Intervention de Jean-Marc Janaillac

Réunion du 29 novembre 2016 à 17h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jean-Marc Janaillac, président-directeur général d'Air France-KLM :

HOP! est une compagnie aérienne qui a regroupé les compagnies régionales Brit Air et Airlinair. D'autre part, HOP! Air France est la marque sous laquelle nous exploitons les lignes domestiques françaises. La compagnie HOP! utilise des appareils assez variés, notamment des court-courriers de moins de 110 places, qui sont particulièrement bien adaptés aux liaisons courtes ou sur lesquels le potentiel de passagers n'est pas très important. Il s'agit de liaisons entre villes de province et de quelques lignes internationales au départ des régions. En outre, HOP! fait de la sous-traitance pour Air France au départ de Roissy afin de nourrir le hub, vers des destinations pour lesquelles, compte tenu du nombre de passagers, l'utilisation d'un Airbus ne se justifie pas. Nous souhaitons continuer à développer HOP! dans cette perspective. C'est une compagnie avec une structure de coûts raisonnable, inférieure à celle d'Air France, qui n'est pas une compagnie low cost et n'a pas vocation à le devenir.

Plusieurs d'entre vous, notamment M. Gilles Savary, ont évoqué le climat social au sein du groupe. Dans les compagnies aériennes, il y a traditionnellement des tensions entre les différentes catégories de personnel, de manière schématique entre les pilotes, le personnel navigant commercial et le personnel au sol. Au sein du groupe Air France, ces tensions ont été exacerbées à l'occasion de la mise en oeuvre des plans Transform et Perform, chaque catégorie jugeant qu'elle avait fait davantage d'efforts que les autres. Par ailleurs, les relations ont été difficiles entre le management et certaines catégories de personnel, en particulier les pilotes et les PNC. Un beau proverbe néerlandais dit que la confiance arrive au pas d'un homme et part au galop d'un cheval. Il va donc falloir un peu de temps pour rétablir un climat de confiance au sein d'Air France, mais aussi entre Air France et KLM. Tel est l'objectif du plan Trust together. Il est tourné vers le développement et l'expansion, et chacun peut y trouver son intérêt. Il nous permet aussi de tenir un discours managérial clair, de dire ce qu'on fait et de faire ce qu'on dit, d'avancer dans la direction fixée.

Les relations entre Air France et KLM sont compliquées. La France et les Pays-Bas sont certes deux pays européens, mais ils ont des cultures et des façons d'aborder les problèmes assez différentes, ainsi que j'ai pu l'expérimenter dans mes précédentes fonctions. Ce ne serait pas une difficulté si la différence de trajectoire entre KLM et Air France n'avait pas créé des incompréhensions : les pilotes d'Air France reprochent à KLM de leur avoir « volé » de l'activité ; les personnels de KLM expliquent que les personnels d'Air France ne font pas les efforts nécessaires, tirent le groupe vers le bas et l'exposent à des risques – j'ai dû répondre à des questions sur ce point au works council de KLM. Le plan Trust together concerne le groupe dans son ensemble – d'où son intitulé en anglais, qui est la langue de travail la plus commode entre Français et Néerlandais –, mais comporte beaucoup plus d'actions relevant d'Air France que de KLM. Son objectif est de faire retrouver à Air France le chemin de la croissance et d'une plus grande rentabilité, de façon à réduire l'écart avec KLM et, partant, les tensions qui peuvent exister entre les deux compagnies.

Les plans Transform et Perform ont eu des résultats : les efforts réalisés par l'ensemble des personnels, certes à des degrés divers, ont clairement permis d'améliorer les résultats et d'abaisser le coût unitaire de nos offres. Nous avons partiellement réduit l'écart avec nos concurrents, qui ont eux aussi fait des efforts en parallèle.

Monsieur Yves Albarello, pour améliorer nos résultats et notre compétitivité, nous travaillons sur tous les aspects, non seulement sur l'ensemble de nos coûts, mais aussi sur l'ensemble de nos recettes.

Afin d'augmenter nos recettes, nous sommes en train de renégocier avec nos grands partenaires internationaux – Delta pour les États-Unis, Jet Airways pour l'Inde, China Eastern et China Southern pour la Chine, Gol pour le Brésil – des accords de joint-venture qui vont notamment nous permettre d'aller chercher de nouveaux clients dans les villes secondaires chinoises, qui sont peuplées de plusieurs millions d'habitants. Nous ne pourrions pas le faire seuls.

