Séance en hémicycle du 8 décembre 2016 à 9h30

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L’ordre du jour appelle la discussion, en application de l’article 34-1 de la Constitution, de la proposition de résolution de MM. Yves Fromion, Guillaume Chevrollier et Jean-Marie Tétart, et de plusieurs de leurs collègues, invitant le Gouvernement à saisir le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies en vue de reconnaître le génocide perpétré par Daech contre les populations chrétiennes, yézidies et d’autres minorités religieuses en Syrie et en Irak et de donner compétence à la Cour pénale internationale en vue de poursuivre les criminels. (no 3779)

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Yves Fromion.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, des témoignages aussi nombreux qu’irréfutables s’accumulent depuis plus de trois ans au sujet des violences et des crimes commis par le pseudo-État islamique, autrement dit Daech, dans sa tentative d’implantation en Syrie et en Irak. Ces violences, exercées principalement à l’encontre de populations civiles, réunissent la plupart des critères figurant dans la Convention de 1948 pour définir le génocide : tueries de masse et autres actes de barbarie visant à éliminer un groupe humain particulier en fonction de critères ethniques, religieux ou raciaux.

Les victimes, chrétiennes, yézidies ou issues d’autres minorités ethniques ou religieuses présentes depuis des temps immémoriaux dans ces régions d’Irak et de Syrie, sont innombrables – hommes, femmes et enfants.

Il faut notamment souligner les violences de tous ordres commises à l’encontre des femmes, des jeunes filles et même des petites filles de ces communautés : viols, avortements forcés et esclavage sexuel, avec la constitution d’un véritable marché, enlèvement d’enfants en vue de les convertir de force et de les enrôler dans les troupes de Daech – autant de faits caractéristiques d’une forme de barbarie médiatiquement mise en scène et revendiquée, qui nous renvoie aux confins les plus sombres de l’Histoire.

La presse du monde entier a rapporté les témoignages de cette vague de folie meurtrière et destructrice à laquelle Daech a donné un écho planétaire via Internet et les réseaux sociaux. C’est ainsi que la communauté internationale a été témoin de la dévastation de sites majeurs du patrimoine mondial, de lieux de cultes, notamment chrétiens, parfois très anciens – certains datant du Ve siècle –, détruits à l’explosif et au bulldozer. L’église de Mossoul, avec son horloge offerte par la France en 1860, a été rasée le 24 avril dernier. De fait, les monuments non musulmans font l’objet d’un anéantissement systématique, comme cela avait été le cas sous le règne des talibans en Afghanistan. Ainsi la cité précieuse de Palmyre, classée pourtant au Patrimoine mondial par l’UNESCO, a été en partie mise à sac depuis deux ans, jusqu’à ce qu’elle soit reprise à Daech. Il y a donc bien là une volonté systématique de destruction de l’héritage culturel des communautés anciennes non musulmanes.

Avec mes collègues Guillaume Chevrollier et Jean-Marie Tétart, je me suis rendu fin avril au Moyen-Orient dans le cadre d’un déplacement organisé par l’association Coordination des chrétiens d’Orient en danger. Hors de tout contexte institutionnel, cette initiative nous a permis de poser un regard non contraint sur la situation des minorités au-devant desquelles nous allions. Malheureusement, nos visites, nos rencontres, nos échanges et nos constatations, en Syrie, en Irak comme au Liban, ont été autant de confirmations des informations publiées dans les médias sur les actes de violence barbare et sur l’inimaginable génocide perpétrés par Daech en ce début de troisième millénaire.

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À notre retour, nous avons déposé la présente proposition de résolution sur le bureau de notre assemblée, le 25 mai 2016, conscients que la France devait s’engager davantage. Nous, Français, historiquement impliqués au Moyen-Orient, ainsi que la communauté internationale, devons nous mobiliser pour que justice soit rendue à ces communautés martyrisées du seul fait qu’elles sont différentes ethniquement, religieusement et socialement de ceux qui sont devenus leurs bourreaux. Il faut que, dans les camps de réfugiés chrétiens, yézidis ou autres, emplis de l’atmosphère glauque de la misère, du désespoir, de l’injustice inexplicable et d’images inoubliables de violence, de haine, de sang et de mort, nous portions une lumière d’espoir, de fraternité, de justice, d’humanité.

Tel est l’objet de la proposition de résolution qu’avec mes collègues, là-bas, auprès du curé de Maaloula, auprès de cette lumineuse deputée yézidie rencontrée à Erbil, auprès de Nadia Mourad, qui porte la parole des yézidies martyrisées, auprès de cette mère accablée qui pleurait ses fils et auprès de ces enfants qui ne seront jamais des enfants, nous nous sommes engagés à soutenir ici, devant vous, afin de requérir votre soutien.

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En effet, même si tous les témoignages dont nous disposons sur ces violences et ces crimes convergent et s’accumulent depuis toutes ces années, les moyens juridiques d’action internationale contre Daech et ses violences sont limités. En 2014 déjà, le Conseil de sécurité de l’ONU n’avait pas autorisé d’action en raison du veto de la Chine et de la Russie. Quant à la Cour pénale internationale – CPI –, elle ne peut se saisir de ces faits de son propre chef, car les conditions de sa saisine sont strictement encadrées par le Statut de Rome, qui l’a créée et l’Irak et la Syrie, n’étant pas signataires de ce statut, ne sont pas des États parties, sur qui seuls porte sa compétence. C’est bien pourquoi, en avril 2015, la procureure générale de la CPI, Mme Fatou Bensouda, s’était déclarée incompétente pour en juger, malgré les nombreuses informations qui lui étaient parvenues, rappelant qu’elle ne pouvait agir que dans la conformité au cadre établi par le Statut de Rome, mais qu’elle se tenait néanmoins prête à agir.

Or, selon l’article 13 du Statut, il existe trois cas où s’exerce la compétence de la CPI : si une situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été commis est déférée au procureur par un État partie, comme prévu à l’article 14 ; si une situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été commis est déférée au procureur par le Conseil de sécurité agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations unies – c’est le cas qui nous occupe aujourd’hui ; si le procureur a ouvert une enquête sur le crime en question en vertu de l’article 15. Le Conseil de sécurité peut donc se saisir, sous certaines conditions, de la situation dénoncée en Irak et en Syrie.

Notons que la communauté internationale n’est pas restée sans réaction, en particulier depuis le début de cette année. Ainsi l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté presque unanimement une résolution intitulée Les combattants étrangers en Syrie et en Irak, selon laquelle « des individus qui agissent au nom de l’entité terroriste autoproclamée » Daech « ont commis des actes de génocide et d’autres crimes graves réprimés par le droit international ». Le Parlement européen a ensuite voté, le 4 février dernier, à l’initiative du groupe du Parti populaire européen– PPE –, la résolution B8-01612016 sur le massacre systématique des minorités religieuses par le groupe « État islamique ».

De même, John Kerry, secrétaire d’État américain, a affirmé au cours d’une conférence de presse spécialement dédiée à ce sujet, le 17 mars dernier, que, selon lui, Daech est responsable de génocide envers des populations dans les régions sous son contrôle, en particulier les yézidis, les chrétiens et les musulmans chiites. Il a ajouté que Daech était génocidaire par autoproclamation, par idéologie et par ses actes, et donc responsable de crimes contre l’humanité et de nettoyage ethnique contre ces mêmes groupes.

Enfin, plus récemment, le 20 avril, la Chambre des communes du Parlement britannique a voté à l’unanimité, une motion qualifiant les massacres commis par Daech de « génocide » et appelant le gouvernement britannique à saisir le Conseil de sécurité de l’ONU en vue de conférer compétence à la CPI pour poursuivre les criminels en cause.

Nous proposons donc que notre assemblée vote la résolution qui vous est soumise, incitant le Gouvernement français à agir dans le même sens – à savoir, d’une part, la reconnaissance de l’appellation de génocide pour les crimes commis par l’État islamique envers les chrétiens, yézidis et autres minorités religieuses en Irak et en Syrie et, d’autre part, la saisine du Conseil de sécurité de l’ONU en vue de donner compétence à la CPI pour poursuivre ces crimes.

La déconfiture militaire de Daech, qui semble se confirmer grâce au courage, que nous saluons, de tous les combattants engagés dans la coalition contre le terrorisme islamiste,…

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…doit précisément nous inciter à agir dans le sens qui vous est suggéré par cette proposition de résolution. Il faut que ceux qui ont rejoint cette organisation criminelle, d’où qu’ils viennent, comme ceux qui seraient tentés de la rejoindre, sachent qu’ils ne bénéficieront jamais d’une quelconque impunité. Jamais.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la résolution que nous examinons ce matin se fonde sur un axiome juste : après la victoire militaire contre Daech, qui semble aujourd’hui inéluctable dans les semaines, les mois ou les années à venir, l’objectif sera de gagner une paix durable pour la réconciliation et la justice. Dans cette perspective, ce projet de résolution vise à amener le Conseil de sécurité à saisir la Cour pénale internationale de La Haye afin qu’elle poursuive ces barbares et punisse les auteurs de ces crimes.

Nous avons tous suivi avec effroi le récit et les vidéos des exactions systématiques commises par Daech. Toutes les limites de l’horreur ont été dépassées. Nous-mêmes, en France – dois-je le rappeler douloureusement ? – avons aussi été meurtris dans notre chair par ce pseudo-État terroriste.

Mais Daech n’est pas seulement un mouvement terroriste : c’est une organisation totalitaire islamique, dans la lignée des totalitarismes du XXe siècle. C’est pourquoi, comme à Nuremberg, le recours à la justice pénale internationale est indispensable.

Quelques rappels : dans les territoires qu’il contrôle, Daech se rend coupable chaque jour, depuis des années, des pires abominations envers toutes les minorités ethniques et religieuses : les chrétiens d’Orient, les yézidis, mais aussi les chiites, les Kurdes et de petites communautés judéo-chrétiennes comme les Mandéens, les Sabéens et les Shabaks.

Ils massacrent, violent, noient, brûlent vivants, écrasent. Ils jettent les homosexuels du haut de leurs immeubles. En 2014, l’État islamique s’empare de la ville de Sinjar, en Irak : 500 femmes et enfants yézidis sont massacrés, 300 autres réduits en esclavage, 20 000 à 30 000 personnes sont contraintes à la fuite, dans des conditions inhumaines. Presque au même moment, la prise de la ville de Qaraqosh, au sud de Mossoul, jette sur les routes de l’exil 100 000 chrétiens.

Sans disposer de chiffres précis, nous savons que les djihadistes ont systématiquement recouru au viol, aux conversions forcées et à l’embrigadement d’enfants soldats, sans parler de la destruction de sites d’une valeur historique inestimable – nous avons tous à l’esprit ces images terribles de terroristes fracassant des fresques au musée de Mossoul ou pulvérisant les murailles de la cité antique de Nimrod, sans oublier la destruction partielle de Palmyre, classée au Patrimoine mondial de l’humanité.

Massacrés, poussés à l’exil, parfois crucifiés – oui, mes chers collègues, des chrétiens ont été crucifiés en 2015 après le Christ ! –, les chrétiens d’Orient disparaissent de leur berceau historique. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : au début des années 1990, il y avait 1,2 million de chrétiens en Irak. Aujourd’hui, ils sont moins de 300 000. En Syrie, ils étaient 1,3 million, contre moins de 500 000 aujourd’hui.

La communauté internationale condamne ces exactions. Et après ? La résolution qui nous est soumise s’inscrit dans la lignée d’autres textes de même portée qui ont été adoptés successivement par diverses institutions internationales ou nationales.

Quelques exemples : le 27 janvier 2016, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe à Strasbourg a adopté une résolution reconnaissant que « des individus qui agissent au nom de l’entité terroriste Daech ont commis un génocide ». En février, le Parlement européen a adopté une résolution sur le « massacre systématique des minorités religieuses par Daech », demandant « au Conseil de sécurité des Nations unies de prendre des mesures pour que ces actes soient qualifiés de génocide ». Enfin, chez nous, il y a deux jours, le Sénat a adopté une proposition de résolution invitant le Gouvernement à utiliser toutes les voies de droit pour reconnaître les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre perpétrés contre les minorités ethniques et religieuses et contre les populations civiles en Syrie et en Irak.

Nous devons maintenant passer de l’incantation à l’action. J’ai moi-même interpellé à deux reprises le Gouvernement pour exprimer mon émotion et appeler celui-ci à une action plus franche et plus énergique pour mettre fin à ces massacres. J’ai souvenir de cette jeune Yézidie qui, dans une vidéo, demandait à être géolocalisée, et disait : « Il est midi, j’ai été violée trente fois et je veux mourir ».

Aujourd’hui, le groupe UDI estime que l’Assemblée nationale est attendue dans un acte solennel. C’est pourquoi cette résolution est nécessaire. La France, pays des Lumières et des droits de l’homme, protectrice des Chrétiens d’Orient depuis François Ier en 1535, ne peut rester indifférente.

Dans l’immédiat, la priorité est certes la destruction de Daech. J’en profite pour saluer nos forces sur le terrain à Mossoul, à Raqqa et ailleurs. À terme, je ne doute pas que nous vaincrons mais la victoire sera totale quand les crimes seront jugés et punis, quand nos valeurs de droit et de justice auront triomphé.

Je citerai Benjamin Férencz, l’un des juges du tribunal de Nuremberg qui a jugé les crimes nazis : « Il ne peut y avoir de paix sans justice, ni de justice sans loi, ni de loi digne de ce nom, sans un tribunal chargé de décider ce qui est juste et légal dans des circonstances données ». Oui, il faut évidemment que ces crimes soient poursuivis devant la Cour pénale internationale comme devant les juridictions nationales, afin que justice soit rendue.

Mais comment la saisir ? Les conditions de saisine de la CPI sont strictement encadrées par le Statut de Rome dans ses articles 12 et 13 ; en particulier, la CPI ne peut se saisir de son propre chef de faits entrant dans son champ de compétence. Ainsi, en avril 2015, Irak et Syrie n’étant pas parties au Statut de Rome, la procureure générale de la CPI, Mme Fatou Bensouda, s’était déclarée incompétente pour en juger. Il reste toutefois un moyen : l’article 13 du Statut dispose que le procureur de la Cour peut être saisi par le Conseil de sécurité agissant sur la base du fameux chapitre VII de la Charte des Nations unies – d’où la raison d’être de cette résolution pour que la France saisisse le Conseil de sécurité, dont elle est membre permanent.

Dès les premières frappes contre l’Irak en 2014, la position du groupe UDI concernant Daech a été a été constante, claire et ferme. Face à l’urgence, nous avons laissé de côté nos divergences politiques et apporté un soutien sans réserve au Président de la République et au Gouvernement dans la lutte contre le djihadisme. En 2015, conscients des atrocités perpétrées, nous avions demandé l’intensification de l’accueil des Chrétiens d’Orient quand seuls 1 500 visas leur avaient été accordés en un an.

Le groupe UDI se pose toutefois des questions sur la rédaction et la portée de cette résolution. Première question : les crimes commis par Daech à l’encontre des minorités ethno-religieuses sont-ils constitutifs de génocide au sens du droit international humanitaire ? Les analyses sont partagées. Si nous considérons qu’il convient de manier ce concept avec prudence, les violences exercées par Daech à l’encontre de populations civiles réunissent la plupart des critères énoncés dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, ainsi qu’à la définition de l’article 211-1 du code pénal : tueries de masse et autres actes visant à détruire un groupe humain en fonction de critères ethniques, religieux ou raciaux.

À ce jour, l’ONU a reconnu quatre génocides : en 1945, le génocide des juifs lors de la Seconde guerre mondiale ; en 1985, le génocide arménien ; en 1994, le génocide rwandais ; et le massacre de Srebrenica de 1995, reconnu en 2001. Il ne s’agit pas de compétition mémorielle mais, en tout état de cause, les massacres de Daech sont comparables a minima à ceux de Bosnie. A contrario, d’autres auraient hélas pu être ajoutés : les Assyro-Chaldéens en 1915 par les Turcs ottomans ; autre génocide dont peu de gens parlent : les Héréros et les Namas de Namibie par les Allemands au début du XXe siècle ; d’autres encore – nous espérons que l’Histoire leur rendra justice.

Deuxième question : ne faut-il pas également prendre en compte, comme l’a fait le Sénat, d’autres crimes commis par Daech constitutifs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité ? De même, dans la lignée de nos collègues du palais du Luxembourg, quid des autres groupes djihadistes agissant en Syrie et en Irak, comme Al-Qaïda ou le Front Fath Al-Cham ? Ne nous méprenons pas : Daech n’est qu’un avatar du totalitarisme islamique. Avec sa défaite, d’autres groupes, je le crains, prendront sa suite, comme avant Daech nous avons eu Al-Qaida, Boko Haram, le GIA, le Hezbollah et tant d’autres.

Enfin, n’ayons pas peur de poser cette question : est-il concevable que le régime syrien et ses alliés soient blanchis ? Assad est un boucher, le boucher de Damas, responsable d’un demi-million de morts, qui a gazé son peuple, torturé en masse, lâché des milliers de tonnes de barils de poudre sur sa population civile, rasé des villes : mérite-t-il d’échapper à la justice pénale internationale ? Que dire de son gouvernement, de son état-major, de ses milliers de miliciens et paramilitaires sanguinaires encadrés par les Iraniens, toute une variété de mercenaires et, bien sûr, des organisations djihadistes chiites, dont on parle moins, comme le Hezbollah ?

Même s’il est très clair que les Russes mettront leur veto, comme ils l’ont déjà fait en 2014, quand on voit la brutalité des bombardements que subissent les quartiers rebelles d’Alep depuis plusieurs semaines, comment fermer les yeux ? Nous ne pouvons pas rester silencieux !

Le groupe UDI soutient ce texte mais regrette son périmètre trop modeste. Toutefois, il présente l’avantage du réalisme et a des chances d’aboutir à une adoption par le Conseil de sécurité. Une chose est certaine : nous devons à la mémoire de nos victimes, à nos 250 morts depuis deux ans, d’être en première ligne contre l’État islamique, tant sur le front militaire que judiciaire. C’est pour nous un devoir moral pour le triomphe de la justice et la réalisation d’une paix durable.

Pour conclure, je citerai le Maréchal Foch : « Parce qu’un homme sans mémoire est un homme sans vie, un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir. »

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, issue d’une branche dissidente d’Al-Qaïda, l’organisation terroriste Daech, autoproclamée depuis 2014 « État islamique en Irak et au Levant », est devenue peu à peu la plus puissante et la plus dangereuse dans la région et le monde, d’abord par l’immense territoire qu’elle a sous son contrôle : l’EI étend son influence sur une grande partie des territoires irakien et syrien, contrôlant de nombreux points de communication et axes stratégiques que sont les villes, les fleuves et les postes frontières, avec pour ambition d’établir à terme un califat allant du Levant à l’Irak.

Cette organisation est un danger car elle dispose de moyens financiers considérables. En effet, sans une fortune estimée à plusieurs milliards de dollars, alimentée par des avoirs récupérés dans les banques sur son territoire, par l’exploitation des puits de pétrole et par le racket récolté dans les zones sous son contrôle, l’EI ne pourrait mener ses exactions barbares.

De même, elle ne pourrait pas non plus y parvenir sans une force combattante de plusieurs dizaines de milliers d’individus venus d’Irak, de Syrie, pour la plupart, et même d’Occident. Tous obéissent à une idéologie macabre puisque, sous couvert de principes islamiques, cette organisation prône une doctrine mafieuse et criminelle pour asservir les populations sous son contrôle. Elle y parvient en ayant recours à toutes formes de violence, à l’esclavage, aux enlèvements et à la traite, ainsi qu’à des exécutions barbares : fusillades, décapitations et crucifiements.

À plusieurs reprises, des preuves suffisantes ont été présentées par les Nations unies, par des organisations de défense des droits de l’homme et de causes diverses, ainsi que par des médias. Elles parviennent à la conclusion que Daech commet des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des actes constitutifs d’un génocide, certes, contre les chrétiens, les Yézidis, les Turkmènes, les chiites, les sunnites dits modérés, pour ne citer qu’eux, mais aussi contre le reste de la population civile.

En ce sens, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste émet de fortes réserves à l’égard de cette proposition de résolution car elle est restrictive. En effet, elle n’entend reconnaître principalement comme victimes génocidaires que les minorités religieuses. Or, si l’on se réfère à la définition juridique internationale du terme « génocide », il se définit comme correspondant à « l’un quelconque des actes () commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux () » Force est de constater que l’État islamique ne vise pas que des groupes religieux : il vise également les populations civiles en Syrie, comme en Irak, donc des non-croyants.

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Autrement dit, la condamnation de ces crimes ne doit pas varier selon l’origine des victimes : elle concerne toutes les victimes, soit plus de 300 000 morts.

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C’est en ce sens qu’en mai 2014, la France a tenté, en vain, de faire saisir la Cour pénale internationale des crimes commis en Syrie, en proposant une résolution qui dénonçait tous les crimes commis, tant par l’État islamique que par le régime syrien. Sans surprise, le texte fut bloqué par un veto de deux membres permanents, la Russie et la Chine.

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Ainsi, nous poussons à ce que, contre ces crimes de guerre, ces crimes contre l’humanité et ces actes constitutifs d’un génocide, l’Union européenne et ses États membres, notamment la France et le Royaume-Uni en leur qualité de membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, demandent de nouveau une résolution de ce conseil de saisir la Cour pénale internationale de la situation dans les territoires contrôlés par l’EI, afin qu’elle enquête et surtout engage les poursuites pénales qui s’imposent.

N’oublions pas, par ailleurs, qu’en plus de s’en prendre aux hommes, aux femmes, aux enfants, les terroristes s’attaquent aussi à l’Histoire, à la culture et à l’art. Ainsi, le musée de Mossoul, la cité assyrienne de Nemrod, le temple de Bêl à Palmyre ont été saccagés, tant cette organisation veut éradiquer toutes les traces d’un passé dans lequel ont coexisté les civilisations et les grandes religions.

Combattre et éradiquer Daech par le droit ne suffit pas. Il faut aussi continuer à le faire par la force, militairement car l’État islamique continue, par son idéologie, ses méthodes et ses objectifs, d’être d’une dangerosité exceptionnelle aux conséquences gravissimes, à commencer par le drame humanitaire : la conséquence immédiate en est l’afflux historique de réfugiés – plus de 4 millions – fuyant la guerre et les massacres vers les pays limitrophes et jusqu’aux portes de l’Europe. Dans le même temps, l’autre conséquence est l’exportation du terrorisme : depuis sa base arrière en Syrie, Daech nous touche régulièrement en plein coeur ; les événements que nous vivons, depuis 2015, en attestent tragiquement.

Rappelons que, face à cette menace d’abord, à ces attaques ensuite, la France n’a pas tardé à réagir, d’abord en Irak : dès août 2014, en parallèle avec les frappes aériennes américaines menées contre l’EI dans le nord irakien, notre pays a commencé par envoyer de l’aide humanitaire aux réfugiés fuyant l’avancée de l’État islamique et a livré des armes aux forces kurdes et irakiennes, en première ligne dans le combat contre les djihadistes.

Puis, quand, à la demande du gouvernement irakien, dans le cadre des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies, une large coalition internationale s’est formée, la France a pris l’initiative d’organiser à Paris, en septembre 2014, une conférence internationale pour la paix et la sécurité en Irak. Quelques jours après, elle lançait l’opération Chammal. Cette dernière, basée aux Émirats Arabes Unis et en Jordanie, et forte, alors, de 800 militaires et d’un dispositif important, notamment avec plusieurs avions Rafale et Mirage, s’est montrée très active.

En étroite coordination avec nos alliés présents dans la région, elle a permis des avancées significatives dans cette véritable guerre d’usure en fournissant un appui aérien aux forces armées irakiennes et en acquérant du renseignement sur les positions et les mouvements des terroristes.

