Monsieur le Premier ministre, l’Europe a vécu un week-end à haut risque. Alors que la mission d’information sur le Brexit se trouvait à Berlin et que l’inquiétude du patronat allemand, comme de nos collègues députés, était palpable, s’agissant notamment de la situation politique en Italie, la France ne semblait pas s’en préoccuper outre mesure. Certes, la situation franco-française était pour le moins sujette à rebondissements, mais est-ce une raison pour ne pas voir un monde qui vacille à nos portes, surtout s’il s’agit de la sixième puissance économique mondiale et de notre deuxième partenaire commercial, l’Italie ?
Nous avons déjà brillé par notre non-ingérence dans le débat politique interne en Autriche, alors que le candidat qui a failli l’emporter, Norbert Hofer, avait annoncé son intention d’organiser un Anschluss sur la province italienne germanophone du Haut-Adige, au nom d’un pangermanisme hallucinant au sein même des frontières de l’Union européenne.
Aujourd’hui, la déstabilisation de l’Italie inquiète. Le Financial Times n’hésite pas à considérer les derniers événements comme plus dangereux pour l’Union européenne que le Brexit. En effet, au vu de la faiblesse des partis politiques classiques, c’est surtout le mouvement 5 étoiles – Movimiento Cinque Stelle – de Beppe Grillo qui a gagné, dimanche, en Italie, avec une coalition plus qu’hétéroclite, réunie autour d’un seul leitmotiv – tous pourris ! – diffusé comme un message permanent sur les réseaux sociaux par celui que l’on nomme le Dieudonné italien tant ses dérapages antisémites sont abjects.
Cette quasi-prise de pouvoir via les réseaux sociaux est inquiétante, puisque les pires contre-vérités peuvent devenir paroles d’évangile en quelques heures, face à une justice qui, en France comme ailleurs, ne poursuit même plus les auteurs de propos diffamatoires utilisant ce vecteur d’information, ou plutôt de désinformation.
Alors, oui, monsieur le Premier ministre, au moment où vous prenez vos fonctions – et vous savez à quel point notre groupe vous fait confiance – quelle voix allez-vous porter, en France et en Europe, pour que le message de paix, de sécurité et de prospérité du général de Gaulle et de Konrad Adenauer redevienne un motif d’espoir, porteur de civilisation, dans une Europe qui a mal à ses populismes ?