Les coûts salariaux représentent 60 % de nos coûts hors pétrole, mais il faut aussi travailler sur les autres coûts. En particulier, Air France souffre actuellement de coûts de possession de la flotte trop élevés, pour deux raisons. Premièrement, les avions d'Air France volent moins que ceux d'autres compagnies, par exemple 15 % de moins que ceux de KLM. Il y a à cela plusieurs causes, valables pour certaines, moins pour d'autres. Or un avion qui ne vole pas coûte sans rien rapporter. Nous sommes en train de travailler avec les services de maintenance pour améliorer l'utilisation de nos appareils. Deuxièmement, dans le passé, la compagnie a pratiqué le « sell and buy back » afin de réduire sa dette financière : elle a vendu des avions qu'elle a repris en leasing. À l'époque, le leasing n'était pas comptabilisé au titre de la dette, et les taux d'intérêt et les taux de leasing étaient à peu près comparables. Aujourd'hui, le leasing est considéré comme un des postes de la dette, les taux d'intérêt sont bas et les taux de leasing sont assez élevés. Notre objectif est d'abaisser la part des avions en leasing de 40 à 20 % au sein de notre flotte, de façon à en réduire le coût de possession.

Le concept des « bases de province », qui consistait à développer les liaisons à partir de la province, a très clairement été un échec. Selon moi, il y a eu un problème dans sa mise en oeuvre. Les bases de province n'existent plus. En revanche, nous avons des équipes basées en province, qui sont d'ailleurs très heureuses d'y être, et le système fonctionne plutôt bien. Nous n'avons donc pas l'intention de le modifier.

J'en viens au court-courrier. Nous avons deux grands métiers : faire voler nos avions à partir de nos deux hubs, Paris–Charles-de-Gaulle et Amsterdam-Schiphol, ce qui revient à alimenter des vols long-courriers par des vols moyen-courriers ; effectuer des vols point à point, c'est-à-dire transporter des passagers qui ne prennent pas de correspondance. Nous souhaitons développer les vols point à point à travers Transavia. Un projet antérieur consistait à développer des bases européennes pour Transavia. Il avait d'ailleurs suscité une forte réaction : une grève de deux semaines en 2014. Je suis arrivé à la conclusion que nous n'avions pas les moyens de financer de telles bases, qui sont très coûteuses, car il faut alors acheter des avions ou financer des pertes pour ouvrir de nouvelles routes. Nous souhaitons développer Transavia en suivant non pas le chemin d'Easyjet ou de Ryanair, mais celui de Vueling ou d'Eurowings, c'est-à-dire à partir de nos pays, la France et les Pays-Bas. En France, cela signifie qu'il nous faut davantage de liaisons vers l'Europe au départ d'Orly, mais aussi, vraisemblablement, de villes de province. Actuellement, le groupe Air France ne détient que 5 % du marché des liaisons entre la province et l'Europe, qui a été totalement pris par les compagnies à bas coûts. Nous avons donc des parts de marché à reconquérir.

S'agissant des redevances aéroportuaires à Amsterdam-Schiphol et à Paris–Charles-de-Gaulle, les chiffres que vous avez donnés parlent d'eux-mêmes. Les tarifs ont été très fortement diminués à Amsterdam-Schiphol, d'un peu plus de 20 %, alors qu'ils ont continué d'augmenter à Paris. C'est pourquoi nous nous sommes opposés à une nouvelle augmentation. Nous souhaitons qu'ADP étudie l'expérience de l'exploitant de l'aéroport d'Amsterdam-Schiphol, dont il est actionnaire, et qu'elle essaie de suivre le même chemin à Paris.

S'agissant de la taxe de solidarité, dite taxe Chirac, il faut savoir que la compagnie Air France réalise à elle seule un tiers de la collecte mondiale, soit 63 millions d'euros par an. Cette taxe représente 45 euros pour un aller en classe affaires sur vol long-courrier, ce qui est loin d'être négligeable. La France, le Chili et la Corée du Sud sont les seuls pays développés à l'avoir instaurée. Nous souhaitons un écrêtement de cette taxe dont une partie du produit est reversée au budget de l'État, sachant que son utilisation n'est pas de notre ressort.

