Intervention de Philippe Duron

Séance en hémicycle du 19 décembre 2016 à 16h00
Liaison ferroviaire entre paris et l'aéroport paris-charles-de-gaulle — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Duron, rapporteur de la commission mixte paritaire :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, mes chers collègues, nous arrivons cet après-midi au terme du parcours législatif permettant la réalisation du Charles de Gaulle Express, ce projet de ligne ferroviaire directe entre l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle et la gare de l’Est, à Paris.

Tout au long des discussions, à l’Assemblée nationale, au Sénat puis, le 30 novembre dernier, en commission mixte paritaire, une large majorité s’est exprimée en faveur de ce projet nécessaire et attendu. Il l’est, je le redis ici, non seulement pour notre capitale mais aussi pour l’Île-de-France et, plus généralement, pour notre pays.

C’est d’abord un enjeu de mobilité pour l’Île-de-France. L’actualité nous a rappelé les difficultés rencontrées fréquemment par les usagers du RER B, dont le service a été interrompu pendant vingt-quatre heures, le 6 décembre dernier, à la suite d’une rupture de caténaire. Au-delà de la fatigue, de l’inquiétude voire de la colère des dizaines de milliers d’usagers concernés, cet incident remet en lumière, s’il en était besoin, les problèmes de saturation et de vieillissement du réseau ferroviaire Trancilien. Et ces problèmes se combinent à la saturation des accès routiers du faisceau nord, les autoroutes A1 et A3 acheminant plus des deux tiers des usagers aériens. Le projet Charles de Gaulle Express vise ainsi à fluidifier le transport public en Île-de-France, en complémentarité avec les transports du quotidien que sont le RER B et les futures lignes du Grand Paris Express.

Ne bénéficiant pas du moindre euro d’argent public – notre collègue Albarello sait bien pourquoi –, il ne prive de surcroît d’aucun investissement de modernisation le RER B, qui fait d’ailleurs déjà l’objet d’un vaste programme de modernisation contractualisé entre le STIF – le Syndicat des transports d’Île-de-France – et la SNCF. De plus, une enveloppe de 125 millions est spécifiquement prévue pour améliorer le fonctionnement de la ligne RER B et faire coexister au mieux les deux services ferroviaires.

C’est aussi un enjeu d’attractivité pour notre territoire. En améliorant la qualité de la liaison aéroport-capitale, en garantissant un temps de parcours de vingt minutes – alors qu’il est aujourd’hui très incertain –, cette réalisation soutient en effet le maintien et le développement de l’activité touristique, devenue l’un des principaux secteurs d’activité.

C’est enfin un enjeu d’efficacité pour l’aéroport de Roissy, puisque le projet doit accompagner l’augmentation des trafics : 100 millions de passagers par an sont attendus en 2030, alors que la plateforme aéroportuaire en supporte 65 millions aujourd’hui. Quand on sait qu’1 million de passagers supplémentaires génèrent 4 000 emplois, on mesure également l’enjeu économique qui en découle pour notre territoire.

Le projet, il n’est pas inutile de le rappeler, présente l’avantage d’avoir une faible marque environnementale, monsieur le président. La ligne utilisera 24 kilomètres de voies existantes et seulement 8 kilomètres de voies nouvelles, qui longeront l’interconnexion LGV vers Lille, afin de préserver le plus possible le foncier agricole et naturel mais aussi de réduire les coûts d’expropriation et de travaux dans les zones urbaine et périurbaine.

Le projet, vous le savez bien, mes chers collègues, a connu bien des vicissitudes, qui ont porté essentiellement sur son montage financier. Le dernier projet de concession globale, qui associait infrastructure et exploitation, n’ayant pu aboutir, il a fallu trouver une solution innovante pour ce nouveau projet, sans apport d’argent public, conformément aux injonctions de la loi relative au Grand Paris.

L’infrastructure sera donc gérée sous la forme d’une société de projet, associant le groupe Aéroports de Paris, évidemment très intéressé par cette infrastructure, et SNCF Réseau, qui possède les deux tiers de l’emprise de la future liaison ainsi que l’expertise nécessaire pour la gérer.

Ce projet de loi vise aussi à associer la Caisse des dépôts et consignations, qui possède une grande expérience des montages financiers complexes et des problématiques juridiques liés à ce type d’infrastructure, comme elle a pu le prouver avec la réalisation de la rocade L2 à Marseille.

Le Sénat a amélioré le texte adopté par l’Assemblée nationale. Des articles additionnels permettent désormais à la Caisse des dépôts d’être partenaire de la société de projet dès la signature du contrat de concession mais aussi d’intégrer davantage de souplesse dans les délais d’expropriation, afin de favoriser le plus possible les négociations amiables avec les propriétaires fonciers sur les 8 kilomètres de la ligne projetée entre Mitry-Mory et l’aéroport. Étant en accord sur ces dispositions, nous les avons adoptées lors de la commission mixte paritaire.

Une discussion de fond a eu lieu, dans nos deux assemblées et au sein de la CMP, sur les questions financières et l’exception à la règle d’or, nécessaire pour assurer le montage du projet.

Sur le financement, le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, M. Alain Vidalies, a précisé récemment la répartition de l’apport en capital à la société de projet : l’engagement du gestionnaire de l’infrastructure, composé d’ADP, de SNCF Réseau et probablement de la Caisse des dépôts, portera sur un montant total de fonds propres de 400 millions d’euros. Il a ajouté qu’ADP s’était prononcé sur 100 millions d’avances remboursables pour compléter le tour de table.

En outre, pour pouvoir emprunter le milliard d’euros nécessaire à l’équilibre du projet, il fallait donner aux banques des gages de confiance : tel était le sens de la taxe de 1 euro sur les billets d’avion initialement prévue, qui devait s’appliquer dès la phase de travaux. Sur ce point, le Gouvernement a entendu les remarques formulées ici même par les députés, nombreux à s’inquiéter, vous vous en souvenez, de l’avenir d’Air France et d’autres compagnies aériennes desservant la plateforme de Roissy, et donc de l’impact de cette taxe, qui n’apporterait aucun avantage pour les usagers durant la phase de construction. Le Gouvernement a par conséquent accepté de reporter à 2024 l’application de cette taxe. La décision d’ADP concernant les avances remboursables constitue un moyen de financement intermédiaire pour compenser ce report et sera donc le gage de robustesse nécessaire attendu par les prêteurs.

Le choix d’un compromis a donc été fait pour permettre à la fois de répondre aux inquiétudes justifiées des parlementaires quant à une aggravation inutile de l’endettement de SNCF Réseau et de faire aboutir ce projet dans un délai extrêmement contraint. Notre candidature à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 ainsi qu’à l’Exposition universelle implique en effet l’achèvement des travaux avant la fin de l’année 2023. Je m’en suis rendu compte moi-même, certaines phases de travaux seront extrêmement complexes et nécessiteront bien les cinq années pleines prévues. Par conséquent, la société de projet doit être montée d’ici à la fin de cette année et les procédures foncières doivent être engagées dès le début de 2017.

Nous nous sommes fondés, pour ce compromis sur la rédaction de l’amendement déposé par notre collègue sénateur Vincent Capo-Canellas, qui avait permis de faire progresser le texte. J’ai déposé un amendement en CMP pour modifier légèrement cette rédaction et en améliorer ainsi la sécurité juridique. Il était en effet indispensable d’éviter de faire disparaître tout risque dans le contrat de concession, pour rendre le projet « eurocompatible », dans la mesure où l’Union européenne nous a déjà accordé à titre exceptionnel l’autorisation de créer cette infrastructure sans mise en concurrence.

Mes chers collègues, nous avons travaillé collectivement et en bonne intelligence, durant plusieurs mois, depuis la rentrée,…

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