les phénomènes d’érosion. En métropole, plus de 650 km de côtes sont en recul, la surface perdue en cinquante ans équivalant à 3 100 terrains de rugby.
Pas moins de 303 communes ont été identifiées comme prioritaires pour la mise en oeuvre des plans de prévention des risques littoraux sur le territoire métropolitain français, en raison du risque induit pour les vies humaines par une urbanisation insuffisamment maîtrisée.
Malgré l’existence de mesures antérieures, c’est une prise de conscience récente qui a amené les pouvoirs publics, suite à la catastrophe de la tempête Xynthia, à adopter en mars 2012 une stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte. Cette première stratégie avait été élaborée, en prévoyant un programme d’action portant sur les années 2012 à 2015.
Parmi les principes de cette stratégie, je retiens deux points. Dans la perspective du changement climatique, il est nécessaire d’anticiper l’évolution des phénomènes physiques d’érosion côtière et de submersion marine. Cela passe par une bonne connaissance des aléas et du fonctionnement des écosystèmes côtiers dans leur état actuel et une prévision de leur évolution à dix, quarante et quatre-vingt-dix ans. Par ailleurs, il est nécessaire de planifier maintenant et de préparer les acteurs à la mise en oeuvre de la relocalisation à long terme des activités et des biens exposés aux risques littoraux, dans une perspective de recomposition de la frange littorale et ce, même si des mesures transitoires sont mises en oeuvre.
Madame la rapporteure, avec Chantal Berthelot, vous coprésidez le comité national pour le suivi de la mise en oeuvre de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte. Ce comité a été installé par Ségolène Royal en janvier 2015. Ses travaux ont abouti à la remise d’un rapport à la ministre de l’environnement le 7 octobre 2015, « 40 mesures pour l’adaptation des territoires littoraux au changement climatique et à la gestion du trait de côte ».
Ces recommandations comportaient deux volets. L’un concernait l’amélioration de l’acquisition des connaissances. Les phénomènes d’érosion, notamment des dunes, peuvent s’avérer complexes. La possibilité de capitaliser la connaissance est tout à fait essentielle pour mieux déterminer l’aléa ; l’autre concernait l’élaboration de stratégies territoriales intégrée de trait de côte. Les propositions reprises dans cette loi prennent en compte ces recommandations. Sur bien des points, elle répond à des préoccupations restées longtemps sans réponse et apporte des solutions adaptées et équilibrées. En cela, je tiens à nouveau à saluer votre travail, mesdames les députés, travail auquel ont collaboré un certain nombre de parlementaires.
Cette proposition de loi met en avant la nécessité, pour les communes du littoral, de proposer une stratégie de gestion intégrée du trait de côte, englobant l’ensemble des enjeux associés à cette évolution, y compris du point de vue de la biodiversité. Cette stratégie de gestion intégrée doit être prise en compte dans les Schémas régionaux d’aménagement et de développement durable et d’égalité des territoires – SRADDET. Elle doit être déclinée au niveau local, notamment dans les documents d’urbanisme. Le préfet pourra également utiliser cette stratégie lors de l’élaboration des plans de préventions des risques littoraux.
Cette proposition de loi crée un nouvel outil qui permet d’aménager les zones soumises au risque d’érosion et, compte tenu de la durée envisagée des phénomènes d’érosion, de maintenir des logements et des activités économiques dans les zones soumises à risque. Elle crée, pour ces zones, un bail réel immobilier littoral, le BRILI, qui permet d’anticiper la décote des biens et de ne pas laisser des propriétaires voir la valeur de leur bien décliner inexorablement sans leur apporter de solutions. Ainsi, il sera possible pour les personnes qui désireraient rester dans leur logement après le rachat de leur propriété par la collectivité, de continuer à l’occuper en versant un loyer à cette même collectivité.
Enfin, cette proposition de loi apporte une solution très concrète aux problèmes rencontrés par les propriétaires de l’immeuble du Signal, à Soulac-sur-Mer, en Gironde, qui sont confrontés à une situation juridico-administrative difficile. Expulsés de leur logement pour cause de danger imminent, les habitants de cet immeuble attendent une indemnisation de la perte de leur bien. Je sous-amenderai en séance l’amendement de la rapporteure, ce qui, je l’espère, permettra de sortir par le haut de cet imbroglio judiciaire et d’y mettre un terme.
Si les dispositions constitutionnelles relatives au respect du droit de propriété protègent le propriétaire de toute tentative d’appropriation publique de son bien, sans donner lieu à de justes indemnisations, la protection des biens par l’action publique, comme l’a précisé le Conseil constitutionnel, ne constitue pas un droit et l’atteinte à l’intégrité physique de la propriété individuelle par les éléments naturels ne peut relever d’une responsabilité directe de l’État.
Contrairement à d’autres phénomènes naturels, l’érosion est un phénomène à cinétique lente. Il est possible de l’anticiper. La mise en place de l’indicateur national d’érosion côtière permettra de mesurer physiquement l’évolution du phénomène. Il n’est donc pas pertinent de vouloir lui appliquer un régime d’indemnisation qui vise à prévenir des risques immédiats et difficiles à anticiper, aujourd’hui indemnisés par le Fonds de prévention des risques naturels majeurs. Ce fonds est alimenté par un prélèvement sur les cotisations d’assurances « habitation ». Je proposerai donc deux amendements visant à tenir compte de cette caractéristique.
Je terminerai en vous remerciant, madame la rapporteure, pour l’énergie que vous avez mise dans l’élaboration de cette proposition de loi. Il fallait beaucoup de ténacité et de combativité pour faire avancer un sujet techniquement complexe, où les progrès sont aussi « à cinétique lente ».
Ces progrès sont pourtant indispensables car, avec l’entrée en vigueur de l’accord de Paris, nul ne peut ignorer la nécessité d’anticiper les conséquences du réchauffement climatique sur l’évolution de nos côtes. Il faut, dès maintenant, prendre des mesures. Je me réjouis que ce texte soit examiné aujourd’hui et inscrit à l’ordre du jour au Sénat, dès le 21 décembre en commission et le 11 janvier en séance, ce qui permettra de poursuivre les débats très rapidement.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise aborde une question majeure, celle du changement climatique et de l’une de ses conséquences, l’élévation du niveau de la mer. Selon le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, le niveau moyen de la mer pourrait s’élever d’une hauteur comprise entre 23 cm et 51 cm au cours du XXIe siècle, pour le scénario pessimiste, et entre 20 cm et 43 cm, pour le scénario plus optimiste. Pour autant, ces projections ne prennent pas en compte l’impact d’une accélération de la fonte des calottes glaciaires.
Chacun conserve en mémoire les effets dévastateurs de la tempête Xynthia, en février 2010, et celles survenues en 2013 et 2014. La montée des eaux est clairement identifiée comme la cause principale d’aggravation de l’aléa de submersion et aura des effets majeurs sur l’érosion côtière dans les prochaines décennies. Une part significative des côtes – notamment des plages sablonneuses – est actuellement en recul en France. Or l’attractivité des zones littorales continue de s’accroître, ce qui conduit à une plus grande exposition des personnes, habitations, infrastructures et entreprises aux risques de submersion temporaire et d’érosion. Il est impossible d’évaluer précisément à quel rythme cette montée des eaux s’opérera, mais nous constatons d’ores et déjà que la limite entre la terre et la mer, le trait de côte, est en mouvement. Notre pays compte 11 millions de km2 d’eaux territoriales, c’est dire l’enjeu.
Il s’agit de répondre au besoin de préservation de ces espaces et de sécurisation des populations et, dans le même temps, d’organiser les conditions du maintien du dynamisme et du développement durable de nos côtes.
Cette proposition de loi, qui vise à affronter les défis qui sont devant nous, n’arrive pas sans bagages. Elle concrétise les 40 mesures proposées par le Comité de suivi de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte, mis en place en 2015, et dont les propositions visaient à adapter les territoires littoraux au changement climatique. Ce texte est donc utile et nécessaire. Il ne s’agit plus d’agir ponctuellement ou dans l’urgence, mais d’installer des critères de gestion des espaces concernés. Cela m’amène à formuler quelques interrogations.
L’article 1er instaure une stratégie nationale établie pour dix ans, qui constituera le cadre de référence pour la protection du milieu et de la gestion intégrée et concertée des activités, au regard de l’évolution du trait de côte. Et, sur ces bases, les régions, les intercommunalités et les communes sont invitées à développer des stratégies territoriales.
Pourtant, les situations de nos côtes sont extrêmement diverses, les risques de submersion ou d’érosion ne sont pas les mêmes partout, ils n’évoluent pas au même rythme, notamment en raison de la composition des sols. Il y a donc un danger à vouloir uniformiser des plans de prévention.
Je formulerai une remarque similaire en ce qui concerne l’article 3. Il inclut le recul du trait de côte dans les cas de risques naturels devant faire l’objet d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles et créé de nouveaux outils avec les zones d’autorisation d’activité résiliente et temporaire – ZART – et les zones de mobilité du trait de côte – ZMTC –, autrement dit les zones tampons, qui accompagnent le recul de ce trait de côte. Ces deux concepts nouveaux sont positifs. Mais il revient au préfet de déterminer, dans le respect de la loi Littoral, les contraintes et les conditions de construction temporaire sur les zones menacées et d’identifier les zones tampons. Pourquoi ne pas confier aux collectivités locales ces missions avec le contrôle de légalité exercé a posteriori par le préfet ? Elles ont déjà une compétence similaire lorsqu’elles établissent leur plan local d’urbanisme ou leur carte communale. En quoi serait-ce différent lorsqu’il s’agit de définir des zones de protection ? Cela aurait, en outre, l’avantage de prendre en compte les spécificités des côtes concernées. Au passage, je rappelle que la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations sont des compétences confiées aux intercommunalités par les lois de décentralisation à compter du 1er janvier 2018, avec la possibilité d’anticiper dès maintenant ce transfert. Il serait donc tout de même étonnant que ce qui concerne les risques de submersion et d’érosion leur échappe et soit confié à l’État via les préfets.