Monsieur Bertrand Pancher, vous avez parlé de Boost, la compagnie que nous souhaitons créer pour lutter contre les compagnies du Golfe, grâce à une structure de coûts plus légère que celle d'Air France. Comme nous l'avons déjà annoncé en conférence de presse, notre objectif n'est pas de baisser le prix des billets ; nous voulons cesser de perdre de l'argent en pratiquant les mêmes tarifs. Sur certaines destinations du Sud-Est asiatique, nous nous alignons sur des prix tirés vers le bas par la concurrence pour ne pas perdre de marchés, mais nous perdons de l'argent – parfois jusqu'à 40 % ou 50 % du chiffre d'affaires. En pratiquant les mêmes prix, mais avec une meilleure structure de coûts, nous éviterons de perdre des sommes aussi considérables.

Cet après-midi, nous avons entamé le dialogue avec les pilotes et les PNC au sujet de cette compagnie. Les négociations vont être courtes – parce que nous avons peu de temps – et compliquées. Nous allons faire de notre mieux pour trouver une solution qui nous permette de réduire nos coûts, de façon à accroître notre rentabilité. Qu'en est-il de la prise de conscience des salariés ? Elle est variable selon les catégories de personnels ou même selon les salariés, qui sont de plus en plus nombreux à se rendre compte que la concurrence se renforce et qu'il est nécessaire de réagir.

Quelles mesures souhaiterions-nous pour accompagner nos efforts ? Nous ne désespérons pas d'obtenir une baisse de la redevance pour services terminaux, suite au vote affectant 100 % de la taxe d'aviation au budget de la direction générale de l'aviation civile. Nous souhaitons une compensation des coûts de sûreté, c'est-à-dire que l'exonération de l'abattement de la taxe d'aéroport pour les passagers en correspondance soit renforcée et que la majoration de péréquation soit supprimée. Nous souhaitons aussi, comme vous l'avez indiqué, une baisse des redevances d'ADP en 2017. Nous souhaitons enfin, comme je viens de le dire, une évolution de la taxe de solidarité – soit son écrêtement, soit l'élargissement de son assiette –, de façon que notre compagnie ne réalise plus, à elle seule, un tiers de la collecte mondiale : on comprend, en citant cette proportion, ce que la situation a d'anormal.

Monsieur Patrick Lebreton, La Réunion est le berceau d'Air Outre-Mer (AOM), compagnie où j'ai fait mes premières armes dans le secteur aérien. Nous sommes conscients que les liaisons aériennes sont très importantes pour les Réunionnais, mais ils ont aujourd'hui un vaste choix, puisque l'île est desservie par quatre – et bientôt cinq – compagnies différentes. Les prix des billets entre l'île et l'Hexagone ont fortement baissé au cours des dernières années, même s'ils peuvent rester élevés en période de pointe.

Monsieur Jean-Marie Sermier, vous avez évoqué la concurrence des compagnies du Golfe. Selon un récent rapport américain, celles-ci ont touché 40 milliards de dollars d'aides directes au cours des dix dernières années. Curieusement, le transport aérien est largement exclu du champ de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) même si, dans le cadre d'un contentieux opposant Airbus à Boeing, l'organisation a récemment jugé illégal le versement de quelque 6 milliards de dollars d'aides à l'avionneur américain. Les montants sont beaucoup plus importants en ce qui concerne les compagnies du Golfe.

Monsieur Bruno Le Roux, il nous manque en effet une stratégie nationale, mais il nous manque aussi une stratégie européenne. L'Europe veut-elle garder des compagnies aériennes réellement indépendantes – et non pas des compagnies comme Alitalia qui est contrôlée par Etihad Airways – pour des raisons économiques, sociales, stratégiques, culturelles et politiques ? Si l'on considère que ces compagnies sont un attribut et un atout stratégiques pour le continent, alors il faut adopter une véritable stratégie européenne.

En outre, monsieur Le Roux, je confirme que le plan stratégique Trust together est destiné à trouver le chemin de la croissance. Dans un secteur où les coûts fixes sont très élevés, l'attrition et le déclin sont mortels : la réduction de l'activité se traduit par une hausse du coût unitaire, et donc par l'incapacité de lutter contre la concurrence. S'il est indispensable d'avoir une croissance, encore faut-il qu'elle soit rentable. Or la productivité permet d'avoir de la croissance, qui elle-même engendre de la productivité.

Comment diminuer les coûts d'une compagnie qui fait des vols long-courriers ? demandez-vous, monsieur Yannick Favennec. Une baisse équivalente à la totalité de l'écart de coût constaté avec nos concurrents, que ce soient les compagnies low cost européennes ou les compagnies du Golfe, serait insurmontable. Mais nous n'en avons pas besoin, car, en raison de divers facteurs – réseau, marque, service, cartes de fidélité, accords noués avec les entreprises, etc. –, notre recette unitaire est supérieure à la leur. Nous voulons que, dans notre nouvelle compagnie, les coûts soient inférieurs de 20 % à ceux d'Air France, les pilotes et les PNC travaillant selon des règles spécifiques.

