L'installation des conseils citoyens a tenu compte de la réalité des territoires. La loi s'était voulue souple, sauf sur le principe qu'y participent des personnes habitant vraiment les quartiers prioritaires de la politique de la ville. En effet, les comités de quartiers déjà installés ne comptent pas forcément les habitants du QPV proprement dit.
Nous avons aussi veillé à l'autonomie des conseils citoyens. Ceux-ci ne devaient être ni une chambre d'opposition municipale – ce que pouvaient craindre les maires –, ni une chambre d'enregistrement constituée de représentants de la seule majorité municipale. Ils devaient être un lieu où est effectué un travail avec des habitants pas forcément formés ni intéressés d'emblée à ces questions, mais qui décident malgré tout de s'engager. Les résultats diffèrent selon les territoires.
Ces conseils citoyens, je les ai réunis tout au long des mois de septembre et octobre, par département et par intercommunalité. Une circulaire sortira dès le début de l'année prochaine, qui en reprécisera le fonctionnement et les principes, non pas pour homogénéiser l'ensemble des conseils citoyens, mais pour conforter ceux qui connaissent des difficultés, qui se plaignent de ne pas avoir accès aux documents et à l'information, de ne pas être dans les instances de pilotage, et pour donner des indications aux services de l'État, aux élus et aux conseils citoyens eux-mêmes. Sachez enfin que nous avons lancé une plateforme collaborative sur laquelle tous les conseils citoyens de France pourront échanger et, par-là, progresser ensemble.
Dans le registre des questions sociales et sociétales, vous m'avez interrogée sur la prévention de la radicalisation. Je ne fais pas l'amalgame entre quartiers populaires et radicalisation. Le débat public a pu être parfois stigmatisant pour les quartiers prioritaires de la politique de la ville, or la question concerne l'ensemble de la société. Cela n'empêche pas que nous travaillions aussi sur ce sujet dans les QPV. Le Gouvernement a ainsi consacré 3 millions d'euros supplémentaires à la prévention de la radicalisation, dans le cadre d'annexes aux contrats de ville prévoyant des plans d'action de prévention de la radicalisation. Il ne s'agit pas de lutter, mais de prévenir, au travers de diverses formations. Tous les acteurs de la politique de la ville – associatifs, fonctionnaires territoriaux, fonctionnaires de l'État –, sont appelés à se former pour détecter les signes de radicalisation. À Avignon, où j'assistais, le 8 novembre dernier, au lancement d'un de ces plans au centre Georges Devereux, des conseillers citoyens s'étaient inscrits à cette formation. A priori, ce sont ceux qui sont le plus en lien avec le public.
En matière de citoyenneté, le plan de formation « Valeurs de la République et laïcité » vise à former 10 000 acteurs d'ici à la fin de l'année 2017. C'est, à mes yeux, un sujet qui dépasse les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Il s'agit de se réapproprier les valeurs de la République et le principe de la laïcité par une meilleure connaissance de l'histoire.
Mme Marie-Hélène Fabre a parlé des Cadets de la défense ; ceux-ci n'entrent pas dans notre champ d'action. Pour notre part, nous travaillons beaucoup avec nos établissements pour l'insertion dans l'emploi (EPIDE), qui aident les jeunes à se restructurer. Ces EPIDE accueillent aujourd'hui 3 000 jeunes dans un contexte que l'on pourrait qualifier de militaire, même si ce n'est pas l'armée à proprement parler. Ils vivent en internat, portent un uniforme et saluent les couleurs ; on les y aide à trouver un projet professionnel. Nous pourrions néanmoins examiner la suggestion de Mme Marie-Hélène Fabre.
Le périmètre des contrats de ruralité est voisin de celui des contrats de ville, mais il n'y aura pas de concurrence entre les deux. Y aura-t-il des passages de l'un à l'autre ? C'est possible dans la mesure où certains territoires couvrent des réalités très différentes ; des intercommunalités peuvent à la fois porter des contrats de ruralité et des contrats de ville. Cela étant, il s'agit de politiques publiques que nous voulons cibler clairement, avec des lignes claires. N'ayez donc pas d'inquiétude pour les contrats de ville : ils sont le pilier de la politique de la ville et nous avons tous intérêt à continuer de les accompagner.
En matière de développement économique et d'emploi, Monsieur Guillaume Chevrollier, je ne réduis pas la politique de l'emploi aux contrats aidés. Mais une partie des jeunes étant éloignés de l'emploi par manque de formation initiale, les contrats aidés sont de véritables leviers en la matière. C'est aussi le cas des clauses d'insertion qui ont été inscrites dans les programmes de renouvellement urbain. Nous allons continuer à les pousser avec l'ensemble des structures qui font de l'insertion par l'activité économique, parce qu'elles constituent un réel accompagnement de l'activité et de la reprise de l'activité.
Nous travaillons en partenariat avec Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique, pour installer des startups dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, à côté de nos traditionnelles pépinières d'entreprises. Il importe que nous soyons présents là où il y a de l'énergie, de l'inventivité et de l'innovation. Et cela fonctionne bien. Des jeunes de ces quartiers, diplômés ou non, s'inscrivent dans ces startups pour des raisons de proximité, mais aussi pour l'exonération fiscale qui accompagne l'installation d'une activité. Nous avons prorogé les exonérations fiscales sous une autre forme, ce qui nous permet d'accueillir aujourd'hui de l'activité.