Cependant Daech a poursuivi ses atrocités et étendu son emprise jusqu’en Syrie. Le Président de la République, chef des armées, a alors décidé, en septembre 2015, l’engagement de nos forces aériennes dans des vols de reconnaissance au-dessus du territoire syrien. Le but était de permettre aux services français de collecter du renseignement sur les centres d’entraînement et de décision de l’État islamique dans l’éventualité de frappes. Ainsi la France a pu, avec l’aval du Parlement, frapper à plusieurs reprises et avec succès des camps d’entraînement de combattants étrangers.

À la suite des attentats meurtriers commis sur notre territoire, cet effort s’est amplifié. Il fut décidé d’accentuer les frappes en visant Raqqa, bastion de l’État islamique puis d’appareiller, dans le Golfe persique, le porte-avions Charles de Gaulle, multipliant ainsi par trois nos capacités d’action. Depuis des chasseurs bombardiers en partent pour appuyer au sol les forces locales qui sont en progression contre les troupes de Daech.

Ainsi les forces irakiennes appuyées par la coalition internationale ont eu raison de l’État islamique dans nombre de ses bastions et l’organisation terroriste cède également du terrain en Syrie. En lrak, en un an et demi, Daech a perdu le contrôle de plusieurs villes telles que Tikrit, Sinjar et Ramadi, et de quasiment la moitié des territoires qu’il contrôlait. Bientôt, nous l’espérons, ce sera Mossoul qui tombera.

Ainsi, nos armées, parmi celles de la coalition internationale, ont montré leurs capacités de mobilisation et leur efficacité dans l’éradication de l’État islamique.

C’est d’abord par la guerre que nous gagnerons la paix et éviterons de nouvelles exactions contre toutes les populations civiles sans exclusive. Et si reconnaissance de génocide il doit y avoir, ce à quoi nous sommes totalement favorables, elle doit concerner toutes les victimes civiles de Daech.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis la fin des années 2000 et l’avènement de l’État islamique en Irak et en Syrie, le Moyen-Orient est frappé de plein fouet par la folie meurtrière de l’organisation terroriste. La violence et la barbarie de Daech se sont abattues sur toutes les minorités religieuses et plus largement sur tous ceux qui se sont opposés à la mise en place de son projet totalitaire.

Ces derniers mois, la France a été frappée à plusieurs reprises par des attentats meurtriers. A Paris, Saint-Denis, Nice, Magnanville, Saint-Etienne-du-Rouvray, notre pays a payé un lourd tribut. Ces attaques ont atteint notre République au coeur et frappé notre peuple dans toute sa diversité. De telles abominations sont la négation même de l’humanité, une injure insupportable à nos valeurs de paix et de progrès. Au nom des députés communistes et du Front de gauche, je souhaiterais une nouvelle fois rendre hommage à toutes les victimes de l’État islamique et assurer leurs familles de notre soutien sans faille.

La résolution sur laquelle nous nous prononçons aujourd’hui invite le Gouvernement à reconnaître le génocide perpétré par l’État islamique contre les minorités religieuses et à saisir le Conseil de sécurité de l’ONU pour qu’il donne compétence à la Cour pénale internationale de poursuivre ces crimes.

Historiquement, le groupe communiste a toujours été aux avant-postes sur les questions de mémoire et de reconnaissance des génocides. Les peuples opprimés ont pu trouver auprès du parti communiste français un allié, portant haut leurs revendications au sein même de cet hémicycle. En 1997, le député Roger Meï avait défendu la reconnaissance du génocide arménien de 1915. En 2009, la députée Marie-George Buffet et moi-même avons décidé de briser le silence autour du massacre des Tamouls, pris pour cible depuis les années 1980. Nous avons appelé la communauté internationale à prendre ses responsabilités, en demandant là aussi que la Cour pénale internationale se saisisse de cette affaire.

Ce même engagement s’était aussi exprimé dans la loi Gayssot, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur, créant l’incrimination de contestation de crime contre l’humanité et de révisionnisme.

Ainsi, c’est fort de ces convictions que nous soutiendrons la démarche engagée par les députés du groupe Les Républicains. La reconnaissance d’un génocide est un acte politique fort qui n’est ni de gauche ni de droite. Il nous appartient à tous de faire en sorte que soient reconnus et jugés les massacres de Daech.

Toutefois, même si nous saluons l’esprit de cette résolution, il nous paraît nécessaire d’émettre des réserves quant à sa formulation et son orientation.

Si d’autres pays ont voté une résolution similaire, nous pensons toutefois que sur une telle question, il est nécessaire de citer l’ensemble des minorités visées par la barbarie de l’État islamique, comme l’a justement fait John Kerry. Nous regrettons ainsi que l’exposé des motifs de la résolution que nous examinons ne mentionne explicitement que les minorités yézidie et chrétienne. Le rapport du 19 mars 2015 du Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’homme s’inquiète certes d’une logique génocidaire à l’encontre des Yézidis et rapporte des crimes contre l’humanité à l’encontre des chrétiens mais il pointe également les crimes contre les musulmans chiites.

Si ces deux communautés sont particulièrement touchées par la barbarie de Daech, son projet totalitaire ne connaît pas de frontière et ne s’arrête pas à la foi de ses victimes. Toutes les communautés religieuses sont visées par Daech, y compris les musulmans. Faudrait-il en conclure que les chrétiens et les Yézidis constituent les seules populations vulnérables dans les zones menacées par l’État islamique ?

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Cette résolution s’inscrit dans la continuité d’une longue tradition occidentale qui consiste à lire le Moyen-Orient à travers le seul prisme de la question des minorités. En attribuant aux différentes parties au conflit des labels confessionnels immuables, cette perspective incite à oublier la menace qui concerne l’ensemble des Irakiens et des Syriens victimes de l’offensive djihadiste. Face au danger fascisant de l’État islamique, notre indignation ne peut pas être sélective. Contribuer à cette segmentation confessionnelle à travers ce prisme minoritaire revient à « établir une hiérarchie entre ceux que la mort guette », comme l’explique Robin Beaumont, chercheur à l’école des hautes études en sciences sociales.

Cette vision du Moyen-Orient a marqué et continue de marquer notre politique étrangère, nous conduisant depuis de nombreuses années à mener une politique offensive, héritée du choc des civilisations. Notre participation aux aventures engagées par l’OTAN n’a fait que multiplier les foyers de tensions de par le monde. Partout où l’OTAN est intervenue, en Afghanistan, en Irak, en Libye, il en est résulté un chaos indescriptible, avec la montée du terrorisme, des millions de réfugiés, des villes exsangues et des pays rayés de la carte, des populations civiles martyres, comme à Alep, anéantie par les bombes qui massacrent des innocents.

Qui peut douter aujourd’hui que les tragédies irakienne et libyenne n’aient offert un terreau propice à la propagation de l’idéologie mortifère de Daech ?

Les interventions de la communauté internationale dans des États déjà fragiles ont contribué à menacer la démocratie. L’émergence de l’État islamique n’est-elle pas concomitante avec l’effondrement des États nations au Moyen-Orient, auxquels aucun « printemps arabe » ne peut se substituer ?

Enfin j’aimerais profiter de cette tribune pour alerter notre assemblée sur une autre tragédie qui ne bénéficie pas du même éclairage médiatique. L’Arabie saoudite et ses alliés mènent actuellement une guerre au Yémen. Je souhaiterais dénoncer avec force les crimes contre l’humanité commis par cette coalition contre les rebelles Houthis. Notre pays ne doit pas hésiter à les condamner avec la même fermeté car ces crimes nourrissent la haine entre les communautés et renforcent la rhétorique employée par Daech.

Certes, l’Arabie saoudite représente un grand marché pour l’industrie française. Mais la France, pays de la déclaration des droits de l’homme, ne saurait mettre en balance les valeurs morales, démocratiques et humanistes qui ont fondé notre République avec des intérêts économiques.

Malgré ces réserves, les députés communistes et du Front de gauche voteront pour cette résolution. Il vous appartient désormais de tout faire pour que la cour pénale internationale puisse se saisir de cette affaire.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de résolution qui nous est soumise invite le Gouvernement à qualifier juridiquement de génocide « les violences et les crimes commis par l’État islamique en Syrie et en Irak à l’encontre des populations chrétiennes, yézidies et d’autres minorités» et à saisir le Conseil de sécurité des Nations Unies pour qu’il donne compétence à la Cour pénale internationale, la CPI de poursuivre ces crimes.

S’agissant des faits d’abord, chers collègues, il n’existe évidemment pas le moindre doute quant à l’atrocité des crimes commis par Daech en Syrie et en Irak. Les populations yézidies en particulier subissent un calvaire épouvantable. Les massacres commis en août 2014 dans la région du Sinjar, au Nord de l’Irak, se seraient accompagnés de plusieurs milliers de morts, de la réduction en esclavage de 2 000 à 3 000 femmes et jeunes filles et de l’exil de 90 % de la population yézidie d’Irak.

Outre les Yézidis, de nombreuses minorités religieuses ou ethniques sont victimes de persécutions systématiques en Irak et en Syrie. Daech cible les chrétiens d’Orient mais aussi les chiites, les Turkmènes, les Kurdes ou encore les Shabaks. Ces communautés sont visées pour ce qu’elles sont. A travers elles, c’est la diversité religieuse, ethnique et culturelle que Daech veut faire disparaître. Daech les contraint à un choix cruel : l’asservissement ou l’exil forcé, ou la mort. Soyons clairs : c’est d’une entreprise d’élimination physique dont il s’agit.

Tous ces faits sont documentés, notamment grâce au travail engagé par la commission d’enquête internationale sur la Syrie, qui a été créée par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies et dont la commission des affaires étrangères a entendu les membres.

Dès 2014, la commission d’enquête publiait un rapport intitulé «Vivre sous le règne de la terreur : Daech en Syrie». Fondé sur d’innombrables témoignages de personnes ayant fui ou vivant dans les territoires contrôlés par Daech, ce rapport donne la nausée. En effet Daech ne recule devant aucun crime pour asservir les populations et opprimer les minorités : meurtres, tortures, traitements inhumains et dégradants, recours à l’esclavage, viols et autres violences sexuelles, déplacements forcés de populations, disparitions. Comme l’a souligné la commission d’enquête, ces abus, ces crimes et ces violations des droits de l’homme sont commis par Daech de façon délibérée et calculée.

C’est donc à juste titre que la proposition de résolution cible les actes commis par Daech contre des minorités ethniques et religieuses en Irak et en Syrie.

Mais j’estime qu’il faudrait s’intéresser à l’ensemble des exactions dirigées contre la population civile, quels que soient leurs auteurs et quelles que soient les considérations ethniques ou religieuses. Les musulmans sunnites, qui ne sont pas une minorité puisqu’ils sont majoritaires dans la région, sont les premières victimes de Daech. Eux aussi subissent son oppression, ses persécutions et son régime de terreur.

Je me demande quel message nous ferions passer en ne nous intéressant qu’aux minorités. Chers collègues, nous devons rendre justice à toutes les victimes. Et nous devons aussi penser à la réconciliation de demain. Elle doit inclure toutes les catégories de population.

Les atrocités commises par Daech ne doivent pas non plus détourner l’attention des crimes commis par d’autres acteurs, qu’ils soient ou non étatiques. En Syrie et en Irak, des exactions épouvantables sont attribuées à d’autres organisations terroristes et à diverses milices, parfois venues de l’étranger.

N’oublions pas la responsabilité du régime de Damas dans la situation actuelle. La révolution syrienne a commencé par des manifestations pacifiques. Elles ont été réprimées dans le sang. Telle est l’origine du cycle de violence qui s’abat sur la Syrie depuis 2011.

Aujourd’hui, à Alep-Est, le régime syrien et ses alliés soumettent quelque 250 000 personnes à un siège et à des bombardements d’une violence inouïe. Ces chiffres sont contestés mais ce sont ceux des Nations-unies.

Les hôpitaux font l’objet d’attaques directes et systématiques. Au delà du sort tragique d’Alep, plus de 700 000 personnes sont assiégées en Syrie, notamment dans les régions rurales de Damas.

Permettez-moi d’insister sur la situation humanitaire dans l’ensemble de la Syrie et aussi en Irak.

Sur le plan humanitaire, l’attention de l’opinion publique s’est focalisée sur la situation dramatique de la population civile d’Alep, mais il importe que notre assemblée soit également consciente de l’ampleur de la crise humanitaire qui sévit en Irak et en Syrie.

En Irak, par exemple, 650 000 civils, dont plus de 300 000 enfants, sont privés d’accès à l’eau potable dans Mossoul, à la suite des dommages commis sur le réseau de distribution. Plus de 76 000 civils ont fui les zones de combat depuis le lancement de l’offensive.

Cette situation est néanmoins gérée par les nombreuses organisations internationales et organisations non gouvernementales présentes sur place. Le Haut-Commissariat aux Réfugiés, notamment, se prépare à accueillir un nombre encore plus élevé de personnes déplacées, en bonne coordination avec les autorités irakiennes.

En Syrie en revanche, la situation humanitaire est beaucoup plus alarmante, du fait de l’ampleur de la crise et des obstacles mis à l’acheminement de l’aide humanitaire par les belligérants.

À Alep-Est, chacun se souvient que le cessez-le-feu a été interrompu par le bombardement d’un convoi humanitaire des l’ONU. Ces derniers jours, alors que des civils ont trouvé la mort en essayant d’échapper au siège, les personnels de santé et humanitaires demeurent les cibles des attaques. L’ONU estimait à 25 000 le nombre de personnes qui ont quitté Alep-Est, la majorité étant des femmes et des enfants. Parmi ceux qui réussissent à atteindre les zones contrôlées par le régime, certains subissent encore des arrestations arbitraires, sont torturés voire exécutés.

Des attaques directes menées contre les hôpitaux endommagent fortement les infrastructures. À Alep-Est, aucun hôpital – je dis bien : aucun – n’est entièrement opérationnel et une seule unité de santé est capable d’assurer des soins de traumatologie. En l’absence d’ambulances, les civils blessés sont transportés dans des charrettes. Les prix des produits de première nécessité ont explosé, atteignant des niveaux inabordables pour la population.

À l’ouest d’Alep – car je ne veux oublier aucune victime, aucun territoire –, l’intensification des combats a également détruit de nombreux bâtiments civils et 70 000 déplacés internes ont été recensés depuis le mois de juillet.

Au total, jusqu’à 400 000 déplacés sont installés à l’ouest d’Alep. Le Croissant rouge arabe syrien et les partenaires humanitaires pourvoient aux besoins de ces populations. L’ONU a prépositionné des fournitures non-alimentaires et des vivres pour répondre aux besoins de 275 000 personnes. Mais le succès de ces opérations dépend de l’autorisation du gouvernement syrien pour le déploiement du personnel international et national à Alep. Or, ce déploiement leur est interdit.

N’oublions pas les 700 000 personnes qui se trouvent assiégées en Syrie, notamment dans les régions rurales de Damas. L’action des organisations internationales peut là aussi être décisive. En 2016, l’Unicef a pu venir en aide à 2,9 millions de Syriens dont 350 000 vivant dans des zones difficiles d’accès. L’Unicef a aussi vacciné trois millions d’enfants. Voilà ce qu’il faudrait pouvoir faire et voilà pourquoi le Conseil de sécurité doit impérativement obtenir de toutes les parties qu’elles protègent les civils, qu’elles accordent un accès humanitaire rapide et sûr, qu’elles lèvent les sièges des villes syriennes dont la population est menacée de mort.

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Notre exigence humanitaire ne doit pas nous faire oublier les crimes qui sont commis. Comment passer sous silence les attaques aériennes contre les civils ? Et seul le régime syrien dispose d’avions, heureusement que Daech n’en a pas ! Mais comment taire les bombardements à coups de baril d’explosifs, de bombe au phosphore, de bombe bunker, ces bombes qui traversent les plafonds des caves pour aller chercher les victimes, les enfants, au fond de leur refuge ?

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Et les attaques à l’arme chimique dans la banlieue de Damas en 2013, et plus récemment encore, celles référencées par l’ONU ? Comment oublier les preuves contre le régime syrien sur les actes de torture de civils à l’occasion de leur détention dans les prisons gouvernementales ? Ces actes sont relatés dans les multiples rapports de la Commission d’enquête de l’ONU et qualifiés explicitement de « crimes contre l’humanité ».

À cet égard le rapport dit « César », du nom d’un ancien photographe de la police militaire syrienne qui a fait défection, a corroboré les conclusions de la commission d’enquête concernant le recours systématique à la torture et les décès de détenus.

Notre indignation, chers collègues, ne doit pas être sélective.

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Nous n’avons pas à faire le tri entre les victimes, ni entre les auteurs. Ce serait indigne.

Notre devoir de solidarité doit s’adresser à toutes les victimes, sans distinctions ethniques ou religieuses. Et notre action doit viser à protéger toutes les populations civiles menacées de violences systématiques en Irak et en Syrie, pour aboutir à la condamnation par la justice de tous les auteurs de crimes.

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Que fait la France ? Comme l’a rappelé notre collègue Gérard Charasse, le Gouvernement a engagé des actions sur tous les plans : militaire, diplomatique, politique et humanitaire.

D’abord, la France participe à la coalition contre Daech. Nous conduisons l’opération Chammal en Irak, depuis septembre 2014, et en Syrie depuis septembre 2015. La France participe aux efforts pour faire reculer militairement Daech et pour libérer ceux qui sont lui asservis. Il faut ensuite stabiliser dans la durée les zones libérées pour permettre le retour des populations. Il faut également un processus politique inclusif pour permettre la réconciliation nationale et demain la reconstruction.

Sur toutes ces actions, les responsables des Casques blancs syriens et le président du Comité civil de la ville d’Alep – celui que l’on appelle par raccourci « le maire d’Alep », M. Brita Hagi Hasan, que nous avons reçu à plusieurs reprises en commission et ici-même en octobre dernier, que j’ai reçu de nouveau lundi dernier – nous ont dit à quel point la France est exemplaire.

Nous jouons un rôle moteur au Conseil de sécurité des Nations Unies, à la fois pour arriver à une résolution politique de la crise syrienne, pour répondre aux urgences de la situation humanitaire et pour lutter contre l’impunité.

Nous avons ainsi présenté en mai 2014 une résolution visant à ce que le Conseil de sécurité saisisse la Cour pénale internationale de l’ensemble des violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises en Syrie par l’ensemble des parties au conflit. Cela vient d’être rappelé par Gérard Charasse.

La Russie, malheureusement, a mis son veto, comme elle l’a encore fait lundi dernier à une autre résolution que nous soutenions, cette fois au sujet d’Alep. Cette résolution exigeait l’arrêt complet des attaques durant sept jours renouvelables, pour permettre aux acteurs humanitaires de parer aux urgences vitales à Alep-Est. Début octobre, la Russie avait également opposé son veto à un projet de résolution, présenté par la France, demandant la cessation des bombardements sur Alep en Syrie.

Je veux rappeler que, depuis le début de la crise en 2011 et malgré nos efforts – je vous assure qu’ils sont constants, je regarde tous les jours les comptes rendus qui nous viennent de notre représentant permanent à l’ONU –, malgré nos efforts diplomatiques en direction de la Russie avec laquelle nous voulons maintenir le dialogue, hélas, la Russie a opposé six fois son veto à une action du Conseil de sécurité sur la situation en Syrie.

Sur la question spécifique et légitime des victimes de violence ethnique et religieuse, je regrette que la proposition de résolution n’évoque à aucun moment les actions engagées par le Gouvernement.

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Je le regrette d’autant plus que – je vous le signale, mes chers collègues – le Sénat, dans la proposition de résolution qui a été votée il y a deux jours, souligne ce que le Gouvernement a fait. Mais la proposition de résolution du Sénat a été rédigée, élaborée, travaillée, dans un esprit inclusif et constructif, en recherchant l’unité de tous les groupes politiques contre ces horreurs.

En mars 2015, la France a organisé un débat au Conseil de sécurité des Nations Unies pour mobiliser la communauté internationale face aux persécutions systématiques commises par les groupes terroristes contre les chrétiens d’Orient et d’autres minorités. Il aurait fallu le dire : c’était une première. Nous n’oublions pas ces minorités. Il n’y avait jamais eu de réunion du Conseil de sécurité centrée sur la situation des chrétiens et des autres minorités persécutées au Moyen-Orient.

Et le 8 septembre 2015, la France a organisé, avec la Jordanie, la conférence internationale de Paris sur les victimes de violence religieuse ou ethnique au Moyen-Orient. Un plan d’action a été présenté à l’initiative de la France. Il vise à aider les populations visées ; à favoriser des solutions durables pour les réfugiés et les personnes déplacées ; à lutter contre l’impunité et à garantir la justice ; à préserver la diversité et la pluralité du Moyen-Orient.

Ces initiatives ne restent pas lettre morte. Le plan d’action de Paris constitue une feuille de route commune. Une conférence de suivi a été organisée à Washington et la France, pour sa part, a engagé de nombreuses actions sur le terrain. Le Gouvernement a mis en place un fonds spécifique, doté de 10 millions d’euros pour 2015-2016. Ce fonds est par ailleurs abondé par des contributions de collectivités territoriales. Il permet de financer des projets dans le domaine du logement, de la santé, de l’éducation, de la formation professionnelle, de la lutte contre l’impunité ou encore en matière de déminage.

Je suis allée, avec Jean-Yves Le Driant, le 31 décembre 2015, rendre visite à nos forces positionnées dans la région, qu’elles soient en Jordanie, près d’Amman, à Abu Dhabi, où nous avons des légionnaires…

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…ou sur le Charles-de-Gaulle.

J’ai pu voir à Abu Dhabi comment nos légionnaires forment les militaires irakiens à déminer, parce que tout doit être déminé, quand on progresse vers Mossoul.

Pour que la justice soit rendue, c’est-à-dire pour que les auteurs de crimes puissent être jugés, il faut en particulier collecter et conserver les preuves. C’est la tâche entreprise par la Commission internationale d’enquête sur la situation des droits de l’homme en Syrie. La France contribue aussi à aider plusieurs ONG qui documentent les exactions commises.

Que pouvons-nous faire de plus, puisque les horreurs continuent ?

Les auteurs de la proposition de résolution nous demandent, en premier lieu, d’inviter le Gouvernement à reconnaître officiellement le génocide commis par Daech. Les faits sont en effet susceptibles d’être qualifiés de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, voire de crime de génocide dans le cas des Yézidis en Irak. Telles sont les conclusions des rapports de la Commission d’enquête internationale sur la Syrie et de la mission d’enquête sur l’Irak du Haut-Commissariat aux droits de l’homme.

Le 17 mars dernier, le secrétaire d’État américain a déclaré publiquement que les actes commis par Daech, notre collègue Fromion l’a rappelé, sont constitutifs d’un génocide et de crimes contre l’humanité envers des communautés vivant dans les zones que cette organisation terroriste contrôle. Mais le secrétaire d’État Kerry a aussi souligné que les faits devaient être vérifiés par une enquête indépendante et qu’il revenait aux juridictions compétentes d’établir les qualifications légales.

En tant qu’ancienne garde des sceaux, je dois dire que je ne peux pas être indifférente à cette argumentation. Nous devons, surtout dans ces situations d’horreur, respecter le droit international – et notre propre droit, d’ailleurs. Il me semble que les exactions commises par Daech en Syrie et en Irak sont susceptibles d’être qualifiées de crimes de génocide, mais je sais aussi qu’il n’appartient pas aux gouvernements de qualifier ces crimes. Le Gouvernement n’a pas à se substituer à la justice : ce n’est pas Marylise Lebranchu qui dira le contraire.

En second lieu, les auteurs de la proposition de résolution nous demandent d’inviter le Gouvernement à présenter au Conseil de sécurité un projet de résolution ayant pour objet une saisine de la cour pénale internationale. Nous avons bien sûr nous-mêmes évoqué cette nécessité dans la résolution que je viens de rappeler et je ne doute pas un seul instant que les auteurs de cette proposition de résolution et ceux qui l’approuvent soient comme nous sincèrement révoltés par les crimes de Daech. Je comprends et je partage cette indignation qui nous est donc commune. Je partage aussi, chers collègues, votre volonté que la justice internationale – en l’occurrence, la cour pénale internationale – soit saisie de ces crimes. Cela me paraît d’autant plus important de l’affirmer qu’il existe un courant, hélas de plus en plus puissant, qui remet en cause ce type de juridictions internationales, qu’il s’agisse de la cour pénale internationale ou de la cour européenne des droits de l’homme.

