Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis la fin des années 2000 et l’avènement de l’État islamique en Irak et en Syrie, le Moyen-Orient est frappé de plein fouet par la folie meurtrière de l’organisation terroriste. La violence et la barbarie de Daech se sont abattues sur toutes les minorités religieuses et plus largement sur tous ceux qui se sont opposés à la mise en place de son projet totalitaire.
Ces derniers mois, la France a été frappée à plusieurs reprises par des attentats meurtriers. A Paris, Saint-Denis, Nice, Magnanville, Saint-Etienne-du-Rouvray, notre pays a payé un lourd tribut. Ces attaques ont atteint notre République au coeur et frappé notre peuple dans toute sa diversité. De telles abominations sont la négation même de l’humanité, une injure insupportable à nos valeurs de paix et de progrès. Au nom des députés communistes et du Front de gauche, je souhaiterais une nouvelle fois rendre hommage à toutes les victimes de l’État islamique et assurer leurs familles de notre soutien sans faille.
La résolution sur laquelle nous nous prononçons aujourd’hui invite le Gouvernement à reconnaître le génocide perpétré par l’État islamique contre les minorités religieuses et à saisir le Conseil de sécurité de l’ONU pour qu’il donne compétence à la Cour pénale internationale de poursuivre ces crimes.
Historiquement, le groupe communiste a toujours été aux avant-postes sur les questions de mémoire et de reconnaissance des génocides. Les peuples opprimés ont pu trouver auprès du parti communiste français un allié, portant haut leurs revendications au sein même de cet hémicycle. En 1997, le député Roger Meï avait défendu la reconnaissance du génocide arménien de 1915. En 2009, la députée Marie-George Buffet et moi-même avons décidé de briser le silence autour du massacre des Tamouls, pris pour cible depuis les années 1980. Nous avons appelé la communauté internationale à prendre ses responsabilités, en demandant là aussi que la Cour pénale internationale se saisisse de cette affaire.
Ce même engagement s’était aussi exprimé dans la loi Gayssot, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur, créant l’incrimination de contestation de crime contre l’humanité et de révisionnisme.
Ainsi, c’est fort de ces convictions que nous soutiendrons la démarche engagée par les députés du groupe Les Républicains. La reconnaissance d’un génocide est un acte politique fort qui n’est ni de gauche ni de droite. Il nous appartient à tous de faire en sorte que soient reconnus et jugés les massacres de Daech.
Toutefois, même si nous saluons l’esprit de cette résolution, il nous paraît nécessaire d’émettre des réserves quant à sa formulation et son orientation.
Si d’autres pays ont voté une résolution similaire, nous pensons toutefois que sur une telle question, il est nécessaire de citer l’ensemble des minorités visées par la barbarie de l’État islamique, comme l’a justement fait John Kerry. Nous regrettons ainsi que l’exposé des motifs de la résolution que nous examinons ne mentionne explicitement que les minorités yézidie et chrétienne. Le rapport du 19 mars 2015 du Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’homme s’inquiète certes d’une logique génocidaire à l’encontre des Yézidis et rapporte des crimes contre l’humanité à l’encontre des chrétiens mais il pointe également les crimes contre les musulmans chiites.
Si ces deux communautés sont particulièrement touchées par la barbarie de Daech, son projet totalitaire ne connaît pas de frontière et ne s’arrête pas à la foi de ses victimes. Toutes les communautés religieuses sont visées par Daech, y compris les musulmans. Faudrait-il en conclure que les chrétiens et les Yézidis constituent les seules populations vulnérables dans les zones menacées par l’État islamique ?