Intervention de Hélène Geoffroy

Réunion du 6 décembre 2016 à 17h00
Commission des affaires économiques

Hélène Geoffroy, secrétaire d'état chargée de la ville :

La loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, portée par M. François Lamy, a donné une nouvelle forme à la politique de la ville. Cette loi a constitué une avancée importante, même si les travaux des rapporteurs de la mission de contrôle sur la mise en application de ladite loi, MM. François Pupponi et Michel Sordi, ont pu en montrer certaines difficultés d'application et suggérer des voies d'amélioration.

Permettez-moi de rappeler les grands axes de cette loi d'envergure et les actions concrètes qui ont été mises en oeuvre.

Il s'agissait, non pas de faire table rase du passé, mais de simplifier la géographie prioritaire qui pouvait paraître illisible, peu compréhensible par les citoyens et les professionnels. L'éligibilité des quartiers à la politique de la ville, les dispositifs d'exception, la succession de sigles bien connus de tous ceux qui travaillent sur la politique de la ville depuis longtemps étaient autant d'éléments qui nécessitaient des clarifications. Le premier axe a donc été de simplifier la géographie prioritaire, en retenant pour seul critère d'identification des quartiers de la politique de la ville le revenu médian des habitants. C'est ainsi que 1 512 quartiers ont été retenus. Depuis deux ans et demi que cette géographie prioritaire a été installée, tout le monde a pu constater son efficience, puisqu'elle a permis de mettre en avant d'autres types de difficultés liées à la précarité – santé, accès à l'emploi, éducation, habitat.

Le deuxième axe a consisté à mettre en place les contrats de ville, pour accompagner cette géographie prioritaire de façon utile. Même si, en matière de politique de la ville, on a l'habitude des partenariats, il était important d'inscrire de façon formalisée dans la durée un plan d'action, des objectifs que l'on pouvait fixer au niveau national, avec des axes d'intervention déclinés sur chaque territoire. Ces contrats de ville, portés par les intercommunalités avec les communes, regroupent à la fois les élus locaux, les services de l'État, les bailleurs sociaux, la Caisse d'allocations familiales (CAF), les associations structurantes et les habitants au travers des conseils citoyens créés par la loi de 2014. Ces contrats de ville ont permis de savoir ce qui se passe réellement sur le territoire en termes d'intervention, de faire des diagnostics et ensuite de parler du droit commun.

Le troisième axe, c'est la poursuite du renouvellement urbain, ainsi que son approfondissement. C'est le sens du lancement du NPNRU, qui poursuit la transformation de nos quartiers, en s'intéressant à la question du logement mais aussi, plus largement, à celle du cadre de vie des habitants des quartiers populaires, ce qui comprend les écoles avant tout, les équipements sportifs et culturels de proximité ainsi que l'accès à ces quartiers, parfois trop enclavés.

Enfin, le dernier axe, celui qui a permis d'accompagner les trois premiers, est l'organisation de la participation des habitants aux décisions qui les concernent à travers les conseils citoyens. Il en existe aujourd'hui 860 dans nos quartiers de la politique de la ville. Ce ne sont pas seulement des instances d'information et de concertation, ils sont amenés à participer à la construction de la décision. Ils sont maintenant installés au coeur des comités de pilotage, et la loi a prévu leur autonomie. C'est la première fois que la démocratie locale participative est inscrite sous cette forme dans la loi.

Ces conseils citoyens permettront une évaluation directe avec l'expertise des habitants. De son côté, le Parlement, dans sa mission d'évaluation des politiques publiques, contribuera également à agir sur un certain nombre de leviers. C'est pourquoi je tenais à vous remercier pour le travail accompli et à venir. Nous devons être capables de montrer aux observateurs qu'au-delà des transformations physiques que tout le monde peut constater, la politique de la ville produit bien des effets.

La politique de la ville se construit en particulier dans trois domaines : le renouvellement urbain, l'éducation et l'emploi.