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Je pense notamment à la Russie, qui a annoncé son intention de retirer sa signature du traité fondateur de la cour pénale internationale – qu’elle n’avait d’ailleurs jamais ratifié mais qu’elle avait tout de même signé – sous le prétexte que cette juridiction ne serait pas véritablement indépendante. Mes chers collègues, vous, les auteurs de cette proposition de résolution, vous ne pouvez pas ignorer que la Russie – qui a toujours fait obstacle aux résolutions des Nations unies – sera sans doute le principal obstacle à la saisine de la cour par le Conseil de sécurité que vous réclamez.

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Nous ne pouvons pas exprimer notre solidarité à l’endroit des victimes de Daech sans avoir un seul mot pour les centaines de milliers de victimes du régime syrien. Nous ne pouvons pas, alors que près d’un million de Syriens sont assiégés, laisser planer le soupçon d’une indignation sélective.

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La résolution adoptée par le Sénat il y a deux jours a le mérite d’être plus équilibrée, ce qui a permis au groupe socialiste de la voter. Le dispositif de ce texte, en effet, ne se borne pas à dénoncer les crimes commis par Daech mais son champ est beaucoup plus large. Cette résolution englobe non le seul crime de génocide mais, aussi, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. Elle englobe également les crimes commis par d’autres groupes non étatiques comme Al-Qaïda ou le Front Fatha al-Cham. Enfin, elle vise les crimes commis par les organisations étatiques, c’est-à-dire potentiellement – les faits doivent être établis, évidemment – le régime syrien et la Russie qui devront elles aussi un jour répondre des actes que je viens de dénoncer.

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Je note aussi que la résolution du Sénat fait très judicieusement allusion aux autres voies de droit qui peuvent être utilisées pour poursuivre les auteurs de ces crimes. Pourquoi, en effet, – si vous pensez qu’il faut tout essayer, chers collègues – s’en tenir aux seules voies internationales et dédaigner les ressources de notre droit national ? Les tribunaux français peuvent enquêter sur les faits commis par des Français en Irak et en Syrie…

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…et nous savons, hélas, que c’est bien le cas – il conviendrait à cette fin de s’appuyer sur l’article 113-6 du code pénal. Des plaintes ont d’ores et déjà été déposées…

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…et le Gouvernement, comme le rappelle l’exposé des motifs du texte sénatorial – je dis bien, sénatorial – a demandé l’ouverture d’une enquête préliminaire contre X pour les crimes contre l’humanité commis dans les prisons syriennes en s’appuyant sur le rapport « César ».

Quel dommage que vous, chers collègues, les auteurs de la proposition de résolution déposée à l’Assemblée, n’ayez pas pris la peine de vous concerter avec vos collègues du Sénat afin de présenter des textes sinon identiques – chacun peut évidemment nourrir sa propre approche –, du moins, similaires dans leurs principes et leur méthode inclusive !

Les règles applicables ne permettent malheureusement pas d’amender les propositions de résolution déposées au titre de l’article 34-1 de la Constitution. Si nous avions pu proposer des amendements, j’aurais aimé pouvoir voter votre proposition de résolution compte tenu de tous nous points de vue communs, de notre indignation face à tous ces crimes. Je regrette aussi que vous n’ayez pas pris l’initiative d’associer d’autres groupes politiques, de la majorité et de l’opposition, au lieu de présenter une initiative que j’estime critiquable non dans ses intentions, bien entendu, mais dans sa formulation.

Je compte personnellement prendre l’initiative de déposer une proposition de résolution qui sera, je l’espère, signée par des représentants des différents groupes parlementaires de cette Assemblée, comme cela fut le cas au Sénat. Nous devrions montrer, chers collègues, que nous sommes capables d’une démarche collective sur un tel sujet. Je suis disposée à y travailler avec tous ceux qui souhaiteront s’y associer, dans un esprit d’ouverture aux observations et aux propositions de modification que souhaiteront formuler les uns et les autres.

Le texte que je proposerai, comme celui du Sénat, aura pour objet d’inviter le Gouvernement français « à utiliser toutes les voies de droit pour reconnaître les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre perpétrés contre les minorités ethniques et religieuses et les populations civiles en Syrie et en Irak ». Il contiendra aussi un appel pour que l’aide humanitaire puisse être acheminée à la population civile de Syrie.

Pour conclure mes propos sur la proposition de résolution qui nous est aujourd’hui présentée, je dirais que nous sommes tous horrifiés par la situation des minorités persécutées en Syrie et en Irak, tous, mais que nous devons l’être aussi, le dire et l’écrire, que nous devons exprimer notre indignation face à toutes les exactions commises dans ces deux pays contre toutes les populations civiles.

Je le répète : notre groupe aurait pu voter la proposition de résolution, votre proposition de résolution, chers collègues…

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…si celle-ci avait concerné toutes les victimes, tous les auteurs de crime, si elle n’avait pas passé sous silence toutes les actions déjà engagées par notre pays et, enfin, si – comme au Sénat – ses auteurs ne s’étaient pas limités à une démarche finalement réduite à leur groupe, ce qui d’ailleurs est visible dans la formulation de cette proposition de résolution.

Mes chers collègues, horrifiés comme vous par les persécutions ciblées dont sont victimes les minorités religieuses et ethniques, nous ne nous opposerons pas à votre texte mais, en raison de toutes les remarques que je viens de formuler, le groupe socialiste, écologiste et républicain s’abstiendra.

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Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en avril 2016, avec mes collègues Yves Fromion et Jean-Marie Tétard, nous avons fait un déplacement au Liban, au Kurdistan irakien et en Syrie dans le cadre d’une mission non officielle organisée par l’association CHREDO. A son terme, nous avons pris l’initiative de cette proposition de résolution visant à reconnaître le génocide perpétré par Daech contre les populations chrétiennes, yézidies et d’autres minorités religieuses.

En effet, ce que nous avons vu, ce que nous avons entendu ne pouvait rester sans suite. Le silence n’est pas possible car il revient à laisser faire alors que ce qui se passe dans ces pays est intolérable. Comment supporter ces exactions ? Comment supporter cette violence ? Comment supporter cette volonté d’éradication ? Une telle volonté existe, nous ne pouvons le nier : l’État Islamique veut mettre fin à la présence sur le territoire de quelques minorités ciblées.

Rien ne leur est épargné : villages rasés, massacres collectifs, meurtres de religieux et de civils, femmes, enfants et vieillards, viols, enlèvements, persécutions à grande échelle, conversions forcées, églises incendiées, monastères et écoles détruits. Ces minorités religieuses vivent aujourd’hui dans l’angoisse du lendemain, dans la peur et la souffrance quotidienne. Elles sont donc contraintes de fuir.

Si l’on prend l’exemple des chrétiens d’Orient, les chiffres sont impressionnants : en Irak, le nombre de chrétiens est passé de 1,4 million en 2003 à 275 000 en 2015 ; en Syrie, 500 000 d’entre eux ont fui alors qu’ils étaient près de 2 millions. Dans le pays voisin, la Turquie, un habitant sur quatre était chrétien en 1900, aujourd’hui, moins d’un sur dix.

Il est consternant de voir que la communauté internationale ne réagit qu’à l’occasion de faits particuliers : ce fut le cas lors de l’attaque de la cathédrale de Bagdad puis de l’église des Saints d’Alexandrie en 2010 ou, encore, lors de la destruction partielle de la ville de Palmyre. Une telle indignation devrait être continue car ces populations souffrent quotidiennement.

La France se doit de réagir pour deux raisons au moins. Son rôle historique dans la région tout d’abord : est-il nécessaire de rappeler le rôle de saint Louis qui, déjà, à l’époque, se voulait protecteur des chrétiens d’Orient et des minorités ? Ensuite, parce que la France est doublement concernée par l’État islamique en raison des nombreux attentats que nous avons subis sur notre sol et du rôle joué par certains de nos ressortissants dans ces exactions. Nous sommes donc attendus dans ces pays, que nous avons le devoir de ne pas décevoir : notre crédibilité est en jeu.

Nous devons donc intervenir pour que ce génocide soit reconnu car telle est bien la triste réalité. Nous assistons à la destruction de l’altérité, à un nettoyage ethnique inadmissible visant les chrétiens et les yézidis mais, également, d’autres minorités, c’est exact. Ces exterminations étant perpétrées selon des critères politiques, ethniques et religieux, il s’agit bien de génocides.

Nous devons garantir la présence de ces minorités sur ces territoires. Établies depuis 2000 ans dans ces régions, elles ont été un facteur de développement économique et de stabilité politique. La richesse de l’orient résidait dans le mélange des cultures et des religions. Les persécutions actuelles choquent d’ailleurs l’immense majorité des musulmans.

C’est pourquoi notre devoir est d’agir afin de condamner ces actes et de permettre que ces crimes ne restent pas impunis. D’autres pays ou organisations ont déjà réagi. Ainsi l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, le Parlement européen, la Chambre des communes du Parlement britannique ont qualifié les massacres commis par Daech de « génocide » – tout comme d’ailleurs le secrétaire d’État américain John Kerry.

Les sénateurs ont voté mardi dernier à l’unanimité un engagement similaire. Il serait bien que l’Assemblée nationale soit capable de s’unir également autour de ce projet de résolution. Le Gouvernement, ensuite, devra être capable de faire entendre la voix de la France, de défendre à l’ONU une demande de résolution reconnaissant le génocide des chrétiens et des minorités d’Orient. Notre devoir, enfin, sera de construire la paix et de permettre le retour de ces minorités sur cette terre qui est aussi la leur. Notre pays doit continuer à jouer le rôle international qui fut le sien en faveur de la paix, de la justice et de la défense des opprimés.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Chers collègues, rares sont les occasions ou l’Assemblée nationale et les députés se distinguent par un travail qui allie désintéressement, envergure du sujet et importance des auditions. D’évidence, cela témoigne du succès que les auteurs de cette mission d’information ont rencontré à travers leur rapport – qu’ils en soient chaleureusement et sincèrement remerciés !

L’État islamique pose des questions qui dépassent le simple cadre national : l’histoire heurtée du Proche-Orient n’a cessé d’appartenir à notre histoire, comme nous n’avons pas cessé de lui être redevables. Sans l’araméen, parlé par Jésus Christ, pas de chrétienté ; sans les premiers évêques et apôtres, pas de conversion des peuples d’Europe et donc pas de construction de la nation française à travers le baptême de Clovis.

Nous aurions tort de refuser de prendre en compte le cadre historique, nécessaire lorsque l’on évoque l’État islamique. Le Proche-Orient tout entier conserve la mémoire des califats, des dominations et des conquêtes. Les souvenirs glacés de la domination ottomane hantent la vision du monde des chrétiens du nord de l’Irak – certains d’entre eux portent encore les patronymes de Diyarbakir et Mardin, où leurs ancêtres furent massacrés par les Jeunes Turcs – mais aussi la mémoire des Syriens qui se révoltèrent contre les émirs.

Le rêve ottoman du calife Erdogan ne manque pas de contrister, par exemple, le patriarche melkite Grégoire III Laham qui rappelle dans un récent ouvrage d’entretiens que l’islamisme détruisit tout les clochers de Syrie dès 1860. L’État islamique, c’est aussi cela : une réminiscence de temps barbares dont beaucoup de pays d’orient s’était débarrassés.

Le trafic de pétrole face auquel la coalition aurait pu intervenir, la criminalité organisée autour des vestiges antiques en Irak et en Syrie, les filières d’acheminement du Captagon, notamment dans la Bekaa où l’ONU mime une intervention factice depuis trop d’années, la présence d’argentiers saoudiens entre la frontière turque et Raqqa ou Alep, l’embargo assassin de la communauté internationale contre la Syrie : tous ces éléments entachent les bilans de tous les dirigeants internationaux.

Certains de mes collègues sont allés sur le terrain, auprès de ces réalités. Ils sont de droite et de gauche et peuvent témoigner que la politique de François Hollande, celle de l’Union européenne et celle des États-Unis ont souillé l’Occident pour des décennies.

Les chrétiens en sont les victimes, les chiites en sont les victimes, les minorités diverses en souffrent horriblement. En Syrie, la majorité des soldats de l’armée régulière sont sunnites. Le spectacle de leurs sacrifices, alors qu’ils participent à la reconquête face à la barbarie islamiste, est une insulte à l’honneur de la France, à l’honneur de tous nos soldats qui abandonnèrent, des années durant, femmes et enfants pour oeuvrer au Liban, en Syrie, et même dans une partie de l’Irak actuel. Le contentement orné de défense des droits de l’homme, avec lequel une partie des politiques français a traité les questions de la représentation politique en Syrie, est une tache indélébile. Une tache qui confine à la compromission silencieuse avec des massacres historiquement sanglants.

Je ne peux terminer cette intervention sans évoquer la politique de la France en Syrie. Entraînement de cadres rebelles en Jordanie, suppression de notre ambassade, soutien appuyé à l’Arabie saoudite : la France n’a pas cessé d’y soutenir la cause de l’islamisme politique.

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La simple évocation de Laurent Fabius et François Hollande devant les chrétiens syriens déclenche un torrent de colère que nous ne pourrons résorber sans une réorientation totale de notre politique étrangère. Cette colère froide, c’est celle qui serre encore la gorge des Français quand ils se rappellent que notre ministre des affaires étrangères a dit un jour qu’Al-Qaïda, en Syrie, faisait du bon boulot.

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Aux auteurs de ce rapport, je renouvelle mes remerciements. Nous leur devons information et engagement pour la vérité, là où notre politique extérieure n’avait été que vente d’armes et soumission aux intérêts régionaux. C’est un pas. Nous devrons en faire bien plus pour retrouver notre place au Proche-Orient – et cette place est extrêmement importante.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, je ne vais pas évoquer l’effroyable spectacle que j’ai vu en Irak, dont je reviens. Il y a quarante-huit heures, j’étais en effet sur la rive du Tigre, juste en face de Mossoul, avec une délégation de parlementaires européens et de la Coordination des Chrétiens d’Orient en danger, la CHREDO.

Je voudrais revenir sur les problèmes juridiques que pose cette résolution, car ils me paraissent avoir été traités d’une manière très lacunaire par Mme Élisabeth Guigou. Je voudrais lui rappeler ce qui définit juridiquement un génocide. Le génocide n’est pas simplement la constatation que la guerre est malveillante et malsaine : tout le monde sait que les guerres sont sanglantes. Le génocide n’est pas non plus le crime contre l’humanité. Le génocide, tel qu’il est défini à l’article 6 du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale, est caractérisé par son caractère intentionnel et par le fait qu’il est dirigé contre tout ou partie d’une minorité, d’une religion ou d’un État.

Avant d’examiner les conséquences politiques que pourrait avoir la présente proposition de résolution, je tiens à dire combien je regrette que le groupe socialiste ne se soit pas engagé à la voter avec nous, car un vote unanime nous honorerait – d’autant que les prétextes qu’il donne sont fallacieux. En effet, ce problème n’a rien à voir avec les errements de la politique française en Syrie, sur laquelle j’ai entendu tout à l’heure des réflexions qui me paraissent tout à fait justifiées. Mais passons !

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L’attitude du Gouvernement face à la crise syrienne est plutôt pitoyable !

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Cela n’a rien à voir : les yézidis ne sont pas en Syrie, mais en Irak. Et on parle essentiellement de l’Irak.

Mais revenons à la Cour Pénale Internationale. Il y a trois manières de la saisir. Premièrement, elle peut être saisie par un État, mais c’est impossible dans le cas qui nous occupe, car la Syrie et l’Irak ne sont pas signataires du Statut de Rome. La deuxième solution consisterait à saisir le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies. La présente résolution ne le demande pas explicitement : elle demande au Gouvernement de saisir, éventuellement, le Conseil de sécurité. Il existerait une troisième possibilité, qui serait sans doute la plus efficace, et qui consisterait à saisir la procureure générale de la Cour Pénale Internationale. C’est ce qu’on appelle la compétence personnelle, ou ratione personae.

Faire valoir cette compétence est possible, et souhaitable. D’ailleurs, la procureure générale de la CPI n’a pas nié qu’elle pourrait être saisie. Elle ne croit pas à la saisine du Conseil de sécurité, et il est inutile de s’engager dans un débat sur cette question. La vraie saisine de la CPI se fera par l’intermédiaire de coupables, notamment ceux qui sont devant les tribunaux français, car les tribunaux français peuvent saisir la CPI. Je leur souhaite d’ailleurs de le faire, car ceux qui ont été inculpés, jusqu’à présent, l’ont été pour des motifs qui me semblent dérisoires : le problème n’est pas seulement le terrorisme, mais le génocide, et c’est autre chose ! Soyons clairs : d’un point de vue juridique, cette résolution devrait être votée à l’unanimité, car elle est sans bavures.

Je reviens des bords du Tigre et des environs de Mossoul, et je peux vous dire que le temps des génocides est hélas revenu. Je ne parle pas d’un génocide unique et ponctuel : il y a trente ans de génocides dans cette région du monde.

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Cela a commencé par le génocide des Juifs d’Irak, dont on a oublié qu’ils avaient eux aussi été exterminés ou expulsés du fait même de leur judaïté, et ce, bien après Nuremberg. Je ne suis pas dupe et je sais bien que toutes les décisions internationales ne suffiront pas à calmer la folie meurtrière qui est en train de s’emparer du Moyen-Orient et du monde entier, parce que la situation territoriale a changé, parce que les grandes puissances ne sont plus les grandes puissances, parce que chacun revendique des bouts de territoire, faisant littéralement tomber toutes les frontières héritées du passé et qui sont artificielles, en Irak, en Syrie et en Palestine.

Il faut donner un coup d’arrêt à cette tendance naturelle qui consiste à faire des génocides partout. Il faut voir les soldats chiites montant sur Mossoul ! Je les ai vus arriver, dans des camions blindés, avec des drapeaux, hurlant contre les sunnites qu’ils veulent massacrer. Et je vous assure que les événements de Mossoul seront encore plus graves que ceux d’Alep, car le génocide est désormais dans le coeur de toutes ces populations, qui se détestent depuis des décennies et qui s’entre-tuent.

Des yézidis m’ont confié que leur communauté avait été la cible de quatre-vingt massacres depuis le début du siècle. C’est dire que le génocide n’est pas une invention récente !

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Alors il faut dissuader, il faut frapper, il faut frapper très fort. Je sais bien que tout cela est relatif. Et pourquoi cibler spécifiquement Daech ? Parce que Daech, en plus, s’est permis de commettre des actes terroristes en France qui sont inadmissibles, inacceptables. Nous avons un devoir envers les victimes, qui ont été tuées parce qu’elles étaient françaises. Et nous n’avons aucune pitié à avoir pour les islamistes sunnites qui ont commis ces crimes.

sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.))

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « La fusion de l’idéologie et de la terreur », telle est la définition du totalitarisme selon Hannah Arendt. Cette définition pourrait aussi s’appliquer à l’organisation État islamique, qui a établi un régime de terreur sur les territoires d’Irak et de Syrie, et au-delà.

Ne nous y trompons pas, l’idéologie génocidaire de Daech est similaire à celle des pires régimes totalitaires que le XXe siècle a connus. Tout musulman, où qu’il soit, doit allégeance au calife. Ceux qui s’y refusent, tout comme ceux qui soutiennent ou paient des impôts à un gouvernement non musulman, ceux qui participent à des élections pour élire des dirigeants appliquant des lois établies par des hommes prétendant se substituer à la « Loi divine » sont des apostats et, à ce titre, doivent être décapités. Les musulmans sunnites refusant de faire allégeance au califat, mais aussi les Kurdes, qui les combattent, sont des ennemis à éliminer. Les « païens »comme les Yézidis et les Druzes doivent, soit se convertir à l’islam djihadiste, soit disparaître. Chrétiens et juifs doivent se soumettre et payer un impôt spécial, faute de quoi ils sont massacrés ou réduits en esclavage.

En somme, toute forme d’altérité, de non-conformité au modèle prôné par Daech, est niée, détruite, exterminée. Au cours des six derniers mois, 550 attentats ont été commis, sur tous les continents. L’État islamique entend établir un contrôle total et permanent sur la vie individuelle et collective, par la voie du totalitarisme djihadiste.

Face à une telle ignominie, que faisons-nous ? La voie militaire est certes nécessaire, mais insuffisante, car elle ne permettra pas de tuer l’idéologie. Nos premières armes, à nous la France, pays des droits de l’homme, sont nos valeurs : celles de justice, de droit, de liberté et de tolérance. Nous devons les porter haut et fort. En tant que pays européen le plus ciblé et le plus frappé par l’État islamique, notre rôle dans cette guerre est primordial. Nous devons agir contre l’impunité juridique de Daech, impunité insupportable et révoltante au regard des exactions commises, pour lesquelles les mots nous manquent, tant elles sont cruelles.

Au sortir de la Seconde guerre mondiale, les nations traumatisées ont bâti de concert un droit international qui qualifie pénalement les crimes contre l’humanité, les génocides, les crimes de guerre. En 1998, le Statut de Rome a créé la Cour Pénale Internationale et défini les crimes internationaux sur lesquels celle-ci a un pouvoir juridictionnel, dont les crimes de génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité. Ban Ki-moon, secrétaire général de l’ONU, a affirmé que l’État islamique s’est rendu coupable des trois. Malgré l’évidente nécessité de saisir la CPI, les règles restrictives de sa saisine ne permettent pas d’espérer qu’elle puisse l’être pour l’instant, étant donné la situation. Il faudrait pour cela, soit que l’Irak et la Syrie reconnaissent sur leur sol la compétence de la Cour, soit que le Conseil de sécurité de l’ONU puisse éviter le veto de grandes nations.

Mais nous ne pouvons cependant nous résoudre à rester les bras croisés, observant de notre France, certes également frappée sur son sol, l’horreur qui se déroule sur les territoires syriens et irakiens. Nous ne pouvons pas rester silencieux, alors que la diversité culturelle, ethnique, religieuse, qui est une richesse immense pour les civilisations, est en train d’être assassinée au Moyen-Orient, cette terre ancestrale qui est le berceau de l’humanité. La communauté internationale et européenne se soulève d’une seule voix pour faire reconnaître les exactions commises par Daech comme un génocide et un crime contre l’humanité : l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, le Parlement européen, à l’initiative du groupe du Parti populaire européen – PPE –, le Parlement britannique et, avant-hier, le Sénat français, à l’initiative de Bruno Retailleau, ont adopté des résolutions en ce sens.

En tant que députés de la Nation française, il est de notre devoir d’exhorter le gouvernement à saisir le Conseil de sécurité de l’ONU en vue de reconnaître le génocide qui se déroule sous nos yeux, et de saisir par conséquent la CPI. Tel est l’objet de la proposition de résolution que nous examinons ce matin, et que je voterai avec responsabilité et conviction. Il s’agit certes d’un symbole, mais ne négligeons pas la force des symboles lorsqu’il est question de droits de l’homme.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.

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Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, mesdames et messieurs les députés, dans une période d’une exceptionnelle gravité, la communauté internationale doit se retrouver autour de valeurs fondamentales : le respect de l’État de droit, la paix, la solidarité, le dialogue. La situation des victimes de persécutions ethniques et religieuses au Moyen-Orient nous en offre, malheureusement, une occasion, à condition que chacun soit à la hauteur de ses responsabilités.

Il y a un peu plus de deux ans, Daech lançait une vaste offensive en Irak et s’emparait de Mossoul. Depuis, les populations qui s’y trouvaient, parmi lesquelles de nombreuses personnes appartenant à des communautés constitutives de l’histoire, de l’identité et de l’avenir de cette région, ont été chassées, persécutées, et souvent tuées. Le groupe djihadiste occupe également une partie du territoire syrien, où il menace et opprime, là aussi, les différentes composantes de la population syrienne. Depuis plusieurs semaines, la coalition internationale contre Daech a lancé une offensive pour reprendre Mossoul et Raqqa, mais nous savons que leur libération sera longue, difficile et meurtrière.

