Intervention de Nicolas Sansu

Séance en hémicycle du 15 décembre 2016 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2017 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Sansu :

…qui, si la droite arrivait au pouvoir, pourrait être le cheval de Troie d’une flat tax qui mettrait fin à la progressivité de l’impôt.

Le grand sujet sur lequel la législature aura pleinement contredit l’engagement de la gauche, diverse mais unie en 2011, c’est le basculement de milliards d’euros de prélèvements des entreprises vers les ménages. Le rapport de Valérie Rabault comme les études de l’Observatoire français des conjonctures économiques sont éclairants : la législature aura consacré la politique de l’offre, en accroissant les prélèvements sur les ménages, notamment par la TVA, l’impôt le plus injuste, de 30 milliards d’euros alors que les prélèvements sur les entreprises auront diminué de 20 milliards d’euros, sous les effets conjugués du CICE et des baisses ou des exonérations totales de cotisations sociales pour les bas salaires.

Personne ne nie qu’il y ait besoin de soutenir certains secteurs, notamment industriels, mais ne cachons pas que le CICE aura été un véritable gâchis, puisque, en matière d’emploi comme de croissance, les résultats sont faméliques. Un million d’inscrits en plus à Pôle emploi en novembre 2016 par rapport à juillet 2012… C’est la persistance dans l’erreur qui nous inquiète, puisqu’on fait passer de 6 à 7 % le taux du CICE dans le projet de loi de finances pour 2017, ce qui coûtera plus de 3 milliards d’euros, laissant accroire que le seul élément de compétitivité serait, comme cela est improprement énoncé, « le coût du travail ».

Cette croyance dans la course au moins-disant est d’une stupidité sans pareille : le rapport du Forum économique mondial sur la compétitivité identifie douze raisons qui poussent les entreprises à investir dans un pays. Parmi les plus importantes on ne trouve pas le coût du travail : ce sont les qualités des infrastructures, la présence d’une main d’oeuvre qualifiée et en bonne santé, ainsi que la stabilité sociale.

Or, pour donner cet environnement favorable à l’emploi et à l’égalité des territoires, l’accent mis sur la diminution des prélèvements des entreprises sans conditionnalité, sans sectorisation, est non seulement injuste mais inefficace.

Nous ne pouvons que regretter que ce poison utilisé par les libéraux ait gagné les rangs de la social-démocratie, partout sur le globe. En trente ans, les bénéfices nets des entreprises ont explosé, quand leur contribution à l’effort national n’a pas progressé. Une étude du cabinet McKinsey, cabinet de consultants auprès des entreprises dans le monde entier, relève qu’en dollars constants, les bénéfices nets déclarés par les plus grandes entreprises ont plus que triplé, passant de 2 000 milliards de dollars en 1980 valeur 2013, à 7 200 milliards de dollars en 2013.

Dans le même temps, nous avons assisté à une réduction de la fiscalité des entreprises dans le monde. Aussi le taux moyen d’imposition des entreprises au niveau mondial est-il passé en dix ans de 27,5 % à 23,6 %. Dans les pays du G20, le taux d’imposition moyen est passé de 40 % en 1990 à moins de 30 % aujourd’hui. Et, selon l’OCDE, les recettes que collectent les pays de l’OCDE via l’impôt sur les sociétés sont passées de 3,6 points de PIB en 2007 à 2,8 points aujourd’hui.

Je rappelle que dans notre pays, après le CICE, sans compter la baisse du taux de 33 à 28 % dont le principe est inscrit dans ce projet, l’impôt sur les sociétés ne représente plus que 1,4 point de PIB en 2017 et 1,25 point à l’horizon 2018. Autant dire que sans un élargissement de l’assiette, cet impôt est voué à la disparition.

L’ONG Oxfam note par ailleurs que le plan BEPS – pour Base erosion and profit shifting, soit base d’imposition et le transfert de bénéfices – qui a été conclu récemment a eu pour conséquence de niveler par le bas l’imposition des sociétés. D’ailleurs, les faits donnent raison à Oxfam : le Royaume-Uni, la Hongrie, la Belgique, le Luxembourg et malheureusement la France viennent d’annoncer une baisse de l’impôt sur les sociétés.

A contrario, les dividendes versés s’envolent. Pour les entreprises du CAC 40, ce sont entre 40 et 50 milliards d’euros de dividendes versés chaque année, représentant près de 80 % de profits réalisés. Quel gâchis de richesses créées !

Ces dizaines de milliards, accaparés par une caste sans scrupule, se retrouvent bien souvent dans la grande lessiveuse des paradis fiscaux. Même si des avancées pour combattre l’évasion et la fraude fiscales, trop timides à notre sens, peuvent être saluées, il reste de véritables scandales. Selon Oxfam, parmi les dix pires paradis fiscaux, cinq sont européens dont quatre sont membres de l’Union européenne : les Pays-Bas valeureux troisième derrière les Bermudes et les îles Caïmans, la Suisse au pied du podium…

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