Intervention de Georges Fenech

Réunion du 14 décembre 2016 à 10h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorges Fenech, rapporteur :

Je me félicite à mon tour qu'au terme d'un long cheminement, nous aboutissions à un texte fort satisfaisant. Nous avions effectivement quelques craintes quant à la position sénatoriale. C'est pourquoi je tiens vraiment à remercier M. Jean-Jacques Urvoas qui, tenant lui-même beaucoup à ce texte, a joué le rôle inhabituel d'amiable compositeur entre le Sénat et notre assemblée.

Ce texte répond à une attente des acteurs du monde judiciaire qui, tous, nous avaient fait part de l'incohérence résultant de l'empilement des décisions jurisprudentielles et des textes législatifs. Le procureur général près la Cour de cassation a même parlé d'un véritable « chaos ». Il fallait donc remettre les choses en perspective, pas seulement pour le confort juridique des acteurs de la justice, mais aussi pour répondre à une attente réelle de notre société qui, davantage soucieuse de mémoire que d'oubli, ne pouvait plus admettre que des crimes extrêmement graves soient frappés de prescription. Chacun se souvient de l'affaire dite « Émile Louis », dans laquelle il a fallu torturer les textes pour que la prescription ne soit pas retenue et pour que le tueur de l'Yonne soit jugé. La même démarche a dû être adoptée pour d'autres affaires, et au plus haut niveau, puisque la Cour de cassation en assemblée plénière a retenu un motif général de suspension du délai de prescription de l'action publique dans l'affaire dite de l'« octuple infanticide ».

Certaines décisions ont été prises contra legem, du moins contre la volonté du législateur, notamment en matière d'infractions astucieuses pour lesquelles la Cour a retenu la théorie dite de la révélation. Nous avons fait le choix de consacrer cette jurisprudence, et le Sénat a fini par se rallier à notre position, à la condition essentielle – que nous avons acceptée – d'instaurer un délai butoir de douze ans en matière délictuelle et de trente ans en matière criminelle. On ne pourra donc avancer l'argument de l'imprescriptibilité de fait de certains délits.

Voilà donc un texte qui a recueilli le consensus de notre assemblée, du Sénat, du Conseil d'État et du monde judiciaire. Il sera intéressant, au cours d'une prochaine législature, d'évaluer ce dispositif très novateur, qui va bouleverser en profondeur une justice pénale jusqu'alors figée dans des délais illusoires, fixés sous Napoléon Ier.

Bien entendu, le groupe Les Républicains votera ce texte.

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