Intervention de Jacques Bompard

Séance en hémicycle du 8 décembre 2016 à 9h30
Reconnaissance du génocide perpétré par daech — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Bompard :

Chers collègues, rares sont les occasions ou l’Assemblée nationale et les députés se distinguent par un travail qui allie désintéressement, envergure du sujet et importance des auditions. D’évidence, cela témoigne du succès que les auteurs de cette mission d’information ont rencontré à travers leur rapport – qu’ils en soient chaleureusement et sincèrement remerciés !

L’État islamique pose des questions qui dépassent le simple cadre national : l’histoire heurtée du Proche-Orient n’a cessé d’appartenir à notre histoire, comme nous n’avons pas cessé de lui être redevables. Sans l’araméen, parlé par Jésus Christ, pas de chrétienté ; sans les premiers évêques et apôtres, pas de conversion des peuples d’Europe et donc pas de construction de la nation française à travers le baptême de Clovis.

Nous aurions tort de refuser de prendre en compte le cadre historique, nécessaire lorsque l’on évoque l’État islamique. Le Proche-Orient tout entier conserve la mémoire des califats, des dominations et des conquêtes. Les souvenirs glacés de la domination ottomane hantent la vision du monde des chrétiens du nord de l’Irak – certains d’entre eux portent encore les patronymes de Diyarbakir et Mardin, où leurs ancêtres furent massacrés par les Jeunes Turcs – mais aussi la mémoire des Syriens qui se révoltèrent contre les émirs.

Le rêve ottoman du calife Erdogan ne manque pas de contrister, par exemple, le patriarche melkite Grégoire III Laham qui rappelle dans un récent ouvrage d’entretiens que l’islamisme détruisit tout les clochers de Syrie dès 1860. L’État islamique, c’est aussi cela : une réminiscence de temps barbares dont beaucoup de pays d’orient s’était débarrassés.

Le trafic de pétrole face auquel la coalition aurait pu intervenir, la criminalité organisée autour des vestiges antiques en Irak et en Syrie, les filières d’acheminement du Captagon, notamment dans la Bekaa où l’ONU mime une intervention factice depuis trop d’années, la présence d’argentiers saoudiens entre la frontière turque et Raqqa ou Alep, l’embargo assassin de la communauté internationale contre la Syrie : tous ces éléments entachent les bilans de tous les dirigeants internationaux.

Certains de mes collègues sont allés sur le terrain, auprès de ces réalités. Ils sont de droite et de gauche et peuvent témoigner que la politique de François Hollande, celle de l’Union européenne et celle des États-Unis ont souillé l’Occident pour des décennies.

Les chrétiens en sont les victimes, les chiites en sont les victimes, les minorités diverses en souffrent horriblement. En Syrie, la majorité des soldats de l’armée régulière sont sunnites. Le spectacle de leurs sacrifices, alors qu’ils participent à la reconquête face à la barbarie islamiste, est une insulte à l’honneur de la France, à l’honneur de tous nos soldats qui abandonnèrent, des années durant, femmes et enfants pour oeuvrer au Liban, en Syrie, et même dans une partie de l’Irak actuel. Le contentement orné de défense des droits de l’homme, avec lequel une partie des politiques français a traité les questions de la représentation politique en Syrie, est une tache indélébile. Une tache qui confine à la compromission silencieuse avec des massacres historiquement sanglants.

Je ne peux terminer cette intervention sans évoquer la politique de la France en Syrie. Entraînement de cadres rebelles en Jordanie, suppression de notre ambassade, soutien appuyé à l’Arabie saoudite : la France n’a pas cessé d’y soutenir la cause de l’islamisme politique.

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