Intervention de Danielle Auroi

Réunion du 30 novembre 2016 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente :

Chers collègues, le dernier point à l'ordre du jour de nos travaux concerne la 13e Conférence des Parties de la Convention sur la Diversité Biologique qui se réunit dans quelques jours à Cancun, au Mexique. La perte de biodiversité constitue en effet, avec le changement climatique, la plus grave des menaces environnementales mondiales, les deux phénomènes étant assurément liés.

« En s'attaquant au capital naturel de la planète, l'humanité se met elle-même en danger puisqu'elle dépend de l'état de santé des écosystèmes pour se développer et plus simplement pour survivre », voilà l'alerte lancée par le Fonds mondial pour la nature le mois dernier.

Une responsabilité particulière incombe à la France, compte tenu des richesses en biodiversité qu'elle recèle dans ses départements et collectivités d'outre-mer, des prélèvements sur la nature opérés par ses entreprises et du rôle qu'elle joue en Europe.

Dans ses conclusions adoptées le 17 octobre dernier, le Conseil Environnement réaffirme son ambition et exprime ses attentes quant aux résultats, qu'il estime aujourd'hui trop maigres, de la mise en oeuvre du plan stratégique 2011-2020, le fonctionnement des structures liées à la CDB. Si je partage ce constat et ces attentes, je regrette néanmoins que le Conseil ne se soit pas montré plus incisif en matière de solutions, en marquant de façon plus prononcée l'importance de la production par chaque partie des plans nationaux d'action – car ce sont les outils qui permettent de faire de la biodiversité un objet politique dans chacun de nos États –, ainsi que l'importance des politiques publiques. Le leadership climatique de l'Union européenne a été moteur d'innovation et a permis des avancées partout dans le monde. Il me semble donc que l'Union européenne peut et doit jouer un rôle d'impulsion plus fort en matière de biodiversité.

Ces conclusions soulignent en premier lieu l'insuffisance de la mise en oeuvre du plan stratégique au regard de la plupart des objectifs d'Aichi pour la biodiversité. Pour y faire face, le Conseil rappelle en particulier la nécessité au niveau mondial – mais aussi dans l'Union –, d'une évaluation efficiente de la biodiversité et des services écosystémiques, d'une part, et d'une synergie effective entre les accords ayant trait à l'environnement, en proposant un outil sous la forme d'une feuille de route, d'autre part.

Ce sont des suggestions pertinentes, mais qui resteront lettre morte si elles ne sont pas accompagnées par des ressources suffisantes – point sur lequel le Conseil met aussi l'accent. Ce sera en effet l'un des grands enjeux de cette plénière. Un objectif financier international en faveur de la biodiversité, prévoyant un doublement d'ici 2015, et le maintien au moins à ce niveau d'ici 2020, des flux financiers internationaux en faveur de la protection de la biodiversité dans les pays dits « du Sud », avait été pris lors des deux dernières CoP. Il s'agit de tenir cette promesse faite à ces pays.

Le cas de l'IPBES doit aussi nous interpeller, puisque cette plateforme n'a pas assez de ressources au regard de son programme de travail. Or cette plateforme, qui joue le rôle d'interface politique entre science et politique pour la diversité – à l'image du GIEC pour le climat – est déjà confrontée à un défi, celui de l'appropriation de ses conclusions par les décideurs dans chaque pays, qui est un facteur clé pour lui permettre d'influer sur les comportements en faveur de la biodiversité et des services systémiques.

Plus d'efficience donc, par exemple en matière d'évaluations comme en matière de rapportage. Sur ce dernier point, l'Union devrait avoir un rôle d'impulsion majeur en mettant en place des mécanismes de transfert de capacités et de connaissances, à l'instar de ce qui a été fait pour aider les États à produire leurs contributions dans le cadre onusien relatif au climat.

Plus de synergie aussi entre les différents accords multilatéraux liés à l'environnement et à la biodiversité. C'est en effet essentiel, mais cela n'est pas suffisant : les accords « économiques » devraient également prendre en compte cet aspect.

Enfin, une question reste ouverte à mes yeux, celle du suivi des engagements et de l'accompagnement. Après l'adoption de l'Accord de Paris, et dans la perspective du prochain plan stratégique post-2020, il me semble que le caractère « robuste » du suivi doit faire l'objet non seulement d'un débat mais d'une avancée réelle vers un éventuel mécanisme de mesure et vérification des performances, sans mécanisme de sanction, en vue d'un constat partagé et d'un accompagnement dans l'évolution des pratiques et des politiques.

Deuxième enjeu, l'intégration transversale de la biodiversité dans les politiques sectorielles, facteur clé de réussite selon le Conseil pour atteindre les objectifs d'Aichi. Ce dernier appelle donc à la mise en oeuvre d'incitations appropriées et d'approches pratiques en la matière. L'Union européenne est déjà sur cette voie. Des outils concourant efficacement à la protection et au renforcement de la biodiversité sont identifiés, y compris la réduction des subventions néfastes pour l'environnement – j'aurais pour ma part préféré leur suppression pure et simple mais c'est toutefois un progrès de voir cette question mentionnée dans la version finale – ... On aurait pu y ajouter la commande publique, la notion de réorientation partielle des politiques sectorielles, voire le recours à une stratégie de découplage permettant de dissocier création de richesses et consommation de ressources naturelles.

Le sujet des pollinisateurs est exemplaire de cette intégration de la biodiversité dans les politiques sectorielles. Il faut se féliciter de l'appropriation politique de l'alerte lancée par l'IPBES en février dernier, qui fournit une base scientifique incontestable. J‘ai en mémoire nos difficultés pour inclure les mesures de protection appropriées dans la loi Biodiversité enfin adoptée définitivement l'été dernier.

Autre point sur lequel le Conseil prend position, l'arrêt de la perte de biodiversité pour parvenir à la mise en oeuvre pleine et entière de l'Accord de Paris. Cette volonté de pousser à la prise en compte, dans l'agenda politique international, de l'interdépendance entre biodiversité et changement climatique ne peut qu'être soutenue.

En matière d'aires protégées et de restauration des écosystèmes, le Conseil réaffirme simplement des objectifs déjà affichés. Or la biodiversité repose sur un équilibre dynamique, le seul maintien de l'équilibre existant ne peut donc suffire. À cet égard, la proposition, faite par la France, de rehausser dès cette CoP 13 cet objectif à 20 %, tout en l'assortissant d'un sous-objectif de 75 % pour les récifs coralliens et les mangroves, aurait dû être retenue. Car les derniers bilans scientifiques sont alarmants.

Pour enrayer la perte de biodiversité marine, outre un soutien au processus de zonage et à la négociation d'un accord multilatéral en haute mer, le Conseil salue les travaux en cours pour éliminer les déchets marins et les microplastiques, en préconisant en particulier des mesures urgentes contre la dissémination des sacs plastiques. Il y a en effet urgence à agir : plus de 150 millions de tonnes de déchets plastiques flottent sur les océans et la masse de ces déchets pourrait doubler d'ici 2050.

Tant sur les espèces exotiques envahissantes que sur la biologie de synthèse, j'insisterais sur la question du principe de précaution, en particulier pour cette dernière.

Enfin, le Conseil invite toutes les Parties au Protocole de Nagoya, et notamment les États membres, à le ratifier – la France vient d'ailleurs de le faire tout récemment, le 31 août dernier – et à le rendre pleinement opérationnel en remplissant leurs obligations en matière d'accès à l'information et de rapportage. Je regrette que le Conseil n'ait jugé utile d'insister sur la lutte contre la biopiraterie et la garantie des droits des peuples autochtones et des communautés locales, tant de ceux situés sur le territoire de l'Union que de ceux hors de ce dernier, alors que la biopiraterie est aujourd'hui de plus en plus difficile à combattre.

Voilà, mes chers collègues, les raisons qui m'ont conduite à vous proposer d'adopter des conclusions qui récapitulent cette appréciation quant à la position de l'Union ainsi exprimée par le Conseil. Je ne suis saisie d'aucune demande de prise de parole, aussi je les mets aux voix.

La Commission a adopté à l'unanimité des présents les conclusions suivantes :

« La Commission des Affaires européennes,

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