Je tiens d’autant plus à le faire remarquer que, sur ces questions, nous allons assister à un enchevêtrement dans l’exercice des compétences, y compris en matière d’espaces naturels avec les départements et les régions. Comme élu local, j’ai eu plusieurs expériences de ces différents plans de prévention, qu’il s’agisse des inondations ou des risques industriels : ce fut souvent l’occasion de bras de fer avec le préfet, qui voulait nous imposer des interdictions à mille lieues des réalités du terrain, que, nous, élus, avions vécues concrètement. Je crains que le dispositif qui nous est proposé ne débouche sur les mêmes difficultés.
Je terminerai mon propos par le dernier article. Il est précisé, à l’article 13, les conditions de financement des appropriations de biens et des pertes subies par les habitants et les acteurs économiques, conséquences des dispositions prises, avec une date butoir au 1er janvier 2022. Le Fonds de prévention des risques majeurs pour les appropriations liées aux mouvements de terrain côtiers est donc ainsi temporairement maintenu. Mais avons-nous des études d’impact qui nous permettent d’évaluer les besoins et de vérifier la pertinence du nouveau dispositif de financement ?
Encore une fois, je crois cette proposition de loi utile et nécessaire. Toutefois, des précisions méritent d’être apportées afin d’en vérifier l’efficacité.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, le 22 janvier 2015, le Comité national de suivi pour la mise en oeuvre de la Stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte, dit « CNS », était mis en place par Mme Ségolène Royal, alors ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, Nous avons depuis cette date, Pascale Got et moi-même, le plaisir de coprésider ce comité. Pendant presque deux ans, nous avons eu la responsabilité de travailler sur cette problématique aux côtés d’une diversité d’acteurs, qu’ils soient scientifiques, associatifs, urbanistes ou élus, qui ont témoigné d’une véritable passion pour le sujet et su nous faire bénéficier de leur expertise. Je tiens à les remercier pour leur collaboration et pour leur grand dévouement.
Nos travaux se sont déclinés autour de deux ateliers thématiques : l’un consacré à l’élaboration de stratégies territoriales, l’autre à l’acquisition de connaissances. Les travaux de ce second atelier ont permis de partager un certain nombre de constats quant à l’état des connaissances scientifiques des dynamiques hydro-sédimentaires et du phénomène d’érosion littorale, et également permis l’expression des besoins sur le sujet. Un réseau national des observatoires du trait de côte et une cartographie nationale ont ainsi été mis en place pour organiser la production et la diffusion de données fiables et homogènes au niveau national, et pour disposer d’un état des lieux de l’évolution du trait de côte sur l’ensemble du littoral français. Un appel à idées a également été lancé par Mme la ministre Ségolène Royal afin de faire émerger un imaginaire, partagé entre nature et société, pour inventer et pour partager le littoral de demain. Car il est important d’encourager les démarches citoyennes et participatives, les échanges mutuels et les initiatives collectives afin que l’ensemble de la société civile puisse s’approprier ces enjeux et faire partager sa vision du futur.
La proposition de loi est donc le fruit de l’ensemble de ces travaux et marque une première concrétisation des quarante mesures que nous avons portées avec le CNS et présentées dans notre rapport remis en octobre 2015. L’enjeu pour les collectivités du littoral et l’État consiste à anticiper, dans une vision partagée, l’évolution du littoral en faisant des choix d’urbanisme et d’aménagement cohérents, adaptés aux phénomènes naturels, et ce afin de planifier dès à présent le développement durable de ces territoires. Car notre devoir est de préserver et de préparer nos territoires littoraux de l’Hexagone comme ceux des outre-mer, ces derniers constituant, rappelons-le, une véritable richesse et un atout pour la France, au changement climatique à l’oeuvre.
J’espère que vous serez aussi d’accord tout au long de l’examen du texte, on y veillera.
Sourires.
Cette proposition de loi prend donc en compte la vision et les attentes de l’ensemble des acteurs, qu’ils soient citoyens, résidents ou usagers, mais également les acteurs économiques, l’État et ses services ou encore les collectivités territoriales concernées. Avant d’aller plus avant dans l’examen du texte, j’aimerais rebondir sur les propos liminaires de Mme la ministre, sans vouloir les lui reprendre mais parce que je crois qu’ils s’adaptent totalement à ce qu’a dit notre rapporteure : il s’agit effectivement de sa part d’un engagement sans faille sur le sujet, d’une volonté d’aboutir avec une énergie et une combativité qui font honneur à notre groupe et à notre comité national de suivi. Je tiens vraiment à saluer ici l’engagement et le travail d’écoute dont a fait preuve notre rapporteure.
Le texte s’articule autour de trois axes.
Le premier propose d’élaborer les politiques d’anticipation du changement climatique par la consécration, à l’article er, de l’existence de stratégies de gestion intégrée du trait de côte au niveau national et local, en complément des dispositions prises dans la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité.
Le deuxième permet d’identifier le risque lié au recul du trait de côte par la création d’une nouvelle section relative à l’évolution et à la gestion intégrée dudit recul, à l’instar de la gestion du risque d’inondation, mais également à travers l’intégration de ce phénomène aux risques naturels devant faire l’objet d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles en introduisant dans ces plans le concept innovant de zone d’activité résiliente et temporaire – les ZART. Cet axe permettra également au préfet d’identifier, toujours au sein de ce plan de prévention, des zones tampons, appelées « zones de mobilité du trait de côte », nécessaires aux littoraux pour s’adapter au changement climatique, en accompagnant et en limitant de façon naturelle ce recul.
Le troisième encourage le développement durable des territoires littoraux en proposant de nouveaux dispositifs capables de répondre aux problématiques spécifiques liées au recul du trait de côte et à l’élévation du niveau de la mer et des océans. Ainsi, le BRILi – bail réel immobilier littoral –, nouvel outil de gestion du trait de côte au sein des ZART, permettra aux territoires de développer de nouveaux projets d’aménagements positifs et durables pour les populations en prenant en compte la temporalité des activités soumises à ce risque.
Mes chers collègues, si le sujet peut paraître technique, voire ésotérique… il n’en demeure pas moins crucial pour le présent et l’avenir de nos territoires littoraux.
Dans les outre-mer, nous entretenons, pour des raisons historiques, géographiques et culturelles notamment, une relation très particulière avec notre littoral, mais nous sommes, dans le même temps, d’une certaine manière vulnérable, sujets à une diversité d’aléas climatiques – cyclones, séismes, inondations, érosion, etc. En Guyane, les phénomènes de recul du trait de côte sont spectaculaires et dévastateurs : le littoral bouge à vue d’oeil, c’est difficile à croire pour ceux qui ne l’ont pas constaté, avec des variations de l’ordre de plusieurs mètres par an. La commune de Rémire-Montjoly y a été confrontée il y a plusieurs années et a dû imaginer des solutions temporaires qui n’ont malheureusement pas permis de sauver toutes les habitations. Aujourd’hui, c’est à la ville de Kourou de faire face à ce phénomène très menaçant. Les enjeux pour les territoires insulaires restreints, tels que nous les connaissons dans les outre-mer, sont également considérables. Prenons l’exemple de la commune de Petit-Bourg en Guadeloupe, qui, depuis 2012, s’est inscrite dans une démarche d’expérimentation dans le cadre de l’appel à projet national de relocalisation des activités et des biens exposés aux risques littoraux, en partenariat avec la communauté d’agglomération du Nord Basse-Terre et avec l’agence des cinquante pas géométriques. Cette action témoigne d’une forte volonté des décideurs publics de définir un cadre d’action et des solutions innovantes et opérationnelles visant à mettre en sécurité les populations vivant dans les quartiers littoraux menacés.
Mes chers collègues, je voudrais conclure en vous disant que la gestion de nos littoraux doit s’évader d’une vision purement écologique pour intégrer une approche combinée d’aménagement du territoire et de protection environnementale. Je crois que c’est l’équation que parvient à résoudre la présente proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, y compris celui de mon fan club, Gilles Lurton, que je remercie de son soutien,
Sourires
je souhaite aborder le sujet délicat traité par ce texte par la formule suivante : l’enfer administratif français est souvent pavé de bonnes intentions législatives. En tant qu’élu vendéen, élu du département qui a connu le drame de Xynthia, je ne sous-estime pas les dangers des changements climatiques, des événements maritimes exceptionnels et de l’évolution du trait de côte. Qui pourrait d’ailleurs les nier alors qu’ils ont tendance à s’amplifier année après année ?
Mais le texte qui nous est proposé, fruit d’une longue réflexion, est une nouvelle manifestation du génie administratif français dont les technocrates de nos ministères sont les thuriféraires. On en arrive ici à une situation d’une complexité telle que ni les préfets ni les élus locaux ne seront capables de mettre en oeuvre cette proposition de loi. Je suis député, représentant de la nation et de la Vendée littorale, mais aussi un élu local, maire pendant huit ans, président aujourd’hui d’une communauté de communes. Je mesure à ce titre la difficulté des élus locaux à maîtriser l’urbanisation de leurs communes littorales et à préparer l’avenir de celles-ci du fait de l’accumulation des contraintes auxquelles elles sont confrontées. Il y a évidemment la loi Littoral – je vais y revenir –, mais aussi toutes les contraintes des plans de prévention des risques, des ZNIEFF – zones naturelles d’intérêt écologique, floristique et faunistique – et autres ZICO – zones importantes pour la conservation des oiseaux. On a coutume de dire à l’Association nationale des élus du littoral que seule la seule contrainte législative qui ne s’abat pas sur les communes du littoral, c’est la loi Montagne – et encore, pas pour toutes.
