Je le répète afin que nous n’y revenions pas : nous avons bien récupéré la sécurité sociale avec un déficit de 17,4 milliards d’euros, nous en sommes aujourd’hui à 9,7 milliards et les projections nous conduisent à 400 millions en 2017, même s’il faut être évidemment prudent.
Je ne reviendrai pas sur toutes les avancées obtenues en termes de prévention, d’aide aux familles et de politique du médicament – je pense aux mécanismes de régulation qui ont été mis en place pour que tout patient puisse bénéficier des innovations thérapeutiques même si leur coût est très élevé.
Nous arrivons au bout d’un cycle de cinq années de réformes structurelles qui ont su allier avancées sociales et rigueur budgétaire.
En revanche, certains propos entendus dans le cadre de la primaire qui s’est tenue dans l’autre camp politique m’inquiètent. J’ai écouté avec attention le candidat François Fillon, qui a dit vouloir « focaliser l’assurance publique universelle sur les affections graves et de longue durée » et laisser le reste à l’assurance privée. J’insiste sur ce « et ».
Je vais vous citer quelques exemples qui ont, à juste titre, de quoi inquiéter nos concitoyens – ce ne sont pas de fausses peurs. Font actuellement partie des affections de longue durée les diabètes de type 1 et de type 2. Ce sont des maladies chroniques qui, dès lors qu’elles sont stabilisées grâce aux traitements dont nous disposons, peuvent être considérées comme n’étant plus graves. Le diabète de type 1 – etou de type 2, car nous n’en sommes qu’aux prémices des discussions – passera-t-il dans les mains de l’assurance privée ?
Autre exemple, celui des affections psychiatriques de longue durée. Dans le cadre de mon métier, j’ai vu des gens stabilisés parce qu’ils prenaient des psychotropes – stabilisés parce que suivis. Dès lors que les personnes prendront des psychotropes, une maladie psychiatrique chronique sera-t-elle toujours considérée comme une affection grave ? Non ! C’est pourquoi ce « et » m’inquiète.
Le risque peut être décliné pour les maladies chroniques actives du foie et les cirrhoses. Nous disposons aujourd’hui de médicaments innovants, Mme la ministre ayant instauré des mécanismes de régulation afin que tout un chacun puisse y accéder. Lorsque l’on diagnostiquera une hépatite, notamment une hépatite C, considérera-t-on, au motif qu’il existe des médicaments innovants susceptibles de soigner les personnes atteintes de cette maladie, qu’elle n’est plus une affection de longue durée et qu’elle peut, de ce fait, sortir du cadre de l’assurance publique universelle pour être mise entre les mains des assurances privées ? Les hépatites resteront-elles dans le champ de la sécurité sociale ?
J’ai envie de vous dire que je connais presque la réponse, parce que votre majorité avait déjà ouvert une porte, en juin 2011, en excluant des affections de longue durée l’hypertension artérielle sévère, ce qui avait inquiété les cardiologues.
Au-delà de ces exemples, on sait très bien qu’une personne atteinte d’une pathologie chronique, qui représente pour elle un handicap, se fait suivre beaucoup plus sérieusement si sa maladie est considérée comme une affection de longue durée. Cela donne un caractère sérieux à sa maladie et lui permet de suivre un parcours quasi-automatique. Ce n’est pas le cas pour les pathologies qui sont entre les mains des assurances complémentaires.
Si d’aventure M. Fillon devait être Président de la République, sachant qu’une graine a été semée en juin 2011, je crains fort que la liste des affections de longue durée dont bénéficient actuellement nos concitoyens ne devienne pour l’assurance maladie une arme de déremboursement, ce qui permettrait de remettre les comptes à l’équilibre – mais à quel prix, en termes de santé publique ?
Le débat ne fait que commencer, mais je vous invite, mes chers collègues, à vous poser ces questions.
Je voterai naturellement en faveur de ce PLFSS.