Action phare de cette politique, le programme de réussite éducative (PRE) est budgétairement le plus important, avec 77 millions d'euros. Il recouvre 510 programmes dans 600 communes et bénéficie à 91 000 élèves, dont 80 % sont inscrits dans des parcours individualisés. Dix ans après sa création, nous nous sommes appuyés sur deux études d'évaluation, qualitative et quantitative, pour en refondre la gouvernance, le fonctionnement et le contenu socle des actions. Nous sommes convaincus que les parents, qui sont concernés dans les politiques de coéducation, doivent être considérés comme des partenaires de la gouvernance, de même que l'éducation nationale. Le nouveau programme de réussite éducative permet ainsi de réunir la ville, l'éducation nationale, l'ensemble des acteurs qui interviennent dans le champ de l'action sociale et les parents des enfants concernés. Nous avons également mobilisé la CAF et les conseils départementaux. Aujourd'hui, certains s'interrogent sur un portage au niveau intercommunal pour donner plus d'efficacité.

L'accès à l'emploi et le développement économique sont apparus indispensables dans la volonté de réussite de la politique de la ville. Il a fallu s'assurer que le droit commun s'inscrivait bien dans nos contrats de ville, donc que les dispositifs d'accès à l'emploi mis en place concernaient bien les habitants des quartiers populaires. L'expérience a, en effet, montré que sans être assortie d'objectifs, une politique publique lancée au niveau national pouvait avoir moins d'impact là où on la pensait la plus nécessaire, là où la difficulté est la plus grande. Le Gouvernement a donc été attentif et les jeunes des QPV représentent 20 % des bénéficiaires des emplois d'avenir et 22 % de ceux de la garantie jeunes, et ils ont aussi accès aux contrats initiative emploi (CIE)-Starter. Cette politique porte ses fruits puisque, pour la première fois depuis huit ans, le chômage diminue aussi dans les quartiers inscrits en politique de la ville – il a baissé de près de 2 % entre octobre 2015 et octobre 2016. C'est bien lorsque l'on mène une politique volontariste en matière d'emploi, en vérifiant que les jeunes des quartiers populaires ou les adultes en contrats aidés y sont bien inscrits, que les dispositifs produisent leurs effets.

En matière de politique de développement économique, le comité interministériel à l'égalité et à la citoyenneté du mois d'avril 2016 a lancé l'Agence France Entrepreneur, dotée d'un budget de 20 millions d'euros, avec la volonté de réaliser un travail plus concerté sur nos territoires. Il ne s'agit pas de se substituer à ce que font déjà les communautés d'agglomération, les régions et les communes, mais de produire une capacité d'accompagnement supplémentaire auprès de nos publics. Son action va commencer en cette fin d'année, et nous ne tarderons pas à voir remonter les dossiers auprès de l'AFE, qui est opérationnelle depuis cet automne, avec un président et un conseil d'administration maintenant pleinement installés.

Le renouvellement urbain est un travail d'ensemble qui doit prendre en compte aussi bien le logement et l'amélioration du bâti que les commerces. Au terme du premier programme de renouvellement urbain, 62 % des habitants estiment que leur quartier est mieux qu'avant, 81 % apprécient les nouveaux bâtiments et la plupart jugent bien ou très bien les nouveaux équipements. La question n'est donc plus de savoir si la transformation des quartiers est une bonne chose, mais plutôt comment on peut poursuivre dans ce sens, tout en n'oubliant pas qu'on ne réussit pas une politique de la ville sans associer au renouvellement urbain une action sur l'emploi et sur l'éducation.

Un autre sujet d'inquiétude des habitants est le temps nécessaire pour engager des programmes de renouvellement urbain. Il faut donc pouvoir en mesurer, à chaque fois, la temporalité – c'est l'intérêt de la concertation avec les habitants – et l'accélérer lorsque cela est possible. Le NPNRU, engagé sur dix ans, va couvrir 216 projets d'intérêt national et 274 projets d'intérêt régional, soit 407 communes. Il est doté d'une enveloppe de 6 milliards d'euros, 5 milliards provenant des discussions avec Action Logement et 1 milliard d'une enveloppe votée en faveur de l'ANRU cet automne, dans le projet de loi de finances. Le retour de l'État dans l'ANRU marque une volonté de peser dans les discussions, afin que les équipements de proximité soient pris en compte, sachant qu'une partie de nos quartiers a plus de quarante ans et que les écoles constituent un sujet majeur à la fois d'attractivité et de mixité scolaire. Avec M. Patrick Kanner, le ministre de la ville, et Mme Najat Vallaud-Belkacem, la ministre de l'éducation nationale, nous avons confié au maire de Clichy-sous-Bois, M. Olivier Klein, la mission de dresser l'état des lieux des écoles dans les quartiers de la politique de la ville, de façon à accompagner notre réflexion, à la fois pour les quartiers bénéficiant du PNRU et pour les QPV sans renouvellement urbain marqué.