En l’occurrence, loin d’apporter des solutions raisonnables et mesurées aux besoins d’urbanisation des communes du littoral, cette proposition de loi va une fois encore déposséder les élus locaux de la maîtrise de leur avenir au profit de l’État. C’est en effet lui qui, à tous les échelons, va garder la main. Là où déjà les marges de manoeuvres étaient très étroites pour les maires et leur conseil municipal, elles deviendront quasiment nulles si jamais ce texte était adopté en l’état. Les préfets auront un rôle tout puissant dans l’élaboration des schémas, des zonages, etc. Par ce type de stratégie et de doctrine, souvent d’ailleurs infondées juridiquement – je pense notamment à celles qui concernent la prévention des risques littoraux, et nous aurons l’occasion de le voir dans les semaines et les mois qui viennent avec les contentieux administratifs qui ne manqueront de se multiplier –, l’État obtiendrait ici, je le répète, la mainmise sur l’avenir de l’urbanisation des communes littorales en les dépossédant de leur souveraineté urbanistique.
Loin d’apporter des solutions raisonnables et mesurées aux besoins d’urbanisation des communes littorales, cette proposition de loi va également empiler contraintes sur contraintes.
François Hollande, qui doit s’exprimer dans très peu de temps à la télévision devant les Français, avait annoncé qu’il procéderait à un choc de simplification. Or, à l’inverse, c’est un choc de complexification que vous nous apportez, chère collègue, non sans bonnes intentions.
Il en résulte que les décideurs, acteurs publics, collectivités territoriales et services de l’État ne pourraient pas appliquer les dispositions de cette proposition de loi, si elle était adoptée et déclarée constitutionnelle.
En effet, madame la rapporteure, vous demandez aux élus du littoral d’articuler un grand nombre de sigles, de schémas et de notions d’une incroyable complexité. Il faudra maintenant parler de ZART, de ZMTC, de BRILi, qui devront être compatibles avec les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires – SRADDET –, la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte – SNGITC –, formant un bloc normatif solide avec les schémas de cohérence territoriale – SCOT –, les plans locaux d’urbanisme intercommunal – PLUI –, alors même que la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations – GEMAPI – est de compétence communautaire à partir de 2018 et que les plans de prévention des risques naturels – PPRN – sur l’ensemble du littoral français viennent bousculer complètement les documents d’urbanisme de nos communes littorales.
C’est dire la complexité nouvelle que vous ajoutez à la gestion de l’urbanisme par les communes littorales, madame la rapporteure. Vous ajoutez des contraintes aux contraintes : où est le choc de simplification ?
Enfin, loin d’apporter des solutions raisonnables et mesurées aux besoins d’urbanisation des communes littorales, cette proposition de loi vient amplifier le déséquilibre croissant de l’application de la loi Littoral, laquelle fête ses trente ans.
Cette loi, je le rappelle, avait pour objet l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral. Sa rédaction initiale étant assez floue, elle a toujours été appliquée et interprétée de manière restrictive par le juge administratif. Le flou qui sous-tend les plans de prévention des risques littoraux donne une nouvelle fois au juge la faculté d’interpréter cette proposition de loi dans un sens toujours plus restrictif.
En réalité, madame la ministre, madame la rapporteure, vous vous écartez là de l’esprit initial de la loi Littoral, qui visait non pas la seule protection mais l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral. Vous aviez là l’occasion de corriger cette interprétation restrictive de la loi littoral par le juge administratif, en apportant une certaine marge de manoeuvre dans les documents d’urbanisme des communes du littoral.
La loi Littoral s’applique en effet avec la même vigueur aux communes situées à 100 mètres, 5 ou 10 kilomètres du trait de côte, et à celles qui ont à la fois une frange littorale et une frange rétro-littorale. En outre, les conditions d’interprétation concernant les dents creuses, par exemple, sont extrêmement restrictives. Alors que les communes souhaiteraient pouvoir continuer à se développer, ne serait-ce que pour accueillir les enfants de leurs habitants, vous n’offrez pas la possibilité d’un comblement raisonnable et maîtrisé des dents creuses. La notion de non-continuité avec l’urbanisation existante pose certaines difficultés pour les activités agricoles, touristiques ou d’hôtellerie de plein air, qui ne sont pas reconnues comme des urbanisations, bien qu’elles soient irriguées par des réseaux et par un ensemble de services qui permettent de les qualifier d’urbanisation existante.
Ainsi, madame la ministre, madame la rapporteure, au lieu d’apporter des solutions à des problématiques existant dans les communes littorales, vous dépossédez celles-ci de la maîtrise de leur avenir sur le plan de l’urbanisme et vous bridez toute potentialité de développement urbanistique et économique sur les communes littorales. En un mot, vous voyez le littoral comme un danger.
S’il est vrai que nous devons progresser sur le plan de la culture du risque, il nous faut aussi envisager le littoral comme un formidable gisement d’opportunités et de croissance pour notre pays, en matière d’économie maritime, d’énergie bleue et de développement touristique. Si la France veut vraiment faire le pari de la croissance maritime, elle devra assouplir et réglementer des possibilités d’évolution, y compris en matière d’urbanisme littoral. Cette proposition de loi, imparfaite aujourd’hui mais dont les objectifs sont louables, pourrait contribuer à développer ces opportunités sur le territoire français.
Nous ne sommes pas là pour geler les derniers mètres carrés disponibles sur les communes littorales, mais pour accompagner, de manière équilibrée, non seulement la protection de nos populations littorales, de nos milieux littoraux, mais aussi le développement économique et démographique inéluctable de ces communes.
Comme je vous le disais, mes chers collègues, l’enfer administratif français est pavé de bonnes intentions législatives. Malheureusement, cette proposition de loi ne satisfait pas aux objectifs d’équilibre et à l’esprit de la loi Littoral, telle qu’elle est née, il y a trente ans.
C’est la raison pour laquelle je ne la voterai pas.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, cette proposition de loi sur l’adaptation des territoires littoraux au changement climatique constitue la concrétisation des 40 mesures proposées par le comité de suivi de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte. Certains de nos collègues ont participé à ce comité, et je salue le travail qu’il a accompli depuis un an.
En tant qu’élu du littoral, je constate régulièrement que le recul du trait de côte devient un véritable risque naturel, qui, manifestement, doit faire l’objet de protection. Nos 11 millions de kilomètres carré de littoral sont un atout exceptionnel pour notre pays. C’est aussi un environnement d’une très grande richesse. La loi Littoral de 1986, si souvent décriée pour son manque de souplesse, a quand même permis de protéger notre littoral de façon exemplaire. Nous pouvons tous nous rejoindre sur ce point.
Cette proposition de loi a le mérite de proposer des solutions de gestion du recul du trait de côte. Nous ne souhaitons toutefois pas qu’elle devienne une réglementation supplémentaire, empilée sur la montagne de contraintes qui s’appliquent aux élus du littoral et qui les empêchent de développer leur territoire.
En ce sens, je partage les préoccupations de l’article 1er, qui prévoit une articulation entre la collectivité locale et l’État pour le développement de stratégies nationales et territoriales de gestion intégrée du trait de côte. Leur mise en oeuvre sera d’abord confiée aux collectivités locales compétentes en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations. Ainsi, elles pourront concilier deux problématiques – l’indispensable protection des populations, d’une part, et la gestion du trait de côte, d’autre part – tout en prenant en compte les spécificités locales.
L’article 3 prévoit que le risque de recul du trait de côte est renvoyé à la définition des plans de prévention. Il autorise désormais les aménagements de culture marine à rester implantés dans les zones de mobilité du trait de côte, les ZMTC. Si je suis prêt à reconnaître qu’il s’agit là d’une avancée par rapport à la première version du texte, je la considère comme insuffisante. C’est pourquoi je proposerai un amendement sur ce sujet au cours des débats.
Quant à l’article 12 de la proposition de loi, il instaure le bail réel immobilier littoral, le BRILi. Je vous remercie d’avoir répondu en commission à la question de la gestion domaniale, en incluant le Conservatoire du littoral dans la liste des personnes publiques qui pourront recourir à ce bail.
Le Conservatoire du littoral est, en effet, propriétaire d’un grand nombre de sites littoraux exposés au recul du trait de côte. Et je dois reconnaître qu’il sait développer des méthodes de gestion environnementale correspondant à nos préoccupations de développement durable. Cette gestion des territoires côtiers doit être partagée, en concertation avec les élus et les acteurs locaux.
En dehors de ces points, mon expérience locale me conduit à être très prudent, si ce n’est réservé sur des textes qui appliquent des mesures uniformes à tout le littoral. Les plans de prévention contre les risques de submersion marine, imposés de façon identique à tout le littoral français à la suite de la tempête Xynthia de février 2010, en sont un exemple criant. Si j’entends parfaitement l’impérative nécessité de protéger les populations contre les risques de submersion marine, surtout avec la remontée annoncée du niveau de la mer, liée au réchauffement climatique, j’ai du mal à comprendre que les mesures prises pour une situation spécifique en Vendée soient appliquées de manière identique aux autres littoraux, lesquels ont des spécificités propres. Je pourrai citer en exemple la circonscription de Saint-Malo et de la baie du Mont Saint-Michel, dans laquelle je suis élu. Les collectivités locales qui bordent la baie sont de plus en plus contraintes par une accumulation de textes qui, si nous n’y prenons garde, finiront par mettre sous cloche nos territoires.
Dès lors, mes chers collègues, vous comprendrez ma méfiance, et celles des élus locaux, envers un nouveau texte, qui viendrait aggraver encore plus ces contraintes. Je m’interroge par ailleurs sur l’élaboration de ces plans de prévention nouvelle génération devant intégrer un volet relatif au recul du trait de côte.
