Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j’ai bien conscience d’être le dernier orateur inscrit dans la discussion générale. C’est sans doute le privilège du responsable du groupe SER.
Maintenir la France sous le régime d’exception de l’état d’urgence est une décision grave. Il est normal que des opinions diverses s’expriment dans cet hémicycle. J’ai entendu les réserves de Sébastien Pietrasanta, ainsi que celles de Sergio Coronado. Elles doivent être écoutées.
La démission du gouvernement de Manuel Valls amène le gouvernement de Bernard Cazeneuve à saisir le Parlement plus rapidement que nous ne l’avions prévu, ce qui ne permettra sans doute pas de tirer toutes les conclusions du très utile rapport d’information de Dominique Raimbourg et Jean-Frédéric Poisson.
Nous devons cependant prendre nos responsabilités. Vous l’avez dit, monsieur le ministre de l’intérieur : la menace est plus grande que jamais. Elle est aggravée par plusieurs facteurs. Daech régresse partout dans le monde et perd le contrôle des territoires qu’elle avait conquis. N’étant plus en mesure d’y accueillir de nouveaux djihadistes, l’organisation donne des instructions très claires : « Ne venez pas, mais perpétrez des attentats là où vous vous trouvez, avec des moyens simples : des camions, des armes blanches, des bombes artisanales. Faites-le à des endroits où la démocratie sera frappée au coeur. » Qu’est-ce qui peut frapper davantage une démocratie que de s’en prendre à des gens réunis pour préparer l’avenir du pays, au moment d’une élection présidentielle ou d’élections législatives ?
Tout cela a déjà été dit, mais je le répète d’une manière très simple, peut-être même trop directe : les grands rassemblements de femmes et d’hommes réunis pour définir ce qu’il faudra faire demain, ce qui sera bon pour notre pays, seront des cibles, non seulement parce que ce seront des groupements d’individus, mais aussi parce qu’ils seront le coeur battant de la démocratie. Nous devons donc prendre nos responsabilités.
J’entends dire qu’on a déjà fait beaucoup et que l’état d’urgence serait donc, d’une certaine manière, vidé de sa substance. Je respecte cette idée. Mais si notre droit commun actuel couvre totalement le champ de l’état d’urgence, pourtant avoir autant peur de ce dernier ? La réalité est un peu différente. L’état d’urgence va plus loin que le droit commun actuel, et nous en avons besoin – j’allais presque dire « malheureusement ».
Pourquoi proroger l’état d’urgence ? Parce que la menace est intense. Parce que, techniquement, nous avons besoin de disposer des moyens de contrôle des grandes foules que seul l’état d’urgence procure. Parce que nous avons aussi besoin de maintenir assignés à résidence certains individus, à la vérité très peu nombreux, mais qui doivent être empêchés d’agir sans pour autant pouvoir être judiciarisés dans l’immédiat. Parce que, contrairement à ce que j’entends dire ici ou là, les perquisitions administratives de jour comme de nuit ne sont pas devenues inutiles. Il suffit de lire le rapport de Dominique Raimbourg pour apprendre que, dès que ces perquisitions administratives ont été réinstituées, elles ont permis d’engager un certain nombre de poursuites judiciaires.
Cependant, toutes ces mesures doivent être conduites sous le contrôle étroit du juge. Permettez-moi simplement de citer les propos du vice-président du Conseil d’État, Jean-Marc Sauvé, dans un entretien au Monde à propos des placements en résidence surveillée et des perquisitions : « Le juge exerce en matière de légalité un triple contrôle sur le caractère nécessaire, adapté et proportionné des mesures contestées. » On ne peut donc pas prétendre sérieusement que l’état d’urgence donnerait lieu à je ne sais quels dérapages. S’il devait y en avoir, ils seraient sanctionnés à bon droit.
Quant au contrôle parlementaire, mes chers collègues, toutes les données sont disponibles, qu’il s’agisse du nombre d’assignations, de perquisitions ou des résultats obtenus… N’est-ce pas le signe du bon fonctionnement de la démocratie, y compris sous l’empire de l’état d’urgence ?
Le rapport de Dominique Raimbourg comporte de nombreuses préconisations. L’une des plus importantes, concordante avec l’avis du Conseil d’État, est de limiter la durée du placement en résidence surveillée. C’est chose faite : le Gouvernement avait proposé quinze mois, la commission des lois a proposé et voté douze mois avec un délai permettant de traiter les cas les plus anciens. Au-delà de cette durée, le juge administratif interviendra. Nous allons certainement en reparler, monsieur le ministre, mais je pense que nous pouvons vous remercier de votre soutien.
Reste la question de la sortie de l’état d’urgence. Évidemment, cette question se pose car, comme tout le monde l’a dit, l’état d’urgence ne peut pas être prolongé indéfiniment.