Vous avez souhaité, aujourd’hui, par votre proposition de résolution, dénoncer les atrocités commises par des organisations terroristes, notamment Daech, qui tuent et qui, de la manière la plus barbare qui soit, oppriment et terrorisent les populations. Vous avez également souhaité que des poursuites soient engagées contre les responsables de ces crimes contre les minorités du Moyen-Orient.

Le Gouvernement partage votre constat : Daech cible en priorité les personnes appartenant à certaines minorités particulièrement vulnérables en raison de leur identité religieuse ou ethnique. Nous savons que la communauté yézidie est durement touchée – plusieurs d’entre vous l’ont rappelé : les femmes sont mariées de force et réduites à l’esclavage sexuel. Nous savons que les chrétiens d’Orient sont chassés et massacrés. D’autres minorités sont également victimes de violence et de persécutions, notamment les Turkmènes, les Kurdes, les Sabéens, et les Shabaks. Au-delà des minorités ethniques ou religieuses, c’est l’ensemble des populations civiles qui sont victimes de cette barbarie. La violence de Daech est extrême, globale, et elle frappe tout le monde, indistinctement. Elle détruit tout et, à ce titre, elle doit faire l’objet d’une réprobation universelle.

Mesdames et messieurs les députés, depuis plus de cinq ans, le régime de Damas commet, lui aussi, des crimes contre l’Humanité. Aux civils enlevés et assassinés par Daech s’ajoutent les centaines de milliers de personnes torturées et tuées dans les centres de détention du régime, affamées dans les villes assiégées, décimées par les bombardements et leurs conséquences. Le régime syrien est responsable d’une « politique d’extermination délibérée et systématique ». Il bombarde à l’aide d’armes chimiques, comme l’ont démontré de manière indiscutable plusieurs rapports du mécanisme d’enquête conjoint de 1’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques et l’Organisation des Nations unies, alors qu’elles sont interdites par le droit international, et alors même que la Syrie s’était engagée à détruire toutes ses armes et ne jamais plus en utiliser. À Alep, le régime syrien et ses soutiens sont en train de commettre les pires atrocités, en affamant la population, en détruisant les hôpitaux, en empêchant l’aide humanitaire d’être acheminée vers les populations civiles agonisantes, en exécutant ceux qui tentent de fuir les combats.

Le Gouvernement souhaite rappeler 1’action de la France pour les minorités au Moyen-Orient. Au Sénat, le président Retailleau, à l’initiative de la proposition de résolution devant la Haute assemblée, a rappelé mardi le rôle actif de la France sur ce sujet majeur.

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Bien sûr ! La position de M. Retailleau est très juste !

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Pardonnez-moi, mais ce n’est pas l’objet de la présente résolution ! Le rôle de la France est suffisamment connu !

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

La présidente de la commission des affaires étrangères a précisément rappelé les sanctions prises en la matière. Notre pays s’est très tôt engagé en faveur de la protection des chrétiens d’Orient, des autres minorités du Moyen-Orient et de la préservation de la diversité culturelle dans cette région.

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Ce n’est pas ce que nous disent les chrétiens d’Orient !

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

C’était le devoir de la France. Notre pays a agi par fidélité envers des populations auxquelles nous sommes liées par l’histoire, par cohérence avec notre engagement en faveur des droits de l’Homme, et parce que la France est convaincue que l’on ne pourra pas bâtir la paix dans la région, si celle-ci était amenée à perdre de façon tragique sa diversité humaine, culturelle et spirituelle.

Le 27 mars 2015, la France, Laurent Fabius, alors ministre des affaires étrangères, avait tenu à réunir le Conseil de sécurité pour lancer un appel à la mobilisation générale en faveur de ces populations. Dans le prolongement de cet événement, la France avait organisé, notamment avec la Jordanie, une conférence internationale sur les victimes de violences ethniques et religieuses au Moyen-Orient, le 8 septembre 2015.

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Il s’agit d’un génocide ! Ce n’est pareil !

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

Le plan d’action de Paris, présenté lors de cette réunion, reste notre feuille de route commune. Il vise à répondre à l’urgence humanitaire et à créer les conditions politiques et sécuritaires pour permettre le ré-enracinement durable et pacifique de ces populations dans la région.

À la suite de la conférence du 8 septembre 2015, nous avons mis en place un fonds spécifique doté de 10 millions d’euros sur deux ans – 2015 et 2016 –, abondé par ailleurs par les contributions de nombreuses collectivités territoriales. Ce fonds a permis de financer des projets dans le domaine du logement, de la santé, de l’éducation, de la formation professionnelle, de la lutte contre l’impunité ou encore du déminage. Près de deux tiers des financements ont été consacrés à la fourniture de services de base aux déplacés et aux réfugiés, notamment en Irak. À titre d’exemple, la France a financé par l’intermédiaire de ce fonds des projets portant sur le fonctionnement de centres de santé mobiles et d’appui à la santé mentale auprès des personnes appartenant à des communautés chrétiennes, assyriennes et yézidies en Irak et au Liban, à hauteur de 2 millions d’euros. Au total, 2 millions d’euros ont également été alloués au fonds de stabilisation immédiate géré par le Programme des Nations unies pour le développement – PNUD – en Irak, dont la vocation est de soutenir les efforts du gouvernement irakien pour la stabilisation du pays, en répondant aux besoins urgents en infrastructures.

L’aide au retour, particulièrement pour les personnes appartenant à des communautés victimes de violences ethniques et religieuses, a été identifiée par tous comme une priorité absolue. Cette priorité a été rappelée lors de la réunion ministérielle, coprésidée avec l’Irak, pour la stabilisation de Mossoul et de sa région, qui a eu lieu à Paris le 20 octobre dernier. L’enjeu est de redonner aux femmes, aux hommes, aux enfants, qui ont dû fuir la barbarie de Daech ou qui en ont été les victimes directes, l’espoir et les moyens de regagner leur foyer pour y vivre en paix.

Pour cela, il est indispensable de rapidement déminer les lieux de vie et de garantir l’ordre et la sécurité. Il faut restaurer les services de base, souvent mis à mal, voire inexistant, relancer l’économie locale, redonner confiance dans une forme de vivre-ensemble. Depuis plusieurs mois, la France finance de nombreux projets de déminage. En Irak, nous soutenons plusieurs opérations de déminage d’urgence au profit des personnes issues de la minorité yézidie dans le gouvernorat de Ninive, mais aussi au bénéfice de villages chaldéens et kakaïs de la périphérie de la plaine de Ninive. Ces actions seront poursuivies en 2017.

La France s’est également mobilisée pour la protection du patrimoine, que Daech détruit dans son entreprise totalitaire, car il en va de l’identité même des peuples dans leur diversité et de notre mémoire collective. Les 2 et 3 décembre derniers, à l’initiative de la France, s’est tenue la conférence d’Abou Dabi pour mobiliser la communauté internationale sur le sujet de la protection du patrimoine et des biens culturels en cas de conflit, à l’initiative et en présence du Président de la République française.

Notre action sur le terrain s’accompagne d’une action politique visant à préserver la diversité par la représentation de toutes les composantes de la société dans les institutions nationales – plusieurs d’entre vous en ont rappelé l’importance. Seuls des États inclusifs, protégeant la diversité et le pluralisme politique, et garantissant à chacun une pleine citoyenneté et le respect de ses droits, y compris, bien sûr, celui d’exercer librement sa religion et d’exprimer ses convictions, sont capables de restaurer la confiance des populations dans les institutions publiques.

Mesdames et messieurs les députés, l’avenir des Yézidis, des chrétiens d’Orient et des autres minorités est en Orient, car ils y sont chez eux. C’est pourquoi tout doit être fait pour leur permettre de rester sur place ou de revenir chez eux. Pour ceux qui ne le peuvent pas, la communauté internationale a le devoir d’accueillir les réfugiés. La tradition d’asile de la France nous oblige. Nous devons montrer à la hauteur des circonstances. Aux côtés de l’État, les collectivités et les associations se mobilisent pour accueillir dignement toutes les personnes qui fuient les persécutions.

Enfin, il convient de lutter contre l’impunité des crimes commis, par Daech comme par le régime syrien, en contribuant à la documentation à vocation contentieuse des crimes notamment à caractère ethnique, religieux ou confessionnel. Plusieurs rapports des Nations unies font d’ores et déjà état d’un possible crime de génocide, même si, tout le monde en convient ici, c’est à la justice de qualifier juridiquement les faits. La France continuera d’apporter son concours aux commissions d’enquête, comme la commission d’enquête internationale indépendante sur la Syrie, présidée par M. Pinheiro, dont le travail est indispensable pour les victimes et pour la réconciliation nationale future.

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

La proposition de résolution invite « le Gouvernement français à reconnaître officiellement ce génocide ». Ce n’est pas au Gouvernement de qualifier les crimes commis en Irak et en Syrie à l’égard des minorités. Ce travail relève en premier lieu des juridictions nationales ou internationales indépendantes, sur la base du code pénal français et du Statut de Rome, notamment. Les autorités françaises sont déterminées à mettre tout en oeuvre pour que les responsables de ces crimes soient traduits devant la justice, notamment lorsqu’il s’agit de Français combattants ou ayant combattu dans les rangs de Daech. L’arsenal juridique français, avec notamment l’infraction d’association de malfaiteurs terroriste, est certainement l’un des plus complets et efficace en Europe.

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Vous rigolez ? Ils ne risquent que dix ans de prison !

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Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

Le parquet de Paris développe des moyens d’action judiciaires efficaces pour parvenir à appréhender judiciairement les retours de Syrie. C’est dans le prolongement de cette action que s’inscrit le principe d’un traitement judiciaire systématique de l’ensemble des ressortissants français de retour de la zone irako-syrienne ou de Libye, auxquels s’applique une mesure de contrainte immédiate, dès leur arrivée sur le territoire national.

S’agissant des chiffres relatifs au contentieux général dit des filières irako-syriennes, le parquet général de Paris fait état à la date du 28 novembre 2016 d’éléments que je tiens à vous communiquer ici : 464 procédures judiciaires en lien avec la zone SyrieIrak ont été ouvertes au pôle antiterroriste de Paris depuis 2012 ; 369 dossiers sont toujours en cours, dont 167 informations judiciaires et 204 enquêtes préliminaires ; 331 individus sont actuellement mis en examen ; 207 sont placés en détention provisoire et 114 sous contrôle judiciaire ; 135 individus sont jugés ou visés dans des informations judiciaires clôturées – 61 en attente d’un jugement et 74 condamnés – ; 19 affaires concernant au total 74 personnes ont été jugées. S’agissant plus spécifiquement, parmi ces données, des chiffres relatifs au traitement judiciaire des combattants de retour en France, nous comptabilisons 167 personnes, dont 43 condamnés, 110 mis en examen, 13 prévenus et 1 témoin assisté.

Par ailleurs, la France poursuivra ses efforts pour que la Cour pénale internationale soit saisie.

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

Mais c’est un long chemin, et vous en connaissez les obstacles, en particulier le fait que la Syrie ne soit pas partie au Statut de Rome…

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

…et qu’une saisine par le Conseil de sécurité serait probablement bloquée par un veto, comme cela a été le cas en mai 2014 par la Russie et la Chine.

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

Évidemment, cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir à des moyens pour que justice soit rendue.

Mesdames et messieurs les députés, nous ne laisserons pas la diversité millénaire du Moyen-Orient disparaître sans réagir. Comme le disait le Président Retailleau avant-hier au Sénat, nous ne laisserons pas « l’ignominie de l’impunité s’ajouter à celle de crime ».

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

Pour toutes les raisons que j’ai exprimées devant vous aujourd’hui, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de votre assemblée pour le vote de cette proposition de résolution.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Dans les explications de vote, la parole est à M. Yves Fromion, pour le groupe Les Républicains.

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Monsieur le secrétaire d’État, nous ne demandons pas que le Gouvernement reconnaisse le génocide – il suffit de lire l’intitulé de la proposition de résolution pour le constater –, mais nous lui demandons de saisir l’Organisation des Nations unies, qui aura à le reconnaître.

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Ne vous trompez pas sur ce point : nous ne demandons pas au Gouvernement de faire ce qui ne relève pas de ses compétences.

Ensuite, cette proposition de résolution, qui peut certainement être critiquée – ce que certains n’ont pas manqué de faire –, a été déposée il y a six mois, en mai, au retour de notre déplacement au Moyen-Orient. Le Sénat a déposé sa proposition il y a quelques jours seulement. Les sénateurs auraient eu tout le loisir de prendre contact avec nous, afin de parvenir à un texte commun, si nécessaire. On ne peut pas nous reprocher ce manque de concertation !

Par ailleurs, madame Guigou, si la proposition de résolution ne fait pas état de l’action de la France, c’est que ce n’était pas son objet. Nous savons que la France fait des efforts et que nos soldats sont présents non seulement au Moyen-Orient, mais aussi dans le Sahel – c’est même dans cette région que leur engagement a commencé. Loin de les minimiser, nous saluons les efforts réalisés par le Gouvernement et par nos soldats, qui, eux, paient le prix du sang.

Nous n’avons pas cherché à entrer en polémique avec qui que ce soit – la proposition de résolution ne contient aucun mot polémique –, mais, à l’instar d’autres parlements nationaux, nous avons voulu appeler l’attention sur un débat dont nous avons estimé que la France ne pouvait être absente au regard de son rôle et de sa place dans le monde. Nous avons pris cette initiative dans l’espoir qu’elle rassemble autant que faire se peut.

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Nous vous sommes du reste reconnaissants de ce qu’aucun groupe politique ne se soit exprimé contre cette proposition de résolution. Certains s’abstiendront : ils assument leurs responsabilités. Nous avons aujourd’hui le devoir envers tous ceux qui, au Moyen-Orient, attendent de nous un signal, de nous unir et de faire cause commune.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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La parole est à M. Meyer Habib, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Dans la continuité des propos qu’a tenus M. Fromion, je souhaite m’adresser à la présidente de la commission des affaires étrangères, Mme Guigou, pour lui dire qu’il est des moments où il faut cesser d’adopter des postures – surtout sur une question aussi grave et dramatique, qui nous rassemble. On ne peut pas, madame la présidente, s’abstenir sur une telle proposition de résolution. Aucune n’est parfaite.

Je souhaite vous rappeler les propos qu’Elie Wiesel, qui était un ami personnel…

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…que votre ami, notre ami a tenus en 1986, le jour où il a reçu son prix Nobel : « La neutralité aide l’oppresseur, jamais la victime. Le silence encourage le persécuteur, jamais le persécuté ».

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Je souhaite que vous méditiez cette phrase avant de voter dans quelques minutes. Vous avez déclaré que vous ne prendriez pas position et que vous vous abstiendriez. Vous feriez honneur à votre groupe, à l’Assemblée nationale, à nos valeurs et à toutes ces victimes en prenant position et en votant cette proposition de résolution.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Comme je l’ai annoncé dans mon intervention, nous voterons cette proposition de résolution, dont nous saluons l’esprit, en dépit des réserves dont j’ai fait état. Notre indignation, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, ne doit évidemment pas être sélective : il faut soutenir toutes les victimes de génocide et d’agressions appartenant à toutes les minorités opprimées.

Je tiens à vous faire une remarque, qui s’adresse également au Gouvernement : lorsqu’on jugera ce qui s’est passé au Moyen-Orient, on verra comment des puissances occidentales ont choisi de déstabiliser les Etats-nations et comment, avec l’OTAN, la France et les Etats-Unis ont mis en place le monstre Daech. Je n’ai pas de sympathie particulière, madame la présidente de la commission, pour le régime de Bachar el-Assad. C’est même le contraire. C’est un régime autoritaire, qui jette des bombes sur Alep et y tue des innocents. Mais pouvons-nous poursuivre – je le dis avec mes mots – une politique impériale et néo-colonialiste au Moyen-Orient ?

Vous avez évoqué une indignation sélective : pourquoi ne parle-t-on pas de l’Arabie Saoudite, un pays où il y a des condamnations à mort et où l’on coupe des mains ? Parce qu’il y a là-bas des intérêts économiques à défendre.

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Il faut être honnête et avoir une vision réelle de la situation. Il ne faut donc pas pratiquer l’indignation sélective en oubliant qu’il y a des assassins également en Arabie Saoudite, qui commettent des crimes inadmissibles au Yémen.

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La parole est à Mme Élisabeth Guigou, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Mon intervention ayant manifestement suscité de l’intérêt, je tiens tout d’abord à dire à notre collègue Asensi que je me suis prononcée sur le bien-fondé de cette résolution, c’est-à-dire sur les attaques et les persécutions des chrétiens d’Irak, des yézidis et des autres minorités. Si je n’ai évidemment pas espéré de ce débat qu’il nous permette d’aborder toute la politique au Moyen-Orient, je pense que si nous nous intéressons vraiment aux persécutions, fût-ce seulement aux persécutions contre les minorités religieuses et ethniques, alors il n’est pas possible d’exonérer de leurs responsabilités certains des auteurs de ces crimes.

Même s’il faut faire la paix et penser à construire l’avenir avec des éléments de l’actuel régime syrien, nous ne pouvons pas fermer les yeux sur les crimes de son principal dirigeant.

S’agissant de la Russie, vous savez très bien, monsieur le député, cher ami et membre de la commission des affaires étrangères, que nous avons constamment maintenu le dialogue avec ce grand pays et qu’il n’est pas question d’imaginer un règlement au Proche-Orient sans lui. C’est pourquoi nous appelons ce grand partenaire à se joindre aux résolutions des Nations unies qui demandent seulement une trêve, c’est-à-dire l’arrêt des combats pour acheminer l’aide humanitaire.

Monsieur Habib, vous êtes également membre de la commission des affaires étrangères : il n’est pas possible de donner le sentiment, dans un texte, qu’on ne s’intéresse qu’à une catégorie de population. Je suis très touchée par la situation des chrétiens et des autres minorités religieuses. Je crois l’avoir suffisamment souligné, et le secrétaire d’État a été très éloquent. Non seulement nous sommes touchés, mais le gouvernement français est le seul à avoir agi aux Nations unies et sur le terrain.

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On ne peut pas faire le procès au Gouvernement et à la majorité de ne pas s’indigner, de ne pas agir pour protéger les populations minoritaires dans ces pays, ni de ne pas nommer les auteurs.

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Une telle proposition de résolution doit reposer sur un accord de tous les groupes politiques, comme cela a été possible au Sénat, pour cibler uniquement la situation humanitaire – l’analyse diplomatique ne fait pas consensus entre nous – en nommant toutes les victimes et tous les auteurs. S’agissant de la situation des chrétiens – je suis liée à plusieurs d’entre eux, mais ce n’est pas le lieu de faire état d’émotions personnelles –, croyez bien que ce n’est pas rendre service à la protection des minorités que de pratiquer une indignation qui donne l’impression de faire le tri entre les victimes.

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Mais si ! Voilà la raison pour laquelle notre groupe ne s’oppose pas à votre texte, qui sera voté – très bien : il exprime une sensibilité. Toutefois, en raison de toutes les réserves que j’ai exprimées, nous ne pouvons pas voter pour, ce que nous regrettons.

La proposition de résolution est adoptée.

La séance, suspendue à onze heures vingt-cinq, est reprise à onze heures trente.

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L’ordre du jour appelle la discussion, en application de l’article 34-1 de la Constitution, de la proposition de résolution de M. Daniel Fasquelle et plusieurs de ses collègues invitant le Gouvernement à promouvoir une prise en charge de l’autisme basée sur les recommandations de la Haute Autorité de santé (no 4134 rectifié).

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Daniel Fasquelle.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, mes chers collègues, en matière de prise en charge de l’autisme, les méthodes éducatives, comportementales et développementales sont mises en oeuvre depuis des décennies dans la plupart des pays occidentaux. Avec plus de trente ans de recul en Amérique du Nord et en Scandinavie notamment, on sait que les personnes avec autisme ayant bénéficié de ces modes d’accompagnement sont plus autonomes, moins médicamentées et plus intégrées dans la société que celles qui en ont été privées. En 2006, déjà, une étude menée au Canada, en Ontario, montrait qu’une intervention intensive et précoce adaptée permettait de ramener la part des autistes dépendants de 50 % à 20 %.

Deux chiffres significatifs et incontestables méritent d’être retenus. Plus de 75 % des enfants bénéficiant d’une intervention comportementale précoce et intensive passent le cap du langage. Par ailleurs, 80 % des enfants ayant suivi un entraînement intensif par la méthode ABA – Applied Behavior Analysis, analyse appliquée du comportement – deux années de suite, vers l’âge de trois ou quatre ans, suivent ensuite un cursus scolaire normal.

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Ces approches vont bien sûr de pair avec la scolarisation des enfants autistes qui, avec les dispositifs appropriés d’accompagnement mais aussi d’adaptation des apprentissages, devient désormais le modèle de référence.

Selon le Conseil de l’Europe, entre 90 % et 100 % des enfants autistes vont à l’école en Italie, en Espagne, en Suède ou en Angleterre. En France, pourtant, plus de 70 % des enfants autistes ne sont toujours pas scolarisés. Alors que les méthodes éducatives et comportementales se sont imposées partout dans le monde, de nombreuses familles françaises ne trouvent pas de solution satisfaisante dans notre pays et sont obligées de se rendre à l’étranger, notamment en Belgique. En tant que député du Pas-de-Calais, dans les Hauts-de-France, je suis bien placé pour le savoir. Comment accepter cette situation ? Comment tolérer plus longtemps pareil retard de notre pays dans le traitement de l’autisme, qui touche 600 000 personnes et concerne désormais une naissance sur cent ?

Pourtant, en 2010, la Haute Autorité de santé s’était enfin alignée sur les autres pays occidentaux concernant la définition de ce handicap, expliquant que l’autisme n’était pas une psychose due à une relation dégradée entre la mère et son enfant, mais bien un trouble neuro-développemental. En 2012, cette autorité indépendante, la plus haute instance d’évaluation des pratiques médicales en France, recommandait enfin, à l’instar des autres pays, l’application des méthodes comportementales, éducatives et développementales pour accompagner les enfants et adolescents avec autisme. Ces préconisations s’appuyaient sur pas moins de 577 études scientifiques publiées.

Alors que le Gouvernement avait déclaré l’autisme « grande cause nationale » en 2012, ces avancées devaient marquer un tournant dans la prise en charge de l’autisme. Ces recommandations ont alors fait naître un grand espoir. Les enfants autistes allaient enfin être bien traités, la France ne serait désormais plus condamnée ni montrée du doigt par les plus hautes instances nationales et internationales.

Malheureusement, force est de constater que quatre ans plus tard, les choses n’ont que très peu évolué sur le terrain. Jugez par vous-mêmes : 77 % des enfants autistes n’ont pas accès du tout, ou seulement de manière partielle, à une éducation adaptée à leurs besoins et conforme aux recommandations de la Haute Autorité de santé. Parmi ceux qui y ont accès, 70 % doivent en supporter une large part financière. L’incompréhension des familles est donc de plus en plus grande – la colère aussi.

Je parle d’incompréhension, car la majeure partie des professionnels de santé concernés refusent de se conformer aux approches recommandées par la Haute Autorité de santé.

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Considérant que ces recommandations ne constituent pas une obligation de prescription,…

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…les principales instances de la psychiatrie française, d’obédience psychanalytique, refusent ouvertement de les appliquer en se réfugiant derrière la liberté de prescription et le libre choix du patient. Mais, mes chers collègues, où est le libre choix du patient quand seules les familles qui en ont les moyens ont accès aux traitements de leur choix ?

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Que signifie la liberté de prescription quand le professionnel doit choisir entre un traitement dont l’efficacité est scientifiquement prouvée et un traitement dont on n’a jamais démontré l’efficacité ?