Dès 2017, 100 millions d'euros permettront aux collectivités de signer des conventions financières, après avoir mené un certain nombre d'études depuis 2014. Nous sommes face à des territoires très variés. Des bourgs-centres et des centres-villes, qui n'étaient pas des publics historiques de la politique de la ville, se sont révélés marqués par les mêmes caractéristiques : la précarité des habitants, une vacance commerciale réelle à laquelle les réponses sont différentes d'un territoire à l'autre, en fonction de la politique commerciale de l'agglomération. Refaire des commerces en centre-ville ou dans un grand ensemble, en fonction de ce qui se passe sur l'ensemble du territoire, n'est pas de même nature. Cette mission a été parfaitement intégrée par l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) qui travaille avec les responsables de la politique de la ville et la secrétaire d'État Martine Pinville. La dernière convention d'objectifs que nous avons signée avec cette dernière et Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement, prend très clairement en compte la façon dont la vacance commerciale, doit être retravaillée et permet d'accompagner les investissements immobiliers.

Parce que la politique de la ville a besoin que les collectivités accompagnent les actions en cours, les dotations ont été au coeur de l'action publique, avec la reconfiguration de la dotation globale de fonctionnement. La dotation de solidarité urbaine (DSU) a été augmentée de 180 millions d'euros et atteint aujourd'hui près de 2 milliards d'euros pour l'ensemble des collectivités qui en sont destinataires. Quant à la dotation politique de la ville (DPV), elle a été augmentée de 50 millions d'euros ; elle était de 100 millions d'euros précédemment. Enfin, le fonds de soutien à l'investissement local (FSIL) financera les équipements de proximité de toutes les villes de France, et une attention particulière sera portée aux quartiers de la politique de la ville. Le programme d'investissements d'avenir (PIA) consacrera une partie de ses crédits aux quartiers de la politique de la ville.

Je ne peux conclure sur cette question sans parler de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), qui a fait l'objet de nombreux débats au cours de l'année. Les arbitrages se feront jusqu'à la fin de l'examen du projet de loi de finances, des amendements ayant été déposés par les parlementaires. J'y reviendrai si vous le souhaitez.

Depuis 2014, nous avons réussi deux choses importantes, outre le renouvellement urbain que nous avions déjà entrepris.

La première, c'est la mobilisation du droit commun qu'il est indispensable de pouvoir mesurer dans les territoires. Pour être certain qu'une politique d'éducation ou de santé s'exerce sur nos territoires en politique de la ville, il fallait des outils que le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) a commencé à mettre en oeuvre. Avec les indicateurs créés, nous sommes aujourd'hui capables d'avoir des données à l'échelle de nos quartiers en politique de la ville, là où il n'y en avait qu'à l'échelle des villes. Ce travail a été possible grâce à des conventions interministérielles, et nous allons en signer de nouvelles au mois de janvier prochain qui intégreront tous les indicateurs grâce auxquels nos contrats de ville seront affinés et mieux évalués jusqu'en 2020.

La seconde réussite, c'est la participation des conseils citoyens. Nous les avons réunis durant tout l'automne et, en assemblée plénière, à La Villette, à la fin du mois d'octobre. En ayant consommé les 7 millions d'euros de budget de formation qui leur avaient été attribués cette année, tous ont exprimé leur capacité et leur envie de s'engager.

Le temps est maintenant venu de l'évaluation. Nous allons entrer dans ce processus de façon formalisée à partir de 2017. Ce sera une évaluation fine, humaine, au niveau infra-territorial. Nous veillerons à ce que ces évaluations soient centralisées par le CGET, afin que vous puissiez y avoir accès et accomplir votre mission d'évaluation.

Enfin, les modalités de fonctionnement de l'Observatoire national de la politique de la ville seront précisées. Il est temps également d'évaluer les parcours des habitants dans les quartiers populaires, en ne se limitant pas à des photographies successives mais en regardant sur plusieurs années si les familles vont mieux, si les habitants ont des choix de vie et de territoire de vie, si les politiques liées à l'emploi, à l'éducation, à la santé et à la culture montrent leurs effets. Évaluer notre politique publique de la ville en démontrant que les habitants en voient les effets très concrètement, c'est l'une des missions essentielles aujourd'hui.

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