Intervention de Pierre Morel-A-L'Huissier

Séance en hémicycle du 8 décembre 2016 à 9h30
Reconnaissance du génocide perpétré par daech — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Morel-A-L'Huissier :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « La fusion de l’idéologie et de la terreur », telle est la définition du totalitarisme selon Hannah Arendt. Cette définition pourrait aussi s’appliquer à l’organisation État islamique, qui a établi un régime de terreur sur les territoires d’Irak et de Syrie, et au-delà.

Ne nous y trompons pas, l’idéologie génocidaire de Daech est similaire à celle des pires régimes totalitaires que le XXe siècle a connus. Tout musulman, où qu’il soit, doit allégeance au calife. Ceux qui s’y refusent, tout comme ceux qui soutiennent ou paient des impôts à un gouvernement non musulman, ceux qui participent à des élections pour élire des dirigeants appliquant des lois établies par des hommes prétendant se substituer à la « Loi divine » sont des apostats et, à ce titre, doivent être décapités. Les musulmans sunnites refusant de faire allégeance au califat, mais aussi les Kurdes, qui les combattent, sont des ennemis à éliminer. Les « païens »comme les Yézidis et les Druzes doivent, soit se convertir à l’islam djihadiste, soit disparaître. Chrétiens et juifs doivent se soumettre et payer un impôt spécial, faute de quoi ils sont massacrés ou réduits en esclavage.

En somme, toute forme d’altérité, de non-conformité au modèle prôné par Daech, est niée, détruite, exterminée. Au cours des six derniers mois, 550 attentats ont été commis, sur tous les continents. L’État islamique entend établir un contrôle total et permanent sur la vie individuelle et collective, par la voie du totalitarisme djihadiste.

Face à une telle ignominie, que faisons-nous ? La voie militaire est certes nécessaire, mais insuffisante, car elle ne permettra pas de tuer l’idéologie. Nos premières armes, à nous la France, pays des droits de l’homme, sont nos valeurs : celles de justice, de droit, de liberté et de tolérance. Nous devons les porter haut et fort. En tant que pays européen le plus ciblé et le plus frappé par l’État islamique, notre rôle dans cette guerre est primordial. Nous devons agir contre l’impunité juridique de Daech, impunité insupportable et révoltante au regard des exactions commises, pour lesquelles les mots nous manquent, tant elles sont cruelles.

Au sortir de la Seconde guerre mondiale, les nations traumatisées ont bâti de concert un droit international qui qualifie pénalement les crimes contre l’humanité, les génocides, les crimes de guerre. En 1998, le Statut de Rome a créé la Cour Pénale Internationale et défini les crimes internationaux sur lesquels celle-ci a un pouvoir juridictionnel, dont les crimes de génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité. Ban Ki-moon, secrétaire général de l’ONU, a affirmé que l’État islamique s’est rendu coupable des trois. Malgré l’évidente nécessité de saisir la CPI, les règles restrictives de sa saisine ne permettent pas d’espérer qu’elle puisse l’être pour l’instant, étant donné la situation. Il faudrait pour cela, soit que l’Irak et la Syrie reconnaissent sur leur sol la compétence de la Cour, soit que le Conseil de sécurité de l’ONU puisse éviter le veto de grandes nations.

Mais nous ne pouvons cependant nous résoudre à rester les bras croisés, observant de notre France, certes également frappée sur son sol, l’horreur qui se déroule sur les territoires syriens et irakiens. Nous ne pouvons pas rester silencieux, alors que la diversité culturelle, ethnique, religieuse, qui est une richesse immense pour les civilisations, est en train d’être assassinée au Moyen-Orient, cette terre ancestrale qui est le berceau de l’humanité. La communauté internationale et européenne se soulève d’une seule voix pour faire reconnaître les exactions commises par Daech comme un génocide et un crime contre l’humanité : l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, le Parlement européen, à l’initiative du groupe du Parti populaire européen – PPE –, le Parlement britannique et, avant-hier, le Sénat français, à l’initiative de Bruno Retailleau, ont adopté des résolutions en ce sens.

En tant que députés de la Nation française, il est de notre devoir d’exhorter le gouvernement à saisir le Conseil de sécurité de l’ONU en vue de reconnaître le génocide qui se déroule sous nos yeux, et de saisir par conséquent la CPI. Tel est l’objet de la proposition de résolution que nous examinons ce matin, et que je voterai avec responsabilité et conviction. Il s’agit certes d’un symbole, mais ne négligeons pas la force des symboles lorsqu’il est question de droits de l’homme.

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