La France dispose d’autorités indépendantes permettant d’éclairer les choix et décisions en matière de politiques publiques. Il en est ainsi de la Haute Autorité de santé qui, en 2012, a clairement recommandé les pratiques éducatives et comportementales.

Il est donc temps, et même urgent, de tourner la page. Il faut en finir avec la vision archaïque et culpabilisante que les psychanalystes ont de l’autisme, à l’image de la description qu’en faisait Charles Melman, président de la puissante Association lacanienne internationale, dans les médias : « Le bébé autiste a souffert d’une chose très simple. Sa maman, qui peut être fort aimante au demeurant, n’a pas pu transmettre le sentiment du cadeau qu’il était pour elle. » Rendez-vous compte de la violence de tels propos ! Les familles nous ont fait parvenir des témoignages invraisemblables !

Une tribune parue il y a quelques jours dans Le Monde, signée par vingt-cinq professionnels de l’autisme dont le Professeur Thomas Bourgeron, membre de l’Académie des sciences, et le Professeur Marion Leboyer a réaffirmé ceci : « Nous, médecins, chercheurs ou professeurs d’université en psychiatrie, en neurologie, en neurosciences, en génétique, en physiologie, en psychologie, en immunologie ou en imagerie médicale, en appelons au choix résolu d’une médecine fondée sur les preuves, qui a permis de si grands progrès dans la prise en charge de nombre de maladies ou handicaps. »

Je veux, à ce moment de mon intervention, tordre le cou à une idée fausse que certains répandent dans le but évident de dénaturer et de nuire à cette proposition de résolution. Des pétitions circulent en effet, laissant entendre que ce texte créerait un régime exceptionnel qui pourrait menacer la liberté des professionnels dans d’autres disciplines. Il n’en a bien évidemment jamais été question. C’est même tout l’inverse ! Ce texte vise à appliquer enfin en matière d’autisme ce que l’on applique depuis longtemps dans tous les autres domaines, en demandant aux professionnels d’accepter de se remettre en cause,…

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…d’abandonner les traitements inefficaces et même dangereux et maltraitants, pour s’ouvrir aux méthodes dont j’ai pu mesurer personnellement l’efficacité dans ma ville du Touquet-Paris-Plage. J’y ai soutenu des familles qui ont créé une association parentale et ont aujourd’hui accès aux méthodes comportementales, éducatives et développementales grâce à des dons et à des bénévoles encadrés par quelques professionnels. Ce système fonctionne avec des bouts de ficelle. C’est inadmissible, alors que l’on propose par ailleurs de rembourser des prises en charge dont on sait qu’elles ne sont malheureusement pas efficaces !

Pourquoi le chemin qui a été parcouru partout dans le monde et dans toutes les disciplines ne serait-il pas suivi en France pour l’autisme ? C’est cette question, et cette seule question, que la présente proposition de résolution entend trancher avec courage et lucidité, en s’affranchissant des lobbies qui ne veulent rien changer et qui sont à l’oeuvre depuis quelques jours, ne reculant devant aucun moyen, y compris en prenant en otage des familles que l’on fait écrire aux députés pour essayer de les détourner de la vérité.

Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Arrêtez ! Il ne faut pas caricaturer le débat !

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La France a vécu avec effroi les scandales sanitaires du Mediator et du sang contaminé. Nous vivons ici, en France, en 2016, une crise sanitaire d’une ampleur inégalée.

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À titre d’exemple, 10 000 enfants sont enfermés dans les hôpitaux de jour – les chiffres viennent de votre ministère, madame la secrétaire d’État. L’ONU s’en offusque, le Conseil de l’Europe nous a condamnés cinq fois pour mauvais traitements, et le Comité consultatif national d’éthique parle bien de maltraitance. La place de ces 10 000 enfants est à l’école, et je ne parle pas des 70 000 autres qui ne se trouvent pas dans une situation plus enviable au sein d’établissements non adaptés ou qui attendent chez eux sans solution.

Je ne peux pas dire que les gouvernements successifs n’ont pas agi. Cependant, malgré les trois plans « Autisme », malgré toute votre bonne volonté que je ne remets absolument pas en cause, madame la secrétaire d’État, et les déclarations courageuses qui ont été les vôtres, la situation n’a malheureusement pas évolué suffisamment rapidement sur le terrain, comme le dénonce un récent rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS.

Contrairement à ce que j’ai lu, il est du rôle du Parlement de défendre les victimes de mauvaises pratiques en réaffirmant les valeurs défendues par la représentation nationale. Ce n’est en rien totalitaire ! Au contraire, il est de notre responsabilité d’interdire un soin inadapté et dangereux. D’ailleurs, dans le cadre du dernier projet de financement de la Sécurité sociale, plusieurs députés de gauche ont défendu un amendement visant à suspendre la pratique du packing. Notre action est juste, et je vous invite à voter cette proposition de résolution pour que les personnes autistes soient enfin protégées. L’enjeu est capital : il s’agit de leur offrir une véritable perspective de vie, digne et heureuse.

Que les choses soient claires : nous ne menons pas un combat contre la psychanalyse.

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Si certains veulent y avoir recours, sur leurs deniers personnels, c’est leur problème.

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Enfin, votre combat contre les psychanalystes est évident !

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Bien sûr que non… Il est trop facile de caricaturer notre position !

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On voit bien les manipulations dont nous sommes l’objet depuis quelques jours…

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Restons lucides, et voyons les choses telles qu’elles sont.

Avec les familles, je demande que l’ensemble des moyens d’État soient affectés exclusivement aux traitements dont l’efficacité a été scientifiquement prouvée, et que l’on cesse d’induire les familles en erreur et de leur imposer des traitements dont elles ne veulent pas.

Il y a urgence. Nous ne pouvons plus accepter l’enfermement des personnes autistes dans les hôpitaux, régulièrement dénoncé par l’IGAS, les suicides de mères d’enfants autistes qui ne voient plus aucune issue, les agressions d’enfants autistes dans les écoles… N’attendons pas un procès de grande ampleur intenté par les familles pour agir et nous entendre dire dans quelques mois, comme pour le Mediator ou l’amiante : « Nous le savions. Pourquoi n’avons-nous rien fait ? »

Un député canadien papa d’un enfant autiste, que je recevais il y a un an à l’Assemblée nationale, me disait, après s’être renseigné sur la façon dont on traite les enfants autistes dans notre pays : « La France, c’est le Moyen Âge. » Sortons aujourd’hui du Moyen Âge dans le traitement de l’autisme et entrons enfin de plain-pied, avec vous, dans le nouveau siècle ! Redonnons espoir aux familles !

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec beaucoup de gravité que nous examinons aujourd’hui la proposition de résolution déposée par nos collègues du groupe Les Républicains.

Les maladies mentales en général et l’autisme en particulier posent souvent des questions difficiles sur des sujets tabous qui ont été trop longtemps confinés au cercle familial. Le plus souvent, les familles effondrées ne savaient pas mettre un nom sur ce qui n’allait pas chez leur enfant, tandis que l’État et la puissance publique fermaient les yeux.

Pour l’instant, hélas, l’autisme n’est pas un trouble dont on peut guérir, mais bien une maladie invalidante avec laquelle on apprend à vivre. Cette phrase lourde de sens nous permet de ne pas oublier que les enfants détectés autistes deviennent ensuite des adultes, avec autant, sinon plus, de difficultés à s’intégrer. La responsabilité collective de leur prise en charge se pose donc.

Heureusement, depuis près de dix ans, le traitement des personnes souffrant d’autisme a fait d’indéniables progrès en France. Il aura d’abord fallu attendre la loi Chossy pour assurer une prise en charge mieux adaptée aux personnes autistes et reconnaître officiellement l’autisme comme un handicap, puis le lancement de plans successifs pour améliorer la prise en charge des personnes autistes. L’attribution du label « grande cause nationale » à l’autisme en 2012 a ensuite permis de lui donner une visibilité, tant institutionnelle que médiatique.

Malgré ces avancées, la prise en charge des maladies mentales en général et de l’autisme en particulier reste encore très défaillante dans notre pays. Les témoignages des familles sont glaçants et racontent souvent le même parcours, marqué par des défauts d’accompagnement et un sentiment de grande solitude. Il est temps de définir des priorités de prise en charge et de soutien aux familles.

Au sein du groupe UDI, nous estimons en premier lieu que les difficultés rencontrées par les familles pour obtenir un diagnostic ne doivent plus exister. Le récent rapport de l’IGAS sur le fonctionnement des centres ressources autisme, ces centres experts régionaux qui assurent notamment le diagnostic des troubles autistiques, est très sévère et appelle de nouvelles réponses.

La mission confirme d’abord le manque de statistiques pertinentes en France dans le domaine de l’autisme, notamment sur le nombre de personnes concernées. La proposition de résolution évoque 600 000 autistes en France, tandis que l’INSERM recense entre 300 000 et 500 000 personnes atteintes d’un trouble envahissant du développement, dont 60 000 personnes autistes. Sur un sujet aussi grave, il nous faudrait au minimum une information chiffrée la plus complète possible.

L’évaluation de l’IGAS démontre ensuite l’hétérogénéité du fonctionnement des CRA – centres de ressources autisme – avec des disparités concernant la formation des spécialistes. Nous sommes bien conscients que le diagnostic et le bilan précédant la découverte de l’autisme nécessitent les compétences de plusieurs types de professionnels, le recours à des échelles d’évaluation, et que cela occasionne des délais.

Néanmoins, nous estimons qu’il s’écoule beaucoup trop de temps entre la demande et la restitution du bilan, puisque le rapport de l’IGAS évoque en moyenne plus d’un an. Il nous faudrait accélérer cette détection, d’autant plus qu’une intervention précoce sur le développement d’enfants atteints de troubles autistiques améliore non seulement les compétences sociales, mais améliore aussi leur activité cérébrale.

Enfin, n’oublions jamais que derrière l’attente du résultat, il y a le désarroi des familles en souffrance. Notre devoir absolu est de penser d’abord à elles. Pour ces raisons, j’ai proposé au Président de la République, en octobre 2016, de soutenir le projet de la Fondation FondaMental, présidée par David de Rothschild, consistant à créer l’Institut de médecine personnalisée en psychiatrie, porté par le Professeur Marion Leboyer, éminente psychiatre et généticienne.

L’Institut FondaMental aura pour missions notamment de découvrir des biomarqueurs permettant un diagnostic précis et le plus tôt possible ; de mettre en oeuvre une médecine personnalisée en psychiatrie, avec des parcours-patient interdisciplinaires, dans une structure adaptée ; de proposer un suivi personnalisé hors de l’hôpital grâce aux outils d’e-santé, pour un accompagnement du patient et des familles sur le long terme.

C’est en effet souvent le manque criant de moyens financiers et de structures adaptées qui contraint ensuite ces mêmes familles d’enfants handicapés, et notamment autistes, à se tourner vers des établissements en Belgique.

En octobre 2015, suite à la mobilisation de nombreux parlementaires sur ces bancs, le Gouvernement a finalement annoncé un fonds d’amorçage de 15 millions d’euros pour stopper ces départs et améliorer la prise en charge de proximité, mais les moyens manquent encore pour soutenir les initiatives locales. Je profite d’ailleurs de ce texte, madame la secrétaire d’État, pour vous demander quel est le premier bilan de ce fonds un an après sa mise en place.

S’agissant à présent du contenu de la proposition de résolution, nous avons pris connaissance des critiques dont fait l’objet ce texte. Aussi tenons-nous, nous aussi, à souligner que nous n’entendons nullement remettre en cause le travail remarquable accompli par les praticiens engagés dans le traitement de cette pathologie.

Soyez assurés que la mise en oeuvre de bonnes pratiques ne doit pas conduire in fine à une forme d’ingérence dans la pratique quotidienne des professionnels. En 2012, la Haute Autorité de santé, autorité indépendante, avait déclaré dans ses recommandations de bonnes pratiques sur l’autisme et les troubles envahissants du développement chez l’enfant et l’adolescent que la psychanalyse est une pratique non consensuelle.

Dans le même temps, la Haute Autorité de santé a affirmé son opposition à l’utilisation de la pratique du packing, en dehors des protocoles de recherche autorisés, respectant la totalité des conditions définies par le Haut Conseil de la santé publique. Nous reconnaissons ces recommandations, mais devant la complexité du sujet, nous regrettons que cette proposition de résolution n’ait pas été davantage précédée d’une concertation avec l’ensemble des professionnels de santé et des associations de familles.

Seules la pluralité et la confrontation des points de vue sont garantes, selon nous, d’une prise en compte globale de ce handicap. Nous estimons par ailleurs que les démarches préconisées par la Haute Autorité de santé ne sont pas applicables uniformément et dépendent en priorité du contact entre le professionnel de santé et son patient.

Les troubles du spectre autistique sont complexes et variés, et le médecin doit garder sa liberté de prescription afin d’adapter son traitement à chaque patient, en n’excluant aucun type de prise en charge. Enfin, nous considérons qu’au-delà du traitement médical, il est important que le regard sur l’autisme change.

Aujourd’hui, les personnes atteintes de ce handicap subissent une discrimination quotidienne : peu ont accès à l’école, aux loisirs, au travail ou aux mêmes droits que les autres en général.

En France, les associations estiment qu’à peine 20 % des enfants et adolescents autistes sont scolarisés en milieu ordinaire. Alors que cette situation a été dénoncée par le Conseil de l’Europe, d’immenses progrès doivent être accomplis chez nous et accompagnés par la puissance publique. Des expériences concluantes dans plusieurs territoires doivent nous encourager à une meilleure inclusion. Je pense notamment à l’insertion des personnes autistes par le travail grâce à un accompagnement éducatif et social et à un hébergement.

Mes chers collègues, bien que nous soutenions l’objectif poursuivi par les auteurs de la proposition de résolution, nous ne souhaitons pas qu’il y ait une quelconque interférence politique dans le contenu des soins et à ce titre, nous ne la voterons pas.

Avant de rendre la parole, permettez-moi de dire quelques mots encore plus généraux sur la politique de santé mentale, laquelle reste le parent pauvre de notre politique de santé. Je vous rappelle que 2 % seulement du budget de la recherche biomédicale sont consacrés à la psychiatrie, alors qu’on estime que les maladies mentales concernent près d’un Français sur cinq et sont à l’origine de près de 12 000 suicides par an et plus de 220 000 tentatives. Commençant très tôt chez les jeunes adultes, entre quinze et vingt-cinq ans, et même avant trois ans pour l’autisme, elles nécessitent une approche intégrée et inscrite dans la durée. Si le coût socio-économique – 109 milliards d’euros par an ! – révèle par lui-même l’ampleur du défi, il ne rend pas compte de la souffrance des patients et de leurs proches en proie à une très grande solitude, une stigmatisation persistante et, souvent, une profonde détresse psychologique.

Il faut agir vite. C’est pourquoi j’appelle à une réflexion commune sur la mise en place, peut-être, d’un groupe d’études à l’Assemblée nationale sur les maladies psychiatriques.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article unique de cette proposition de résolution dont nous débattons aujourd’hui dans le cadre de la niche parlementaire de nos collègues députés Les Républicains contient seize alinéas afin d’encourager le Gouvernement « à agir dans le sens des conclusions de la Haute Autorité de santé – HAS – afin de promouvoir une prise en charge effective de l’autisme dans le respect des droits fondamentaux des personnes qui en sont atteintes ».

Cette résolution propose également d’« actualiser d’urgence le contenu de toutes les formations des filières professionnelles et académiques intervenant auprès des personnes autistes afin de les mettre en conformité avec l’état de la science internationale » ; de prendre des mesures afin que seuls les thérapies et les programmes éducatifs qui sont conformes aux recommandations formulées par la Haute Autorité de santé en 2012 soient autorisés et remboursés. Celles-ci visent notamment à interdire le packing sur les personnes autistes, le packing étant une technique de traitement consistant à imbiber des linges d’eau froide et à en envelopper les personnes autistes pendant une période de temps plus ou moins longue. Pour plusieurs associations notamment, cette technique est considérée comme de la torture. Le groupe des Radicaux de Gauche et apparentés est évidemment opposé à cette technique du packing.

De plus, la proposition de résolution invite également le Gouvernement « à faire systématiquement engager la responsabilité pénale des professionnels de santé qui s’opposent aux avancées scientifiques et commettent des erreurs médicales en matière d’autisme conformément à l’article L. 1142-1 du code de santé publique. »

Enfin, cette proposition de résolution invite le Gouvernement à condamner et « interdire les pratiques psychanalytiques sous toutes leurs formes, dans la prise en charge de l’autisme ». En effet, l’approche psychanalytique n’est pas recommandée par la Haute Autorité de santé, qui a donné en mars 2012 ses recommandations sur le sujet. Elle avait conclu que « l’absence de données sur leur efficacité et sur la divergence des avis exprimés ne permet pas de conclure à la pertinence des interventions fondées sur les approches psychanalytiques ».

L’approche psychanalytique de l’autisme n’est pas recommandée à proprement parler ; elle est classée par la Haute Autorité de santé dans les « interventions globales non consensuelles ». Par ailleurs, il n’existe pas à ce jour, semble-t-il, de publications scientifiques validant cette approche, puisque la psychanalyse ne se réclame pas d’une science basée sur des preuves.

Dans le débat d’aujourd’hui s’opposent deux écoles. À la pratique de l’approche psychanalytique, ses détracteurs préfèrent l’approche dite « comportementale ».

Dans ce cas, le professionnel de santé sollicite la personne autiste en lui apprenant par exemple à imiter, à faire des demandes, en partant généralement de ses motivations. Cette manière d’apprendre va permettre alors à l’enfant de communiquer par association d’idées et d’objets afin de se faire comprendre, cette approche comportementale étant souvent exercée par un orthophoniste spécialisé.

Cette proposition de résolution a le mérite de pouvoir mettre en avant ce que cette majorité a mis en place au niveau des politiques publiques de santé dans le cadre de l’autisme. Dès le début de l’action gouvernementale, à savoir le 18 juillet 2012, notre collègue Marie-Arlette Carlotti, alors ministre déléguée aux personnes handicapées et à la lutte contre l’exclusion, a annoncé un troisième Plan Autisme. Ce troisième plan, 2013-2017, a été présenté en Conseil des ministres le 2 mai 2013. Il était accompagné d’un budget spécifique de 205 millions d’euros, dont 195 millions pour le secteur médico-social.

Ce plan contenait trente-sept fiches actions, structurées autour de cinq axes : diagnostiquer et intervenir précocement, accompagner tout au long de la vie les personnes autistes, et parallèlement soutenir les familles et les proches, poursuivre les efforts de recherche afin de former l’ensemble des acteurs. Le rapport d’étape de mai 2013 à avril 2016, un document de vingt-six pages, témoigne des larges avancées réalisées depuis 2013 par cette majorité.

Pour autant, le Gouvernement continue son action, et c’est le 30 novembre dernier que le site « autisme.gouv.fr » a été lancé à la demande du Président de la République afin de diffuser des informations objectives à destination de nos concitoyens, informations portant sur l’autisme, ses réalités, mais également ses diagnostics et les formes d’accompagnement.

Et c’est le 2 décembre dernier que Mme la secrétaire d’État a annoncé la mise en place d’un quatrième Plan Autisme, afin que tout soit prêt pour le prochain PLFSS 2018. Comme il est précisé sur le site du ministère des affaires sociales et de la santé, « ce quatrième Plan assurera bien sûr l’application des recommandations de bonnes pratiques de la Haute Autorité de santé dans toutes les prises en charge de l’autisme. »

Enfin, le problème qui revient fréquemment dans nos débats est celui du packing, problématique visée par l’alinéa 14 de la proposition de résolution. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, le groupe des Radicaux de Gauche et apparentés est opposé à cette pratique.

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En revanche, la proposition, dans son dernier alinéa, « invite le Gouvernement français à fermement condamner et interdire les pratiques psychanalytiques sous toutes leurs formes, dans la prise en charge de l’autisme car n’étant pas recommandées par la HAS ».

Sur ce sujet, nous émettons un doute. En effet, les cas d’autisme sont très variés et se rapportent, pour chacun d’entre eux, à chaque personne individuellement concernée.

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Dès lors, il ne nous semble pas pertinent d’interdire toutes les pratiques psychanalytiques concernant l’autisme. En effet, il se peut même que pour l’entourage d’une personne autiste, certaines pratiques psychanalytiques soient utiles pour une meilleure compréhension et appréhension de l’autisme.

Malheureusement cette proposition de résolution n’a pas été discutée en commission, puisque notre règlement ne le permet pas, non plus qu’il ne permet de l’amender.

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Si nous avions pu déposer des amendements, nous l’aurions fait, dans l’optique de voter le texte ; mais puisque ce n’est pas possible, le groupe des radicaux de gauche et apparentés soutient, tout en condamnant unanimement la méthode et la pratique du packing, l’action passée et présente du Gouvernement dans la prise en charge de l’autisme, action qui fait écho à la plupart des dispositions de cette proposition de résolution. Le Gouvernement ayant systématiquement pris, s’agissant de l’autisme, des décisions qui vont dans le sens des préconisations de la HAS, le groupe des radicaux de gauche et apparentés s’abstiendra sur ce texte.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de résolution du groupe Les Républicains que nous examinons aujourd’hui vise à rendre opposables les recommandations de bonne pratique de la Haute Autorité de santé relativement à la prise en charge de l’autisme. Sous couvert d’apporter une vérité scientifique, ce texte a pour principal objectif d’interdire, à terme, l’approche psychanalytique dans le suivi des enfants atteints d’autisme, et ce au profit des théories comportementales. Les députés du Front de gauche y sont fermement opposés.

Loin de clarifier les débats actuels sur cette maladie, la proposition de résolution qui nous soumise est dangereuse.

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Pourquoi dangereuse ? Ce qui est dangereux, c’est ce que l’on fait en France depuis trente ans !

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Ce texte procède clairement à un détournement des recommandations de la Haute Autorité de santé en matière de prise en charge de l’autisme,…

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…tout d’abord en transformant de simples recommandations en injonctions dotées d’une force juridique contraignante ; ensuite en affirmant que les méthodes recommandées sont validées scientifiquement alors qu’il n’existe aujourd’hui aucun consensus entre les experts médicaux ;…

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…enfin, en prétendant que la psychanalyse figurerait sur la liste des méthodes « non recommandées ». Il s’agit là d’une contre-vérité, puisque la Haute Autorité de santé a toujours pris soin de classer l’approche psychanalytique dans la liste des méthodes « non consensuelles », non dans celle des méthodes « non recommandées ».

Mais, au-delà, cette résolution s’inscrit dans la controverse dont fait l’objet la psychanalyse, dont les apports ne sont pourtant plus à démontrer. Chacun le sait, les débats autour de l’autisme sont d’une extrême complexité. La définition de la maladie, comme les méthodes pour la traiter, font depuis longtemps l’objet d’intenses discussions entre spécialistes. Le seul point de consensus dans la littérature scientifique est justement que les traitements considérés comme « recommandés », à savoir les thérapies dites « comportementales », connaissent autant d’échecs que de réussites.

Or, si cette résolution était adoptée, les autistes ne pourraient plus bénéficier des pratiques psychothérapeutiques, c’est-à-dire les thérapies par la parole ou les thérapies de groupe, comme les psychodrames, l’équithérapie, voire l’art-thérapie. Comment prétendre imposer une vérité scientifique alors que les experts médicaux sont eux-mêmes divisés ?

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Il paraît inconcevable que le législateur s’immisce dans les débats d’experts médicaux. Il n’appartient pas aux pouvoirs publics de juger de la pertinence des choix cliniques.

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Cette proposition de résolution remet ainsi en cause la liberté de prescription des médecins. Nous tenons à le réaffirmer : toutes les méthodes de prise en charge de l’autisme sont légitimes. Il n’existe pas de réponse unique, mais un spectre de réponses utilisant toute la palette des méthodes et des outils, de façon à mettre en oeuvre une méthode propre à chaque situation, qui intègre notamment les recommandations de la Haute Autorité de santé.