En effet, les articles 3 et 3 bis semblent donner les pleins pouvoirs au préfet pour la délimitation des nouvelles zones – ZART et ZMTC. Malgré les assurances que vous m’avez données en commission, madame la rapporteure, je crains que cette nouvelle prérogative des préfets ne renforce le caractère contraignant de ce zonage, que les communes n’auront plus qu’à subir.
Dans les zones d’activité résiliente et temporaire, le préfet pourra imposer des contraintes de construction temporaire ou des garanties financières de démolition, au cas où le risque de recul de côte se réaliserait. Quant aux ZMTC, elles lui donnent la possibilité d’interdire tout ouvrage de défense contre la mer, dès lors qu’il est établi en dehors de l’exercice de la compétence de la gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations.
Or la GEMAPI a été confiée aux intercommunalités par les lois de décentralisation du 27 janvier 2014 et du 7 août 2015. Elle se substitue aux actions préexistantes des collectivités territoriales et de leurs groupements, et remplace des actions, qui étaient jusqu’alors facultatives et non uniformément présentes sur les territoires exposés au risque d’inondation ou de submersion marine.
Nous aurions donc besoin d’une clarification sur le caractère facultatif ou obligatoire des compétences du préfet par rapport aux intercommunalités dans la détermination des ZART et des ZMTC, ainsi que sur l’exercice des prérogatives afférentes.
Enfin, le fonds de prévention des risques majeurs prévu ne prendra plus en charge l’appropriation des biens soumis au risque du recul de trait de côte après le 1er janvier 2022. Je m’interroge sur cette disposition, qui ne s’appliquera aux mouvements de terrain côtiers qu’en l’absence de plan de prévention des risques naturels prescrit. D’après ce que je crois comprendre du texte, d’autres conditions énumérées dans l’article 13 permettront une indemnisation après le 1er janvier 2022 – autant de questions qui vont rendre cet article extrêmement complexe, voire irréalisable.
Toutes ces raisons me conduisent à m’abstenir sur ce texte.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, chers collègues, l’impact du changement climatique sur nos territoires, en particulier littoraux, n’est plus à démontrer.
Érosion, submersion marine, montée du niveau de la mer, inondations sont autant d’illustrations de la responsabilité de l’activité humaine sur notre environnement, qui devraient faire taire les climato-sceptiques. Ces modifications emportent autant de conséquences dramatiques pour la population, pour nos côtes et pour nos paysages. L’érosion et le recul du trait de côte, dont l’évolution est constante, touchent tous les territoires.
La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages illustrent la prise de responsabilité de notre gouvernement tout au long de son mandat. Ces avancées significatives, attendues de nos concitoyens, témoignent de l’importance d’adapter notre corpus législatif aux évolutions de l’environnement et du climat.
Dès 2012, la France a posé les jalons d’une stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte. C’est dans le prolongement des débats intervenus sur le climat dans le cadre de la Conférence environnementale de l’automne 2014 qu’a été mis en place le comité de suivi de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte. Coprésidé par notre rapporteure, Pascale Got, et par Chantal Berthelot, à l’initiative de cette proposition de loi du groupe socialiste, écologiste et républicain, ce comité, constitué à la fois d’élus et d’experts, a effectué depuis janvier 2015 un travail pragmatique, très original et éminemment ambitieux. Je tiens à féliciter et à remercier tout particulièrement mes deux collègues, engagées depuis lors dans la traduction législative des 40 recommandations de ce comité de suivi.
Cette proposition de loi répond, me semble-t-il, au besoin de préservation des espaces, non seulement pour l’État et les collectivités territoriales, mais aussi et surtout pour les populations. Elle concilie prévention, sécurité et développement. Surtout, elle se projette dans les vingt à cinquante prochaines années, en accompagnant les propriétaires.
Outre l’accent mis sur la nécessité d’agir, le texte s’attache à développer trois axes majeurs.
Le premier est la mise en place de politiques d’anticipation, en consacrant la possibilité d’intégrer une stratégie de gestion du trait de côte au schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, le SRADDET, ou au schéma d’aménagement régional, le SAR.
Le deuxième est la prise en considération de la gestion du risque lié au recul du trait de côte, notamment par la création d’une nouvelle section dans le code de l’environnement, relative à la définition et à la gestion du trait de côte, à l’instar de la gestion du risque de submersion marine et d’inondation ; il y est prévu la création d’un zonage intermédiaire, donnant la possibilité d’aménagement d’une zone d’activité résiliente et temporaire, ou ZART. Ces ZART verront le jour dans le respect des obligations de la loi « Littoral » et des plans de prévention des risques naturels. La zone de mobilité du trait de côte permettra de définir un périmètre tampon qui prendra en considération la protection des écosystèmes côtiers.
Le troisième axe dessine les contours de nouveaux outils de gestion, visant à encourager le développement durable des territoires littoraux. Pour n’en citer qu’un, très original, le bail réel immobilier littoral sera selon moi un formidable outil pour les populations ; il tiendra compte de l’évolution de la zone de mobilité du trait de côte et permettra de proposer des solutions en termes d’activité et d’aménagement.
En tant que présidente du conseil d’administration du Conservatoire du littoral, j’aurais quelques compléments à apporter à ce texte. Je ne doute pas, madame la ministre, que vous entendrez mes demandes. Je ne doute pas non plus que vous saurez affirmer la place de ce nouveau texte. En effet, la tentation est grande pour certains d’adapter la loi Littoral et d’ouvrir des terrains constructibles. On peut le comprendre : après trente années de services, cette loi pourrait un jour être modifiée – mais seulement à la marge. Toutefois, il ne me semble pas que ce soit le moment. Ce texte a donc sa spécificité. En outre, des travaux sont en cours dans les régions à propos de l’application de cette loi – qui nous aura permis de protéger notre littoral.
La présente proposition de loi permettra à l’État et aux élus de se projeter dans l’avenir, en prenant leurs responsabilités au regard des évolutions climatiques considérables auxquelles nous devons faire face. Il nous appartient maintenant d’examiner les articles, puis d’adopter le texte. Et bien que nous soyons arrivés en fin de législature, je suis certaine que nos collègues sénateurs ont déjà pris date, puisque l’examen du texte a d’ores et déjà été inscrit à l’ordre du jour de la Chambre haute, tant en commission qu’en séance publique.
Je voterai ce texte, avec l’ensemble de mon groupe.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Je voudrais saluer cette proposition de loi, qui est un texte ambitieux, innovant et tourné vers l’avenir. Elle se soucie d’un risque particulier, qui affecte un grand nombre de nos concitoyens vivant sur nos côtes. Je tiens à féliciter ses coauteures, Pascale Got et Chantal Berthelot, d’avoir trouvé des solutions simples…
…à un problème assez complexe. Le texte fournit une boîte à outils aux collectivités territoriales, il permet aux particuliers d’être sécurisés et il tient compte de la solidarité nationale.
Je voterai donc avec une grande satisfaction cette proposition de loi.
Nous en venons aux amendements.
La parole est à Mme Pascale Got, pour soutenir l’amendement no 2 .
Il s’agit d’insérer le verbe « se régénérer » à l’alinéa 11, afin de tenir compte des spécificités des écosystèmes, notamment ultramarins. Ce terme est parfaitement approprié et doit compléter la notion d’adaptation.
Favorable.
L’amendement no 2 est adopté.
L’article 1er, amendé, est adopté.
L’article 2 est adopté.
Article 2
La parole est à M. Yannick Moreau, pour soutenir l’amendement no 3 , tendant à supprimer l’article.
Nous proposons de supprimer l’article, tout simplement parce que l’on charge la barque : il paraît difficile de donner de nouvelles missions au fonds de prévention des risques naturels majeurs sans lui octroyer de nouveaux moyens !
À la faveur du prochain amendement, j’évoquerai plus longuement l’origine de l’article 2 bis qui, comme je l’ai dit tout à l’heure, traite en filigrane de la situation des habitants de l’immeuble Le Signal.
S’agissant du présent amendement, d’abord, très sincèrement, je ne vois pas la nécessité d’une étude d’impact, puisqu’un seul bien sur le territoire national est concerné. Ensuite, l’article porte bien sur un risque naturel, puisqu’il s’agit des conséquences de l’érosion : on est donc en phase avec le fonds Barnier. Enfin, il s’agit d’aider des personnes qui se trouvent en difficulté sociale et juridique. Avis défavorable, donc.
Avis défavorable, notamment parce que je proposerai d’autres amendements à l’article 13.
Par ailleurs, je ne crois pas que les arguments avancés par les signataires de l’amendement soient justifiés.
L’amendement no 3 n’est pas adopté.
Je prendrai un peu de temps pour rappeler la situation de l’immeuble Le Signal, à Soulac. À l’hiver 2014, le préfet a signé un arrêté de péril, qui a conduit à ce que les habitants ne puissent plus rester dans l’immeuble, en copropriété, sans qu’il y ait eu pour autant expropriation. Il y a un contentieux, qui s’est compliqué, et nous nous trouvons aujourd’hui avec un problème qui est non seulement urbanistique, mais aussi social : les successions des personnes décédées sont bloquées ; certains copropriétaires habitaient là-bas à l’année ; les plus âgés sont obligés d’aller vivre en maison de retraite à leurs frais. Tout cela découle d’une expulsion engagée par la puissance publique à la suite d’un arrêté d’interdiction d’occupation, sans qu’il y ait eu expropriation. Du coup, on se retrouve dans une situation très compliquée, qui a donné lieu à plusieurs procès, et qui n’est pas à l’avantage des résidents.
