Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a entendu M. Jean-Marc Janaillac, président-directeur général d'Air France-KLM.
J'ai le plaisir d'accueillir pour la première fois M. Jean-Marc Janaillac, président-directeur général d'Air France-KLM.
Votre prédécesseur, M. Alexandre de Juniac, que nous avions reçu à deux reprises – le 24 juillet 2012 et le 30 septembre 2014 –, nous avait présenté les plans Transform 2015, puis Perform 2020. Je vais donc vous demander en premier lieu de présenter le nouveau plan Trust together.
Vous avez annoncé la création d'une nouvelle filiale destinée à assurer des vols low cost long-courriers. Quels espoirs fondez-vous sur cette nouvelle compagnie ? De manière générale, n'a-t-on pas le sentiment que l'avenir d'Air France-KLM passe par la filialisation ?
En juin 2016, avant même votre entrée en fonction, le 4 juillet, vous avez conclu un accord avec les pilotes d'Air France qui se sont engagés à ne pas recourir à la grève avant le 1er novembre. Cette échéance étant maintenant passée, quel est l'état des relations entre la direction et le personnel d'Air France, en particulier avec les pilotes ?
Pour cette audition, vous êtes accompagné de M. Jérôme Nanty, secrétaire général du groupe Air France-KLM, et de Mme Patricia Manent, directrice adjointe des affaires publiques.
Je me propose de vous présenter le projet Trust together, lancé au début de ce mois. Le groupe Air France-KLM emploie 85 000 salariés et dégage un chiffre d'affaires de 25 milliards d'euros, dont 16 milliards environ pour Air France et près de 9 milliards pour KLM. Air France emploie 53 000 salariés, ce qui fait de l'entreprise le premier employeur privé d'Île-de-France, puisque c'est là que se trouve le plus clair de nos effectifs.
Après une période 2008-2014 très difficile, caractérisée par sept années de pertes consécutives, le groupe et la compagnie Air France ont retrouvé l'équilibre en 2015 et 2016, et ont dégagé en 2016 un résultat positif. Il est dû à la mise en oeuvre des plans Transform et Perform qu'Alexandre de Juniac vous a présentés, mais surtout à la baisse du prix du carburant, qui a allégé la structure du coût d'Air France-KLM d'environ 2 milliards d'euros par rapport au point haut du cycle du pétrole.
Si nos chiffres sont meilleurs aujourd'hui qu'il y a quelques années, nous n'en connaissons pas moins une situation financière toujours difficile, car notre bilan est fragile, nos capitaux propres sont négatifs, notre dette est encore importante, même si elle a diminué. Enfin, notre rentabilité reste largement inférieure à celle de nos principaux concurrents, c'est-à-dire la moitié de celle de British Airways et le quart de celle de Delta ou Easyjet.
Cette situation économique difficile est due au très fort durcissement de la concurrence, particulièrement de la part des compagnies du golfe Persique, ainsi qu'à un écart de compétitivité, notamment imputable aux conditions d'emploi, à la structure de l'entreprise, mais aussi au montant des cotisations sociales, très supérieur à celui qu'acquittent nos concurrents. Par ailleurs, la combinaison des taxes et des redevances aéroportuaires joue aussi en notre défaveur, ce qu'ont montré les comparaisons internationales établies par le rapport du groupe de travail sur la compétitivité du transport aérien français, présidé par M. Bruno Le Roux, remis au Premier ministre le 3 novembre 2014.
Lors de mon arrivée dans l'entreprise, j'ai été frappé par la vigueur de la concurrence à laquelle elle est confrontée. Il y a quatre ans, la compagnie Emirates disposait du même nombre d'avions long-courriers qu'Air France-KLM, et Qatar Airways la moitié. En 2020, Emirates disposera du double de la flotte d'Air France-KLM et Qatar Airways en possédera autant que notre groupe. Ces concurrents sont redoutables, car ils disposent de flottes neuves et jouissent d'un environnement social ou économique qui leur offre des avantages contre lesquels il nous est très difficile de lutter. Ainsi, le coût d'une « touchée » – le prix qu'exige un aéroport à l'arrivée d'un avion –, s'élève à 14 000 euros à Paris-Charles-de-Gaulle (CDG) pour un Boeing 777, contre 3 500 euros à Dubaï. Certes, Air France-KLM se pose à Dubaï, et Emirates à CDG, mais 100 % de nos avions se posent à CDG, et 100 % des avions d'Emirates se posent à Dubaï. Ce seul aspect concurrentiel se trouve à l'origine d'un écart de 300 millions d'euros annuels entre les deux compagnies.
Cette très forte concurrence résulte aussi d'un accroissement des capacités, dû aux commandes importantes d'avions neufs passées par les compagnies du Golfe, mais aussi par les compagnies asiatiques, par Turkish Airlines ou par les compagnies low cost long-courriers, comme Norwegian. Par ailleurs, le coût du pétrole demeurant bas, ces compagnies n'ont pas retiré leurs vieux avions de leur flotte, ce qui augmente d'autant leurs capacités, qui sont supérieures de 8 % sur l'Amérique du Nord et du même ordre sur l'Asie, alors que le trafic ne croît que de 3 ou 4 %. Cela signifie que nous subissons aujourd'hui une forte pression sur le revenu unitaire, qui a baissé de 10 % depuis l'année dernière pour la plupart des grandes compagnies aériennes. Aussi, la stratégie de la compagnie au cours des dernières années a consisté à réduire la dette ainsi que les investissements.
En outre, les événements survenus au sein de l'entreprise au cours des dernières années et des derniers mois ont révélé de fortes tensions dans l'entreprise entre catégories de personnel, mais aussi entre certaines de ces catégories et les équipes dirigeantes. Il nous a donc paru indispensable de rétablir la confiance à l'intérieur du groupe ; le projet Trust together – si sa dénomination est anglaise, c'est qu'il s'adresse à la fois aux Néerlandais de KLM et aux Français d'Air France – constitue le moyen principal de cette politique. Notre objectif demeure de renouer avec un chemin de croissance et de développement qu'Air France, particulièrement, avait perdu ces dernières années. Pour cela, il faut investir dans des avions, afin de faire progresser la flotte de 100 à 110 appareils.
Afin de financer cette croissance, la compagnie doit augmenter ses CAPEX – capital expenditure, ou dépenses d'investissement. Or la valorisation boursière d'Air France-KLM étant insignifiante – de l'ordre de 1,5 milliard d'euros, soit quatre fois moins que Lufthansa, dix fois moins que Ryanair, et le prix de dix avions long-courriers –, une augmentation de capital est exclue. En outre, le recours à la dette nous est difficile, car, même s'il a diminué, notre niveau d'endettement demeure supérieur à celui de nos concurrents en termes de ratio. Nous devons par conséquent trouver ces ressources en nous-mêmes. C'est pourquoi le projet Trust together prévoit la poursuite des efforts demandés au personnel du sol : un plan de départs volontaires a été mis en oeuvre, qui aboutira au terme des cinq dernières années à la suppression de 10 000 postes au sol à Air France, ce qui est considérable. Nous demandons aussi un effort supplémentaire aux personnels navigants techniques et commerciaux afin de dégager des ressources, les efforts précédents n'ayant pas été pleinement partagés ces dernières années, ce qui a créé des tensions au sein de l'entreprise.