S’il ne revient pas au législateur de prendre parti dans des débats scientifiques, l’État doit en revanche prendre toutes ses responsabilités pour assurer la bonne prise en charge des personnes atteintes de handicap, au nombre desquelles les personnes autistes. Or, sur ce point, notre système de prise en charge du handicap est largement défaillant.

Ainsi, selon les dernières estimations, 47 500 personnes handicapées sont toujours en attente d’un accompagnement de proximité, et 6 500 autres sont encore accueillies en Belgique via un financement de la Sécurité sociale, faute de solution adaptée en France. Le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale n’apporte d’ailleurs pas de solutions nouvelles aux personnes handicapées et à leurs familles.

S’agissant plus particulièrement de la prise en charge des enfants autistes, l’insuffisance des moyens financiers mobilisés par les pouvoirs publics n’a fait que renforcer les injustices dont les familles sont victimes. Bien que des progrès aient été accomplis en termes de diagnostic et d’accompagnement depuis la reconnaissance, en 1995 seulement, de l’autisme comme handicap, les attentes des familles demeurent immenses.

En premier lieu, la scolarisation obligatoire des enfants autistes reste aujourd’hui illusoire. Si l’école est tenue d’accepter l’inscription, elle n’est pas toujours en mesure de rendre la scolarisation effective du fait d’un manque de classes spécialisées ou d’une pénurie d’auxiliaires de vie scolaire formés. Dans ces conditions, il n’est pas rare que les parents n’aient d’autre choix que de sortir l’enfant du système scolaire, quand ce n’est pas le système scolaire lui-même qui rejette l’enfant « différent ».

Le second problème tient au manque de places au sein des établissements spécialisés dans la prise en charge de l’autisme. Si des efforts ont été fournis dans le cadre du troisième Plan Autisme pour créer des places supplémentaires dans des structures adaptées, force est de constater qu’ils restent insuffisants, des parents étant toujours obligés, je l’ai dit, de placer leur enfant dans des structures spécialisées en Belgique.

Le dernier problème n’est que la conséquence des deux premiers. Les parents qui n’ont pas d’autre solution que de prendre soin eux-mêmes de leur enfant ont des difficultés à percevoir les aides publiques destinées à la prise en charge. Ainsi, le montant de l’allocation d’éducation pour enfant handicapé, qui varie fortement selon les cas de figure, reste insuffisant pour faire face aux besoins particuliers de l’enfant.

Au-delà des conséquences personnelles et professionnelles que cela peut engendrer pour les parents, ces familles sont victimes de l’insuffisance des financements publics. Alors que s’est tenu, le 2 décembre dernier, le comité interministériel sur le handicap, nous pensons qu’il est urgent de prendre des mesures pour répondre aux attentes des familles en matière de prise en charge de l’autisme et, plus largement, des différentes formes de handicap. Nous ne pouvons en rester aux solutions décidées dans le cadre du troisième Plan Autisme, lequel prendra fin cette année : selon moi, elles ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Les constats évoqués précédemment appellent des réponses fortes de la part du Gouvernement. Il est nécessaire de rendre effectif le droit de scolarisation des enfants handicapés et de garantir un accompagnement adapté, de créer de nouvelles places dans des structures adaptées d’éducation et d’hébergement et de renforcer le soutien financier aux familles qui assurent la prise en charge de leur enfant autiste. Nous espérons que le quatrième Plan Autisme, actuellement en préparation, sera l’occasion de mettre en oeuvre ces différentes mesures.

Ces remarques faites, nous réitérons notre opposition à la proposition de résolution sur la prise en charge de l’autisme. C’est pourquoi les députés communistes et du Front de gauche voteront contre.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’occasion du débat que nous avons ce matin sur l’autisme, je veux tout d’abord rendre hommage au combat de toute une vie que mènent les familles et saluer chaleureusement chacune d’entre elles.

Avec ces familles, avec les associations et les institutions, nous oeuvrons au quotidien pour faire changer en profondeur le regard que porte notre société sur ce handicap. Vous connaissez mon engagement, depuis de nombreuses années, sur cette question. Avec Gwendal Rouillard, coprésident du groupe d’étude dédié à l’Assemblée nationale, avec Daniel Fasquelle et Annie Le Houerou, présidente du comité national de suivi du Plan Autisme, nous n’avons eu de cesse de contribuer au travail remarquable que mène le Gouvernement depuis 2012, sous l’impulsion de Marie-Arlette Carlotti tout d’abord, qui a su dynamiser la politique du handicap en France, puis de Ségolène Neuville, dont je veux saluer le courage, la détermination et le sens de l’écoute dont elle fait preuve au quotidien avec les parlementaires, mais aussi avec les familles et les associations.

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Merci, chère Ségolène.

La France, disons-le clairement, accusait un retard considérable en matière de prise en charge de l’autisme. Dans les années soixante-dix, notre pays ne s’est pas engagé, contrairement à beaucoup de ses voisins, dans une politique d’inclusion par l’enseignement des enfants atteints de handicap. Il a, au contraire, fait le choix de multiplier les formes d’accueil, le plus souvent médicalisées, créant ainsi une trop grande complexité des modes de prise en charge : difficile de s’y retrouver pour les familles qui ont un besoin urgent de prise en charge adaptée pour l’enfant.

En Belgique, pays que je connais bien, il a été décidé, pendant ces mêmes années, de suivre une autre voie, celle de l’inclusion par l’école des enfants en situation de handicap. Nos voisins ont en effet opté pour la création d’un enseignement spécialisé, dans lequel les personnels enseignants, équipes paramédicales et éducatives dépendent du ministère de l’éducation. En parallèle, le ministère de la santé gère des centres qui prennent en charge des enfants atteints de déficiences plus importantes et qu’il convient d’accompagner dans un cadre plus médical.

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En 2009, la Fédération Wallonie-Bruxelles est allée plus loin encore en ouvrant la possibilité d’intégrer les enfants à l’école ordinaire, quel que soit leur type de handicap, et ce sans les obliger à passer au préalable par une école spécialisée. Des enseignants spécialement formés pour la prise en charge de ces élèves travaillent en binôme avec l’instituteur de l’école ordinaire et, selon les besoins, les élèves en intégration reçoivent en plus, au sein même de l’école, un soutien en orthophonie, en psychomotricité et une écoute psychologique.

C’est là l’une des formes les plus avancées d’intégration par l’école, pratiquées également au Québec, en Suisse, en Finlande et dans certains États des États-Unis. L’accompagnement est plus pragmatique, moins médical – disons-le clairement – et plus orienté vers une approche éducative et vers l’acquisition des compétences ; s’y ajoute une prise de médicaments particulièrement réglementée et préconisée seulement si les autres interventions ne sont pas efficaces ou le sont trop peu. Le traitement reste un soutien à la prise en charge éducative, et ne vient à aucun moment la remplacer. Dans ce modèle, chaque enfant fait l’objet d’une attention particulière de la part d’une équipe pluridisciplinaire.

En France, il a fallu attendre 2005 et la mise en oeuvre du tout premier Plan Autisme pour voir émerger une telle prise de conscience. Ce plan a notamment permis la création de centres ressources autisme au niveau régional, et un certain nombre de recommandations en matière de dépistage et de diagnostic ont été formulées.

Sur la base de ces premiers éléments encourageants, un deuxième Plan Autisme a vu le jour en 2008 sous l’impulsion de Roselyne Bachelot, alors ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Cette fois, c’est l’orientation des familles et la formation des professionnels qui furent mises en avant. Par ailleurs, une grande campagne de sensibilisation à destination des Français été lancée. L’amélioration de l’accueil en établissement est, quant à elle, encore timide, mais il s’agit là de fondations importantes, sur lesquelles viendra s’appuyer, en 2013, le troisième plan, mis en oeuvre par Marie-Arlette Carlotti, que je salue ici très chaleureusement.

Je veux m’arrêter un instant sur ce plan ambitieux, bâti dans le cadre d’une large concertation, car il me semble avoir opéré un réel changement de paradigme dans l’approche de l’autisme. L’une de ses grandes réussites est, sans aucun doute, la mise en place des unités d’enseignement en école maternelle, avec l’objectif d’accompagner, dès leur plus jeune âge, les enfants atteints de troubles autistiques dans le cadre de l’école. Notre pays fait délibérément le choix du progrès en développant de plus en plus de politiques véritables d’inclusion.

L’avancée majeure de ce plan est la détermination à faire respecter les recommandations de bonne pratique émises en mars 2012 par la Haute Autorité de santé et par l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux – ANESM –, qui font de l’approche éducative, comportementale et développementale la nouvelle norme de l’accompagnement de l’autisme en France.

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Dans ce cadre, comme l’a annoncé Ségolène Neuville au congrès d’Autisme France samedi dernier, les agences régionales de santé ne reçoivent plus aucun projet d’établissement ou de service qui ne se réclame de ces recommandations de bonne pratique. C’est une excellente nouvelle, qu’il convient de saluer.

S’agissant plus spécifiquement du packing, plusieurs institutions ont dénoncé, ces dernières années, sa pratique en France. En mars 2012, l’ANESM et la HAS se déclaraient ainsi « formellement opposées à l’utilisation de cette pratique ». Sur cette question, notre majorité agit avec détermination. C’est ce gouvernement qui a mis fin à la pratique du packing dans les établissements médico-sociaux, via la circulaire du 22 avril 2016 ; c’est également cette majorité qui a adopté l’amendement que j’avais déposé dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, pour demander au Gouvernement un état des lieux sur la pratique du packing dans le domaine sanitaire, afin que l’on agisse en connaissance de cause.

Alors oui, mes chers collègues, les avancées sont réelles, et elles doivent dépasser largement les clivages de cette assemblée.

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Aussi ai-je du mal à comprendre cette proposition de résolution. Si nous partageons un certain nombre d’orientations qui y sont formulées, notamment en ce qui concerne l’inclusion et le contenu des formations professionnelles, nous ne restons pas dans l’incantatoire : nous agissons, comme je viens de le démontrer.

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En revanche, certaines propositions sont, elles, excessives et ne peuvent être acceptées. Notre rôle, en tant qu’élus de la nation, est de faciliter, d’encourager, de développer et de diffuser l’état actuel de la science.

Nous ne sommes pas des experts scientifiques, mais des législateurs : nous n’avons pas de légitimité pour imposer une sanction pénale à des professionnels de santé qui ne respecteraient pas les recommandations de bonnes pratiques.

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Attention, mes chers collègues, à ne pas dresser une catégorie de professionnels contre les familles. L’orientation gouvernementale est claire : les appels à projets devront respecter les recommandations de bonnes pratiques.

Il est cependant inutile, et même contre-productif, d’alimenter les querelles, car elles risquent de provoquer des réactions de repli chez certains professionnels : il vaut mieux les convaincre d’adopter des approches efficaces.

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La question de l’autisme est particulièrement sensible, j’en conviens. Elle ne laisse personne indifférent et c’est pour cela qu’elle peut, parfois, être clivante. Mais je vous en supplie, chers collègues, soyons celles et ceux qui apaisent. Avançons ensemble !

Faisons-le dans une démarche d’unité, dans le seul intérêt des personnes autistes et avec les professionnels – éducateurs, enseignants, personnels de santé et intervenants médico-sociaux – qui accomplissent un travail de grande qualité, et à qui je veux ici rendre hommage.

Cette politique, menons-la tous ensemble dans le cadre de la préparation du quatrième Plan Autisme, avec les associations et avec les professionnels, et sans opposer les unes aux autres.

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Poursuivons le dépistage de plus en plus précoce de l’autisme. Continuons à développer les offres de loisirs et de vacances qui constituent des moments de répit pour les aidants.

Développons toujours davantage les offres de formation, en conformité avec les recommandations de bonnes pratiques et faisons en sorte qu’à chaque nouvelle personne détectée, une réponse individualisée et pleinement satisfaisante puisse être apportée.

Enfin, la scolarisation de tous en milieu ordinaire, de la maternelle à l’enseignement supérieur en passant par les filières professionnelles, doit être un objectif majeur de ce quatrième plan, tout comme la meilleure prise en charge des adultes.

Et nous resterons, bien évidemment, très attentifs à la mise en oeuvre des recommandations de bonnes pratiques, tant pour les enfants que pour les adultes, ainsi que sur la formation initiale et continue des professionnels, qui doit être véritablement en adéquation avec celles-ci.

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Alors, on surveille ou on ne surveille pas ? Il faudrait savoir !

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Les défis sont encore nombreux. Ils nécessitent un engagement et une détermination sans faille ; nous n’en manquons pas.

Pour toutes ces raisons, et bien que nous partagions l’orientation de la proposition de résolution, mais parce qu’elle divise par ses excès, le groupe socialiste, écologiste et républicain votera contre.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, mes chers collègues, la proposition de résolution dont nous avons à débattre ce matin nous invite à nous interroger sur la prise en charge du spectre autistique, conformément aux recommandations de la Haute Autorité de santé.

Il s’agit d’un sujet complexe, car il finit toujours par nous amener à réfléchir à des situations dans lesquelles sont entrelacés, par d’insoupçonnables attachements et affections, des sentiments d’amour, de peine et de désespoir.

Je pense bien évidemment, et avant tout, aux parents, aux mamans et aux papas qui font preuve d’une incroyable abnégation et d’un dévouement absolu à l’égard de leurs enfants autistes. Il est difficile d’appréhender parfaitement leur quotidien, souvent fait de moments difficiles à vivre, notamment lorsqu’ils doivent faire face au mutisme ou à l’indifférence de leur enfant.

S’ils se trouvent bien trop souvent démunis, à court de solutions et de réponses, ils ne manquent jamais de courage. J’ai une pensée sincère à leur égard.

Ce qui ne rend pas notre tâche facile, c’est qu’il n’existe pas un autisme, mais des autismes, pas un enfant, mais des enfants, qui sont tous des individus à part entière au coeur desquels, malheureusement, le spectre autistique s’exprime de mille façons.

Si la communauté scientifique est divisée sur la prise en charge de l’autisme, elle est unanime à reconnaître qu’il n’existe aucune solution unique pour le traiter et le prendre en charge.

Mais ce n’est pas parce que ce sujet est difficile que nous ne devons pas le traiter. Et la seule façon d’y parvenir, c’est de le faire dans la dignité. Dignité des parents, tout d’abord : il est nécessaire, évidemment, que les professionnels de santé et de soins respectent leurs choix, les écoutent et les guident objectivement au quotidien.

Toute culpabilisation, toute intimidation à leur égard – réactions qui avaient encore cours il n’y a pas si longtemps que cela – n’ont pas leur place dans le processus. Au contraire, la place des parents est au coeur des processus psychiatriques et médicaux, car ce sont eux qui restent, chaque jour comme chaque nuit, aux côtés de leurs enfants et qui calment leurs pulsions comme leurs crises de colère et de frustration.

Cette résolution défend et protège les familles : cela me paraît essentiel et permettra une meilleure protection comme une meilleure inclusion des enfants.

Dignité pour les médecins ensuite : il n’est pas question de remettre en cause ici la liberté des médecins, ni la pédopsychiatrie ou la psychanalyse. Il faut pouvoir faire la distinction entre la science médicale et ses praticiens.

Nos pédopsychiatres et nos psychanalystes sont appelés aux avant-postes de la prévention pour trouver des solutions aux difficultés auxquelles certains de nos concitoyens en très grande précarité sont exposés. Ils réalisent auprès de nos enfants autistes, pour lesquels il est ardu de percevoir toutes les nuances, un travail difficile.

Je pense à cette phrase qu’une maman d’un enfant autiste a écrite dans un livre de témoignages : « Chaque fois que je rencontre un enfant autiste qui a fait des progrès, je sais que quelqu’un s’est battu avec hargne pour lui. »

Nos médecins, nos scientifiques et nos chercheurs se battent avec hargne : oui, il faut le reconnaître. Leur rôle est inestimable, pour les parents comme pour les enfants.

Enfin, et surtout, dignité pour l’enfant. Elle doit primer. Certes, ces enfants atteints du trouble autistique semblent ailleurs, perdus dans leurs pensées, comme s’ils venaient d’une autre planète. Mais ils sont bien de notre monde et, comme chaque enfant et comme chaque individu dans notre pays, ils ont des droits.

Ils ont besoin d’une attention toute particulière afin de faciliter leur acceptation, leur intégration et leur inclusion dans notre monde. Cette attention et les soins qui l’accompagnent doivent respecter leurs choix, ainsi que leur intégrité physique et mentale.

Parce que chaque enfant atteint de troubles autistiques est unique – on mesure, là aussi, la dure tâche du personnel de santé et éducatif –, il faut respecter sa personnalité et l’expression de son autisme, comme sa capacité d’adaptation et sa vitesse de progression.

Oui, il existe des cas extrêmement graves. Alors que faire ? Persévérer ! Étudier, développer des théories scientifiques, laisser la psychiatrie et la psychanalyse libres de travailler, tout en respectant un cadre protecteur pour l’enfant comme pour les familles.

La dignité, mes chers collègues, commande également de suivre les recommandations de la Haute Autorité de santé en matière de soins. Je pense notamment à celles portant sur les troubles du sommeil, sur la structuration matérielle de l’environnement, sur les réponses à l’hyperactivité, sur le comportement alimentaire ainsi que sur la prescription de psychotropes.

Je pense également à ses recommandations en matière d’éducation : elles visent à intégrer les enfants concernés en milieu scolaire ordinaire, grâce aux personnels enseignants ainsi qu’aux auxiliaires de vie formés à cette prise en charge. Malheureusement, nous en manquons cruellement.

Et quand l’intégration en milieu scolaire ordinaire ne s’avère pas possible, il faut pouvoir les accueillir dans des établissements spécialisés adaptés à leur handicap.

Dans ceux-ci également, nous manquons cruellement de places : cette situation condamne les enfants à régresser alors que nous devons donner à chacun d’entre eux la chance de progresser.

De ce fait, les familles se trouvent souvent obligées de reprendre l’enfant à domicile, avec toutes les conséquences que cela entraîne sur la vie de famille. Parfois, l’un des membres du couple se voit contraint d’arrêter de travailler.

Je tiens à rappeler que l’État a été condamné en juillet 2015 à verser 240 000 euros à des familles d’enfants autistes pour défaut de prise en charge adaptée. Cet exemple est flagrant : l’État de droit n’existe pas plus pour ces enfants que pour ces familles.

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Mes chers collègues, notre devoir est également d’examiner de quelle manière nous pouvons accompagner ces enfants. Nous devons bien avoir conscience que, pour leurs parents, lutter contre cette maladie revient à renoncer à tout et à éprouver cette amère sensation de ne jamais en faire assez.

Ils découvrent également que l’amour paternel et maternel est certainement le moins mièvre des sentiments. Nous devons reconnaître leurs droits, pleins et entiers, ainsi que leur dignité en tant qu’individus et citoyens de notre pays.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, mes chers collègues, cher collègue Fasquelle, alors que vous êtes co-président du groupe d’études consacré à l’autisme au sein de notre assemblée, la lecture de votre proposition de résolution m’a fait davantage l’effet d’une posture monolithique plutôt que de la position d’équilibre nécessaire à l’amélioration de la prise en charge des personnes autistes et souhaitée par toutes leurs familles.

Avant d’aborder les alinéas les plus marquants de votre proposition de résolution, je veux rappeler quelques points fondamentaux.

S’agissant des médecins, tout d’abord : le serment d’Hippocrate leur commande de préserver l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de leur mission ; votre résolution lui tourne le dos.

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La charte de la médecine libérale affirme la liberté de prescription ; votre résolution n’en a cure. Vous entendez contraindre les médecins, j’y reviendrai. Mais si je ne vous imagine pas en partisan d’une nouvelle forme de science officielle, dont on a connu en d’autres temps les dérives et les ravages dans le cadre de régimes totalitaires, j’avoue ne pas comprendre l’essence de votre résolution.

Les professionnels de santé n’ont pas à se plier à une injonction du législateur, qui leur dirait comment soigner. C’est le code de déontologie qui encadre leur pratique : son article 5 affirme que « le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle, sous quelque forme que ce soit ». Son article 8 précise : « Il est libre de ses prescriptions les plus appropriées dans les limites fixées par la loi et compte tenu des données acquises de la science. »

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Monsieur Fasquelle, écoutez bien ce que je vous dis, comme j’ai écouté vos propos. À ses articles 11 et 33 est inscrite l’obligation de formation et l’usage des méthodes scientifiques les mieux adaptées. Les articles 34, 37 et 39 du code rappellent que « le médecin formule des prescriptions compréhensibles par le patient et son entourage, il soulage les souffrances par tout moyen approprié et suffisamment éprouvé. »

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Monsieur Fasquelle, écoutez-moi : vous en avez besoin car vous êtes par trop monolithique.

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Enfin, toute pratique de charlatanisme est interdite. Est un charlatan « toute personne qui se prétend thérapeute mais qui se situe hors du champ de la science, de la loi ou de la morale. »

Voilà le seul cadrage qui vaut. Je tiens ici à rendre hommage au travail du président Accoyer, qui a encadré le titre de psychothérapeute.

Le diagnostic d’un trouble du spectre autistique pose moins la question de son étiologie, qui fait l’objet de recherches nécessaires, notamment génétiques, que celle du soin et de la prise en charge.

Celle-ci doit tenir compte de la singularité de chaque individu et conjuguer une pluralité d’approches par des professionnels reconnus.

J’en viens, monsieur Fasquelle, aux alinéas de votre proposition de résolution.

À l’alinéa 4, vous vous appuyez sur les recommandations de bonnes pratiques faites par la HAS en mars 2012 quant à la prise en charge. Pas plus que vous, je ne suis qualifié pour en discuter la pertinence.

Je rappelle cependant que ces recommandations, si elles synthétisent l’état de l’art et des données à un instant t, et si elles constituent pour le praticien une aide, ne dispensent pas le professionnel de santé de faire preuve de discernement dans le choix de la prise en charge qu’il juge la plus appropriée.

À l’alinéa 7, vous exhibez des chiffres très contestables : 44 % des personnes atteintes d’autisme seraient victimes « de maltraitance, de mauvais traitements ou de carence en matière de soins. » Or cette affirmation repose sur une seule enquête, effectuée par courrier électronique, et n’ayant recueilli les réponses que de 538 familles.

Elle n’a en outre rien de scientifique sur le plan méthodologique, chaque question posée induisant tout ou partie de la réponse. Pire, malgré ce biais, vous n’hésitez pas à extrapoler par une simple règle de trois, dans votre exposé des motifs, en affirmant que 250 000 personnes autistes seraient victimes de maltraitance dans notre pays.

Je vous le dis sans précaution oratoire : j’y vois une manipulation dangereuse.

Dans le droit fil de cette distorsion des chiffres, vous appelez le Gouvernement, à l’alinéa 12, à faire cesser immédiatement ce que vous appelez la « violence institutionnelle ». C’est une accusation d’une particulière gravité.

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Je sais que vous l’assumez, mais je tenais à le dire. Par les alinéas 9 et 11, vous entendez priver de financement toutes les équipes aux pratiques plurielles, pour les réserver aux seuls types de prise en charge qui auraient votre aval.

À l’alinéa 10, votre demande d’actualisation et de formatage du contenu des formations professionnelles et académiques est totalement datée et obsolète. Votre proposition de résolution se termine sur un série d’injonctions partisanes en appelant, à l’alinéa 13, à l’interdiction du packing, une technique historiquement très ancienne, peu répandue et réactualisée.

Il ne m’appartient pas, pas plus qu’à vous, monsieur Fasquelle, en tant que législateur, de condamner telle ou telle technique. Dans la même veine d’ailleurs, vous poursuivez, à l’alinéa 14, en n’hésitant pas à vous en prendre à une société savante, la Fédération française de psychiatrie.

Vous finissez en amalgamant psychanalyse et maltraitance, et vous réclamez du Gouvernement qu’il s’engage à faire systématiquement « engager la responsabilité pénale des professionnels de santé » mal pensants – ou peut-être, dans votre esprit, déviants.

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Cher collègue Fasquelle, sans mettre en doute votre engagement auprès des personnes autistes, je regrette que votre résolution relève davantage de la monoculture que de la volonté d’apaiser.