Pourquoi avons-nous choisi de positionner Boost face à nos concurrents du Golfe, et non pas face aux nouvelles compagnies low cost long-courriers ? En fait, nous sommes rentables sur les liaisons vers les États-Unis ou le Japon, par exemple, majoritairement fréquentées par les hommes d'affaires, ou sur les lignes qui desservent des destinations de loisir ; nous avons des difficultés sur les lignes où se mélangent les deux clientèles – loisirs et affaires –, c'est-à-dire essentiellement celles du sud-est asiatique, qui sont attaquées par les compagnies du Golfe.

Rappelons que les compagnies du Golfe possèdent 500 avions tandis que les compagnies low cost long-courriers n'en ont qu'une quarantaine. Soyons prudents. Évitons de renouveler l'erreur qu'avait commise le groupe Air France il y a dix ans : mépriser les compagnies à bas coûts, en considérant qu'elles pratiquaient un autre métier et s'adressaient à une autre clientèle. Si nous n'avons aucune certitude que le créneau se développera énormément, nous restons vigilants. Cela étant, il ne faut pas tout confondre : le danger vient principalement des compagnies du Golfe. Une fois que nous aurons cet outil, avec une structure de coûts différente, nous pourrons l'utiliser, en cas de besoin, face à des compagnies low cost long-courriers visant une clientèle de touristes.

Dix avions, ce n'est pas beaucoup, dites-vous. Certes, mais c'est mieux que rien. Prenez cela comme une boutade, mais il n'en est pas moins évident que c'est ce qui nous permet de riposter sans déstabiliser le corps social du groupe Air France. Cela représente 10 % de la flotte long-courrier et 20 % de la flotte moyen-courrier. La conjonction des deux éléments et des efforts de modération que nous allons demander aux personnels navigants de l'ensemble des lignes nous permet de réduire nos coûts et donc de dégager le cash-flow nécessaire pour investir et croître. Aux termes d'un arbitrage entre le souhaitable et le possible, nous avons été amenés à articuler cette flotte.

Monsieur Christophe Bouillon, vous m'avez interrogé sur les lignes domestiques de la filiale HOP! et sur les relations entre villes moyennes. Certaines de nos lignes répondent déjà à une obligation de service public, pour environ 50 millions d'euros de chiffre d'affaires, et elles sont le plus souvent gérées et financées par des syndicats mixtes. Nous sommes prêts à développer cette activité en fonction des besoins, au service des régions. La filiale HOP! assure la majeure partie de ces liaisons avec des ATR.

Monsieur Jacques Alain Bénisti, vous nous avez parlé de la SNCF. J'étais hier à Bordeaux pour fêter les vingt ans de la navette et pour réaffirmer notre volonté de trouver une riposte au TGV.

Monsieur Martial Saddier, vous vous intéressez à l'aéroport de Lyon–Saint-Exupéry, notre premier hub régional où sont présentes les compagnies Air France et Transavia : 3 millions de passagers transportés chaque année ; quarante-trois destinations, dont vingt-cinq villes françaises et dix-huit villes européennes. Nous souhaitons développer notre présence dans cet aéroport.

Concernant le fret, monsieur Gérard Menuel, vous déplorez le rythme un peu lent de notre riposte aux concurrents. Là encore, nos décisions sont le produit d'un arbitrage entre le souhaitable et le possible. Le fret aérien est une activité en difficulté pour deux raisons : d'une part, une très faible augmentation de la demande, liée aux évolutions modérées du commerce international ; d'autre part, une très forte augmentation de l'offre, à la fois par les navires et par les avions. Malgré cela, il représente 750 millions d'euros de contribution positive à l'exploitation de nos lignes, essentiellement long-courriers. Nous souhaitons continuer à développer cette activité, mais en misant davantage sur le remplissage des soutes de nos avions de passagers que sur des avions-cargos proprement dits.

Madame Sophie Rohfritsch, je suis désolé pour Strasbourg. L'avion n'était pas une navette et, économiquement, il a eu beaucoup de mal à supporter la concurrence du TGV qui est encore plus rapide qu'il ne va l'être sur la destination de Bordeaux. À peine étais-je nommé que les élus de Strasbourg sont venus me rencontrer. Nous avons envisagé plusieurs scénarios possibles, mais qui passent par un soutien économique et financier.

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