Cedébat peut paraître vague et idéologique mais la PPRE fait toute une série de propositions qui sont tout à fait précises et appréhendables par tout le monde. L'exercice n'était pas de penser toute l'Europe et l'économie mais bien de répondre à la consultation sur le socle ; il est vrai toutefois que c'est l'occasion de relier l'économique et le social, comme nous l'indiquons dans notre rapport. À partir du moment où l'on a une monnaie unique, on ne peut plus dévaluer. On a cru qu'on allait converger, mais en fait ce n'est plus possible car, comme il n'y a plus la possibilité de dévaluer, c'est la politique sociale et les salaires qui jouent le rôle de la variable d'ajustement. Cela ne facilite pas la convergence, c'est même un élément de divergence. Comment compenser aujourd'hui ce point qui a été sous-estimé ? C'est la question qui est posée. La réponse est que l'on est dans une véritable difficulté, car on n'a pas un vrai marché de l'emploi européen, ou, comme disait notre collègue Savary, nous avons un marché qui est sauvage. Il suffit pour éclairer le débat de citer deux chiffres : le salaire minimum en Bulgarie – 184 euros – et celui au Luxembourg – 1 923 euros. C'est quand même très tentant pour les Bulgares de venir travailler chez nous, même au Smic. On a là une vraie difficulté. On a un marché de l'emploi qui n'est pas régulé, pas organisé, mais, en même temps – et c'est le principe de l'Europe – on a organisé la liberté de circulation des travailleurs. On ne peut résoudre cette tension qu'en créant une régulation du marché de l'emploi, seule à même de contrer ces distorsions sociales. Ce ne sera qu'à partir de ce moment-là que l'on pourra parler d'un vrai marché du travail européen. C'est toute la problématique de la révision de la directive sur le détachement des travailleurs. L'idée du droit d'option est compliquée, car qui va définir la manière de lever l'option ? Il faut avoir un dispositif permettant de créer cette convergence, qui, bien sûr, doit être ascendante.
Deuxième sujet connexe que nous défendons : la question du compte personnel – en lien avec la carte de travailleur européen que défend Gilles Savary. Il ne s'agit pas de plaquer le modèle français – d'ailleurs nous en sommes encore aux balbutiements. Ce qui est important, c'est l'idée derrière cette notion de compte : les droits ne sont plus liés au contrat mais à l'individu, et sont garantis collectivement. C'est ce qu'on a fait il y a soixante-dix ans avec la Sécurité sociale. L'idéal serait que ces droits soient garantis collectivement au niveau européen – nous n'y sommes pas encore. Cette idée est sous-jacente aussi dans ma proposition d'assurance chômage européenne, avec un socle garanti collectivement par l'ensemble des pays membres. Elle est importante, car elle nous permet de résoudre deux problèmes : celui de la mobilité, d'une part, et, d'autre part, le problème le plus important de la nouvelle économie qui est la pluriactivité. La forme de salariat classique que l'on connaît est en train d'éclater : ce n'est pas la relation au travail qui change, mais le fait que les gens basculent autour de nous dans des formes de pluriactivité. La notion de compte a un mérite extraordinaire : chaque activité vient abonder le compte et résout donc à la fois le problème de la mobilité et celui de la pluriactivité. C'est pour cela que je pense qu'elle est porteuse.
Sur la zone euro, notre réponse n'est pas idéologique mais pragmatique : nous recherchons l'efficacité. Or, la zone euro est celle qui a le plus intérêt à mettre en oeuvre le socle, car elle est très fragile et a intérêt à se consolider. La zone euro a plus d'intérêt à agir et donc peut-être plus de chance de réussir, quitte à s'élargir aux autres États membres par la suite.