Ce que je vous propose aujourd’hui, c’est de sortir de cette situation. Il s’agit d’un cas unique en France ; quelques dizaines de personnes vieillissantes se heurtent à ce problème. La proposition de loi met en place des outils afin que l’on ne se puisse plus se retrouver dans une situation similaire à celle de l’immeuble Le Signal. Néanmoins, ces outils n’existaient pas jusqu’à présent ; d’où le présent amendement, qui propose d’ouvrir droit à indemnisation dès lors que la décision émane de la puissance publique et conduit à une privation définitive de propriété sans qu’une procédure d’expropriation ait été pour autant engagée. Il convient de faire un geste en direction des copropriétaires.
Madame la ministre, vous proposez de sous-amender cet amendement. Vous allez nous présenter votre argumentation, mais il importe que nous traitions le problème avec une approche sociale.
Madame la rapporteure, vous évoquez un sujet qui est en effet extrêmement complexe. Il s’agit d’un bâtiment qui ne peut plus aujourd’hui être habité. Il a fallu que l’État, notamment le maire, prenne ses responsabilités, en signant des arrêtés de péril et en expulsant les habitants. Ce sont des choses qui arrivent parfois, s’agissant de bâtiments qui présentent des défauts. En l’occurrence, il s’agit d’une affaire bien différente, qui concerne un immeuble construit à une époque où la dune et le trait de côte n’étaient pas à cet endroit-là. Et vous avez raison : il faut trouver une solution, notamment parce que les décisions de justice qui ont été rendues et qui appliquent le droit en vigueur ne peuvent pas répondre à la difficulté actuelle – tout simplement parce que celle-ci n’a jamais été envisagée en tant que telle.
Si je propose un sous-amendement à votre amendement, c’est qu’il s’agit d’une mesure transitoire visant à traiter spécifiquement de cas d’urgence, avec une indemnisation à l’amiable de biens d’ores et déjà évacués du fait du recul du trait de côte. L’idée est de permettre une indemnisation à l’amiable à hauteur de 75 % de la valeur du bien exposé au phénomène d’érosion, et ce jusqu’en 2020. Il s’agirait d’une mesure transitoire permettant de répondre aux enjeux les plus pressants, afin de faciliter la mise en oeuvre des baux réels immobilier littoral, ou BRILI, que vous proposez par ailleurs dans le texte. Cela permettrait de mieux répondre à la situation que vous décrivez.
Madame la ministre, je vous remercie, d’abord de l’attention que vous portez à ce dossier, ensuite de la proposition que vous venez de faire d’une indemnisation à hauteur de 75 % de la valeur estimée du bien.
Nous convenons ensemble de la nécessité de prendre en considération la situation des copropriétaires. Comparativement à la première proposition d’indemnisation qui leur avait été faite, l’offre que vous faites aujourd’hui est nettement supérieure – la proposition initiale tournait autour de 20 000 euros. Voilà qui mérite qu’on lui porte une attention toute particulière. Je pense que cela peut correspondre à ce qu’attendaient, globalement, les copropriétaires.
J’y vois en outre un deuxième avantage : au lieu que la galère juridique dans laquelle ceux-ci se trouvent engagés depuis maintenant plusieurs années continue, chacun pourrait en sortir la tête haute, via une indemnisation rapide sans nouvelle procédure.
Je suis donc, pour ma part, très favorable à votre proposition, qui aurait un effet rétroactif et pourrait mettre fin à l’imbroglio judiciaire dans lequel se trouvent pris les copropriétaires. Avis favorable, donc.
Le sous-amendement no 35 est adopté.
L’amendement no 7 , sous-amendé, est adopté et l’article 2 bis est ainsi rédigé.
La parole est à Mme Viviane Le Dissez, pour soutenir l’amendement no 27 .
L’article 3 devrait, me semble-t-il, être amendé – ou tout au moins il appelle une précision de la part de Mme la ministre.
En effet, les zones d’activités résilientes et temporaires – les ZART – prescrites par les plans de prévention des risques fixent certes des contraintes, mais elles autorisent aussi des constructions nouvelles temporaires. Il serait nécessaire de préciser que, même si ces constructions sont temporaires ou réversibles, il y a lieu de respecter les prescriptions de la loi Littoral. On sait que la jurisprudence est très fournie et, bien souvent, vu le nombre de recours, inquiétante. Il serait donc opportun de rendre l’article plus explicite.
Je vous remercie pour cet amendement, madame Le Dissez, mais, si je comprends bien, vous cherchez, à travers cet amendement, à préciser l’articulation entre la ZART et la loi Littoral. Or celle-ci s’appliquera de toute façon, quel que soit le zonage : le régime des ZART, loin d’être dérogatoire, complète la loi Littoral, il ne la met nullement en péril. Je vous suggère donc de retirer l’amendement.
Même avis.
Ces précisions étaient utiles, même si elles avaient déjà été apportées et le seront encore lors de la mise en oeuvre des ZART. Je retire l’amendement.
L’amendement no 27 est retiré.
La parole est à Mme Pascale Got, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 8 .
Cet amendement est destiné aux outre-mer, et il me donne l’occasion de remercier Mme Berthelot pour sa collaboration active au sein du comité national de suivi de la stratégie de gestion du trait de côte.
L’amendement, donc, tend à adapter la ZART aux risques multiples auxquels sont confrontés les outre-mer. Une ZART pourra d’ailleurs y être créée, même si l’on rencontre d’autres risques naturels dans ces territoires, à condition bien entendu que cela n’augmente pas le risque pour les personnes.
Je comprends l’intention – garantir la mise en oeuvre des zones d’autorisation d’activité résiliente et temporaire dans les communes soumises à d’autres risques que l’érosion –, mais il convient de s’assurer que les risques à cinétique rapide seront bien maîtrisés par une interdiction de construction. La question peut aussi se poser, d’ailleurs, pour des départements de métropole.
Aussi je vous suggère de retirer cet amendement afin d’y retravailler dans le cadre de la navette parlementaire.
L’amendement no 8 est retiré.
La parole est à Mme Viviane Le Dissez, pour soutenir l’amendement no 28 .
L’amendement tend à simplifier une procédure déjà existante, dans le code de l’urbanisme, pour des espaces délimités. Il mettrait aussi le texte en cohérence avec un article de la loi pour la reconquête de la biodiversité.
Je propose, donc, de simplifier la procédure de création des zones de préemption propre au profit du Conservatoire du littoral. Lorsque celui-ci acquiert des terrains dans des secteurs déjà délimités, il le fait en concertation avec l’ensemble des collectivités locales – départements ou autres –, qui auront ensuite à les gérer. Les périmètres sont également connus grâce à la stratégie du Conservatoire. L’amendement apporterait donc une simplification utile.
Là encore je comprends l’objectif, louable. Mais, loin d’être discordantes, les politiques respectives du Conservatoire du littoral et des départements me semblent souvent convergentes ou complémentaires, et toujours guidées par le souci de la préservation et de la protection active. Je ne vois donc pas forcément l’apport d’un tel amendement. Avis de sagesse.
Bien qu’il apporte en apparence une simplification, cet amendement soulève une difficulté en ce qu’il empêcherait le recueil de l’avis des collectivités concernées. Aussi je suggère le retrait ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Je me permets d’insister, car le sujet me semble important. La nécessité d’une conciliation avec les collectivités est déjà prise en compte. L’amendement assurerait donc une certaine cohérence, et rendrait l’intervention foncière du Conservatoire du littoral plus rapide. Je maintiens donc l’amendement.
L’amendement no 28 est adopté.
Il convient de compléter la dernière phrase de l’alinéa 4 afin de préciser qui peut construire des ouvrages dans les zones concernées, en l’espèce les intervenants qui exercent la compétence GEMAPI – ce qui nous renvoie à ce que disaient nos collègues de l’opposition tout à l’heure.
Je puis d’ores et déjà indiquer que l’avis est favorable au sous-amendement du Gouvernement, qui précise les conditions d’intervention des particuliers, dès lors que ceux-ci sont concernés par le PPRN.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir le sous-amendement no 31 .
Il s’agit de réaffirmer le rôle premier des collectivités en matière d’ouvrages de protection, tout en donnant aux particuliers la possibilité de protéger leur propriété par leurs propres moyens dès lors que leur action ne nuit pas aux efforts de la puissance publique.
Ce sous-amendement complète l’amendement de Mme la rapporteure, dont nous partageons l’esprit, par des précisions que nous jugions nécessaires.
Le sous-amendement no 31 , accepté par la commission, est adopté.
L’amendement no 9 , sous-amendé, est adopté.
La parole est à Mme Pascale Got, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 10 .
Cet amendement devrait satisfaire les collègues qui craignaient que les élus n’aient pas vraiment la main, alors que tout le texte est bâti pour leur permettre de développer les stratégies locales qu’ils auraient définies, exprimant ainsi leur vision de l’aménagement du territoire compte tenu du risque d’érosion. Ces stratégies locales pourront ensuite nourrir des PPRN, soit dans le cadre de constructions, soit pour les modifier.
L’amendement conforte donc la stratégie locale en précisant qu’elle doit intégrer le plan de prévention des risques naturels. Grâce à cet outil, la collectivité pourra engager son aménagement en prenant en compte l’érosion.
Cela dit, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, rien n’est obligatoire : les élus peuvent encore connaître toutes les difficultés possibles et imaginables sur leur territoire, étant entendu que, au bout du compte, ce sont les populations et les acteurs économiques qui seront directement concernés.
L’amendement no 10 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 3, amendé, est adopté.
Article 3
L’article 3 bis est adopté.
La parole est à Mme Viviane Le Dissez, pour soutenir l’amendement no 26 , portant article additionnel après l’article 3 bis.
Les acquisitions du Conservatoire du littoral, également soumises à l’érosion, peuvent pour cette raison passer sous le statut de droit commun du domaine public maritime, le DPM. L’amendement tend donc à permettre au Conservatoire de poursuivre sa mission de préservation des écosystèmes sur des parcelles soumises au DPM. Il serait en effet dommageable que le plan de gestion ne puisse plus être appliqué, comme c’est le cas à Mortagne-sur-Gironde.