Nous sommes parvenus à la conviction qu'il est possible d'atteindre ces objectifs de réduction des coûts unitaires, rendus indispensables par la baisse des recettes unitaires, par une réduction du coût unitaire modéré sur l'ensemble de la compagnie. Par ailleurs, nous attendons une réduction unitaire des coûts plus forte par la création d'un outil nouveau, qui n'est pas absolument une compagnie low cost, et vise une structure de coût plus basse pour les 10 % de nos vols long-courriers qui perdent beaucoup d'argent.
Grosso modo, 35 % de nos vols long-courriers sont déficitaires. Parmi eux, 10 % perdent énormément d'argent, particulièrement sur les routes du Sud-Est asiatique où nous sommes exposés à la très forte concurrence des compagnies du Golfe. Il s'agit de disposer d'une compagnie faisant partie de l'univers d'Air France par ses services et son produit, mais dont la structure de coûts unitaires sera plus basse, ce qui nous permettra de résister ou de rouvrir des lignes sur lesquelles nous n'étions plus compétitifs et que nous avions dû fermer.
La venue de cette nouvelle compagnie sur le réseau moyen-courrier a aussi pour objet de protéger le hub de Roissy, qui est alimenté par ce réseau, alors que 80 % des lignes concernées ne sont pas rentables.
Tels sont les objectifs du projet Trust together qui consistent à retrouver les moyens d'une croissance rentable, singulièrement pour Air France, tout en laissant KLM avancer dans la mise en oeuvre de son plan Perform 2020. C'est la négociation que nous avons engagée avec les représentants du personnel navigant, pilotes et commerciaux, afin de trouver un accord compatible avec le retour à la croissance.
Notre secteur a la particularité heureuse de connaître une période de croissance, le trafic aérien mondial devant augmenter de 6 % à 8 % au cours des prochaines années. Cette croissance est certes en grande partie tirée par les liaisons intérieures asiatiques, dont nous sommes absents, mais, pour la zone européenne et ses alentours, les prévisions sont de l'ordre de 3 à 4 % ; et il est indispensable que nous puissions nous inscrire dans ce mouvement.
Monsieur Jean-Marc Janaillac, nous étions habitués à vous entendre parler de transports sur le plancher des vaches. Cette fois, vous avez pris de l'altitude. Or nous n'ignorons pas qu'en altitude il y a des turbulences. Depuis plusieurs mois, nous sommes inquiets pour le groupe Air France, à cause de sa situation financière, avec 5 milliards de dettes, des fonds propres épuisés et, surtout, un modèle économique que se dégrade, car le prix du billet baisse tendanciellement alors que les charges et redevances augmentent, malgré une baisse du prix du carburant.
Nous sommes donc conduits à nous interroger sur l'utilité des plans Transform et Perform, comme sur certaines restructurations aériennes, telle la création du groupe Hop!, dont il est toutefois peut-être trop tôt pour apprécier les résultats.
Le monde entier a malheureusement eu la révélation du climat social très dégradé régnant au sein du groupe Air France, qui n'est d'ailleurs pas le seul dans cette situation, comme en témoigne la grève très dure menée par les pilotes de la compagnie Lufthansa. Ce phénomène est récurrent dans le monde aérien, mais la France a connu des épisodes violents très médiatisés, qui ont donné une image négative du groupe et de notre pays.
Ces blocages avaient des causes multiples, l'État acceptant d'intervenir au sujet des redevances, à condition que le personnel navigant fasse un effort. Or ces personnels estimaient n'avoir aucun effort particulier à fournir, puisque, bien mieux payés que les autres, ils « faisaient beaucoup de béton », et que c'était l'organisation des vols qu'il convenait de revoir. Ils considéraient encore ne représenter qu'une très faible part des charges de la compagnie, environ 3 %, et n'être pas à l'origine des problèmes financiers d'Air France.
D'un autre côté, la concurrence se déploie à une vitesse nettement supérieure à celle de nos réactions et de notre capacité d'adaptation. Le monde autour de nous évolue très rapidement, et nous réagissons très lentement, dans la douleur et les crises.
Aussi souhaiterions-nous connaître l'appréciation que vous portez sur le climat social au sein de l'entreprise.
J'aimerais par ailleurs que vous nous fassiez part des dispositions qui vous paraissent le plus immédiatement nécessaires pour accompagner le redressement du groupe. Avez-vous établi une hiérarchie de ces mesures ? Le rapport de Bruno Le Roux fait toujours autorité, mais n'a guère été suivi d'effets, sauf en ce qui concerne les passagers en correspondance.
Il n'en demeure pas moins que, en dehors de l'État, d'autres acteurs déterminent votre compétitivité, en particulier les aéroports. J'ai effectué un travail au sein du Conseil supérieur de l'aviation civile (CSAC) qui montre que les coûts aéroportuaires ne sont pas très nettement établis. Ils sont difficiles à apprécier, et il est probable que les coûts de touchée sont supérieurs en France, alors que Schiphol les a considérablement réduits. Un important jeu de compétitivité se joue entre les aéroports, les compagnies aériennes étant inégalement réparties dans ces établissements : lorsque Schiphol fait un effort, Air France n'en bénéficie pas directement, mais plutôt KLM. Je souhaiterais donc connaître votre appréciation sur cette compétition entre les hubs, qui se double d'une nouvelle géopolitique de l'aérien, et vous déstabilise considérablement, conduisant à ce que, aujourd'hui, le golfe Persique se situe au centre du nouveau monde aérien, toujours plus orienté vers le Sud-Est asiatique.
Ressentez-vous, au sein de la direction du groupe KLM, un désalignement vis-à-vis d'Air France ? Autrement dit, selon vous, existe-t-il, au sein du groupe, un risque de tension entre les deux compagnies ?
Quelle est votre appréciation sur les compagnies low cost long-courriers ? Vous paraissent-elles avoir un avenir ? Et cet avenir vous paraît-il devoir se révéler aussi déstabilisant que l'ont été les low cost court-courriers ?
