Il faudra aussi un réarmement budgétaire. Notre pays ne consacre en effet que 3 % de son PIB à ses quatre piliers régaliens contre 34 % pour ce que l’on pourrait qualifier d’État-providence.
Or, ce texte ne répond pas à cette problématique. En effet, si 203 djihadistes sont revenus sur notre territoire, comme vous l’avez confirmé, monsieur le ministre, 687 sont encore présents sur zone, soit une hausse de 15 % depuis le début de l’année, dont une augmentation de 12 % de terroristes identifiés, et 40 % de ceux revenus de Syrie ne peuvent faire l’objet d’une judiciarisation immédiate, sans compter les 15 000 individus radicalisés présents sur notre territoire. Il ne répond pas davantage à la question des retours des femmes et des mineurs djihadistes qui seront les terroristes de demain : près de 400 sont présents sur zone, et les femmes représentent maintenant 40 % de ces djihadistes.
Quant aux sorties de prison, le coordinateur national du renseignement, jusqu’à sa candidature récente aux législatives comme candidat socialiste, s’est inquiété que 200 terroristes actuellement emprisonnés n’effectuent en réalité que la moitié de leur peine et soient libérés entre 2017 et 2020. Selon le principe de non-rétroactivité, ceux déjà jugés ne seront pas concernés par la suppression des réductions automatiques que vous avez fini par voter sur notre insistance, lors de la dernière prorogation de l’état d’urgence.
Face aux risques encourus, le Gouvernement donne une fois de plus le sentiment d’improviser. Après avoir rejeté notre proposition de loi relative à la lutte antiterroriste du 13 octobre et ma propre proposition de loi sur l’isolement électronique des détenus, qui aurait permis de traiter la question des prisons, aujourd’hui pépinières de djihadistes, où 15 % des terroristes au moins se sont radicalisés, vous annoncez de nouvelles mesures visant à prendre le relais de l’état d’urgence dans un projet de loi à venir sur la sécurité. On attend de voir ! Mais que de temps perdu, même si l’on ne peut vous le reprocher à vous, monsieur le ministre, alors que le Gouvernement avait toutes les clés en main.
Par ailleurs, vous n’utilisez pas en totalité les possibilités que vous donne l’état d’urgence, comme d’autres l’ont dit avant moi. Vous autorisez toutes les manifestations, même celles des ZAD – je pense à Notre-Dame-des-Landes –, très consommatrices d’effectifs pourtant déjà épuisés et victimes d’une hausse des violences de 14 %. Confrontés au désarmement pénal provoqué par les lois Taubira face à la délinquance de droit commun où le « gangstéro-terrorisme » trouve sa source, les policiers n’ont d’autre choix que de manifester, parfois en service, comme en ce moment même aux Invalides, pour tenter de se faire entendre.
Ils vous ont apparemment convaincus de réviser le régime de la légitime défense, alors que cela aurait dû être fait depuis longtemps, comme l’a dit notre collègue Guillaume Larrivé, après que vous avez rejeté nos cinq – je dis bien cinq – propositions de loi depuis le début de la mandature. Mais c’est loin d’être suffisant. Je crains, monsieur le ministre, que votre exhortation à sourire aux policiers croisés dans la rue ne les rassérénera pas forcément.
Au-delà de cette prorogation indispensable de l’état d’urgence jusqu’aux législatives, que vous auriez dû porter directement à un an comme le proposait Éric Ciotti, vous devez vous interroger sur la pertinence d’un cinquième renouvellement et mettre en oeuvre à la place une véritable législation antiterroriste de droit commun, en somme un état de haute sécurité. Vous avez repris, contraints et forcés, certaines de nos suggestions, mais nombre de nos préconisations, inspirées notamment par la commission d’enquête Fenech-Pietrasanta, restées lettre morte, demeurent valables car, contrairement aux assertions du Président de la République, notre arsenal n’est pas complet et non, nous n’avons pas tout essayé !
Décloisonner les services de renseignement, créer une agence nationale de lutte antiterroriste et lancer un troisième plan de lutte antiterroriste ;…