Depuis la loi de 2002 et le décret de 2006, le Conservatoire du littoral peut exercer ses missions de gestion sur le DPM qui lui est affecté ; de sorte qu’une partie de terrain située à la fois sur l’espace terrestre, le nouvel espace maritime et un espace maritime géré par le Conservatoire relèverait, du coup, du domaine maritime.
Merci, madame Le Dissez. Nous allons essayer d’accélérer un peu les débats : l’actualité est ailleurs, semble-t-il…
Quel est l’avis de la commission ?
Nous allions déjà vite, monsieur le président. L’amendement a été rejeté par la commission. Avis défavorable.
Défavorable.
L’amendement no 26 est retiré.
La parole est à Mme Pascale Got, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 25 , tendant à la suppression de l’article.
L’amendement no 25 , accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article 4 est supprimé.
Les articles 5 et 5 bis sont successivement adoptés.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 29 , tendant à la suppression de l’article.
Le Gouvernement propose en effet la suppression de l’article 6, lequel vise à modifier le régime d’opposabilité des servitudes d’utilité publique, parmi lesquelles les plans de prévention des risques naturels. Ce régime donnant satisfaction, il n’y a aucune raison objective de le faire évoluer.
Pour être opposable, un PPRN doit en effet être annexé au plan local d’urbanisme – PLU. L’obligation est forte dans la mesure où le code de l’urbanisme prévoit un dispositif à double détente. Dans un premier temps, l’obligation d’annexer le PPRN au PLU repose, selon les cas, sur les communes ou sur les EPCI – établissements publics de coopération intercommunale. En cas de défaillance de la collectivité, le préfet doit, d’office, annexer le plan de prévention des risques naturels au PLU.
Dans ces conditions, il est inutile de prévoir le cas où l’obligation fixée par les textes ne serait pas respectée.
L’amendement no 29 , accepté par la commission, est adopté et l’article 6 est supprimé.
La parole est à Mme Pascale Got, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 17 .
En l’absence de stratégie locale, la stratégie nationale doit pouvoir s’imposer sur les SCOT, donc, par suite, sur les PLU – ce sera d’ailleurs l’objet de l’amendement suivant –, de façon que le risque d’érosion soit bien pris en compte.
La stratégie nationale que nous avons fait l’effort d’élaborer, plusieurs collègues l’ont rappelé, a fait l’objet d’une forte mobilisation. Il importe donc qu’elle soit prise en compte lorsque les élus, je le répète, n’ont pas développé de stratégie locale.
L’amendement no 17 , accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article 7 est ainsi rédigé.
La parole est à Mme Pascale Got, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 12 , tendant à la suppression de l’article.
L’amendement no 12 , accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article 8 est supprimé.
Il s’agit d’un amendement à propos duquel je ne me fais malheureusement pas beaucoup d’illusions. J’ai néanmoins tenu à le défendre car je considère que lorsqu’un problème est identifié, le législateur a également pour fonction de le régler.
L’obstruction dont est systématiquement victime cet amendement me choque véritablement car elle ne facilite pas les constructions dans les hameaux. Il s’agit du fameux amendement issu du rapport d’information Plaidoyer pour une décentralisation de la loi Littoral : un retour aux origines déposé par nos collègues sénateurs Odette Herviaux et Jean Bizet.
Il concerne les dents creuses constituées de hameaux déjà existants dont l’urbanisme pourrait fait l’objet d’une densification. L’amendement vise à augmenter le nombre de logements dans les hameaux existants, sans procéder à une extension d’urbanisme.
Le complément des dents creuses est déjà autorisé dans les hameaux nouveaux qui sont définis à l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, qui ne fait d’ailleurs aucunement référence aux hameaux existants qui ne sont appréciés que sous le seul angle jurisprudentiel de la densité des constructions, ce qui leur est généralement défavorable.
Sur le terrain, cette situation a abouti à une incompréhension du sujet de la part des élus comme des préfets. De nombreux projets d’urbanisme sont, de ce fait, abandonnés.
L’amendement prévoit plusieurs garde-fous afin de protéger l’environnement dans tous les secteurs concernés : le complément des dents creuses n’ouvre pas ultérieurement droit à une extension d’urbanisation dans la cas où la tentation de requalifier ensuite le hameau en village ou agglomération pourrait exister ; la densification respecte également des critères de proportionnalité afin que ces dents creuses ne servent pas de prétextes à l’installation de bâtiments volumineux ; et, enfin, cette possibilité n’est pas ouverte aux hameaux situés dans les espaces proches du rivage.
Tel est l’objet de cet amendement, que j’ai déjà déposé et défendu à plusieurs reprises dans différents textes : je pense notamment à la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, à la loi, où il était parvenu jusqu’en commission mixte paritaire mais avait échoué à une voix prés.
Depuis le début de mon mandat, je l’ai également placé dans tous les textes traitant d’urbanisme : j’aurais donc tout tenté.
Sourires.
Monsieur Lurton, je salue votre constance : quand on vous empêche de passer par la porte, vous surgissez par la fenêtre et, si cette issue n’est pas praticable, vous faites une tentative par le grenier.
Tout à fait, j’ai même déposé mon amendement lors de l’examen du projet de loi modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, dit acte II de la loi montagne !
Effectivement, je l’avais remarqué.
Sourires.
Mêmes objectifs, mêmes causes, mêmes effets : l’avis de la commission est défavorable, cet amendement n’entrant pas du tout dans la logique de cette proposition de loi.
L’existant est déjà suffisamment compliqué à gérer pour en rajouter : vous pensez bien qu’on ne va pas faciliter la densification dans les zones d’activité résiliente et temporaire, les ZART.
En outre, le dispositif que vous proposez ne s’appliquerait pas forcément dans ces mêmes ZART. Je préfère que nous restions dans notre contexte d’érosion côtière afin de bien définir les endroits où nous pouvons faire les choses intelligemment, de façon tout à la fois significative et bordée.
En outre, et je ne vous ferai pas beaucoup de peine car vous vous attendiez à ma réponse : la même logique m’amènera à repousser votre prochain amendement. S’agissant de cet amendement no 6 , vous avez tenté une autre astuce, en traitant d’agriculture. Vous consulterez utilement le rapport, puisque nous avons auditionné les représentants des cultures maritimes et donc pris en compte leurs demandes.
Monsieur Lurton, vous connaissez par avance mon avis : il est défavorable, tout d’abord parce qu’il ne me semble pas qu’une proposition de loi visant à traiter la question du trait de côte soit le meilleur vecteur législatif pour traiter celle des dents creuses.
Par ailleurs, je ne méconnais les difficultés que vous soulevez – une jurisprudence fluctuante, des difficultés rencontrées dans l’élaboration des plans locaux d’urbanisme, une interrogation des maires – puisqu’elles m’ont amené à mener, dans plusieurs territoires, des séminaires de travail associant les services de l’État, les juridictions compétentes et les élus.
J’ai très sollicitée pas les Bretons : j’ai donc commencé par la Bretagne.
Nous avons travaillé justement pour évaluer très clairement la situation. Nous avons le même débat au Sénat : il y apparaît également plus simple de supprimer telle ou telle disposition de la loi littoral.
En effet, puisque nous avons des documents d’urbanisme existants et que nous devons également répondre à la question de l’artificialisation des sols, il nous faut en trouver la juste et bonne application.
Il faut notamment avoir avec le Conseil d’État un débat que nous menons d’ailleurs aujourd’hui. En effet, s’agissant des différentes évolutions législatives, le Parlement a, quelle que soit sa couleur politique, et depuis plusieurs décennies, construit un corpus législatif.
Or nous constatons parfois que ce que les parlementaires ont voulu défendre n’est pas ce qui est retenu par le juge administratif : c’est pour cette raison que, même s’il s’agit d’un autre débat, qui est loin d’avoir abouti, nous y travaillons.
Pour le moment, j’ai souhaité qu’une confrontation réelle sur des cas pratiques – plan local d’urbanisme annulé, propriétaires interrogatifs – ait lieu en région afin de regarder les éléments, notamment jurisprudentiels, qui nous ont conduit à de telles situations.
Les services de l’État ont également pu constater que, dans certains territoires, les systèmes dérogatoires existants ne sont aujourd’hui pas utilisés. À la suite de cette réflexion, nous allons d’une part publier des guides pratiques et d’autre part la poursuivre, car notre pays compte plusieurs littoraux avec chacun leur urbanisation spécifique. Une telle situation appelle en effet des réponses très précises.
Sincèrement, la bataille doit être portée sur le terrain avec les élus et les services compétents de l’État avant de se poser la question d’une quelconque modification législative, car elle ne répondra de toute manière jamais à toutes les situations.
Il est vrai, madame la ministre, que des choses se font, notamment avec les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement, les DREAL, qui réunissent de tels séminaires.
Je regrette simplement que seuls les présidents des schémas de cohérence territoriale les SCOT, ainsi que certains maires, y soient invités et que nous, députés, n’y soyons pas associés.
C’est un peu regrettable car nous venons ensuite en parler dans l’Hémicycle et nous ne disposons pas du même niveau d’information. Je regrette donc que nous ne puissions y assister.
S’agissant de l’amendement, je me doutais bien de l’avis défavorable donné tant par Mme la rapporteure que par Mme la ministre. Pour vous dire, j’avais même essayé de le placer lors de l’examen du projet de loi modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, dit acte II de la loi montagne !
Cela ne m’avait pas échappé.
la loi Montagne s’applique en effet à certains littoraux. J’essaie simplement de trouver une solution à un problème quotidien auquel sont confrontés les élus locaux : c’est tout. Je regrette que, depuis cinq ans, cela n’ait pas été possible.
Mais je persévérerai, car cela m’a déjà permis d’obtenir de Mme la ministre du travail un décret facilitant l’emploi de marins apprentis à bord des navires. On finit par conséquent par obtenir les choses.
Le problème est que ce n’est jamais le bon moment pour corriger l’interprétation restrictive que le juge administratif fait de la loi Littoral. Nous examinons actuellement une proposition de loi qui définit un nouveau cadre d’élaboration et d’examen des règles d’urbanisme sur le littoral français. Et ça ne serait pas encore le moment d’examiner les corrections nécessaires à la loi Littoral !
Le problème est qu’elle était floue dans son expression. Il a en outre fallu attendre dix-huit ans avant que l’État ne prenne les décrets d’application la précisant ! Pendant tout ce temps, c’est le juge administratif qui a interprété, de manière toujours plus restrictive, cette même loi.
Dans la situation actuelle, nous avons complètement abandonné l’esprit initial de la loi Littoral. Esprit de la loi Littoral es-tu là ? Non, il n’est plus là, ni dans les juridictions, ni au ministère – je suis content de vous faire sourire, madame la ministre, au terme d’une longue journée et de l’annonce du départ de François Hollande – du logement.
Le Président n’est pas parti.
Cet esprit n’existe plus, mais le problème est qu’il ne souffle pas plus dans cette proposition de loi. Or nous aurions aimé qu’il y soufflât. Mon collègue Lurton, persévérant, breton, a bien eu raison de réintroduire cet amendement. Je regrette que vous ne l’ayez pas suivi car, au-delà de la situation qu’il évoquait, une réalité est commune à 95 % des communes littorales : elles sont véritablement pénalisées dans la maîtrise de leur urbanisme par ces questions.
L’amendement no 5 n’est pas adopté.
Je ne vais pas être long s’agissant de cet amendement, car j’ai bien compris le sort qui lui sera également réservé. Il faut parfois se rendre compte de la situation de certains exploitants agricoles en bordure de littoral. Le dernier que j’ai rencontré a déposé une demande de permis de construire en zone littorale pour une extension sans co-visibilité avec le littoral.
La première réponse des services de l’État a été : vous êtes situés en zone littorale, mais dans la mesure où il n’y pas de co-visibilité avec le littoral, nous allons examiner une possibilité de dérogation.
Huit jours plus tard, le même agriculteur recevait un courrier lui disant : certes, vous disposez d’un possibilité de dérogation, mais finalement, dans la mesure où votre bâtiment se situe en discontinuité – la continuité était impossible, un espace vert protégé séparant les deux corps de bâtiment – par rapport au siège de votre exploitation, il ne nous sera pas possible d’examiner votre demande. C’est sans fin !
Dans ces cas-là, en zone littorale, il existe toujours un argument pour refuser les extensions d’exploitations agricoles. Or l’agriculture se trouve en grande difficulté, y compris en zone littorale : il nous faut parfois savoir lever des verrous dans les cas où aucune nuisance à l’environnement n’est constatée.
C’est bien le pire : il est impossible de voir quelle nuisance de telles extensions pourraient provoquer. Malheureusement, ce type de dossier se retrouve complètement bloqué.
Juste une précision : évidemment, la question concerne les activités agricoles, mais elle concerne, et c’est au moins aussi problématique, les activités aquacoles. Aucun nouveau projet d’aquaculture n’arrive à émerger sur le littoral français.
La proposition de loi que nous examinons ce soir ne va pas arranger les choses.
Nous pensons ce soir non seulement aux agriculteurs, mais également aux aquaculteurs qui ne peuvent pas développer leurs activités sur le littoral national.
L’amendement no 6 n’est pas adopté.
Cet amendement vise à récrire l’article 8 bis qui fait obligation aux professionnels de l’immobilier « de signaler de manière explicite à tout acquéreur ou bailleur potentiel l’existence d’un risque de recul du trait de côte pesant sur le bien dont la transaction est envisagée […]. »
Tel qu’il est rédigé, cet article crée une rupture d’égalité entre les acquéreurs et les locataires qui ont recours aux services d’un agent immobilier et ceux qui n’y ont pas recours. En effet, les premiers bénéficieraient d’une information plus complète que les seconds.
En outre, il exclut de l’obligation les mises en marché qui ne se font pas par le biais de professionnels de l’immobilier. Or, vous savez, notamment parce que nous avons publié mardi dernier le rapport de Bernard Worms sur le sujet, que ces mises en marché se matérialisent par des annonces électroniques affichées sur des sites spécialisés qui connaissent un réel succès.
De nouveaux usages ne sont donc aujourd’hui pas bien pris en compte. Pour cette raison, nous vous proposons cet amendement de réécriture, qui, s’il était adopté ferait tomber l’amendement no 30 suivant.
J’ai entendu les remarques concernant les situations différentes dans lesquelles se trouvent les professionnels de l’immobilier et les particuliers. Toutefois, je pense sincèrement que la rédaction actuelle de l’article 8 bis n’est pas opérationnelle.
Je vous propose donc d’adopter cet amendement no 33 et de travailler, à partir de cette rédaction, sur une évolution, y compris d’ici la première lecture au Sénat.
Il faut distinguer l’information portée par les professionnels de l’immobilier, qui sont rémunérés pour cela, et les particuliers, qui ont des connaissances moins importantes, et qui ne sont pas rémunérés. Ces derniers peuvent vendre leur bien en toute bonne foi, sans connaître les dispositifs existants, notamment ceux mis en place par les collectivités locales.
Mettre au même niveau les professionnels et les non-professionnels me paraît un peu injuste : c’est en tous cas de nature à atténuer le devoir d’information des agents immobiliers. Une telle démarche créerait surtout de multiples contentieux puisque je ne vois pas comment les particuliers seraient informés du nouveau dispositif ainsi que des risques qu’ils encourent.
Pour toutes ces raisons, je suis pour ma part défavorable à l’amendement no 33 du Gouvernement.
L’amendement no 33 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Pascale Got, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 30 .
En revanche, dans un article qui ne traite que des propriétaires, cet amendement vise à y insérer les locataires. Il serait en effet logique que ceux-ci bénéficient de la même connaissance du risque.
L’amendement no 30 , repoussé par le Gouvernement, est adopté.
L’article 8 bis, amendé, est adopté.
L’article 9 est adopté.
La parole est à Mme Pascale Got, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 13 .
Il s’agit simplement d’étendre le droit de préemption aux établissements publics nationaux puisque c’est déjà possible pour les établissements publics locaux.
L’amendement no 13 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Permettez-moi de défendre la libre administration des collectivités locales, qui est garantie par la Constitution. Je m’oppose donc à l’article 10 tel qu’il est rédigé parce qu’on ne dicte pas aux communes littorales et à leurs groupements ce qu’elles ont le droit ou non de faire.
J’avoue que je ne comprends pas très bien votre amendement, monsieur Moreau. Vous voulez que les collectivités locales aient leur mot à dire et vous proposez un amendement pour les exclure.
En plus, ce n’est pas parce que quelque chose est inaliénable qu’il n’y a pas de libre administration des collectivités.
Absolument !
Vous êtes un maire, vous devez le savoir et je ne vous donnerai qu’un seul exemple. Comment faites-vous pour les bibliothèques ? C’est un bien qui n’est pas aliénable et, pour autant, vous en avez la libre administration.
Il y a aussi des biens du domaine privé qui sont déjà inaliénables et là, je vous donnerai d’autres exemples. C’est le domaine public virtuel, ce sont les dons et ce sont les legs.
L’amendement no 24 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
Cet amendement tend à maintenir la possibilité de céder au conservatoire du littoral des biens immeubles situés dans les zones exposées au risque de recul du trait de côte et appartenant au domaine privé de l’État, des collectivités et de leurs groupements ainsi que des établissements publics fonciers et des SEM.
Une telle précision est indispensable parce que cela permettra en outre de conforter les partenariats de ces différents acteurs avec le conservatoire du littoral. Certains établissements publics fonciers ont d’ores et déjà conclu des conventions en ce sens avec lui.
Il est nécessaire de préciser que le conservatoire du littoral pourra se rendre acquéreur de foncier situé en zone exposée afin de lui donner les moyens nécessaires à l’exercice de ses missions.
Je soutiens fortement cet amendement parce que l’action du conservatoire du littoral est essentielle sur ces territoires. Tout ce qui permet de favoriser la protection des terrains littoraux grâce à leur acquisition par le conservatoire est bienvenu.
Vu les prix souvent pratiqués sur le littoral, il conviendra de s’en souvenir lors des prochains budgets et de donner au conservatoire les moyens de ses ambitions.
L’amendement no 34 , accepté par la commission, est adopté.
L’article 10, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Pascale Got, pour soutenir l’amendement no 14 rectifié .
L’amendement no 14 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Pascale Got, pour soutenir l’amendement no 15 deuxième rectification.
L’amendement no 15 deuxième rectification, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 11, amendé, est adopté.
Il s’agit de supprimer un alinéa redondant.
L’amendement no 19 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Cet amendement tend à obliger le preneur à informer le bailleur avant toute modification et à se constituer une garantie financière lui permettant d’assurer la démolition des biens créés après la signature du bail.
Sur cet amendement et les suivants, le Gouvernement s’en remet plutôt à la sagesse de l’Assemblée car nous craignons qu’ils ne deviennent caducs avec l’ordonnance liée à la loi Sapin II, mais nous comprenons l’objectif. Sagesse.
L’amendement no 22 est adopté.
L’amendement no 23 , accepté par le gouvernement, est adopté.
Cet amendement précise ce qui se passe quand le risque concernant les constructions appartenant au preneur ne se réalise pas.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.
L’amendement no 20 est adopté.
C’est un amendement de clarification.
L’amendement no 21 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 12, amendé, est adopté.
Article 12
L’article 12 bis est adopté.