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C’est pourquoi j’appelle tous nos collègues à la rejeter.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la fragilité est le sujet de cette résolution. Dans une société où la réification de l’homme et sa soumission aux valeurs marchandes deviennent un mode de relation au monde, il est de notre devoir d’établir chacun dans sa dignité sociale. Il est de notre devoir de tout faire pour que, de l’État, à travers l’éducation nationale, jusqu’aux collectivités locales, chacun comprenne que notre société sera jugée à l’aune de son accueil bienveillant pour les plus faibles.

Je tiens donc à dire ma grande satisfaction de voir le groupe des Républicains présenter ce texte. Une résolution à ce sujet montre que la droite, quand elle se souvient de l’anthropologie qui assoit son discours et quand elle choisit de faire primer le réel, peut faire advenir le consensus national, quoiqu’il m’ait l’air un peu troublé.

J’ai accueilli il y a quelques semaines un colloque sur Pierre Boutang dans les murs de l’Assemblée nationale. Pierre Boutang est l’un des plus grands penseurs de notre siècle. Quelle est son inspiration fondamentale ? La politique vue comme un souci. Telle est la manière dont j’aimerais que nous abordions cette proposition de résolution.

Boutang avance d’abord le souci comme « le domaine humain où la relation aux autres, originellement donnée, permet l’achèvement et la continuité du projet de vérité sur ce qui existe ». Dès lors, toute vie est un don, un bonheur. C’est pourquoi il est scandaleux qu’au dernier congrès des gynécologues, l’une des conclusions ait été que le problème de la trisomie a été réglé par l’interruption volontaire de grossesse.

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C’est pourquoi aussi il est scandaleux que l’État, s’appropriant la puissance de définir ce qu’est l’humain, s’engage depuis des années sur l’ensauvagement de la société, au point que la diversité des fragilités humaines rencontre la violence. La résolution le dit, 44 % des personnes autistes sont victimes de violences par thérapies psychanalytiques imposées unanimement décrites comme inefficaces.

Dans la situation faite aux enfants autistes, nous voyons donc des maux terribles de nos institutions : l’État se substituant aux parents, la vie perçue comme un choix et non un don, le service des intérêts partisans plutôt que celui du bien commun.

Boutang a une phrase magnifique pour cela, « la cité n’est plus fondée dans son être », c’est-à-dire qu’elle est fondée non plus comme famille de familles servant le bien commun, mais comme délimitation d’un projet d’action de l’État à travers des idéologies. Dans le trio Marx-Keynes-Freud, Freud mérite d’être enfin ramené à son état d’option intellectuelle et plus d’idée normalisée.

Dans son maître ouvrage, La Politique, Boutang continue de nous aider pour aborder ce sujet : « L’existence d’un homme dont je dépendais, qui me donnait le nom qu’il avait reçu, qui créait dans la relation à moi une situation irréductible, était l’inépuisable matière de ma première réflexion. Cela était ainsi, il était mon père, c’était un "fait". Mais ce fait était originel, il était plus spirituel que l’esprit, il absorbait, pour ainsi dire, l’esprit, et remplissait la solitude. Il créait une "puissance" légitime que rien ne pouvait me faire contester. » Ce passage nous intéresse pour comprendre les motivations de la proposition de M. Fasquelle.

Nous posons que la fragilité se dépasse par des médiations, et que la première médiation de l’homme avec la société, c’est bien la famille. Cette famille, dans le cas de l’autisme, n’a pas à être le lieu d’extrapolations, de divinations philosophico-émotionnelles, elle doit être mise en valeur pour son rôle joué auprès des plus faibles. Aussi la pratique du packing et de la psychanalyse pour les enfants autistes est-elle critiquable.

Je suis donc heureux de soutenir ce texte ambitieux. Il aidera les autistes, leurs familles et montre en creux quelques erreurs fondamentales qui continuent d’abîmer notre nation et même notre civilisation.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec beaucoup d’émotion que je m’adresse à vous. Je pense à l’un de mes maîtres, élève de Pierre Mâle, l’un des grands fondateurs de la pédopsychiatrie française, je pense à Roger Misès, je pense à la noblesse de la psychiatrie française, qui avait une clinique fine, qu’elle a malheureusement souvent abandonnée, et je pense surtout à tous les parents, à tous les enfants que nous avons rencontrés et que nous n’avons pas pu forcément sauver.

De quoi parlons-nous ? Nous parlons d’un médecin originaire de la Galice, Kanner, qui, en pleine deuxième guerre mondiale, invente ce que l’on appelle aujourd’hui l’autisme, sur un triptyque. Dans le même temps, un autre médecin d’origine autrichienne, Asperger, invente un autre syndrome, qui mettra trente ans à nous parvenir, parce qu’il était dans le camp des vaincus.

Ces deux exemples montrent tout simplement que ce que l’on appelle aujourd’hui autisme recouvre des réalités bien différentes et bien variées. Il n’y a pas un autiste, il y a des autistes. Je n’aime pas le terme de handicap, parce que ces frères humains vivent des réalités différentes. Parfois absorbés par l’objet, ils doivent fournir des efforts gigantesques pour entrer en contact avec l’autre et donner un sens au monde qui les entoure.

Il fut un temps, certes, où, parce que Kanner, non analyste lui-même, avait trouvé dans sa première série de patients que la mère avait une relation relativement peu affective et froide, certains exégètes, à court terme, culpabilisèrent les mères, qu’ils recevaient en laissant l’enfant à l’extérieur du bureau.

Cette réalité est totalement dépassée et obsolète.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Aujourd’hui, dans les grands services, que ce soit celui de Widlöcher dans lequel j’ai été externe ou d’autres, nous travaillons en commun. Il suffit d’écouter sur France Culture les dernières déclarations de Jean-Didier Vincent pour comprendre que les avancées des neurosciences, que le discours sur la réceptologie, que la pratique de la psychiatrie, qui était autrefois appelée biologique, ne sont pas incompatibles, bien au contraire, avec la pensée analytique.

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Du reste, il n’y a pas de technique analytique par définition, de cure analytique pour un enfant autiste. C’est totalement impossible et contradictoire. Nous nous appuyons sur un triptyque de trois types de thérapies, cognitive, comportementale et analytique.

L’être humain est infiniment plus compliqué, et c’est justement parce qu’il ne peut pas être réifié qu’il a une double dimension.

J’invite mon prédécesseur à relire Paul Ricoeur, à comprendre la grande humanité de tous ces soignants, qui font avec ce qu’ils peuvent pour aider et soulager leurs patients.

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Nous devrions ici nous préoccuper de rattraper notre retard par rapport à l’Italie, à la Grande-Bretagne, à la Belgique, pour offrir aux enfants et aux adultes qui souffrent, ou ne souffrent pas du reste, de syndromes que l’on appelle autistiques une place dans notre société.

Je voudrais ici rappeler la grande misère de la pédopsychiatrie,

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain

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rappeler le problème des vocations et des contraintes qui pèsent.

Ce texte est dépassé, parce qu’il n’y a pas de conflit entre les différentes visions de l’humain, entre la réceptologie et la prescription éventuelle de psychotropes, qui sont très récents. S’il y a eu des techniques que l’on appelait physiques, ce n’est pas par sadisme des aliénistes, c’est simplement parce qu’avant les années 70, il n’existait aucun traitement disponible.

La génétique humaine n’a rien à avoir avec les calculs de Mendel et ses petits pois, dont on sait aujourd’hui qu’ils furent falsifiés par Mendel lui-même. Elle est bien plus compliquée que celle que l’on apprend aux enfants dans les collèges.

Ce texte est dépassé aussi parce qu’il n’est pas du pouvoir du législateur de contraindre les professionnels de santé, qui font ce qu’ils peuvent en leur âme et conscience, à utiliser des techniques, d’en favoriser certaines ou d’en interdire d’autres. C’est une dérive profondément dangereuse, et le médecin que je suis ne peut que s’opposer fermement à ce type de décision.

Si je prends un autre champ de connaissances, devrons-nous à terme imposer aux physiciens d’abandonner la mécanique relativiste et de ne suivre que la mécanique quantique ? Nous sommes à ce niveau d’incompréhension des savoirs.

Notre société moderne a un gros souci, mon cher collègue, parce que plus elle avance en complexité, plus elle veut des discours d’un simplisme absolu.

Je ne remets pas en doute le parcours du combattant de ces parents qui, dans une méthode, ont trouvé une solution permettant à leur enfant de progresser. Nul ne remet en doute ce combat, nul ne remet en doute leurs difficultés, mais, de grâce, si nous voulons conserver un minimum de connaissances dans ce pays de liberté, je vous invite malheureusement, quelle que soit mon amitié envers son auteur, à rejeter cette proposition.

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Le lobby a bien fait son travail ! Continuons comme ça !

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, prendre la parole sur la proposition de M. Fasquelle ne se fait pas sans trembler, non que je craigne le procureur spécial Fasquelle, mais je sais la souffrance des personnes autistes,…

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…celle de leurs familles, et c’est toujours avec la crainte de blesser que l’on s’exprime, y compris quand on n’a pas à y mettre les formes.

Je crois que votre proposition, monsieur Fasquelle, pose le problème de la déontologie du législateur. Le législateur doit savoir s’arrêter et ne pas empiéter sur des domaines qui ne sont pas les siens.

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Quand vous votez le PLFSS, il y a des choix à faire !

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D’abord il me semble qu’en la matière, le respect dû aux personnes autistes suppose l’exactitude. Or il n’y a pas d’exactitude dans les propos que vous tenez.

D’abord, vous évoquez le taux de 1 % alors que la HAS parle de 2 ‰ en 2010. Il y a tout de même une très grande différence qui mériterait d’être expliquée.

Il n’y a pas non plus d’exactitude sur l’efficacité des méthodes ABA, pour reprendre la plus connue et la plus répandue. Je n’en conteste pas le principe, en tout cas à ce stade, mais on ne peut lui faire une telle publicité sans citer des études qui invalident vos propos. Je pense à l’étude Shea, qui date de 2004 et que vous connaissez, à l’étude Cruveiller, qui date de 2012 et que vous connaissez, et à l’étude spécifique sur les vingt-huit centres expérimentaux mis en place en 2010, qui, malheureusement, ne donnent pas les mêmes résultats que vous sur l’efficacité de ces pratiques. C’est l’étude Cekoïa, qui a été réalisée à la demande de la CNSA en 2015 et qui mériterait tout de même d’être prise en compte.

Et puis, j’attends d’un professeur agrégé des facultés de droit une très grande exactitude juridique. De ce point de vue, je suis un peu étonné de lire dans votre proposition de résolution que la France aurait été condamnée en février 2015 par la Cour européenne des droits de l’Homme. Je vous avoue n’avoir trouvé aucun arrêt de la Cour européenne qui ait condamné la France pour des pratiques en matière d’autisme, que ce soit en février 2015 ou à une autre date. Peut-être vous référez-vous à d’autres documents. Encore faudrait-il les citer avec exactitude.

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Très bien.

Au paragraphe 15, vous allez tout de même extrêmement loin puisque vous invitez à sanctionner pénalement le non-respect de ce que vous qualifiez de recommandations de la HAS, « conformément à l’article L.1142-1 du code de la santé publique ». Cet article, vous le savez comme moi, concerne la responsabilité civile, la responsabilité administrative, pas la responsabilité pénale. Dès lors, le terme « conformément » est déplacé.

Il faut encore, me semble-t-il, que les recommandations de la HAS que vous évoquez soient exactes. La HAS développe méthodiquement des propositions pour aider le praticien, et elle rappelle que ces recommandations de bonnes pratiques « ne sauraient dispenser le professionnel de santé de faire preuve de discernement dans sa prise en charge du patient qui doit être celle qu’il estime la plus appropriée, en fonction de ses propres constatations ». Vous voudriez, vous, que ses recommandations soient obligatoires, le fait de ne pas les respecter étant pénalement sanctionné. Vous êtes aux antipodes de ce que la HAS elle-même définit comme ses recommandations.

En cette matière, il nous appartient, à nous législateurs, de ne pas nous immiscer dans un débat entre différentes méthodes. Je suis parfaitement d’accord avec ce qu’a dit Nicolas Dhuicq à l’instant, mais je ne saurais reprendre ses propos avec le talent qui a été le sien ni avec la connaissance qui est la sienne.

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Qu’il ait du talent, c’est une chose ! Mais qu’il dise des choses exactes, c’en est une autre…

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Je dirai simplement que nous avons affaire à des recommandations basées sur la recherche des preuves, et que le plus haut niveau reconnu pour les méthodes ABA et Denver, d’inspiration psychanalytique, est le niveau B, soit une présomption scientifique et non une preuve scientifique établie de grade A, qui n’a été accordée à aucune méthode en la matière.

Monsieur Fasquelle, votre proposition, qui aboutirait à faire de la HAS l’autorité prescriptrice, en obligeant les médecins à suivre ses recommandations en toutes matières, y compris quand elle ne se prononce pas, comme c’est le cas pour la psychanalyse, faute de preuves dit-elle – nous pourrions d’ailleurs discuter des raisons pour lesquelles il n’y en a pas –, c’est la définition d’une science officielle. C’est, me semble-t-il, du lyssenkisme. Or, je crois que la pire des choses que nous puissions faire pour les personnes autistes, ce serait de suivre les préconisations d’un Lyssenko au petit pied.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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La pire des choses, ce serait de ne rien faire ! La France n’est pas près de progresser !

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en France, un enfant qui naît sur cent est affecté par des troubles du spectre autistique – TSA. Ce sont au total 600 000 personnes, enfants et adultes, qui sont touchées par cette maladie. Ces chiffres doivent nous alerter sur l’ampleur de l’enjeu de santé publique auquel nous sommes confrontés. Notre rapporteur, Daniel Fasquelle, a fait preuve, depuis de nombreuses années, d’un engagement sans faille pour améliorer la prise en charge de l’autisme, et je tiens ici à saluer son investissement exemplaire pour cette cause.

Définir l’autisme n’est pas chose aisée. Ses contours restent flous pour la plupart d’entre nous, et nous avons le plus grand mal à connaître et à décrire précisément la nature de cette affection qui reste encore mal connue. En la matière, il paraît sage de se référer à l’Organisation mondiale de la santé, qui a posé une définition : l’autisme est selon elle « un trouble envahissant du développement qui affecte les fonctions cérébrales ». Il est important de souligner qu’il n’est plus considéré, dans la classification internationale de l’OMS, ni comme une affection psychologique ni comme une maladie psychiatrique.

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Depuis 2010, cette définition est également reconnue par la Haute autorité de santé en France. Il est dès lors assez incompréhensible que bon nombre de médecins français ne la reconnaissent toujours pas et que l’approche psychanalytique soit encore majoritairement enseignée dans les universités françaises.

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C’est cette lecture erronée de la maladie qui prévaut aujourd’hui, lorsqu’un enfant autiste est pris en charge en hôpital de jour, en institut médico-éducatif ou en centre médico-psychologique. Cette mauvaise prise en charge aboutit à un terrible constat d’échec : 80 % des enfants atteints de TSA sont exclus de l’école en milieu ordinaire.

Alors qu’une prise en charge précoce et adaptée permettrait de réduire considérablement le coût économique et social de l’autisme, comme cela a été démontré dans le rapport d’un comité sénatorial québécois dès 2007, qui préconisait un accompagnement précoce, avec des méthodes éducatives et comportementales, la France s’obstine à allouer la majeure partie des moyens financiers destinés à l’autisme aux pratiques psychanalytiques.

Déjà en 2012, Daniel Fasquelle déposait une proposition de loi visant à l’arrêt des pratiques psychanalytiques dans l’accompagnement des personnes autistes, et mettait en place un groupe d’études sur l’autisme. Il est urgent aujourd’hui d’avancer sur ce sujet pour enfin utiliser à bon escient les ressources allouées à l’autisme, lesquelles sont largement insuffisantes.

La prise en charge de l’autisme en France accuse quarante ans de retard : 44 % des personnes autistes sont encore victimes soit de mauvais traitements, soit de carences en matière de soins. La maltraitance reste donc la norme, comme l’a tristement rappelé le Comité des droits de l’enfant de l’ONU en février dernier. Les gouvernements successifs ont accumulé les « plans autisme ». Nous en sommes aujourd’hui au troisième. Mais quelles sont les avancées concrètes ?

Nous devons réallouer les moyens dévolus et les augmenter, afin de financer sur fonds publics des éducateurs spécialisés, pour permettre aux 80 000 enfants atteints d’autisme d’aller à l’école ou, à défaut, de recevoir une éducation adaptée. Nous devons stopper l’hémorragie des familles d’enfants autistes vers la Belgique, bien mieux dotée que la France en structures adaptées à la prise en charge de l’autisme. Nous devons dépister plus tôt, car plus la prise en charge est précoce, plus l’espoir d’une vie adulte normale ou quasi normale est grand.

Nous devons lutter contre les discriminations dont sont victimes les personnes autistes. Nous devons mettre en place un service d’informations national sur l’autisme. Nous devons développer les places en accueil temporaire pour les familles qui y ont recours lorsqu’elles sont au bord de l’épuisement ou pendant les fermetures des structures.

À cet égard, la Lozère, département emblématique pour la prise en charge des personnes en situation de handicap depuis plus de cinquante ans, grâce à l’action conjuguée de l’abbé Oziol et du docteur Jacques Blanc, ancien parlementaire, rapporteur de la loi de 1975, qui a pour la première fois reconnu la dignité de la personne handicapée, est disposée à développer de nouvelles réponses à l’autisme.

Ce département dispose de toutes les réponses de type ESAT – établissement et service d’aide par le travail –, MAS – maison d’accueil spécialisée –, foyer de vie, foyer-logement, et déjà de structures adaptées à l’autisme, notamment l’IME – institut médico-éducatif – Les Sapins, la MAS Les Bancels, le FAM – foyer d’accueil médicalisé – de Grandrieu et l’EEAP – établissement pour enfants et adolescents polyhandicapés – Les Genêts. Nombre d’expérimentations sont portées grâce aux actions conjuguées de Mmes Catherine Blond de l’ADAPEI – Association départementale de parents et d’amis des personnes handicapées mentales –, Josette Boissier, la maman de Jérôme que je connais bien, et Sylvie Breuil, directrice de structure, et des deux grandes associations que sont Le Clos du Nid et l’association de lutte contre les fléaux sociaux.

Je sais que cette proposition de résolution suscite des passions, voire des réactions très contradictoires. Elle a cependant le mérite de mettre en lumière un vrai problème que la France n’a pas totalement pris en considération : celui du monde de l’autisme, ce monde incompréhensible et imprévisible, où les bruits, la lumière, le toucher peuvent devenir des agressions.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons ce matin une résolution qui m’a vraiment surprise et qui pose plusieurs questions. La première qui m’est venue à l’esprit est de savoir si nous, parlementaires, devons promouvoir une méthode de soins plutôt qu’une autre,…

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…condamner ou interdire certaines pratiques. L’orientation de votre résolution, monsieur Fasquelle, vise à faire adopter politiquement une position radicale,…

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…qui est en totale contradiction avec les principes fondamentaux de notre législation sanitaire.

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Selon l’article 6 du code de la déontologie médicale, « Le médecin doit respecter le droit que possède toute personne de choisir librement son médecin. Il doit lui faciliter l’exercice de ce droit. » Ce droit, ainsi que la liberté consentie par la loi d’en faire usage, contribue à forger la confiance que le patient accorde à son médecin. La responsabilité du médecin est fondée sur cette confiance.

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Arrêtez de parler ! C’est pénible.

L’article 8 énonce que le médecin est libre de ses prescriptions, qui seront celles qu’il estime les plus appropriées. Ainsi, associé à l’indépendance et à la liberté de prescription, le libre choix constitue l’un des piliers actuels de l’exercice médical.

Si je comprends bien votre résolution, vous souhaitez revenir sur ce droit. C’est curieux, pour des députés qui sont les chantres du libéralisme, de proposer une résolution liberticide. Si les parlementaires viennent à rompre avec ces principes, en prenant parti dans des débats scientifiques d’une grande complexité, nous dérivons vers des thérapeutiques d’État. Nous en avons un exemple cruel dans l’Histoire, celle de la biologie de Lyssenko, cité par Denys Robiliard, qui préconisait la fin de la génétique et l’arrêt de la discipline naissante qu’était la biologie moléculaire.

Enfin, cette proposition méconnaît clairement les travaux de la Haute autorité. Vous procédez à un détournement de ses recommandations. C’est une autorité administrative indépendante à caractère scientifique, qui est chargée de l’amélioration de la qualité des soins. Elle élabore des recommandations, comme avait pu le confirmer un arrêt du Conseil d’État. Elles ne sont donc pas du droit, mais un guide de bonnes pratiques.

Vous portez atteinte à l’indépendance de la Haute autorité au moins sur trois points. Tout d’abord, vous voulez transformer des recommandations en injonctions. Deuxièmement, vous affirmez que les méthodes recommandées sont validées scientifiquement, alors que, des collègues l’ont rappelé, à l’heure actuelle, aucune des trois méthodes évoquées par la Haute autorité n’a reçu de validation scientifique. Enfin, vous portez atteinte à cette indépendance en prétendant que la psychanalyse se trouve dans la liste des méthodes non recommandées, alors que la Haute autorité a bien pris soin, en l’absence de consensus entre experts, de la classer dans les méthodes non consensuelles. « Non consensuelles », cela ne veut pas dire « non recommandées ». Il faut savoir lire le français !

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Je sais lire ! Je sais très bien ce qui s’est passé et les pressions qu’il y a eu !

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Vouloir donner une force contraignante à des recommandations serait méconnaître qu’en matière de santé, les vérités d’aujourd’hui peuvent ne pas être celles de demain. Cela conduirait à dresser un obstacle à toute tentative de faire progresser les connaissances sur la prise en charge de l’autisme. Pourtant, les connaissances actuelles sont insuffisantes et incertaines. Les efforts pour figer le savoir ne font jamais bon ménage avec le progrès.

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Je partage les propos du Président de la République, qui lors de la Conférence nationale du handicap, a souhaité que le quatrième Plan Autisme soit un plan qui permette l’apaisement et le rassemblement, parce que nous devons avoir toutes les réponses et les réponses les plus adaptées, sans préjugés ni volonté d’inventer une solution plutôt qu’une autre. Le pluralisme des formations et des pratiques a toujours été l’orientation des politiques de santé publique, pour proposer aux familles et aux patients un libre choix éclairé pour les soins et les accompagnements.

Plutôt que de faire une résolution, battons-nous ensemble pour que toutes les personnes souffrant d’un handicap soient prises en charge dignement, pour que cesse le parcours du combattant des familles pour trouver des solutions. Soutenons financièrement la recherche sur les maladies psychiatriques.

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Mais ce n’est pas une maladie psychiatrique ! Comment peut-on dire des choses pareilles ? C’est n’importe quoi !

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Mais ne votons pas cette proposition de résolution, qui déroge fondamentalement aux orientations de notre politique de santé. Pour toutes ces raisons, je ne la voterai pas.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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La discussion générale est close.

La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

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Ségolène Neuville, secrétaire d’état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur le député Daniel Fasquelle, vous avez souhaité déposer une proposition de résolution parlementaire concernant l’autisme, un sujet qui, je le sais, vous intéresse tout particulièrement. Je souhaite donc, en quelques mots, vous exposer les priorités du Gouvernement à ce sujet.

L’année 2012 a été marquée par une réorientation majeure des politiques publiques en matière d’autisme, du fait de la parution des nouvelles recommandations de la Haute autorité de santé et de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux – l’ANESM – pour la prise en charge des enfants avec des troubles du spectre autistique. Le troisième Plan Autisme 2013-2017 en a été la traduction. L’application des recommandations de bonnes pratiques professionnelles de la HAS et de l’ANESM est la colonne vertébrale de ce plan et de toutes les actions que nous avons menées en matière d’autisme depuis 2012.