Votre prédécesseur, Alexandre de Juniac, avait engagé le plan « Transform 2015 » contenant des mesures qui ont été respectées par certains personnels – personnels au sol et personnels navigants commerciaux (PNC) –, mais pas forcément par d'autres – je pense aux personnels navigants techniques (PNT). Ne craignez-vous pas que les deux premières catégories aient été victimes d'une injustice ? Or le personnel manifeste une certaine défiance vis-à-vis des dirigeants, puisqu'il n'a jamais vraiment connu les résultats des réformes successives. C'est pourquoi, monsieur le président-directeur général, il vous faudra peut-être innover en matière de dialogue social.
Pour améliorer sa compétitivité, le groupe Air France entend agir sur tous les leviers en amplifiant « les initiatives déjà engagées en termes de coûts unitaires », avez-vous déclaré. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Après la création d'Air France bis – si j'ai bien compris –, comment comptez-vous organiser la filière concernant les flux de PNC entre toutes les entités : HOP!, Transavia et Air France ?
Ensuite, vous n'avez pas évoqué la question des bases de province ni celle du court-courrier à l'aéroport d'Orly où HOP! et Transavia doivent se développer.
Par ailleurs, vous avez récemment rejeté la proposition d'augmentation de 1,67 % des taxes aéroportuaires d'ADP. Comment expliquer qu'à l'aéroport d'Amsterdam-Schiphol, les redevances vont baisser de 8,7 % en 2017, après avoir diminué de 10,66 % en 2016 et de 7,7 % en 2015 ? En outre, l'instauration de la taxe de 1 euro destinée au financement du Charles-de-Gaulle Express a été repoussée à 2024. Entre-temps, il faudra pourtant bien boucler le budget, ce que permettrait l'instauration d'une redevance assise sur l'activité des commerces installés sur la plateforme aéroportuaire.
Enfin, j'appelle l'attention de mes collègues sur la nécessité de réorienter la taxe de solidarité sur les billets d'avion dite « taxe Chirac ». Il faut avoir le courage de dire que les choses doivent changer. En effet, le produit de cette taxe – affecté à l'organisation Unitaid, quoique, quand on lit certains articles, on ne sache pas très bien où va l'argent – doit impérativement servir l'investissement – par exemple le financement du CDG Express. Tous les politiques doivent être conscients de cette nécessité et s'accorder sur la réorientation d'une taxe qui a fait son temps et qui pénalise essentiellement notre compagnie nationale au détriment des autres.
Nous sommes très mécontents, monsieur le président Janaillac, de votre départ de Transdev, parce que vous étiez un bon patron, et très heureux de votre arrivée à la tête d'Air France, parce que vous savez relever les défis – or celui qui nous occupe ici est d'importance. La compagnie Air France, vous l'avez relevé, va un peu mieux et se trouve pour la première fois dans le vert avec un modeste bénéfice d'exploitation en partie lié au plan de réduction des coûts Transform 2015, mais surtout à la baisse du prix du pétrole. Ce plan a néanmoins provoqué de graves tensions sociales avec deux semaines de grève en septembre 2014 pour un coût énorme de 425 millions d'euros.
Vous avez, le 3 novembre dernier, présenté un nouveau plan stratégique, Trust together, prévoyant notamment la création d'une nouvelle compagnie, Boost, dont les billets seront moins chers. Où en est cette création ? Ce plan a été favorablement accueilli par le syndicat majoritaire des pilotes d'Air France ; en revanche, le syndicat des hôtesses de l'air et stewards y est beaucoup plus hostile, voyant les PNC comme les grands perdants de cette opération. Aussi, où en est la restauration de la paix sociale à Air France ? Avez-vous le sentiment d'une prise de conscience générale de la nécessité de réduire les coûts ? Où en est-on, précisément, catégorie par catégorie ?
Quel regard portez-vous par ailleurs sur ADP qui a proposé d'augmenter toutes ses redevances de 1,67 % – après qu'elles ont été gelées en 2016 ? Le groupe Air France est totalement opposé à cette augmentation et demande au contraire la diminution de ces taxes afin de relancer le trafic vers Paris. Quelles pourraient être les évolutions d'ADP, selon vous ?
Nous nous interrogeons en outre en permanence sur le rôle de l'État stratège… qui vous laisse au milieu des difficultés, qui n'a pas hésité à évoquer la création d'une taxe sur les billets d'avion pour financer la liaison ferroviaire directe entre l'aéroport de Roissy et la gare de l'Est. Pour notre part, nous sommes défavorables à la suppression de la taxe de solidarité sur les billets d'avion parce que l'on a besoin de financements innovants : reste que le dispositif doit avoir des limites. Où en est-on sur cette question ?
Enfin, quelles sont vos attentes en matière de fiscalité, de redevance, de réglementation, étant entendu que le système en vigueur nuit gravement à la compétitivité du groupe ? Nous sommes en train de mener des réflexions dans la perspective de la prochaine législature : aussi, pouvez-vous nous éclairer ?
Monsieur le président-directeur général, je suis l'un des députés élus à La Réunion, territoire qui est partie intégrante de la France, mais situé à près de 11 000 kilomètres de l'Hexagone. Or, vous le savez, les Réunionnais sont très soucieux de leur lien avec celui-ci. Depuis des décennies, en effet, nombreux sont ceux qui sont venus pour suivre leurs études ou assurer leur carrière professionnelle sans emmener avec eux leur famille. La mobilité a donc une importance cruciale pour tous ces gens. Il s'agit pour nous d'une question vitale compte tenu du niveau de chômage élevé, en particulier parmi les jeunes.
À ce titre, la desserte aérienne de notre île est essentielle, car elle matérialise ce lien entre les Réunionnais de l'Hexagone et leur terre natale. Dans ce cadre, Air France, compagnie dans laquelle l'État détient une participation significative, joue un rôle particulier.
Or de nombreuses familles réunionnaises, dans l'Hexagone, sont de condition modeste et le coût du billet d'avion en classe économique est élevé : si des familles doivent effectuer un aller et retour dans les trois jours pour assister à des obsèques, par exemple, le billet coûtera 2 240 euros ! Ces tarifs interdisent donc aux Réunionnais de voyager fréquemment entre l'Hexagone et leur île.
Depuis quelques mois, le paysage aérien semble devoir évoluer fortement avec l'annonce de l'arrivée de nouveaux opérateurs, notamment low cost avec des tarifs de base en diminution. Aussi, pouvez-vous nous faire part, sinon de votre stratégie, du moins de votre sentiment sur le positionnement futur d'Air France concernant la desserte de notre île ? Enfin, cette concurrence nouvelle va-t-elle vous inciter à modifier votre politique tarifaire ou, plus généralement, votre offre commerciale ?
Monsieur le président-directeur général, vous avez évoqué l'environnement hyperconcurrentiel du trafic aérien, insistant sur les compagnies de la péninsule arabique qui vont doubler leur nombre d'avions dans les prochaines années. Dans ce contexte complexe de forte augmentation du trafic, la compagnie HOP ! a été créée en 2013 pour riposter aux compagnies à bas coûts. Toutefois, force est de constater que cette compagnie peine à se développer et à trouver sa clientèle. Quel est, par conséquent, votre sentiment sur HOP!, sur le prix des billets de cette compagnie – pas si différent de celui des billets d'Air France ? HOP! ne pourrait-elle être l'avenir d'Air France ?
Je vous remercie de m'y accueillir pour la première fois. Ma présence est le signe de mon inquiétude sur la situation d'Air France et la marque de mon soutien résolu aux mesures envisagées. On ne sait pas si le plan proposé sera le dernier, mais, si rien ne marche, cela risque bien d'être le cas... C'est que l'amélioration des résultats ne compense pas l'écart de compétitivité avec les autres compagnies, lequel continue même de croître. Il est donc urgent de répondre à la situation présente.
Alors que nous avions précédemment le choix – s'agissait-il d'un vrai choix, d'ailleurs ? – entre un plan d'attrition et un plan de développement, il semble que vous ayez clairement opté ici pour un plan de développement. Voilà qui mérite tout notre soutien, car je n'imagine pas que l'avenir d'Air France dépende d'un plan de fermetures de lignes : quand on ferme des lignes, il n'y a aucune raison pour qu'on n'aille pas toujours plus loin en ce sens au risque de passer, si j'ose m'exprimer ainsi, en deuxième division. Grâce à ses alliances, le groupe Air France est encore un groupe major dans le secteur du transport aérien. Je souhaite donc avoir la confirmation que, dans votre esprit, il s'agit bel et bien de proposer aux salariés de développer la compagnie.
Ensuite, je regrette que la première proposition du rapport – dont il a été précédemment question – n'ait pas été la définition d'une vraie stratégie nationale du transport aérien, laquelle fait cruellement défaut. Vous manque-t-elle d'ailleurs à vous autant qu'à nous ? Quand la France risque de se retrouver en difficulté dans le secteur du tourisme, il serait peut-être temps de dessiner des stratégies d'ensemble. Ainsi la diplomatie française a-t-elle pris une initiative avec la diplomatie allemande, auprès de la Commission européenne, sur les conditions d'une concurrence équitable avec les compagnies du Golfe. Et, autre exemple, la situation quelque peu schizophrénique entre ADP d'un côté et Air France de l'autre, chacune exigeant toujours plus, alors que les destinées de ces deux entreprises sont totalement liées, en France et ailleurs, mériterait une stratégie mieux dessinée.
Monsieur le président-directeur général, vous avez récemment présenté votre vision stratégique pour le groupe Air France-KLM pour les dix années à venir, en particulier à travers le plan Trust together qui, au-delà d'une volonté de réduction des coûts, s'appuie sur la recherche de nouvelles recettes. Dans cette optique, vous prévoyez de réagir sur le marché des long-courriers sur lequel la rentabilité de votre groupe s'est effritée avec l'arrivée d'une concurrence de plus en plus rude – celle des compagnies du Moyen-Orient comme Emirates, Qatar Airways ou Turkish Airlines, sur les axes reliant l'Europe à l'Asie. Ainsi, 30 % des lignes long-courriers d'Air France sont déficitaires, dont 10 % très lourdement. Vous souhaitez donc créer une nouvelle compagnie : Air France bis ou Air France light – j'ignore si le nom est définitivement arrêté – filiale à 100 % d'Air France, positionnée sur des lignes long-courriers mi-business, mi-loisirs.
Quelle est la capacité de cette nouvelle compagnie à procéder à une baisse significative des coûts tout en conservant une réelle qualité de service qui lui permettrait de faire face à la concurrence des compagnies du Golfe ?
Ensuite, le positionnement d'Air France bis me semble menacé par l'arrivée possible d'une nouvelle concurrence : celle des compagnies à bas coûts sur les lignes mi-business, mi-loisirs, précisément. Avez-vous tenu compte de cet éventuel élargissement du marché dans le projet que vous avez élaboré et, dans l'affirmative, pouvez-vous nous indiquer comment vous envisagez de permettre à Air France bis d'affronter à la fois la concurrence bien établie – et vive – des compagnies du Golfe et la concurrence probable de compagnies à bas coûts ?
Enfin, je m'interroge au sujet de la taille de cette nouvelle compagnie et de ses capacités de croissance, dans la mesure où vous visez le nombre de dix avions en 2020, c'est-à-dire dans trois ans, délai qui me semble relativement long et peu propice à une réactivité efficace. De plus, ce nombre n'est-il pas dérisoire face aux flottes beaucoup plus étoffées des compagnies du Golfe ?
Les lignes intérieures jouent un rôle important en matière d'aménagement du territoire en ce qu'elles renforcent l'attractivité des villes moyennes et des métropoles de province. En effet, à l'heure où les échanges commerciaux gagnent en rapidité, ces lignes aériennes permettent de rejoindre en une heure chaque point du territoire. Or nous savons que la concurrence est rude, notamment avec le chemin de fer.
Les précédents plans de retour à l'équilibre des comptes d'Air France ont conduit à la diminution des liaisons internes et à la création de la filiale HOP!, cela afin de diminuer le poids économique des dessertes dans le bilan d'Air France-KLM. Dans le cadre du plan de redressement que vous présentez, monsieur le président-directeur général, pouvez-vous nous assurer que ce ne seront pas les villes de province qui paieront une fois de plus de leur isolement la facture d'Air France ? Pensez-vous que l'édification d'un modèle de contrat entre compagnies aériennes soit envisageable à moyen terme, à l'instar de ce que fait la société nationale des chemins de fer français (SNCF) pour garantir les liaisons d'équilibre du territoire ?
Monsieur le président-directeur général, je risque de répéter ce que j'ai déjà dit à votre prédécesseur en ma qualité de rapporteur pour avis de la commission, pour les transports aériens, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances. Air France subit de plus en plus, vous l'avez rappelé, des concurrences acharnées dont certaines sont considérées par vous-même – mais aussi par nombre de parlementaires – comme déloyales.
Le premier exemple que je citerai est celui de la SNCF, et l'on pense en particulier à la ligne à grande vitesse (LGV) qui permettrait de relier Paris et Bordeaux en deux heures, projet qui bénéficie d'une subvention de l'État à hauteur de 50 % du coût, soit quelque 4 milliards d'euros sur les 8 milliards du coût total. Vous aurez du mal à éradiquer cette concurrence, qui paraît aux yeux de tous comme déloyale, puisque votre groupe ne bénéficie pas des mêmes financements de la part de l'État.
Second exemple déjà évoqué par mes collègues : la concurrence des compagnies du Golfe qui bénéficient de financements étatiques sans précédent, mais aussi de charges de structure et de moyens humains nettement moins coûteux. Je l'ai indiqué dans mon rapport : si l'on parvenait à baisser ne serait-ce que de quatre points les charges sociales, c'est-à-dire si l'on s'alignait sur l'ensemble des pays européens, vous pourriez envisager l'avenir avec plus de sérénité.
Le projet Trust together, pour sa part – je trouve dommage, au passage, que vous ne lui ayez pas donné un nom français, puisque vous êtes une compagnie française –, prévoit la création d'une nouvelle compagnie, Boost, qui sera opérationnelle sur les lignes moyen-courriers dès l'hiver 2017. Avez-vous prévu le même projet, qui me semble nécessaire, pour les lignes long-courriers ?
Enfin, vous êtes revenu sur l'augmentation du trafic aérien qui sera, tout le monde en convient, de 6 à 7 % par an. Or cette hausse ne concerne que les compagnies à bas coûts que vont désormais emprunter des familles qui ne prenaient pas l'avion. Dans ce contexte, qu'avez-vous prévu pour le développement de Transavia qui me semble la meilleure formule pour qu'Air France s'en sorte mieux ?
J'associe à ma question M. Philippe Meunier, député de la circonscription où se trouve l'aéroport de Lyon–Saint-Exupéry. Vous connaissez l'évolution de cet aéroport : il souffre de sa situation entre l'aéroport international de Genève et celui de Paris–Charles-de-Gaulle. Quelle vision avez-vous de l'avenir de cet aéroport ? Comment se positionne la compagnie Air France à cet égard, notamment en ce qui concerne le développement du trafic ?
Vous avez rappelé, monsieur le président-directeur général, la réalité de votre environnement concurrentiel. Les compagnies du Golfe, notamment, ont une stratégie très offensive. Il est nécessaire, avez-vous dit, de réduire la dette, mais aussi, peut-être, de limiter les investissements. Compte tenu des lourdeurs du groupe, votre stratégie consiste à s'adapter à un rythme lent, avec une compagnie à bas coûts qui n'en est pas tout à fait une. Cette stratégie peut-elle vraiment déboucher, à terme, sur un développement du groupe ? Notre collègue Bruno Le Roux a évoqué les problèmes dans la relation avec ADP, et a eu raison de souligner l'absence de stratégie nationale pour le transport aérien.
Vous n'avez pas parlé du transport par avion-cargo. Fait-il partie des éléments que vous évoquez au sein de votre groupe ? Envisagez-vous de le développer ?
De même que mon collègue Jacques Alain Bénisti, j'envie Bordeaux, non seulement parce qu'elle va pouvoir garder son excellent maire (Sourires), mais aussi parce que, malgré l'achèvement imminent de la LGV jusqu'à cette ville, vous vous battez pour y maintenir une desserte aérienne, certes avec une fréquence qui sera peut-être moindre que celle qui existe actuellement – dix vols par jour. Tel n'a pas été le cas pour Strasbourg, dont vous avez lâchement abandonné toute desserte depuis Paris l'année dernière, malgré de nombreux appels du pied et des propositions assez importantes de la part des collectivités territoriales et des chambres de commerce concernées. Strasbourg est non seulement capitale européenne, mais aussi métropole. Allez-vous développer une liaison aérienne avec Strasbourg à la faveur de la création de la nouvelle compagnie ? L'implantation de BlueLink est une bonne chose, mais cela ne remplace pas une desserte aérienne. Quid du destin de l'aéroport de Strasbourg-Entzheim qui se trouve dans ma circonscription ?
La compagnie Air France est confrontée à une concurrence accrue à laquelle elle peine à faire face compte tenu des rigidités existantes : 35 % des lignes qu'elle exploite sont déficitaires, ce qui est considérable. Je salue l'inventivité de la direction, qui a été contrainte de créer une nouvelle structure, baptisée « Boost », pour contourner ces rigidités. J'apprécie aussi votre sens de la nuance : selon vos propres termes, cette nouvelle structure sera non pas une compagnie low cost, mais une compagnie long-courrier avec des coûts inférieurs à ceux d'Air France.
Si de tels dérivatifs doivent être utilisés pour éviter les syndicats, c'est que notre pays, du moins certains de ses fleurons, est dans une situation de blocage inadmissible. Nous faisons en effet un triste constat : la situation de la compagnie Air France continue à se dégrader à cause de ses charges trop importantes et des grèves à répétition ; elle ne peut pas profiter pleinement de la perspective de croissance du trafic aérien de 6 à 8 % que vous avez évoquée. Beaucoup de nos concitoyens, sachez-le, sont indignés par cette situation. Ils considèrent que les avantages disproportionnés de quelques-uns nuisent à l'avenir de tout un groupe, qui est un emblème de notre pays. Les différents plans de réforme de la compagnie nationale vont-ils vraiment donner des résultats un jour ?
S'agissant de la concurrence, nous avons beaucoup parlé des compagnies du Golfe, mais peu de la Lufthansa. En 2016, le résultat d'exploitation d'Air France-KLM a été de 218 millions d'euros au premier semestre, à comparer à un résultat de 2,3 milliards d'euros pour la Lufthansa sur les neuf premiers mois de l'année. Comment expliquez-vous une telle différence ?
Notre commission est également compétente en matière de développement durable. Il y a quelques semaines, j'ai emprunté un vol Air France avec Jean-Marie Sermier, député du Jura ici présent. Une hôtesse est venue vers nous et nous a montré qu'elle devait vider tous les déchets des plateaux-repas dans un même bac. Elle nous a fait remarquer qu'il n'était guère normal de ne pas se mettre au tri, d'autant plus que des cercles de réflexion avaient été organisés et que le personnel était prêt à faire des efforts en la matière. Ainsi que je m'y suis engagé auprès d'elle (Sourires), je me permets de vous interroger sur ce point. N'y voyez aucune malice de ma part.
HOP! est une compagnie aérienne qui a regroupé les compagnies régionales Brit Air et Airlinair. D'autre part, HOP! Air France est la marque sous laquelle nous exploitons les lignes domestiques françaises. La compagnie HOP! utilise des appareils assez variés, notamment des court-courriers de moins de 110 places, qui sont particulièrement bien adaptés aux liaisons courtes ou sur lesquels le potentiel de passagers n'est pas très important. Il s'agit de liaisons entre villes de province et de quelques lignes internationales au départ des régions. En outre, HOP! fait de la sous-traitance pour Air France au départ de Roissy afin de nourrir le hub, vers des destinations pour lesquelles, compte tenu du nombre de passagers, l'utilisation d'un Airbus ne se justifie pas. Nous souhaitons continuer à développer HOP! dans cette perspective. C'est une compagnie avec une structure de coûts raisonnable, inférieure à celle d'Air France, qui n'est pas une compagnie low cost et n'a pas vocation à le devenir.
Plusieurs d'entre vous, notamment M. Gilles Savary, ont évoqué le climat social au sein du groupe. Dans les compagnies aériennes, il y a traditionnellement des tensions entre les différentes catégories de personnel, de manière schématique entre les pilotes, le personnel navigant commercial et le personnel au sol. Au sein du groupe Air France, ces tensions ont été exacerbées à l'occasion de la mise en oeuvre des plans Transform et Perform, chaque catégorie jugeant qu'elle avait fait davantage d'efforts que les autres. Par ailleurs, les relations ont été difficiles entre le management et certaines catégories de personnel, en particulier les pilotes et les PNC. Un beau proverbe néerlandais dit que la confiance arrive au pas d'un homme et part au galop d'un cheval. Il va donc falloir un peu de temps pour rétablir un climat de confiance au sein d'Air France, mais aussi entre Air France et KLM. Tel est l'objectif du plan Trust together. Il est tourné vers le développement et l'expansion, et chacun peut y trouver son intérêt. Il nous permet aussi de tenir un discours managérial clair, de dire ce qu'on fait et de faire ce qu'on dit, d'avancer dans la direction fixée.
Les relations entre Air France et KLM sont compliquées. La France et les Pays-Bas sont certes deux pays européens, mais ils ont des cultures et des façons d'aborder les problèmes assez différentes, ainsi que j'ai pu l'expérimenter dans mes précédentes fonctions. Ce ne serait pas une difficulté si la différence de trajectoire entre KLM et Air France n'avait pas créé des incompréhensions : les pilotes d'Air France reprochent à KLM de leur avoir « volé » de l'activité ; les personnels de KLM expliquent que les personnels d'Air France ne font pas les efforts nécessaires, tirent le groupe vers le bas et l'exposent à des risques – j'ai dû répondre à des questions sur ce point au works council de KLM. Le plan Trust together concerne le groupe dans son ensemble – d'où son intitulé en anglais, qui est la langue de travail la plus commode entre Français et Néerlandais –, mais comporte beaucoup plus d'actions relevant d'Air France que de KLM. Son objectif est de faire retrouver à Air France le chemin de la croissance et d'une plus grande rentabilité, de façon à réduire l'écart avec KLM et, partant, les tensions qui peuvent exister entre les deux compagnies.
Les plans Transform et Perform ont eu des résultats : les efforts réalisés par l'ensemble des personnels, certes à des degrés divers, ont clairement permis d'améliorer les résultats et d'abaisser le coût unitaire de nos offres. Nous avons partiellement réduit l'écart avec nos concurrents, qui ont eux aussi fait des efforts en parallèle.
Monsieur Yves Albarello, pour améliorer nos résultats et notre compétitivité, nous travaillons sur tous les aspects, non seulement sur l'ensemble de nos coûts, mais aussi sur l'ensemble de nos recettes.
Afin d'augmenter nos recettes, nous sommes en train de renégocier avec nos grands partenaires internationaux – Delta pour les États-Unis, Jet Airways pour l'Inde, China Eastern et China Southern pour la Chine, Gol pour le Brésil – des accords de joint-venture qui vont notamment nous permettre d'aller chercher de nouveaux clients dans les villes secondaires chinoises, qui sont peuplées de plusieurs millions d'habitants. Nous ne pourrions pas le faire seuls.
Les coûts salariaux représentent 60 % de nos coûts hors pétrole, mais il faut aussi travailler sur les autres coûts. En particulier, Air France souffre actuellement de coûts de possession de la flotte trop élevés, pour deux raisons. Premièrement, les avions d'Air France volent moins que ceux d'autres compagnies, par exemple 15 % de moins que ceux de KLM. Il y a à cela plusieurs causes, valables pour certaines, moins pour d'autres. Or un avion qui ne vole pas coûte sans rien rapporter. Nous sommes en train de travailler avec les services de maintenance pour améliorer l'utilisation de nos appareils. Deuxièmement, dans le passé, la compagnie a pratiqué le « sell and buy back » afin de réduire sa dette financière : elle a vendu des avions qu'elle a repris en leasing. À l'époque, le leasing n'était pas comptabilisé au titre de la dette, et les taux d'intérêt et les taux de leasing étaient à peu près comparables. Aujourd'hui, le leasing est considéré comme un des postes de la dette, les taux d'intérêt sont bas et les taux de leasing sont assez élevés. Notre objectif est d'abaisser la part des avions en leasing de 40 à 20 % au sein de notre flotte, de façon à en réduire le coût de possession.
Le concept des « bases de province », qui consistait à développer les liaisons à partir de la province, a très clairement été un échec. Selon moi, il y a eu un problème dans sa mise en oeuvre. Les bases de province n'existent plus. En revanche, nous avons des équipes basées en province, qui sont d'ailleurs très heureuses d'y être, et le système fonctionne plutôt bien. Nous n'avons donc pas l'intention de le modifier.
J'en viens au court-courrier. Nous avons deux grands métiers : faire voler nos avions à partir de nos deux hubs, Paris–Charles-de-Gaulle et Amsterdam-Schiphol, ce qui revient à alimenter des vols long-courriers par des vols moyen-courriers ; effectuer des vols point à point, c'est-à-dire transporter des passagers qui ne prennent pas de correspondance. Nous souhaitons développer les vols point à point à travers Transavia. Un projet antérieur consistait à développer des bases européennes pour Transavia. Il avait d'ailleurs suscité une forte réaction : une grève de deux semaines en 2014. Je suis arrivé à la conclusion que nous n'avions pas les moyens de financer de telles bases, qui sont très coûteuses, car il faut alors acheter des avions ou financer des pertes pour ouvrir de nouvelles routes. Nous souhaitons développer Transavia en suivant non pas le chemin d'Easyjet ou de Ryanair, mais celui de Vueling ou d'Eurowings, c'est-à-dire à partir de nos pays, la France et les Pays-Bas. En France, cela signifie qu'il nous faut davantage de liaisons vers l'Europe au départ d'Orly, mais aussi, vraisemblablement, de villes de province. Actuellement, le groupe Air France ne détient que 5 % du marché des liaisons entre la province et l'Europe, qui a été totalement pris par les compagnies à bas coûts. Nous avons donc des parts de marché à reconquérir.
S'agissant des redevances aéroportuaires à Amsterdam-Schiphol et à Paris–Charles-de-Gaulle, les chiffres que vous avez donnés parlent d'eux-mêmes. Les tarifs ont été très fortement diminués à Amsterdam-Schiphol, d'un peu plus de 20 %, alors qu'ils ont continué d'augmenter à Paris. C'est pourquoi nous nous sommes opposés à une nouvelle augmentation. Nous souhaitons qu'ADP étudie l'expérience de l'exploitant de l'aéroport d'Amsterdam-Schiphol, dont il est actionnaire, et qu'elle essaie de suivre le même chemin à Paris.
S'agissant de la taxe de solidarité, dite taxe Chirac, il faut savoir que la compagnie Air France réalise à elle seule un tiers de la collecte mondiale, soit 63 millions d'euros par an. Cette taxe représente 45 euros pour un aller en classe affaires sur vol long-courrier, ce qui est loin d'être négligeable. La France, le Chili et la Corée du Sud sont les seuls pays développés à l'avoir instaurée. Nous souhaitons un écrêtement de cette taxe dont une partie du produit est reversée au budget de l'État, sachant que son utilisation n'est pas de notre ressort.
Monsieur Bertrand Pancher, vous avez parlé de Boost, la compagnie que nous souhaitons créer pour lutter contre les compagnies du Golfe, grâce à une structure de coûts plus légère que celle d'Air France. Comme nous l'avons déjà annoncé en conférence de presse, notre objectif n'est pas de baisser le prix des billets ; nous voulons cesser de perdre de l'argent en pratiquant les mêmes tarifs. Sur certaines destinations du Sud-Est asiatique, nous nous alignons sur des prix tirés vers le bas par la concurrence pour ne pas perdre de marchés, mais nous perdons de l'argent – parfois jusqu'à 40 % ou 50 % du chiffre d'affaires. En pratiquant les mêmes prix, mais avec une meilleure structure de coûts, nous éviterons de perdre des sommes aussi considérables.
Cet après-midi, nous avons entamé le dialogue avec les pilotes et les PNC au sujet de cette compagnie. Les négociations vont être courtes – parce que nous avons peu de temps – et compliquées. Nous allons faire de notre mieux pour trouver une solution qui nous permette de réduire nos coûts, de façon à accroître notre rentabilité. Qu'en est-il de la prise de conscience des salariés ? Elle est variable selon les catégories de personnels ou même selon les salariés, qui sont de plus en plus nombreux à se rendre compte que la concurrence se renforce et qu'il est nécessaire de réagir.
Quelles mesures souhaiterions-nous pour accompagner nos efforts ? Nous ne désespérons pas d'obtenir une baisse de la redevance pour services terminaux, suite au vote affectant 100 % de la taxe d'aviation au budget de la direction générale de l'aviation civile. Nous souhaitons une compensation des coûts de sûreté, c'est-à-dire que l'exonération de l'abattement de la taxe d'aéroport pour les passagers en correspondance soit renforcée et que la majoration de péréquation soit supprimée. Nous souhaitons aussi, comme vous l'avez indiqué, une baisse des redevances d'ADP en 2017. Nous souhaitons enfin, comme je viens de le dire, une évolution de la taxe de solidarité – soit son écrêtement, soit l'élargissement de son assiette –, de façon que notre compagnie ne réalise plus, à elle seule, un tiers de la collecte mondiale : on comprend, en citant cette proportion, ce que la situation a d'anormal.
Monsieur Patrick Lebreton, La Réunion est le berceau d'Air Outre-Mer (AOM), compagnie où j'ai fait mes premières armes dans le secteur aérien. Nous sommes conscients que les liaisons aériennes sont très importantes pour les Réunionnais, mais ils ont aujourd'hui un vaste choix, puisque l'île est desservie par quatre – et bientôt cinq – compagnies différentes. Les prix des billets entre l'île et l'Hexagone ont fortement baissé au cours des dernières années, même s'ils peuvent rester élevés en période de pointe.
Monsieur Jean-Marie Sermier, vous avez évoqué la concurrence des compagnies du Golfe. Selon un récent rapport américain, celles-ci ont touché 40 milliards de dollars d'aides directes au cours des dix dernières années. Curieusement, le transport aérien est largement exclu du champ de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) même si, dans le cadre d'un contentieux opposant Airbus à Boeing, l'organisation a récemment jugé illégal le versement de quelque 6 milliards de dollars d'aides à l'avionneur américain. Les montants sont beaucoup plus importants en ce qui concerne les compagnies du Golfe.
Monsieur Bruno Le Roux, il nous manque en effet une stratégie nationale, mais il nous manque aussi une stratégie européenne. L'Europe veut-elle garder des compagnies aériennes réellement indépendantes – et non pas des compagnies comme Alitalia qui est contrôlée par Etihad Airways – pour des raisons économiques, sociales, stratégiques, culturelles et politiques ? Si l'on considère que ces compagnies sont un attribut et un atout stratégiques pour le continent, alors il faut adopter une véritable stratégie européenne.
En outre, monsieur Le Roux, je confirme que le plan stratégique Trust together est destiné à trouver le chemin de la croissance. Dans un secteur où les coûts fixes sont très élevés, l'attrition et le déclin sont mortels : la réduction de l'activité se traduit par une hausse du coût unitaire, et donc par l'incapacité de lutter contre la concurrence. S'il est indispensable d'avoir une croissance, encore faut-il qu'elle soit rentable. Or la productivité permet d'avoir de la croissance, qui elle-même engendre de la productivité.
Comment diminuer les coûts d'une compagnie qui fait des vols long-courriers ? demandez-vous, monsieur Yannick Favennec. Une baisse équivalente à la totalité de l'écart de coût constaté avec nos concurrents, que ce soient les compagnies low cost européennes ou les compagnies du Golfe, serait insurmontable. Mais nous n'en avons pas besoin, car, en raison de divers facteurs – réseau, marque, service, cartes de fidélité, accords noués avec les entreprises, etc. –, notre recette unitaire est supérieure à la leur. Nous voulons que, dans notre nouvelle compagnie, les coûts soient inférieurs de 20 % à ceux d'Air France, les pilotes et les PNC travaillant selon des règles spécifiques.
Pourquoi avons-nous choisi de positionner Boost face à nos concurrents du Golfe, et non pas face aux nouvelles compagnies low cost long-courriers ? En fait, nous sommes rentables sur les liaisons vers les États-Unis ou le Japon, par exemple, majoritairement fréquentées par les hommes d'affaires, ou sur les lignes qui desservent des destinations de loisir ; nous avons des difficultés sur les lignes où se mélangent les deux clientèles – loisirs et affaires –, c'est-à-dire essentiellement celles du sud-est asiatique, qui sont attaquées par les compagnies du Golfe.
Rappelons que les compagnies du Golfe possèdent 500 avions tandis que les compagnies low cost long-courriers n'en ont qu'une quarantaine. Soyons prudents. Évitons de renouveler l'erreur qu'avait commise le groupe Air France il y a dix ans : mépriser les compagnies à bas coûts, en considérant qu'elles pratiquaient un autre métier et s'adressaient à une autre clientèle. Si nous n'avons aucune certitude que le créneau se développera énormément, nous restons vigilants. Cela étant, il ne faut pas tout confondre : le danger vient principalement des compagnies du Golfe. Une fois que nous aurons cet outil, avec une structure de coûts différente, nous pourrons l'utiliser, en cas de besoin, face à des compagnies low cost long-courriers visant une clientèle de touristes.
Dix avions, ce n'est pas beaucoup, dites-vous. Certes, mais c'est mieux que rien. Prenez cela comme une boutade, mais il n'en est pas moins évident que c'est ce qui nous permet de riposter sans déstabiliser le corps social du groupe Air France. Cela représente 10 % de la flotte long-courrier et 20 % de la flotte moyen-courrier. La conjonction des deux éléments et des efforts de modération que nous allons demander aux personnels navigants de l'ensemble des lignes nous permet de réduire nos coûts et donc de dégager le cash-flow nécessaire pour investir et croître. Aux termes d'un arbitrage entre le souhaitable et le possible, nous avons été amenés à articuler cette flotte.
Monsieur Christophe Bouillon, vous m'avez interrogé sur les lignes domestiques de la filiale HOP! et sur les relations entre villes moyennes. Certaines de nos lignes répondent déjà à une obligation de service public, pour environ 50 millions d'euros de chiffre d'affaires, et elles sont le plus souvent gérées et financées par des syndicats mixtes. Nous sommes prêts à développer cette activité en fonction des besoins, au service des régions. La filiale HOP! assure la majeure partie de ces liaisons avec des ATR.
Monsieur Jacques Alain Bénisti, vous nous avez parlé de la SNCF. J'étais hier à Bordeaux pour fêter les vingt ans de la navette et pour réaffirmer notre volonté de trouver une riposte au TGV.
Monsieur Martial Saddier, vous vous intéressez à l'aéroport de Lyon–Saint-Exupéry, notre premier hub régional où sont présentes les compagnies Air France et Transavia : 3 millions de passagers transportés chaque année ; quarante-trois destinations, dont vingt-cinq villes françaises et dix-huit villes européennes. Nous souhaitons développer notre présence dans cet aéroport.
Concernant le fret, monsieur Gérard Menuel, vous déplorez le rythme un peu lent de notre riposte aux concurrents. Là encore, nos décisions sont le produit d'un arbitrage entre le souhaitable et le possible. Le fret aérien est une activité en difficulté pour deux raisons : d'une part, une très faible augmentation de la demande, liée aux évolutions modérées du commerce international ; d'autre part, une très forte augmentation de l'offre, à la fois par les navires et par les avions. Malgré cela, il représente 750 millions d'euros de contribution positive à l'exploitation de nos lignes, essentiellement long-courriers. Nous souhaitons continuer à développer cette activité, mais en misant davantage sur le remplissage des soutes de nos avions de passagers que sur des avions-cargos proprement dits.
Madame Sophie Rohfritsch, je suis désolé pour Strasbourg. L'avion n'était pas une navette et, économiquement, il a eu beaucoup de mal à supporter la concurrence du TGV qui est encore plus rapide qu'il ne va l'être sur la destination de Bordeaux. À peine étais-je nommé que les élus de Strasbourg sont venus me rencontrer. Nous avons envisagé plusieurs scénarios possibles, mais qui passent par un soutien économique et financier.
Sans doute pas au niveau nécessaire, car, selon les projections, les pertes seraient très importantes.
Monsieur le président, j'en viens à votre dernière question. Vous avez cité des chiffres concernant Lufthansa. Le résultat d'exploitation du groupe Air France-KLM va approcher le milliard d'euros cette année. La compagnie Air France a été handicapée par deux phénomènes : deux mouvements de grève lui ont coûté 130 millions d'euros ; les attentats, celui de Nice en particulier, lui ont fait perdre environ 150 millions d'euros. Nous ne sommes pas au niveau de Lufthansa, mais il est évident que nous aurions dû faire une meilleure année.
Le chiffre de 1 milliard d'euros que vous nous avez donné correspond à l'EBITDA (earnings before interest, taxes, depreciation and amortization), c'est-à-dire au bénéfice avant intérêts, impôts, dotations aux amortissements et provisions sur immobilisations ?
Non, le chiffre de 1 milliard d'euros correspond au résultat d'exploitation. Le montant de l'EBITDA est environ deux fois plus élevé.
Lufthansa a effectivement un résultat d'exploitation supérieur au nôtre, essentiellement pour des raisons de coûts de flotte. Grâce à sa structure de bilan, beaucoup plus solide que la nôtre, Lufthansa possède la quasi-totalité de sa flotte, alors que nous louons 40 % de la nôtre à des tarifs assez élevés, et elle peut s'endetter à des taux assez largement inférieurs à ceux que nous devons acquitter. Air France-KLM a une structure de bilan qui pèse sur sa rentabilité.
En ce qui concerne le tri des déchets, j'ai pris bonne note de vos remarques. Dans la navette qui me ramenait de Bordeaux ce matin, j'ai vu les hôtesses trier les restes de ce qui avait été servi à bord. Nous sommes aussi en train de développer une pratique de recyclage et de valorisation. Je vais voir ce qu'il est possible d'améliorer.
Monsieur le président-directeur général, nous vous remercions pour la qualité de cet échange.
Information relative à la Commission
Notre commission m'a nommé rapporteur sur la proposition de loi de loi portant adaptation du code minier au droit de l'environnement que j'avais déposée avec M. Bruno Leroux et les membres du groupe SER le 21 septembre dernier (n° 4043). J'ai déposé une nouvelle proposition de loi, portant le même titre sous le numéro n° 4251, et qui est plus « ramassée », afin qu'elle puisse être inscrite à l'ordre du jour de notre Assemblée dans la dernière semaine de janvier 2017. La proposition de loi précédente a été retirée. En application de notre règlement, il est nécessaire que la commission me nomme rapporteur sur cette nouvelle version du texte.
Notre commission devrait examiner ce texte les mardi 17 et mercredi 18 janvier 2017.
La commission a nommé M. Jean-Paul Chanteguet rapporteur sur la proposition de loi de loi portant adaptation du code minier au droit de l'environnement (n° 4251).
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mardi 29 novembre 2016 à 17 heures
Présents. - M. Yves Albarello, M. Guy Bailliart, M. Jacques Alain Bénisti, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, M. Yann Capet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Florence Delaunay, M. Stéphane Demilly, M. Julien Dive, M. Yannick Favennec, M. Jean-Marc Fournel, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. Michel Heinrich, M. Patrick Lebreton, M. Gérard Menuel, M. Bertrand Pancher, M. Christophe Priou, Mme Sophie Rohfritsch, M. Martial Saddier, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard, M. Pascal Thévenot
Excusés. - Mme Chantal Berthelot, M. Philippe Duron, M. Daniel Gibbes, M. Christian Jacob, M. Alain Leboeuf, Mme Viviane Le Dissez, M. Napole Polutélé, M. Gilbert Sauvan, M. Gabriel Serville
Assistaient également à la réunion. - M. Claude de Ganay, M. Bruno Le Roux, M. Lionel Tardy