Intervention de Nicolas Bays

Séance en hémicycle du 13 décembre 2016 à 21h30
Prorogation de l'état d'urgence — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Bays :

Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, monsieur le président de la commission de lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis le 7 janvier 2015, la France est en guerre. À l’attentat contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher ont tragiquement succédé les horreurs du Bataclan, de Nice, de Magnanville et de Saint-Étienne-du-Rouvray – autant de noms et de lieux gravés à jamais dans la mémoire nationale. En réponse à ces attentats, face à la folie meurtrière du terrorisme islamiste, la France a su se relever et se renforcer dans l’adversité. Contre la barbarie, comme un défi lancé à ceux qui veulent briser notre vivre-ensemble et faire plonger notre pays dans la guerre civile, nous avons réussi à prouver notre unité, et le Gouvernement a su mettre en oeuvre les mesures indispensables à la lutte contre le terrorisme. La majorité a compris, elle, qu’il fallait débloquer les moyens humains, légaux et financiers nécessaires, alors que certains ont refusé de voter la loi renseignement et que d’autres prônent la suppression de 500 000 postes de fonctionnaires. Augmentation du nombre de policiers et de militaires, accroissement pour la première fois en vingt ans du budget de la défense, vote de la loi renseignement, déclenchement de l’opération Sentinelle, intervention directe contre l’État islamique sont à mettre au crédit de la majorité et du Gouvernement. Je tiens à rendre hommage à notre ancien Premier ministre, Manuel Valls, qui a porté cette action avec réalisme.

La guerre que nous menons se joue sur deux terrains, deux théâtres d’opérations complémentaires qui impliquent des moyens et des dispositifs différents. Au Levant, nos troupes participent à la destruction de Daech. Après plusieurs mois d’opération, l’ennemi recule et se trouve aujourd’hui particulièrement affaibli. Mais même si toutes ces actions ont montré leur efficacité, la menace reste présente et elle est loin d’être éradiquée. Rien que depuis juillet, ce ne sont pas moins de douze projets d’attentat qui ont été déjoués par nos services de police et de renseignement, ce qui montre bien que la menace reste très forte et que notre ennemi ne va pas se laisser abattre sans combattre. Même si Daech recule sur le terrain grâce notamment à l’action formidable de nos troupes, l’idéologie ignoble qu’il propage n’est pas morte. Ses capacités de recrutement demeurent, et c’est pour cela que l’on doit proroger une nouvelle fois l’état d’urgence – même s’il ne s’agit ni d’une solution miracle ni d’une solution pérenne –, car c’est sur notre sol que se joue cette partie de la guerre.

Nous devons lutter contre la radicalisation dans certaines parties de notre territoire. Fermer les mosquées où l’on prêche la haine de la France et où l’on veut détruire, au nom de l’islam radical, tout ce qui fonde notre République est une nécessité absolue. Il ne doit plus y avoir d’angélisme ni de complaisance, parfois pour des raisons clientélistes, face à ces obscurantismes. Le combat contre l’islamisme radical passe aussi par une lutte pied à pied contre ceux qui imposent aux femmes de certaines villes de rester cloîtrées, rejettent la mixité et tendent à faire appliquer leurs dogmes religieux dans l’espace public. Aucune règle religieuse ne saurait être supérieure aux lois républicaines et c’est aussi notre devoir de lutter sur ce terrain. Nous devons éradiquer d’internet les sites de propagande islamiste qui diffusent la haine, tout comme il est temps d’en finir avec les sources de financement du terrorisme, ici comme ailleurs.

Si le droit doit s’appliquer, de tels actes relèvent-ils encore du système judiciaire classique ? Si nous devons la sécurité aux Français, nous leur devons également le respect de l’État de droit et des règles démocratiques. Nous avons le devoir d’obéir à cet impératif absolu d’équilibre entre efficacité et respect des droits, un équilibre entre capacité d’action et protection des libertés individuelles. Sans cet équilibre, nous laisserions le terrorisme saper les fondements de notre nation et de notre République. Alors oui à l’état d’urgence, tel que vous le proposez, monsieur le ministre ! Le dispositif, tel qu’il a été mis en place en 2015 et amélioré par la suite, respecte cet impératif d’équilibre ; cela a été démontré par le Conseil d’État ainsi que par le Conseil constitutionnel. On ne peut reprocher au Gouvernement de faire fi des droits de nos concitoyens et encore moins de leur sécurité. Ne tombons pas dans le piège tendu par les terroristes, mais également par les extrêmes ! Ne détruisons pas, au nom de la sécurité, ce qui fait que la France est la France : une République laïque, indivisible, solidaire, ouverte sur le monde et respectueuse des droits de chacun. Sans cela, et je le dis avec gravité, la France ne serait plus la France, et nous ne pouvons pas l’accepter.

Oui, la sécurité est un bien précieux, elle est le socle du bien-être de chacun de nos concitoyens. Il est de notre devoir de tout mettre en oeuvre pour qu’elle leur soit assurée. Mais sans liberté, elle deviendrait mortifère, et c’est cet équilibre que nous devons respecter à tout prix. Casser l’État de droit, briser les fondements de notre République par la création de règles discriminatoires ou de camps d’internement arbitraires, fermer la France sur elle-même, ce serait en réalité détruire notre pays. C’est justement ce que nous cherchons à éviter avec le vote de l’état d’urgence, tel que proposé par le Gouvernement. Les extrêmes comme les terroristes veulent détruire ce qui fonde la République ; face à eux, je vous le dis, cet état d’urgence se doit d’être la République, toute la République et rien que la République.

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