Au travers des chartes « Entreprises et Quartiers », nous travaillons à rapprocher les jeunes des entreprises, notamment des TPE et des PME. Une question est d'accueillir ces entreprises – c'est l'objet des exonérations fiscales et des mesures mises en place avec l'EPARECA –, une autre est de créer du lien entre les jeunes, les moins jeunes et les entrepreneurs. C'est un point que nous regardons de près dans le cadre de la politique de la ville, car l'accès à l'emploi et le changement de regard sur les personnes issues des quartiers font partie des enjeux. Enfin, les conditions d'installation seront améliorées avec l'aide de l'Agence France Entrepreneur, dont la vocation est d'accompagner la création d'entreprises.
En ce qui concerne le commerce et l'artisanat, l'EPARECA a mis en place un programme de financement de 200 millions d'euros pour l'immobilier d'entreprise. Par ailleurs, nous avons étendu la mesure d'exonération fiscale aux commerces de cinquante salariés. Cette exonération peut aussi être un moyen de retenir ou de faire revenir plus facilement des surfaces commerciales. Lorsque j'étais députée-maire de Vaulx-en-Velin, j'ai vu que l'on pouvait faire revenir des grandes surfaces en travaillant en même temps sur les questions commerciales, sur la transformation de l'environnement urbain et du bâti, et sur la sécurité. Et l'on évite aussi de se retrouver avec pour seuls commerces de la restauration rapide ou des call box. Sur ce sujet qui concerne toutes les villes, je crois que les outils très pragmatiques mis en place dans le cadre de la loi sur la politique de la ville permettront d'accompagner les évolutions souhaitées.
En ce qui concerne les réseaux d'éducation prioritaire, la ministre de l'éducation nationale a indiqué que l'intention du Gouvernement est bien de maintenir l'éducation prioritaire au niveau des lycées, et de poursuivre ce qui a été fait au niveau de l'école élémentaire où le dispositif « Plus de maîtres que de classes » et les réseaux d'éducation prioritaire sont bien installés. Le lien avec le collège, dont on sait que c'est le passage le plus délicat, se fait. Nous verrons, avec l'éducation nationale, s'il est nécessaire, dans le cadre des contrats de ville, de procéder à des ajustements. C'est précisément la force de nos contrats de ville que de pouvoir traduire en chiffres la réalité d'une action sur le territoire, ce qui manquait jusqu'à aujourd'hui.
La question de la mixité sociale, nous avons décidé de l'aborder de front, y compris à travers le projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté. La leçon que nous avons tirée du premier programme de renouvellement urbain, c'est que nous n'avons pas fait beaucoup évoluer la question de la mixité. Le bâti a été transformé, mais les quartiers les plus populaires le sont restés parce que les communes plus aisées ont trouvé plus confortable de laisser faire les villes qui savaient faire. Il faut donc accentuer le caractère contraignant, et la loi est là pour nous permettre d'avancer. Sinon, on risque de continuer à construire du logement très social dans des villes qui en sont déjà pourvues tandis que d'autres s'en exonèrent. Je ne connais pas votre situation, Monsieur Thierry Lazaro, mais la volonté seule ne suffit pas ; il faut trouver les moyens de la réaliser. J'ai bien compris cependant que vous partagiez ces objectifs, comme beaucoup. Aujourd'hui, au cours d'une réunion de l'ANRU, dont M. François Pupponi, ici présent, est le président, la construction de la mixité a été évoquée dans toutes les interventions.
L'articulation entre les quartiers d'habitat social et les quartiers anciens est devenue plus visible avec la politique de la ville. Aujourd'hui, une cinquantaine de quartiers sont inscrits dans le programme national de renouvellement urbain au titre de l'habitat ancien dégradé. Nous ne pourrons pas les traiter comme nous avons traité le problème des grands ensembles parce qu'ils concernent des zones dites « détendues » où la question du logement ne se pose pas avec la même prégnance. Dans d'autres cas, la question qui se pose est celle de la venue de bailleurs sociaux dans des copropriétés dégradées d'habitat privé. Je tiens à vous rassurer sur ce point, l'ANRU et l'Anah travaillent ensemble ; elles ont des programmes communs pour intervenir sur ces territoires et faire émerger la puissance du bailleur social, là où nous étions en train de travailler à la venue du privé dans les grands ensembles traditionnels. Enfin, les mécanismes de défiscalisation, tel le dispositif de la loi Malraux, devraient permettre d'accompagner ces objectifs d'amélioration de l'habitat.
J'en termine avec la question de la TFPB. Nous avons voulu cette exonération pour accompagner la gestion urbaine et sociale de proximité, la fameuse GUSP, qui doit permettre de continuer à entretenir l'habitat après le renouvellement urbain. Rien ne serait plus terrible que de rénover pour laisser ensuite l'habitat et le cadre de vie se dégrader. C'est un enjeu important pour nos territoires. Nous avons demandé des conventions entre les bailleurs sociaux et les communes pour qu'il y ait des contreparties affichées. Les uns et les autres s'y sont mis, même si ce n'est pas encore le cas partout. Nous sommes aujourd'hui à un moment charnière puisque personne ne conteste l'intérêt de la gestion urbaine et sociale de proximité ni le fait qu'il faille trouver des moyens de fonctionnement. L'adoption d'un amendement parlementaire a permis la création d'un droit d'option pour les maires. Des discussions sont toujours en cours pour trouver un équilibre permettant à la fois, aux maires, de s'assurer que les contreparties existent pleinement en conservant toute leur indépendance, et, aux bailleurs sociaux, d'avoir les moyens de mettre en oeuvre la gestion urbaine et sociale de proximité. Nous sommes dans la phase où nous recherchons le point d'équilibre, et nous travaillons avec tous les ministères concernés, dont le ministère du logement.
Je reste à votre disposition pour tout questionnement qui n'aurait pas trouvé de réponse dans mon propos.