Cet amendement propose d’assister la puissance publique dans la mise en oeuvre opérationnelle des BRILi par la création d’un fonds consacré au recul du trait de côte, fonds qui pourrait être alimenté par trois sources importantes de financement en provenance de l’État, des collectivités territoriales et des assureurs.
C’est très clairement un travail à engager sans délai. Ce fonds permettrait de répondre à des questions dont nous parlions tout à l’heure à l’article 2 bis et d’apporter des solutions aux difficultés que nous connaissons aujourd’hui, je pense notamment évidemment à l’immeuble Le Signal.
Si je vous comprends bien, madame la ministre, vous voudriez réserver le fonds Barnier à l’urgence et aux biens très rapidement menacés et créer un fonds spécifique pour les opérations d’aménagement dans les ZART.
Cet amendement est important mais j’aimerais avoir un peu plus de précisions. Comment sera-t-on éligible à ce fonds ? Quand entrera-t-il en vigueur ? Qui va le gérer ? À combien sera-t-il abondé ? Cela peut permettre de clarifier les choses entre ce qui relève du fonds Barnier et ce qui peut relever de l’aménagement, mais il me faudrait un petit peu plus de billes, si je puis parler ainsi.
Tout d’abord, vous l’avez bien compris, l’idée est de réserver le fonds Barnier pour les missions qui lui sont données aujourd’hui et il nous semble plus utile de créer un fonds, qui sera peut-être d’ailleurs utilisé pour d’autres choses, même si, évidemment, je ne l’espère pas.
Un certain nombre de questions, c’est vrai, ne sont pas résolues, mais c’est le Gouvernement qui présente cet amendement. Ce n’est donc pas simplement pour laisser entendre qu’on s’en occupera beaucoup plus tard. Il faut que nous puissions y répondre d’ici à l’examen du texte par la Haute assemblée et que nous regardions notamment comment le fonds peut être financé.
Il y a des sources qui peuvent être importantes. Certaines collectivités se posent d’ores et déjà la question de mettre en place un fonds, notamment dans le cadre des contrats de Plan État-région, et elles ont des réflexions sur le sujet. Ce n’est donc pas juste une idée qui sort comme ça. Nous avons aussi voulu prendre en compte les réflexions actuelles dans les collectivités.
Il est vrai que je ne peux pas répondre précisément à vos questions mais, si je suis là aujourd’hui et que je vous présente cet amendement, à la suite du travail réalisé par Ségolène Royal, c’est bien pour essayer de trouver des solutions précises. Très clairement, il faut agir rapidement car il faut répondre à des questions qui sont devant la justice et qui posent de grandes difficultés aux personnes concernées.
Même si des précisions restent à venir, plutôt dans un délai raisonnable puisque la navette sera assez rapide, c’est une mesure que nous avions préconisée dans le rapport puisque nous nous demandions, compte tenu de la gouvernance parfois un peu particulière du fonds Barnier, qui n’était peut-être pas aussi lisible pour tous les élus, comment créer un fonds spécifique.
Nous nous rejoignons donc sur cette notion de fonds spécifique et je ne doute pas que vous allez nous apporter toutes les réponses à nos questions. Je vous remercie en tout cas de faire cette distinction parce que l’on arrive à une période où c’était nécessaire.
Je soutiens également cet amendement.
Néanmoins, je voudrais évoquer ici les bâtiments dont on n’attend pas qu’ils soient détruits ou qu’ils tombent à la mer mais qui font l’objet d’une relocalisation un peu plus éloignée de l’océan permettant la poursuite des activités économiques. Pourrait-on imaginer qu’on fasse appel, dans ce cas, à ce fonds d’adaptation au recul ?
L’amendement no 32 est adopté.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 36 rectifié .
Il est défendu. C’est la suite.
Votre amendement, madame la ministre, n’est pas sans conséquence pour la logique de la proposition de loi que nous présentons ce soir.
Vous voulez supprimer les alinéas 1 à 4. Je regrette d’ores et déjà que vous persistiez à maintenir une différence entre l’érosion côtière dunaire et celle des falaises, d’autant plus, et je suis un peu désabusée, qu’une étude du BRGM a mis en avant que ces deux types d’érosion faisaient partie de la même gamme de mouvements de terrain. Scientifiquement, nous avons donc des éléments pour dire que cette différence d’appréciation n’est plus de mise.
Si vous la maintenez, il y aura forcément une différence d’indemnisation et il y a là une certaine rupture d’égalité entre les citoyens qui peuvent être indemnisés sur la côte en falaise et ceux qui ne le sont pas ou le sont à 75 % en cas d’érosion dunaire. C’est un premier point de désaccord.
Second point de désaccord, que se passera-t-il après 2020 s’il n’y a pas de PPRN ? Là, on est dans une période blanche et il pourrait y avoir un problème comparable à celui de l’immeuble Le Signal.
Je crois que notre proposition est meilleure, madame la ministre, car il n’y a pas d’indemnisation actuellement, et l’on vient de voir dans le cas du Signal qu’il fallait créer un dispositif spécifique. Nous mettons en place une indemnisation, qui, je le rappelle n’est pas une indemnisation à tout va. Nous respectons les dispositions de l’article 561-1, qui évoque une menace grave, des dangers et qui ne prévoit une indemnisation que si son coût est inférieur à celui des moyens de sauvegarde. C’est donc une indemnisation à 100 %.
Ce dispositif entrera en action dès que la proposition de loi sera votée et court jusqu’à 2022, parce que l’on peut tout de même espérer que tous les PPRN seront alors prescrits. Je vous rappelle qu’il y en a 300 qui doivent faits en urgence en application la loi Bachelot, 150 ont été faits en une année, si bien que nous pourrions très bien garder ce dispositif jusqu’en 2022 et du coup, faire le lien tout de suite avec la ZART et les PPRL.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
L’amendement no 36 rectifié n’est pas adopté.
L’article 13, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Pascale Got, pour soutenir l’amendement no 16 portant article additionnel après l’article 13.
L’amendement no 16 est retiré.
La parole est à M. Yannick Moreau, pour soutenir l’amendement no 18 portant sur le titre.
Je propose cet amendement pour finir cette longue journée avec le sourire. Il justifie également un peu le vote que je ferai tout à l’heure. Derrière ses bonnes intentions et ses dispositions parfois favorables, la proposition de loi impose aussi une complexité supplémentaire aux élus qui ont à traiter d’urbanisme littoral, ce qui la rend difficilement applicable. C’est la raison pour laquelle je proposais de la rebaptiser « loi visant à compliquer l’exercice du mandat des élus locaux ».
Sourires.
Permettez-moi de terminer avec un peu d’humour. Si vous n’en manquez pas, monsieur Moreau, vous manquez en revanche un peu de cohérence. Vous êtes membre de l’ANEL, laquelle est favorable à cette proposition de loi. Par ailleurs, pour avoir regardé ce qui se passait dans votre circonscription, j’ai vu que vous aviez attaqué des PPRN, au motif qu’ils ne prenaient pas en compte le recul du trait de côte, particulièrement aux Sables-d’Olonne. Il est un peu bizarre d’attaquer des plans qui ne prennent pas en compte ce recul et de vouloir changer aujourd’hui le titre d’un texte qui vous permet de le faire. Mais vous êtes dans votre lignée de départ, et cela est suffisamment amusant ainsi !
Sincèrement, penser, sur des sujets pareils, que dans des propositions ou des projets de loi l’objectif est d’embêter les élus locaux, alors que nous en sommes un certain nombre ici… Nous cherchons plutôt les moyens de répondre aux besoins de nos concitoyens, d’autant que nous avons pu voir, et particulièrement vous dans votre région, ce que les élus locaux ainsi que les services de l’État ont pu mal faire à une certaine époque sur ces sujets.
Très franchement, cela ne me fait donc absolument pas rire ! Derrière ces sujets, il y a des questions de préservation du littoral, de préservation des vies humaines et de développement de notre territoire dans les années qui viennent. Tout à l’heure, vous nous accusiez de ne pas avoir mis en oeuvre des mesures de simplification. Les cinquante mesures de simplification, qui étaient en réalité des centaines, portant sur le code de l’urbanisme, sur l’aménagement, sur le logement, lancées par Sylvia Pinel en 2014, ont été prises. Il y en a encore beaucoup à prendre. C’est d’ailleurs pour cela que j’organise des ateliers législatifs sur des sujets particuliers.
Il faut dire les choses très franchement : nous avons besoin d’élus locaux responsables, comme vous l’êtes, sur la question de la prévention des risques ; nous devons enseigner avec pédagogie la culture du risque dans notre société. Cela ne vaut pas que pour le littoral, mais aussi pour les inondations. Quand des personnes tentent de sauver leur voiture, alors qu’elles risquent d’être inondées, on a vu à quoi cela menait. Cela veut dire qu’il faut absolument changer notre pédagogie et en finir avec l’idée selon laquelle il y aurait le méchant État et ses services et les gentils élus locaux. Il nous faut surtout une responsabilité partagée et une capacité à anticiper. C’est, me semble-t-il, ce que fait ce texte de loi, comme d’autres que nous avons examinés tout au long de ce quinquennat.
Je tiens à préciser que la remarque de Mme la rapporteure concernant le PPRN des Sables n’était pas exacte. Son problème, c’est que le choc y est considéré de la même façon sur l’ensemble du remblai urbain.
Madame la ministre, je ne suis pas d’accord avec vous, évidemment.
Je l’espère bien !
Moi, ce qui ne me fait pas rire, c’est que l’État reprend la main sur l’urbanisme du littoral…
Et pourquoi ?
…au détriment des élus locaux qui sont dépossédés de la maîtrise de l’avenir de l’urbanisme de leurs communes.
L’amendement no 18 n’est pas adopté.
La proposition de loi est adoptée.
Prochaine séance, lundi 5 décembre 2016, à seize heures :
Lecture définitive du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017 ;
Discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2016.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinquante.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly