En effet, même si tous les témoignages dont nous disposons sur ces violences et ces crimes convergent et s’accumulent depuis toutes ces années, les moyens juridiques d’action internationale contre Daech et ses violences sont limités. En 2014 déjà, le Conseil de sécurité de l’ONU n’avait pas autorisé d’action en raison du veto de la Chine et de la Russie. Quant à la Cour pénale internationale – CPI –, elle ne peut se saisir de ces faits de son propre chef, car les conditions de sa saisine sont strictement encadrées par le Statut de Rome, qui l’a créée et l’Irak et la Syrie, n’étant pas signataires de ce statut, ne sont pas des États parties, sur qui seuls porte sa compétence. C’est bien pourquoi, en avril 2015, la procureure générale de la CPI, Mme Fatou Bensouda, s’était déclarée incompétente pour en juger, malgré les nombreuses informations qui lui étaient parvenues, rappelant qu’elle ne pouvait agir que dans la conformité au cadre établi par le Statut de Rome, mais qu’elle se tenait néanmoins prête à agir.
Or, selon l’article 13 du Statut, il existe trois cas où s’exerce la compétence de la CPI : si une situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été commis est déférée au procureur par un État partie, comme prévu à l’article 14 ; si une situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été commis est déférée au procureur par le Conseil de sécurité agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations unies – c’est le cas qui nous occupe aujourd’hui ; si le procureur a ouvert une enquête sur le crime en question en vertu de l’article 15. Le Conseil de sécurité peut donc se saisir, sous certaines conditions, de la situation dénoncée en Irak et en Syrie.
Notons que la communauté internationale n’est pas restée sans réaction, en particulier depuis le début de cette année. Ainsi l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté presque unanimement une résolution intitulée Les combattants étrangers en Syrie et en Irak, selon laquelle « des individus qui agissent au nom de l’entité terroriste autoproclamée » Daech « ont commis des actes de génocide et d’autres crimes graves réprimés par le droit international ». Le Parlement européen a ensuite voté, le 4 février dernier, à l’initiative du groupe du Parti populaire européen– PPE –, la résolution B8-01612016 sur le massacre systématique des minorités religieuses par le groupe « État islamique ».
De même, John Kerry, secrétaire d’État américain, a affirmé au cours d’une conférence de presse spécialement dédiée à ce sujet, le 17 mars dernier, que, selon lui, Daech est responsable de génocide envers des populations dans les régions sous son contrôle, en particulier les yézidis, les chrétiens et les musulmans chiites. Il a ajouté que Daech était génocidaire par autoproclamation, par idéologie et par ses actes, et donc responsable de crimes contre l’humanité et de nettoyage ethnique contre ces mêmes groupes.
Enfin, plus récemment, le 20 avril, la Chambre des communes du Parlement britannique a voté à l’unanimité, une motion qualifiant les massacres commis par Daech de « génocide » et appelant le gouvernement britannique à saisir le Conseil de sécurité de l’ONU en vue de conférer compétence à la CPI pour poursuivre les criminels en cause.
Nous proposons donc que notre assemblée vote la résolution qui vous est soumise, incitant le Gouvernement français à agir dans le même sens – à savoir, d’une part, la reconnaissance de l’appellation de génocide pour les crimes commis par l’État islamique envers les chrétiens, yézidis et autres minorités religieuses en Irak et en Syrie et, d’autre part, la saisine du Conseil de sécurité de l’ONU en vue de donner compétence à la CPI pour poursuivre ces crimes.
La déconfiture militaire de Daech, qui semble se confirmer grâce au courage, que nous saluons, de tous les combattants engagés dans la coalition contre le terrorisme islamiste,…