Pour ma part, en prenant la suite de Marie-Arlette Carlotti, ma position n’a jamais varié sur ce sujet. En accord total avec les déclarations très récentes du professeur Catherine Barthélémy, récompensée aujourd’hui par le prix INSERM pour ses recherches sur l’autisme, je pense que ce n’est pas mon rôle de décider si telle ou telle méthode, si tel ou tel traitement serait meilleur qu’un autre. Si tel était le cas, pourquoi se limiter à l’autisme ?

En revanche, c’est mon rôle de promouvoir les recommandations de bonnes pratiques de la HAS. C’est aussi mon rôle de rendre accessibles à tous les données de la science, afin de garantir le meilleur accompagnement qui soit pour les enfants et les adultes autistes. C’est aussi mon rôle de travailler en lien étroit aussi bien avec les associations et les personnes avec des troubles du spectre autistique qu’avec les professionnels. C’est d’ailleurs tout le sens du comité de suivi du troisième Plan Autisme.

La politique que nous avons menée a d’ores et déjà produit ses fruits. Les priorités du troisième Plan Autisme, ce sont les diagnostics et les interventions précoces. C’est pourquoi nous privilégions l’accompagnement par des professionnels grâce à l’ouverture de places en services d’éducation spéciale et de soins à domicile – les SESSAD. C’est pourquoi nous avons réformé les centres de ressources autisme. Le décret les concernant sera présenté dès le mois de décembre au comité national consultatif des personnes handicapées. C’est pourquoi nous privilégions l’inclusion scolaire – ce sont 110 unités d’enseignement en maternelle qui ont été créées.

Le comité interministériel du handicap de vendredi dernier a été l’occasion pour l’éducation nationale de s’engager à développer des unités d’enseignement en école élémentaire et en unités localisées pour l’inclusion scolaire, ULIS. C’est aussi pourquoi nous avons créé les pôles de compétences et de prestations externalisées, afin de faciliter l’accès à une prise en charge par des professionnels libéraux. Enfin, en matière de communication, j’ai lancé la semaine dernière le nouveau site gouvernemental d’information sur l’autisme. Il est le fruit d’un travail collectif avec les associations de familles et de personnes autistes, les professionnels et les scientifiques. Ce site permet désormais au grand public d’avoir accès à une information officielle claire et validée scientifiquement.

Des travaux sont également en cours sur les recommandations pour les adultes avec autisme, et alors que les travaux de concertation sur le quatrième plan s’ouvriront dès le mois de janvier, le Gouvernement a rappelé, lors du comité interministériel du handicap du 2 décembre dernier, que ces réflexions se baseraient systématiquement sur les recommandations de bonnes pratiques, pour enfants et adultes, et ce dans tous les domaines de prise en charge. Ce ne sont là que quelques-unes des actions du troisième plan et du Gouvernement en matière de prise en charge de l’autisme. Bien sûr, il reste encore beaucoup à faire, et j’en ai tout à fait conscience, mais ces progrès permettent aujourd’hui, mieux qu’hier, d’accompagner les personnes et de soutenir les familles. Ce sont là des avancées concrètes, pragmatiques, guidées par le seul souci d’améliorer cet accompagnement.

J’en viens maintenant, monsieur Fasquelle, à votre texte. Dans votre proposition, j’ai noté quelques contradictions, ainsi qu’une méconnaissance au moins partielle des actions en cours. Cela m’a surprise ; c’est pourquoi j’ai jugé utile de faire une série de rappels. Je crains surtout, monsieur le député, que votre proposition, de façon intentionnelle ou non, n’ait pour effet de raviver des tensions qui n’ont plus lieu d’être. Cela m’inquiète, car je ne souhaite pas que les familles et les personnes autistes soient d’une certaine façon prises en otage par ces tensions.

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Mais elles sont déjà prises en otage par les professionnels !

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d’état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Sur vos contradictions apparentes, je veux dire deux mots. Vous invitez le Gouvernement à, je vous cite, « prendre des mesures immédiates pour assurer que les droits des enfants autistes, en particulier leur droit à l’éducation inclusive, soient respectés ». Monsieur le député, la ministre de l’éducation nationale et moi-même nous battons quotidiennement pour que ce droit soit mis en oeuvre. Sous l’autorité du Président de la République, que je veux saluer pour son implication constante dans ce domaine, le Gouvernement a créé des postes d’enseignants et a décidé de pérenniser les postes des auxiliaires de vie scolaire, AVS, en transformant les contrats aidés en CDD puis en CDI. Les AVS seront désormais des accompagnants des élèves en situation de handicap. On sécurise donc leur statut, mais on leur offre aussi une meilleure formation. Je veux vous le dire clairement : sans enseignants supplémentaires ni accompagnants, pas d’école inclusive ! J’aimerais donc que vous nous disiez comment vous comptez vous y prendre, car avec le programme que vous défendez derrière votre candidat à l’élection présidentielle, qui prévoit la suppression de 500 000 postes dans la fonction publique, combien de postes d’enseignants seraient amenés à disparaître ?

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Ne faites pas de politique sur un sujet pareil ! Vous me décevez, madame Neuville.

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Ségolène Neuville, secrétaire d’état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Combien de postes d’enseignants spécialisés ? Combien de postes d’accompagnants d’enfants en situation de handicap ? Monsieur le député, je connais votre engagement auprès des familles d’enfants autistes, et je le respecte profondément. Je vous demande simplement d’être cohérent, au-delà des postures politiciennes, car c’est une question de crédibilité – pour vous, mais aussi pour l’ensemble de la classe politique.

Quelques mots maintenant sur la méconnaissance de certaines actions actuellement menées, car c’est pour moi l’occasion de les promouvoir. Que faisons-nous d’ores et déjà en matière de formation des professionnels ? Nous diffusons de manière résolue les recommandations de bonnes pratiques, tant dans les formations initiales que dans les formations continues. En matière de formation initiale des professions paramédicales, les recommandations ont été diffusées, à travers un document extrêmement précis, à l’ensemble des instituts de formation et des agences régionales de santé. Par ailleurs, la réingénierie des diplômes paramédicaux, en cours depuis plusieurs années, a permis de faire évoluer les référentiels de formation dans le sens des recommandations de bonnes pratiques. Pour les formations médicales, le deuxième cycle des études a été revu en 2013 et tient compte des priorités de santé publique.

En matière de formation continue, l’arrêté du 8 décembre 2015 fixant les orientations du développement professionnel continu, le DPC, pour les années 2016-2018 reconnaît la prise en charge des troubles du spectre autistique comme orientation prioritaire de la politique nationale de santé. Par ailleurs, plusieurs autres professions de santé – pédiatrie, orthophonie – ont défini l’autisme comme orientation prioritaire pour le développement professionnel continu. Actuellement, nous travaillons avec l’Agence nationale du développement professionnel continu à la création d’une labellisation qui permette d’identifier les formations répondant aux recommandations de bonnes pratiques. Vous le voyez, monsieur Fasquelle – même si vous m’écoutez fort peu –, le Gouvernement mène une action résolue pour que tous les professionnels puissent avoir accès à une formation de qualité, conforme aux données de la science.

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Vous vous adressez en réalité à votre majorité !

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Ségolène Neuville, secrétaire d’état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Mais j’en arrive au point qui me chagrine le plus dans votre proposition. Je suis d’ailleurs extrêmement surprise que certains députés de votre groupe, eux-mêmes médecins, aient accepté d’associer leur nom à ce texte. Car ce que vous proposez dans votre résolution, en réalité, c’est tout simplement de supprimer la liberté de prescription des médecins.

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Ségolène Neuville, secrétaire d’état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Ce que vous proposez va bien au-delà de la seule question de l’autisme.

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Ce que vous proposez, c’est de réprimer pénalement tout professionnel de santé qui ne respecterait pas les recommandations de bonnes pratiques ; c’est écrit dans votre texte.

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Ségolène Neuville, secrétaire d’état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Imaginez les conséquences d’une limitation de prescription pour toute nouvelle approche qui n’entrerait pas dans les recommandations de bonnes pratiques – y compris celles basées sur des découvertes scientifiques publiées –, au prétexte qu’il faudrait attendre une réactualisation des recommandations ? Car des publications, il y en a tous les jours, alors que les recommandations ne sont renouvelées que tous les cinq à dix ans. Si vous ouvrez cette porte en matière d’autisme, vous savez fort bien que vous l’ouvrirez pour tous les domaines de la médecine. C’est cela, la réalité de votre proposition.

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Ne caricaturez pas mes propos ! Je m’attendais à autre chose de votre part, madame Neuville. Vous faites de la politique politicienne de bas étage !

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Ségolène Neuville, secrétaire d’état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Je pense ainsi qu’il est utile de rappeler ici l’article R4127-8 du code de la santé publique, qui nous dit : « Dans les limites fixées par la loi et compte tenu des données acquises de la science, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance. »

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Voilà ! Dans les limites fixées par la loi !

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Ségolène Neuville, secrétaire d’état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Ce texte a été modifié le 7 mai 2012, un décret y ajoutant les mots : « compte tenu des données acquises de la science ». L’obligation, pour les médecins, de respecter les données acquises de la science existe donc déjà.

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Bien sûr, c’est ce que je demande de respecter !

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Ségolène Neuville, secrétaire d’état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

C’est pourquoi votre texte n’a pas lieu d’être. Et encore, s’il ne disait que cela… Mais vous y ajoutez les contraintes en matière de liberté de prescription.

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Dans son code de déontologie, l’Ordre des médecins considère également que la liberté de prescrire du médecin doit tenir compte des données acquises de la science. Je veux aussi préciser que les éventuelles infractions aux dispositions de l’article R4127 du code la santé publique relèvent non de la justice pénale, mais de la juridiction disciplinaire de l’ordre des médecins.

Revenons à la HAS. Sa mission est de diffuser des protocoles détaillés pour guider le médecin dans sa pratique clinique. Les recommandations de bonnes pratiques sont définies dans le champ de la santé comme des propositions développées méthodiquement pour aider le praticien et le patient à rechercher les soins les plus appropriés dans des circonstances cliniques données. L’utilisation des recommandations de bonnes pratiques médicales permet d’accompagner le médecin dans son obligation de se fonder sur les données acquises de la science tout en respectant sa liberté d’exercice. Les recommandations de bonnes pratiques ne sauraient dispenser le professionnel de santé de faire preuve de discernement dans sa prise en charge du patient, qui doit être celle qu’il estime la plus appropriée, en fonction de ses propres constatations. C’est uniquement l’obligation déontologique d’assurer aux patients des soins basés sur des données acquises de la science qui est opposable aux professionnels de santé, depuis le décret du 7 mai 2012. Je m’étonne que parmi les nombreux signataires de cette résolution, dont plusieurs médecins, nul n’ait soulevé cette question !

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Quant à demander au Gouvernement d’engager la responsabilité pénale des professionnels de santé, vous me permettrez de faire quelques remarques. Tout d’abord, je ne crois pas qu’il serait souhaitable qu’un gouvernement, quel qu’il soit, prétende faire de la médecine à la place des médecins. Ce serait une porte ouverte à tous les abus. Ensuite, je veux rappeler que la régulation des pratiques médicales obéit à des règles et à des instances – en l’occurrence l’Ordre des médecins –, et la menace d’une sanction pénale en raison de telle ou telle pratique médicale fondée sur un état de la science à un moment donné ferait de tout médecin, tout au long de sa carrière, un criminel en sursis. Voilà la réalité de ce que vous proposez. Je ne sais comment vous avez pu imaginer, monsieur le député, qu’une telle proposition puisse s’appliquer dans un pays comme la France ! Je ne sais comment certains de vos collègues, qui avant d’être parlementaires étaient médecins, ont pu vous soutenir dans cette entreprise malheureuse. Chacun ici doit avoir en tête le serment d’Hippocrate : « Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission. Je n’entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services qui me seront demandés ».

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Vous ne parlez que des médecins. Parlez plutôt des familles !

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Tout est dit ! Le Gouvernement estime ainsi que, comme l’ont rappelé de nombreux professionnels éminents dans une tribune parue la semaine dernière dans un grand quotidien national, seule la science doit guider les décisions médicales. Et l’obligation de prendre en compte les avancées de la science figure déjà dans tous les textes : le code de la santé publique, le code de déontologie de l’Ordre des médecins et le serment d’Hippocrate. Mesdames et messieurs les députés, autant mon engagement est total pour promouvoir les recommandations de la HAS en matière d’autisme, autant votre proposition, telle qu’elle est rédigée, constitue une attaque sans précédent contre l’ensemble des professionnels de santé.

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Ségolène Neuville, secrétaire d’état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à votre proposition de résolution.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Dans les explications de vote, la parole est à M. Daniel Fasquelle, pour le groupe Les Républicains.

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Madame la ministre, vous m’avez énormément déçu. Non seulement certains propos relevaient plus de la basse politique que du débat en cours, mais surtout vous avez passé votre temps à parler des professionnels et non des familles. Je suis heureux d’avoir fait entendre, dans cet hémicycle, la voix de ces dernières, et j’aurais aimé vous en entendre parler plutôt que de vous voir vous livrer à un exercice de défense des professionnels. D’ailleurs, la plupart des collègues qui sont intervenus l’ont fait pour défendre ces professionnels, mais à aucun moment l’on n’a évoqué la souffrance des familles et la réalité qu’elles vivent.

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Ces familles attendent que nous prenions des décisions courageuses et que nous allions de l’avant. Ce texte est certes imparfait ; il est dommage qu’on ne puisse pas travailler en commission pour amender les propositions de résolution. On aurait pu faire progresser le texte ensemble. En attendant, il est là et moi-même et mon groupe le défendons.

Certes, des progrès ont été accomplis. Je ne veux pas faire de politique politicienne sur ce sujet ; si j’ai créé, en 2011, le groupe d’études sur l’autisme, j’en ai proposé la coprésidence à Gwendal Rouillard. J’ai toujours refusé de faire de la politique politicienne dans ce domaine ; c’est pourquoi, madame la ministre, je n’ai pas apprécié certains de vos propos. Beaucoup a été fait avec la loi Chossy, le travail réalisé en 2010, puis en 2012, puis celui que votre gouvernement a mené – je le reconnais parfaitement et je ne l’ai à aucun moment remis en cause. Je trouve simplement qu’on ne fait pas assez et qu’on ne va pas assez vite. C’est ce que me disent les familles et ce que nous vivons sur le terrain. Tout l’objet de cette résolution est de donner un coup d’accélérateur au lieu d’attendre encore vingt ou trente ans pour enfin impulser l’évolution qu’ont réalisée d’autres pays.

Vous me parlez de liberté de choix ; mais celle-ci n’existe pas pour les familles. On est obligé de créer des structures financées par des dons et animées par des bénévoles pour permettre aux familles d’accéder à des méthodes qui devraient être remboursées par l’État et être à leur disposition. La réalité, aujourd’hui, c’est que les familles galèrent. Les seules à jouir de la liberté de choix sont celles qui ont de l’argent, et cela me surprend que des socialistes défendent un système dans lequel ceux qui ont de l’argent peuvent avoir accès aux méthodes éducatives et comportementales, alors que ceux qui n’en ont pas ne le peuvent pas. Un de mes amis a dû vendre son appartement, et sa femme, arrêter de travailler pour qu’ils puissent s’occuper de leur enfant. Est-ce normal ?

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Non ! En revanche, s’ils avaient choisi les méthodes que défendent certains d’entre vous, ils auraient bénéficié d’une prise en charge totale. Ce n’est pas normal, et cela me révolte. C’est cette colère des familles dont je veux me faire le porte-parole aujourd’hui, et je regrette votre position.

Quant à la liberté de prescription, ne défendez pas mon texte ! Bien évidemment, et cela a été cité à plusieurs reprises, il s’agit de respecter la liberté de prescription des médecins, mais dans les limites de la science. Je demande simplement que les professionnels de santé français tiennent compte des avancées de la science et empruntent le chemin qu’ont suivi tous les autres praticiens dans le monde. C’est tout ce que je demande ! Certains textes auxquels je fais référence ont été montés en épingle, mais ils relèvent du droit commun.

Je ne demande pas la création d’un régime spécial pour l’autisme, qui aurait vocation, par la suite, à être appliqué à d’autres professionnels ; je demande au contraire que l’on applique dans le domaine de l’autisme ce que l’on applique dans toutes les autres disciplines.

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Mais non ! Je suis désolé, madame Guittet, le choix est strictement binaire : ou c’est une psychose, ou ce n’est pas une psychose. Or les instances internationales qui se sont penchées sur cette question et la Haute autorité de santé sont unanimes : ce n’est pas une psychose, ce n’est pas une maladie psychiatrique.

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Pourquoi donc défendre la psychanalyse et la psychiatrie pour traiter une maladie qui n’est pas une psychose ?

Ce n’est pas une maladie psychiatrique, c’est un trouble envahissant du développement. Il faut donc faire comme la Belgique : utiliser massivement les méthodes éducatives et abandonner les méthodes inappropriées, qui n’ont pas à être employées dans ce contexte.

Vous nous dites : il ne faut pas s’ingérer dans le choix des thérapies. Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Madame la secrétaire d’État, c’est complètement contradictoire ! Vous avez avec courage, dans le cadre du Plan Autisme, décidé que tous les moyens supplémentaires seraient consacrés uniquement aux méthodes éducatives et comportementales. Vous avez donc fait un choix !

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C’est vous qui mettez en cause ceux qui choisissent d’autres méthodes que celles que vous préconisez !

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De la même manière, lorsque dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, vous faites adopter des moyens financiers pour soutenir tel ou tel traitement, telle ou telle méthode, eh bien vous faites des choix ! On n’arrête pas de faire des choix, ici ! Simplement, nous devons opérer ces choix à la lumière de la science, comme l’a fait la Haute Autorité de santé dans ses recommandations de bonnes pratiques éducatives et comportementales.

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Vous ne pouvez pas dire qu’il ne faut pas s’ingérer dans le choix des thérapies, et en même temps préconiser les méthodes éducatives et comportementales – comme vous l’avez fait récemment, avec courage, via un site internet.

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Vous confondez prescription et injonction ! C’est incroyable !

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Soit on préconise ces méthodes : dans ce cas, il faut aller au bout de la démarche ; c’est ce que j’entends faire au moyen de cette proposition de résolution. Soit un reste complètement neutre : mais alors il faut l’être aussi dans le cadre du Plan Autisme, et dans le cadre du site internet dont j’ai parlé !

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Osez aller au bout de la démarche ! Je sais qu’au fond de vous-mêmes, vous êtes d’accord avec moi ! Le choix est clair : soit on va au bout de la démarche, en répondant aux attentes des familles,…

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…en traitant comme ils doivent l’être les enfants autistes de France ; soit on continue à tergiverser, soi-disant pour apaiser les débats, mais en réalité simplement pour gagner du temps, et nous mettrons vingt ou trente ans à parcourir le chemin que d’autres pays ont déjà fait depuis longtemps.

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Merci, monsieur Fasquelle.

J’informe Mmes et MM. les députés que le temps de parole pour une explication de vote est de cinq minutes. La présidence de séance ne laisse pas parler les députés sans aucune limite ! Cela dit, les orateurs sont toujours libres de ne pas utiliser la totalité de ce temps pour expliquer le vote de leur groupe.

La parole est à M. Meyer Habib, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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J’ai écouté attentivement tous ces débats. Il s’agit d’une question très dure, très poignante, dont nous n’avons pas l’habitude dans les débats politiques traditionnels. J’ai donné tout à l’heure la position du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, qui a décidé de voter contre ce texte. Avec votre permission, monsieur le président, je donnerai à présent ma position personnelle, telle qu’elle s’est imposée à moi après avoir écouté les différents orateurs.

Il y a encore une vingtaine de minutes, je me posais en mon âme et conscience la question de savoir s’il fallait voter pour ou contre ce texte. J’ai écouté les uns et les autres : il y a du vrai dans chacune des thèses défendues. J’ai aussi longuement parlé avec Daniel Fasquelle.

J’ai par ailleurs eu la chance de connaître le professeur Feuerstein, qui est décédé l’année dernière à Jérusalem. J’ai passé beaucoup de temps avec lui, car il me demandait de l’aider, dans le cadre de mes fonctions – nouvelles pour moi à l’époque – de député de la République. J’ai regardé des films sur cette question ; j’ai compris que des méthodes étaient appliquées, qui ne donnaient aucune chance à certains enfants ; j’ai vu comment, au contraire, par des méthodes éducatives, ce professeur a sauvé des enfants que tout le monde pensait perdus.

Je ne vous cache pas que j’ai eu parfois les larmes aux yeux en regardant ces films. Je comprends très bien que l’on vote contre ce texte, ou que l’on s’abstienne ; mais pour ma part, j’ai décidé, à titre personnel, de voter pour le texte de Daniel Fasquelle.

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C’est ce que je pense réellement en mon âme et conscience.

Madame la ministre, vous avez tenu des propos très durs envers Daniel Fasquelle.

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Je vous invite à les relire ! Il a défendu ce texte avec passion, avec une grande connaissance de ces questions ; c’est pourquoi j’ai décidé, monsieur le président, de voter pour ce texte à titre personnel.

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Vous exposez votre position personnelle : ce n’est pas une explication de vote de groupe, alors !

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Je n’ai pas le droit d’exposer une opinion personnelle, alors ? Et c’est moi qui suis totalitaire !

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Monsieur Habib, vous êtes le seul représentant de votre groupe. Votre intervention figurera donc au compte rendu comme l’explication de vote de votre groupe.

La parole est à M. Philip Cordery, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

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J’expliquerai le vote de mon groupe. Lors des explications de vote, en effet, sont exposées les positions de vote des groupes ; chaque député ne peut pas donner son avis personnel.

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Cela, c’est votre problème !

Nous avons eu un débat assez riche aujourd’hui. Mais la question reste assez claire : les recommandations de la HAS et de l’ANESM sont, depuis le troisième Plan Autisme, la norme de l’accompagnement de l’autisme. Les choses avancent dans ce pays, monsieur Fasquelle : vous devriez le reconnaître !

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C’est une question qui dépasse les clivages politiques. Les mentalités commencent à changer ; les gouvernements successifs – je l’ai rappelé tout à l’heure – agissent en ce sens. Personne ne peut dire le contraire : les familles sont au coeur des préoccupations du Gouvernement. Dans ce débat, lorsque nous réfléchissons au quatrième Plan Autisme, les familles sont au coeur de nos préoccupations.

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Alors faites un choix ! Ne vous retranchez pas derrière le refus de l’ingérence !

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Je peux vous le dire : au sein de notre groupe, nous serons tous vigilants. Nous veillerons tous à ce que ces recommandations de bonnes pratiques soient au coeur du quatrième Plan Autisme. Dans les appels à projet, dans les formations, ces recommandations devront systématiquement être respectées.

Votre proposition de résolution, monsieur Fasquelle, nous divise plutôt qu’elle nous unit. Elle stigmatise plutôt qu’elle n’incite à agir ensemble. Agissons ensemble ! Soyons constructifs !

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Apportons notre contribution au quatrième Plan Autisme : nous ferons là oeuvre utile, plus qu’avec cette proposition de résolution déposée, de façon quelque peu opportune, quelques mois avant les élections.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Ne dites pas cela ! Cela fait des années que je me bats sur ce sujet !

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Le véritable enjeu, aujourd’hui, est de travailler ensemble. Cela fait des années que nous travaillons ensemble sur ces questions. Plutôt que de présenter des résolutions, nous devrions continuer à agir ensemble au sein des structures comme le comité de suivi du Plan Autisme, dans le cadre, par exemple, de la concertation préalable au quatrième Plan Autisme.

Nous souhaitons tous que les mentalités changent sur le terrain, et que les familles aient accès à des traitements totalement en phase avec les recommandations de la HAS et de l’ANESM, que nous soutenons tous.

La proposition de résolution n’est pas adoptée.

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Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Proposition de loi visant à favoriser l’assainissement cadastral et la résorption du désordre de la propriété ;

Deuxième lecture de la proposition de loi organique et de la proposition de loi relatives aux autorités administratives et publiques indépendantes.

La séance est levée.

La séance est levée à treize heures vingt.

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly