La séance est ouverte.
La séance est ouverte à seize heures.
L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, des dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à une liaison ferroviaire entre Paris et l’aéroport Paris-Charles de Gaulle (no 4269).
La parole est à M. Philippe Duron, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, mes chers collègues, nous arrivons cet après-midi au terme du parcours législatif permettant la réalisation du Charles de Gaulle Express, ce projet de ligne ferroviaire directe entre l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle et la gare de l’Est, à Paris.
Tout au long des discussions, à l’Assemblée nationale, au Sénat puis, le 30 novembre dernier, en commission mixte paritaire, une large majorité s’est exprimée en faveur de ce projet nécessaire et attendu. Il l’est, je le redis ici, non seulement pour notre capitale mais aussi pour l’Île-de-France et, plus généralement, pour notre pays.
C’est d’abord un enjeu de mobilité pour l’Île-de-France. L’actualité nous a rappelé les difficultés rencontrées fréquemment par les usagers du RER B, dont le service a été interrompu pendant vingt-quatre heures, le 6 décembre dernier, à la suite d’une rupture de caténaire. Au-delà de la fatigue, de l’inquiétude voire de la colère des dizaines de milliers d’usagers concernés, cet incident remet en lumière, s’il en était besoin, les problèmes de saturation et de vieillissement du réseau ferroviaire Trancilien. Et ces problèmes se combinent à la saturation des accès routiers du faisceau nord, les autoroutes A1 et A3 acheminant plus des deux tiers des usagers aériens. Le projet Charles de Gaulle Express vise ainsi à fluidifier le transport public en Île-de-France, en complémentarité avec les transports du quotidien que sont le RER B et les futures lignes du Grand Paris Express.
Ne bénéficiant pas du moindre euro d’argent public – notre collègue Albarello sait bien pourquoi –, il ne prive de surcroît d’aucun investissement de modernisation le RER B, qui fait d’ailleurs déjà l’objet d’un vaste programme de modernisation contractualisé entre le STIF – le Syndicat des transports d’Île-de-France – et la SNCF. De plus, une enveloppe de 125 millions est spécifiquement prévue pour améliorer le fonctionnement de la ligne RER B et faire coexister au mieux les deux services ferroviaires.
C’est aussi un enjeu d’attractivité pour notre territoire. En améliorant la qualité de la liaison aéroport-capitale, en garantissant un temps de parcours de vingt minutes – alors qu’il est aujourd’hui très incertain –, cette réalisation soutient en effet le maintien et le développement de l’activité touristique, devenue l’un des principaux secteurs d’activité.
C’est enfin un enjeu d’efficacité pour l’aéroport de Roissy, puisque le projet doit accompagner l’augmentation des trafics : 100 millions de passagers par an sont attendus en 2030, alors que la plateforme aéroportuaire en supporte 65 millions aujourd’hui. Quand on sait qu’1 million de passagers supplémentaires génèrent 4 000 emplois, on mesure également l’enjeu économique qui en découle pour notre territoire.
Le projet, il n’est pas inutile de le rappeler, présente l’avantage d’avoir une faible marque environnementale, monsieur le président. La ligne utilisera 24 kilomètres de voies existantes et seulement 8 kilomètres de voies nouvelles, qui longeront l’interconnexion LGV vers Lille, afin de préserver le plus possible le foncier agricole et naturel mais aussi de réduire les coûts d’expropriation et de travaux dans les zones urbaine et périurbaine.
Le projet, vous le savez bien, mes chers collègues, a connu bien des vicissitudes, qui ont porté essentiellement sur son montage financier. Le dernier projet de concession globale, qui associait infrastructure et exploitation, n’ayant pu aboutir, il a fallu trouver une solution innovante pour ce nouveau projet, sans apport d’argent public, conformément aux injonctions de la loi relative au Grand Paris.
L’infrastructure sera donc gérée sous la forme d’une société de projet, associant le groupe Aéroports de Paris, évidemment très intéressé par cette infrastructure, et SNCF Réseau, qui possède les deux tiers de l’emprise de la future liaison ainsi que l’expertise nécessaire pour la gérer.
Ce projet de loi vise aussi à associer la Caisse des dépôts et consignations, qui possède une grande expérience des montages financiers complexes et des problématiques juridiques liés à ce type d’infrastructure, comme elle a pu le prouver avec la réalisation de la rocade L2 à Marseille.
Le Sénat a amélioré le texte adopté par l’Assemblée nationale. Des articles additionnels permettent désormais à la Caisse des dépôts d’être partenaire de la société de projet dès la signature du contrat de concession mais aussi d’intégrer davantage de souplesse dans les délais d’expropriation, afin de favoriser le plus possible les négociations amiables avec les propriétaires fonciers sur les 8 kilomètres de la ligne projetée entre Mitry-Mory et l’aéroport. Étant en accord sur ces dispositions, nous les avons adoptées lors de la commission mixte paritaire.
Une discussion de fond a eu lieu, dans nos deux assemblées et au sein de la CMP, sur les questions financières et l’exception à la règle d’or, nécessaire pour assurer le montage du projet.
Sur le financement, le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, M. Alain Vidalies, a précisé récemment la répartition de l’apport en capital à la société de projet : l’engagement du gestionnaire de l’infrastructure, composé d’ADP, de SNCF Réseau et probablement de la Caisse des dépôts, portera sur un montant total de fonds propres de 400 millions d’euros. Il a ajouté qu’ADP s’était prononcé sur 100 millions d’avances remboursables pour compléter le tour de table.
En outre, pour pouvoir emprunter le milliard d’euros nécessaire à l’équilibre du projet, il fallait donner aux banques des gages de confiance : tel était le sens de la taxe de 1 euro sur les billets d’avion initialement prévue, qui devait s’appliquer dès la phase de travaux. Sur ce point, le Gouvernement a entendu les remarques formulées ici même par les députés, nombreux à s’inquiéter, vous vous en souvenez, de l’avenir d’Air France et d’autres compagnies aériennes desservant la plateforme de Roissy, et donc de l’impact de cette taxe, qui n’apporterait aucun avantage pour les usagers durant la phase de construction. Le Gouvernement a par conséquent accepté de reporter à 2024 l’application de cette taxe. La décision d’ADP concernant les avances remboursables constitue un moyen de financement intermédiaire pour compenser ce report et sera donc le gage de robustesse nécessaire attendu par les prêteurs.
Le choix d’un compromis a donc été fait pour permettre à la fois de répondre aux inquiétudes justifiées des parlementaires quant à une aggravation inutile de l’endettement de SNCF Réseau et de faire aboutir ce projet dans un délai extrêmement contraint. Notre candidature à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 ainsi qu’à l’Exposition universelle implique en effet l’achèvement des travaux avant la fin de l’année 2023. Je m’en suis rendu compte moi-même, certaines phases de travaux seront extrêmement complexes et nécessiteront bien les cinq années pleines prévues. Par conséquent, la société de projet doit être montée d’ici à la fin de cette année et les procédures foncières doivent être engagées dès le début de 2017.
Nous nous sommes fondés, pour ce compromis sur la rédaction de l’amendement déposé par notre collègue sénateur Vincent Capo-Canellas, qui avait permis de faire progresser le texte. J’ai déposé un amendement en CMP pour modifier légèrement cette rédaction et en améliorer ainsi la sécurité juridique. Il était en effet indispensable d’éviter de faire disparaître tout risque dans le contrat de concession, pour rendre le projet « eurocompatible », dans la mesure où l’Union européenne nous a déjà accordé à titre exceptionnel l’autorisation de créer cette infrastructure sans mise en concurrence.
Mes chers collègues, nous avons travaillé collectivement et en bonne intelligence, durant plusieurs mois, depuis la rentrée,…
…pour permettre à Paris d’être dotée d’une infrastructure qui lui manque cruellement. Je souhaite remercier les parlementaires qui ont apporté un soutien affirmé au projet, au-delà des clivages politiques structurant habituellement le débat démocratique. Que soient ainsi remerciés les membres des groupes SER et RRDP, mais aussi les députés de l’opposition, membres des groupes UDI comme LR, qui ont ainsi permis de renforcer la légitimité de cette infrastructure nouvelle.
Je souhaite notamment renouveler mes remerciements au président Patrick Ollier, qui a tenu à être présent en commission comme en séance publique et en CMP, pour signifier l’importance du projet pour la Métropole du Grand Paris, qu’il préside.
À nos collègues du groupe GDR, plus circonspects vis-à-vis de cette infrastructure, je tiens à réaffirmer que les projets du CDG Express, du RER B et du Grand Paris Express doivent être pensés en complémentarité et non en opposition, d’autant plus que le CDG Express, je le répète une fois encore, sera réalisé sans argent public, donc pas au détriment du RER B.
J’aurais souhaité enfin pouvoir remercier M. le secrétaire d’État chargé des transports, Alain Vidalies, qui a su, comme toujours, entendre et accepter les demandes d’amendements sur le texte qu’il nous avait soumis, et permettre ainsi une conclusion favorable.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, je remplace Alain Vidalies, empêché cet après-midi. Je vais vous donner connaissance de ce qu’il souhaitait vous dire à propos de ce dossier, auquel il a beaucoup contribué, comme vient de le dire très gentiment le rapporteur Philippe Duron. Il s’agit d’examiner les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à une liaison ferroviaire entre Paris et l’aéroport Charles de Gaulle.
Le Charles de Gaulle Express, vous le savez, est un service indispensable pour améliorer le lien entre le centre de Paris et son principal aéroport, au service du dynamisme de toute l’agglomération parisienne. Il permettra, d’ici à la fin 2023, de relier directement, en vingt minutes, l’aéroport Charles de Gaulle à la gare de l’Est. Ce projet répond à deux enjeux principaux : l’attractivité économique et touristique de l’Île-de-France ; le développement durable, dont chacun sait qu’il sera un élément constitutif important des dossiers de candidature pour les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 comme pour l’Exposition universelle de 2025. Enfin, ce projet s’effectue en complémentarité avec les projets du Nouveau Grand Paris, cher au président Ollier.
La ligne CDG Express ne peut se réaliser au détriment des transports du quotidien, comme l’a dit le rapporteur, notamment pour les 900 000 voyageurs quotidiens du RER B. Les engagements figurant dans le projet, à hauteur de près de 130 millions d’euros, pour réaliser des travaux sur les infrastructures existantes empruntées par le RER B, la ligne K du Transilien et les TER Picardie, témoignent de cette prise en compte, monsieur Carvalho.
Le nouveau montage économique, prenant acte de l’échec de la concession privée en 2011, repose sur la séparation des missions de construction de l’infrastructure et d’exploitation du service de transport ferroviaire. Le projet de loi apporte donc les bases législatives nécessaires à ce nouveau montage, validé par la Commission européenne.
D’une part, c’est à une société de projet que sera confiée la mission de conception, de construction, de financement et d’entretien de l’infrastructure. L’article 1er ratifie donc l’ordonnance publiée le 18 février 2016, qui permet principalement à l’État de signer en gré à gré un contrat de concession de travaux avec la société de projet à créer, filiale associant SNCF Réseau, Aéroports de Paris et, le cas échéant, un tiers investisseur.
D’autre part, la mission d’exploitation du service de transport ferroviaire est attribuée par l’État à un opérateur ferroviaire. L’article 2 permet donc à l’État de désigner l’exploitant par voie d’appel d’offres, selon les mêmes modalités que celles retenues pour le réseau de transports du Grand Paris Express.
Avec un tel montage, le financement du projet repose essentiellement sur la billetterie, qui permettra de payer les coûts d’exploitation du service et les péages ferroviaires au gestionnaire d’infrastructure.
Les résultats de la modélisation indiquent néanmoins que les ressources financières tirées de la billetterie ne seront pas suffisantes. L’équilibre financier impose une ressource complémentaire, sous la forme d’une taxe sur les voyageurs du transport aérien. C’est la raison pour laquelle, vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, le Gouvernement a fait adopter un amendement dans le cadre de l’examen par l’Assemblée nationale du projet de loi de finances rectificative pour 2016. Cette taxe n’interviendra toutefois qu’en 2024, une fois la nouvelle liaison mise en service. Elle ne s’appliquera qu’aux seuls passagers de l’aéroport Paris-Charles de Gaulle, hors correspondances, pour un montant plafond de 1,40 euro.
Par ailleurs, un engagement des investisseurs de la société de projet – ADP, SNCF Réseau et probablement la Caisse des dépôts –, portant sur un montant total de fonds propres de 400 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 100 millions d’euros d’avances remboursables d’ADP, devrait désormais permettre de garantir la « bancabilité », ou plutôt, pour éviter ce néologisme, l’assise bancaire du projet. Nous allons donc pouvoir notifier le dossier à Bruxelles.
Je salue l’accord trouvé en commission mixte paritaire sur l’article relatif à la dérogation, concernant ce projet, à la règle d’or de SNCF Réseau. La nouvelle version de l’article précise désormais les conditions dans lesquelles SNCF Réseau sera amené à investir dans cette société de projet, sachant que les fonds propres investis seront rémunérés dans des conditions prévues par l’ordonnance. Ces précisions explicitent encore davantage, si c’était nécessaire, les spécificités du projet au regard des objectifs posés par la règle d’or.
Le Gouvernement tient à saluer le travail remarquable de Philippe Duron, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire – présidée par Jean-Paul Chanteguet –, qui a permis de faire partager les enjeux de ce projet et d’obtenir un tel accord. Le Gouvernement soutient donc pleinement l’adoption de la proposition de loi, dans sa rédaction issue de l’accord entre les deux assemblées.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier Philippe Duron et Gilles Savary, qui se sont particulièrement impliqués dans ce projet de création de la liaison Charles de Gaulle Express.
Milan Kundera disait : « Et il n’est rien de plus beau que l’instant qui précède le voyage, l’instant où l’horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses. » Cette belle promesse du Charles de Gaulle Express, nous en connaissons le contexte, il a été rappelé.
Nos métropoles sont engagées dans une course de fond pour être plus attractives et plus compétitives. À l’inverse de la majorité des grands aéroports mondiaux, celui de Roissy ne bénéficie pas d’une desserte dédiée. Les passagers aériens – 65 millions par an à Roissy – sont aujourd’hui contraints d’emprunter la route ou les lignes de RER, dont nous connaissons parfois la lenteur voire l’absence de fiabilité. L’épreuve des faits parle pourtant pour ce type d’infrastructure.
La ville de Lyon, dont nous louons tous le dynamisme, bénéficie d’une liaison directe avec son aéroport. Pour Paris, l’enjeu est plus large. Notre capitale, cela a été rappelé, est candidate aux Jeux olympiques de 2024 et à l’Exposition universelle de 2025. La mise en service de cette ligne rapide en 2023 constitue un enjeu majeur pour obtenir ces événements. Faire rayonner encore la « ville lumière », comme nous l’avons fait en décembre dernier lors de la COP21, est un objectif qui nous rassemble et qui nous ressemble.
Ce projet est aussi une promesse pour les régions voisines des Hauts-de-France et de Normandie. En matière de transport ferroviaire, nous connaissons les engagements, parfois les renoncements, les réussites voire les controverses. Le Charles de Gaulle Express rapprochera les millions de touristes étrangers de Paris mais aussi de la Normandie. Des plages du Cotentin à la « ville aux cent clochers », les retombées économiques seront importantes. Pour toutes ces raisons, nous sommes bien évidemment favorables à ce beau projet.
Je ne vais pas m’étendre plus que de mesure sur le contenu du texte qui nous est soumis cet après-midi. Avec deux articles, il est court et précis. Il n’en est pas pour autant dépourvu d’importance, puisque, sans lui, le projet Charles de Gaulle Express ne peut démarrer. Il permet en effet de ratifier l’ordonnance du 18 février 2016, mais également de lancer l’appel d’offres pour la recherche de l’exploitant ferroviaire. C’est une étape incontournable pour ce projet d’envergure.
Je suis l’élu d’un territoire concerné par un projet d’infrastructure ferroviaire du même type : la ligne nouvelle Paris-Normandie, la LNPN. Ce projet ne peut être remis en cause dans sa globalité car il vise, un peu à l’image du Charles de Gaulle Express vis-à-vis de la capitale, à développer l’attractivité et le dynamisme économique de la Normandie. Raccourcir les temps de trajet, c’est rapprocher Rouen, Le Havre, Caen, monsieur le rapporteur, et Cherbourg de la capitale. Je salue cet objectif.
Néanmoins, à l’instar du projet de LNPN, celui du Charles de Gaulle Express soulève la question du financement.
Son coût est estimé à 1,4 milliard d’euros et il n’est pas prévu de dépenser d’argent public, cela a été rappelé. Le projet sera donc supporté par SNCF Réseau, Aéroports de Paris et éventuellement la Caisse des dépôts et des consignations. Est également envisagée la mise en place d’une taxe sur les billets d’avion des passagers au départ de et à l’arrivée à Roissy-Charles de Gaulle – notons qu’elle ne concerne ni les passagers en correspondance ni ceux passant par Orly. Le montant de cette taxe serait d’environ 1 euro par billet d’avion concerné. La recette attendue est tout de même de l’ordre de 35 à 40 millions d’euros par an. Les compagnies aériennes avaient fait part de leur opposition à cette taxe. Tout en restant évidemment favorables au Charles de Gaulle Express, elles rejetaient l’idée de commencer à payer pour un service dont leurs passagers ne pourront pas bénéficier avant sept ans. Elles ont été entendues par des élus siégeant sur tous les bancs et par le Gouvernement, cela a été rappelé.
La Cour des comptes a déjà rendu plusieurs rapports, par exemple en 2012 et en 2014, dans lesquels elle émet des doutes quant à la pertinence de certains projets ferroviaires. Les « sages » considèrent que certains projets de grande ampleur sont parfois lancés bien qu’ils ne soient pas soutenables budgétairement. Ils relèvent même que ne sont parfois établis ni la rentabilité financière, ni la rentabilité socio-économique, ni l’intérêt environnemental.
Quant au financement européen, le plan pour l’investissement en Europe, le fameux plan Juncker, permet également de mobiliser des financements non négligeables. La France doit faire preuve d’initiative pour utiliser ces fonds, et elle le fait. Je rappelle par exemple que le projet de modernisation de la ligne Serqueux-Gisors, située en Normandie, bénéficie lui aussi d’un financement européen, à hauteur de 71 millions d’euros.
Il est urgent, je pense, d’anticiper et de rassurer sur les aspects financiers de ce projet Charles de Gaulle Express, pour que les promesses faites se réalisent. Comme le dit Confucius : « Examine si ce que tu promets est juste et possible, car la promesse est une dette. » À méditer !
Néanmoins, je ne souhaite pas occulter le fond du texte qui nous est soumis cet après-midi ; je rappelle que nous y sommes très favorables et que nous voterons pour, sans hésitation.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous arrivons au terme des débats parlementaires sur ce projet de loi relatif au Charles de Gaulle Express, desserte spécifique directe vers l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, depuis Paris.
Ce train dédié, que nous attendons depuis maintenant quarante-deux ans, devrait voir le jour en 2023, ce dont je me réjouis. Si Paris avait du retard sur ses grands aéroports concurrents, le vote d’aujourd’hui va permettre de le rattraper et de donner à notre capitale une infrastructure indispensable, qu’apprécieront les passagers français et étrangers. Nous pourrons mettre en avant l’existence de cette liaison ferroviaire rapide dans nos deux dossiers de candidature pour obtenir les Jeux olympiques en 2024 ainsi que l’Exposition universelle en 2025.
J’ai approuvé ce texte, le Gouvernement ayant là repris à son compte un projet que nous avions déjà présenté avant 2012, parce qu’il relève du bon sens et de l’intérêt général. Ce projet est également soutenu par mon ami Patrick Ollier, ici présent, président de la métropole du Grand Paris.
En tant qu’élu de Seine-et-Marne, je suis convaincu de la nécessité du Charles de Gaulle Express.
Toutefois, celui-ci ne doit en aucun cas impacter la ligne B du RER et la ligne K du Transilien. Je le rappelle, j’ai demandé que soient apportées des garanties concernant l’exploitation de ces deux lignes. Au vu des incidents de la semaine dernière, que vous avez rappelés, monsieur le rapporteur, ces deux lignes ont besoin d’être correctement entretenues et de bénéficier d’améliorations techniques, qui ont déjà été définies. En aucun cas, la création du Charles de Gaulle Express ne doit remettre en cause ces améliorations indispensables, indépendantes de sa réalisation. Les lignes doivent être indépendantes, sans qu’il ne soit possible, pour une raison ou pour une autre, de basculer les trains du Charles de Gaulle Express sur les voies du RER B ou de la ligne K. Cette indépendance entre les deux catégories de lignes doit être respectée dans les faits ; si tel n’était pas le cas, la desserte de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle serait fortement dégradée et la crédibilité du nouvel équipement remise en cause. D’ici à sa mise en service, fin 2023, nous aurons la possibilité de contrôler si le programme de modernisation et d’amélioration des lignes B et K est normalement respecté. Nous ne manquerons pas d’être vigilants et de signaler tout manquement à cet égard.
Concernant le financement, Aéroports de Paris, qui dispose de ressources financières relativement importantes, en consacrera une partie significative à la réalisation de cette liaison ferroviaire, dont il sera directement bénéficiaire, grâce aux passagers qui l’emprunteront. En revanche, SNCF Réseau ploie sous les dettes, alors que son réseau général, négligé pendant des années au profit du tout-TGV, a besoin d’un effort d’investissement sans précédent. Dans ces conditions, la SNCF devra trouver les ressources pour financer la part du Charles de Gaulle Express qui lui revient.
Je me réjouis d’avoir été entendu, comme d’autres, au sujet de la taxe affectée au financement complémentaire indispensable à la réalisation du Charles de Gaulle Express. Une taxe due par les entreprises de transport aérien opérant sur l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle sera bien créée, sur une assiette constituée par le nombre de passagers à l’embarquement ou au débarquement, suivant les mêmes exclusions, exceptions et exonérations que pour la taxe de l’aviation civile, notamment l’exonération des passagers en correspondance. Mais cette taxe, dite « contribution spéciale CDG Express », ne sera perçue et reversée qu’à compter du 1er avril 2024. Il aurait été inenvisageable qu’elle le soit dès l’an prochain.
J’ai par ailleurs suggéré une réforme ou un aménagement de la « taxe Chirac » dont une partie du produit pourrait servir à financer la réalisation du Charles de Gaulle Express, car je rappelle qu’avec cette contribution, Air France est plus pénalisée que toute autre compagnie aérienne, alors que nous devons défendre ses intérêts, puisqu’elle souffre déjà d’une concurrence déloyale des compagnies du Golfe.
Enfin, je réitère ma proposition : créer, sur le modèle du passe Navigo, utilisé dans toute l’Île-de-France, un passe Charles de Gaulle Express, d’un prix mensuel ou annuel raisonnable, pour que les milliers de salariés travaillant sur la plateforme aéroportuaire puissent utiliser la nouvelle ligne à un prix abordable. Ce seraient moins de véhicules sur les autoroutes, donc un bien pour la circulation déjà très difficile, et également un bien pour l’environnement. Aujourd’hui, le Charles de Gaulle Express devient une réalité, véritable progrès pour le rayonnement de l’aéroport Charles de Gaulle, mais aussi de sa métropole et de la France tout entière.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, les voyageurs ayant l’habitude de se rendre à l’aéroport Paris-Charles de Gaulle doivent se dire aujourd’hui que le père Noël passe. C’est en effet un beau cadeau qui est offert aux usagers… sauf que le père Noël n’existe pas.
Sourires.
Ah bon ?
C’est un beau cadeau car nos services de transport nécessitent d’être considérablement améliorés ; nous constatons bien la médiocre qualité de service du RER B, qui n’est pas à la hauteur pour accueillir les touristes comme les usagers des secteurs de la région parisienne qu’il dessert. Soyons honnêtes : la cohabitation entre touristes et usagers quotidiens du RER B est très difficile. L’agacement de ces derniers est d’ailleurs compréhensible car les défaillances répétées qu’ils subissent montrent bien la nécessité de renforcer considérablement notre système de transport. En plus de ces difficultés quotidiennes, les voyageurs de tous les jours doivent se tasser dans des wagons mal ou pas climatisés, encombrés par les bagages souvent volumineux de touristes horrifiés par les conditions de transport des Français. De telles conditions sont inacceptables pour notre capitale. À terme, elles risquent même de freiner le développement de l’aéroport et de ses environs. C’est pourquoi cette décision arrive au bon moment, tel un beau cadeau de Noël. Sauf que, répétons-le, le père Noël n’existe pas.
Je souhaite à nouveau exprimer mes doutes et ceux de mon groupe à propos du montage financier choisi, qui est mauvais. Le 7 décembre dernier, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances rectificative, notre assemblée a adopté un amendement du Gouvernement qui prévoit l’affectation au projet du produit d’une taxe dédiée de 1,40 euro prélevée sur les voyageurs aériens de Paris-Charles de Gaulle, hors correspondances. Cette taxe prendra effet à partir de la mise en service de la ligne, estimée – ou espérée – au 1er avril 2024. Je vous le redis : cette taxe ne me semble pas une solution adaptée car nos compagnies sont déjà écrasées par des taxes spécifiques.
De plus, déroger à la règle d’or applicable à la dette de la SNCF est un très mauvais signal : au premier projet venu, nous écartons son application. À quoi bon avoir adopté cette mesure ? Et, pendant ce temps, la dette du système ferroviaire explose. Il est prévu que toute infrastructure de transport nouvelle soit financée par le voyeur ou par le contribuable ; nous dérogeons à cette règle dès la première création d’une nouvelle ligne de transport. Pour nous rassurer, le Gouvernement nous promet une participation de la Caisse des dépôts et consignations au financement du projet. C’est une bonne nouvelle mais, au-delà de l’effet d’annonce, nous n’en savons guère plus.
Bref, plutôt que de se dédire d’une des mesures phares de la réforme ferroviaire adoptée il y a deux ans, pourquoi ne pas avoir autorisé une participation de l’État ou des collectivités territoriales, pour ce projet d’importance non seulement régionale mais aussi nationale ? Cela aurait dû être le cas ; mais l’on opte malheureusement pour des montages financiers insatisfaisants. La loi portant réforme ferroviaire du 4 août 2014 aurait dû empêcher la participation de 200 millions d’euros de la SNCF à ce projet et surtout sa prise de risque dans le cadre d’un montage financier manifestement conçu pour faire apparaître un équilibre d’exploitation. On prétend que c’est un beau projet équilibré, mais on disait la même chose, il y a quelques années, de la ligne Perpignan-Figueras, et plouf ! rien ne fonctionne et c’est l’État qui est obligé de voler au secours de tout le monde.
Avant de conclure, j’aimerais aussi partager mon inquiétude quant aux conséquences néfastes que les travaux de construction du Charles de Gaulle Express ne manqueront pas d’avoir sur le trafic de la ligne B du RER. On nous annonce une enveloppe de 125 millions d’euros pour sécuriser cette ligne et éviter tout désagrément. Permettez-moi d’en douter ! La SNCF et la RATP doivent absolument proposer des solutions aux passagers en cas de défaillance de la ligne.
Chers collègues, en définitive, vous l’aurez compris, nous soutenons évidemment la construction du Charles de Gaulle Express mais restons très circonspects quant au plan de financement envisagé pour sa construction. C’est pourquoi nous nous abstiendrons.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après l’accord trouvé en CMP, nous sommes réunis pour la dernière étape du parcours législatif de ce projet de loi relatif au Charles de Gaulle Express.
Le Sénat s’est prononcé en faveur de ce projet d’intérêt général. La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a, quant à elle, cherché à faciliter la mise en oeuvre juridique du montage. Ce sont de bonnes choses. Mais le Sénat a également émis des réserves quant à son impact sur le RER B. Au nom du groupe RRDP, je tiens à redire, après M. le rapporteur, que cette infrastructure est évidemment une nécessité pour la France et sa capitale, Paris, notamment compte tenu du poids du tourisme dans l’économie française. Néanmoins, si nous sommes d’accord avec le principe et avec l’idée que la France entière en bénéficiera, nous profitons de cette tribune pour redire que c’est notre pays tout entier qui a besoin d’une amélioration de ses liaisons ferroviaires.
Le Roissy-Express est censé offrir une liaison de qualité, fréquente et rapide entre la gare de l’Est et le terminal 2 de l’aéroport, soit un trajet de vingt minutes avec un départ toutes les quinze minutes. La mise en service est prévue à la fin 2023, cela a été dit. Il s’agit d’un chantier lourd, dont le lancement nécessite d’adopter des dispositions législatives en urgence. Par ailleurs, ce top départ législatif pourrait être un atout supplémentaire pour les dossiers de candidature de la France en vue de l’accueil des Jeux olympiques de 2024 et de l’Exposition universelle de 2025, auxquels nous sommes favorables. Cette exigence de rapidité s’ajoute à la technicité du sujet pour justifier le recours à une ordonnance. Cependant, mes chers collègues, monsieur le secrétaire d’État, comme je l’ai dit lors de la première lecture, Paris seul, ce n’est pas la France ; mes propos de cet après-midi, vous vous en doutez, ne différeront guère.
Comme les autres députés de mon groupe, je suis aussi très attaché à l’ensemble du territoire français, notamment à ces zones que nous laissons presque systématiquement sur le bord de la route. Vous pouvez nous dire, monsieur le secrétaire d’État, que ce projet ne se fera pas au détriment du transport du quotidien. J’ai envie de vous répondre : heureusement, vu son état ! Nos territoires ruraux souffrent de carences immenses en matière de transports ferroviaires.
Sur la ligne TER Vallée de la Marne et la ligne P du Transilien, que je connais bien, les problèmes de vétusté du matériel roulant, des infrastructures, de l’organisation des transports sont quotidiens et pénalisent fortement nos habitants. Même si la région Grand Est nous annonce quatre rames supplémentaires pour 2018, nous attendons un calendrier précis de mise en oeuvre avant d’y croire.
Si je veux également souligner l’obtention auprès de l’État d’une partie du financement de la ligne La Ferté-Milon – Fère-en-Tardenois – Fismes – Reims, en complément de la participation essentielle de la région Hauts-de-France, le compte n’y est pas encore et les collectivités territoriales vont devoir mettre, là encore, la main au portefeuille – pardonnez-moi l’expression. Pour le fonctionnement de cette ligne de fret, nous espérons une participation de SNCF Réseau au-delà de 50 %, afin de ne pas pénaliser davantage les entreprises du milieu rural. Mais le devenir de cette ligne au départ de Meaux jusqu’à La Ferté-Milon, via Lizy-sur-Ourcq, inquiète fortement les élus et les usagers.
Que dire encore, monsieur le secrétaire d’État, de la mise en accessibilité des quais de la gare de Château-Thierry ? Annoncée pour 2018, elle nous est maintenant indiquée comme repoussée en 2023. En aucun cas, nous ne pouvons accepter ce délai supplémentaire. En effet, régulièrement, les personnes à mobilité réduite, qui, la veille, ont appliqué le protocole d’appel, doivent arriver une demi-heure avant le départ pour franchir les voies sans avoir à utiliser les passerelles en mauvais état, faute de personnel.
Monsieur le président, tout cela n’a rien à voir avec le texte examiné !
Cela ne fait rien, permettez-moi de le dire quand même ! Les personnes à mobilité réduite sont victimes de discrimination, ce qui est inacceptable. Je reviendrai au texte plus tard.
De ce fait, des plaintes sont déposées contre la SNCF. Nous demandons un minimum d’équité pour les territoires où les services publics sont moins rentables. Ce qui est problématique dans le débat, c’est le discours à deux poids deux mesures, qui semble s’appliquer à nouveau. Pour tout ce qui touche la ruralité, on nous assène les refrains : « c’est impossible », « il n’y a pas de financement », « ce sera déficitaire », « on n’a pas les crédits », « la rentabilité n’est pas là ». Or, cette fois-ci, on nous annonce qu’on va trouver les moyens avec Aéroports de Paris, SNCF Réseau et le concours de la Caisse des dépôts. Tant mieux pour Paris et l’Île-de-France, mais ce qu’on fait pour la capitale, pour l’Île-de-France, il faut aussi le faire pour la ruralité.
Au final, nous sommes conscients de l’enjeu important du lancement du chantier du Roissy-Express et nous voterons ce projet de loi. Mais nous tenions à vous redire notre volonté de l’équilibre entre les territoires, les métropoles et Paris. Comme le disait Jean de La Fontaine dans la fable Le Lion et le Rat : « Il faut, autant qu’on peut, obliger tout le monde ». Les soutiens financiers qui seront trouvés pour Paris et l’Île-de-France doivent l’être aussi pour les territoires ruraux et les transports du quotidien.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la CMP est donc parvenue à un texte de compromis, au terme d’un débat laborieux sur les conditions de la dérogation à la règle dite « d’or ».
Avec mon groupe, j’avais combattu la réforme ferroviaire mais je trouve stupéfiant que cette règle, censée encadrer le financement des investissements de SNCF Réseau et le seuil d’engagement de la société nationale, bénéficie d’une dérogation dès le premier projet d’envergure concerné par ce dispositif. Le Parlement se voit ainsi contraint de renoncer à une mesure sur laquelle il s’est prononcé voici deux ans et quelques mois, dans le cadre d’un montage financier d’un flou absolu.
Vous vantez, monsieur le secrétaire d’État, une société de projet dont vous nous dites qu’elle devra emprunter, sans que nous sachions bien qui seront les financeurs censés croire suffisamment à ce projet, comme vous l’avez déclaré devant notre commission du développement durable. Le seul élément dont nous soyons à peu près sûrs est que vous comptez sur la recette des billets de transport, ce qui, même à 24 euros l’unité, ne fera pas le compte, tandis qu’a été repoussée une taxe sur les billets d’avion, à laquelle les compagnies aériennes, dont Air France, se sont opposées.
Ce projet de liaison ferroviaire express entre Paris et l’aéroport Charles de Gaulle est un serpent de mer. Il a sombré à plusieurs reprises avant de ressurgir, avec l’objectif d’être réalisé à marche forcée, dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, et de l’Exposition universelle de 2025, pour lesquels Paris est candidate.
Depuis le début des années 2000, cette liaison entre Paris-Est et l’aéroport Charles de Gaulle suscite contre elle une mobilisation qui n’a cessé de s’amplifier. Elle rassemble des élus, des syndicats de salariés, des associations d’usagers et de riverains, des citoyens. Bien des raisons motivent leur opposition à ce projet.
Sur les 32 kilomètres de liaison ferroviaire entre la gare de l’Est et l’aéroport Charles de Gaulle, 24 seront parcourus sur le réseau existant. Or nul n’ignore l’état actuel de saturation, tant à la sortie de la gare de l’Est que sur le réseau nord. La gêne subie quotidiennement par les usagers est donc appelée à s’aggraver encore, bien que le projet soit assorti d’engagements censés accompagner la nouvelle liaison et améliorer le réseau existant.
Cette liaison empruntera les voies de la ligne K du Transilien et du TER Picardie ; lorsque la circulation sera perturbée, il ne sera donc plus possible de recourir à celles-ci comme voies de report pour le RER B, comme c’est le cas actuellement. Un rapport du STIF estime d’ailleurs à 1,5 milliard d’euros la perte liée à la seule dégradation de la ponctualité pour le RER B.
Pour parcourir ces 32 kilomètres, il en coûtera 24 euros aux voyageurs pour un billet aller, soit plus du double du tarif du RER B. De surcroît, ce service ne sera pas accessible aux tarifications STIF, notamment au passe Navigo, et le billet ne donnera pas accès au métro intra muros, contrairement à ceux du RER.
Le projet ambitionne de ne pas accueillir plus de 22 000 passagers par jour à l’horizon 2025, sa mise en service devant intervenir à la fin de l’année 2023. Cette prévision d’accueil est à mettre en rapport avec les 900 000 usagers quotidiens du RER B et les 2,6 millions de voyageurs empruntant chaque jour les trains et RER en Île-de-France. En fin de compte, tout cela donne le sentiment d’une opération de prestige, s’adressant à un public limité, au détriment du plus grand nombre des usagers, dont les conditions de transport s’en trouveront dégradées ; le précédent orateur en a lui aussi fait état.
Et puis, il y a l’impact sur l’environnement : de ce point de vue, l’Autorité environnementale a déclaré le projet incohérent, incomplet et non conforme au code de l’environnement. De nombreux témoignages allant en ce sens ont été recueillis dans le cadre de l’enquête publique.
Enfin, le CDG Express est appelé à entrer en concurrence avec le projet plus vaste de Grand Paris Express, notamment la ligne prévue dans ce cadre pour relier l’aéroport Charles de Gaulle et la gare Saint-Denis Pleyel, en correspondance avec les lignes 14 et 16 du métro. Ces lignes, elles, seront accessibles aux détenteurs d’un passe Navigo et le billet permettra d’utiliser le métro parisien ; il en résultera une baisse de la fréquentation du CDG Express.
L’ensemble de ces éléments m’amène à conclure qu’il faut stopper le projet aventureux et non maîtrisé que vous proposez, pour se concentrer sur la modernisation du réseau ferroviaire francilien, tant au niveau des infrastructures que du matériel roulant, afin d’offrir aux usagers un service public de qualité. Les récentes avaries subies par le RER B et ses effets sur les voyageurs bloqués gare du Nord en montrent l’urgence, monsieur le secrétaire d’État – des personnes sont restées bloquées dans l’Oise ou dans l’Aisne, pendant plus d’une journée. Nous voterons donc contre ce projet de loi issu de la CMP.
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
Le projet de loi est adopté.
L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes (no 4270).
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer M. Philippe Duron, qui a beaucoup travaillé sur ce texte.
En janvier 2016, Manuel Valls, alors Premier ministre, m’a sollicité pour proposer des solutions durables au conflit qui opposait les taxis et certaines plateformes. Dès les premiers jours de ma mission, j’ai dénoncé la paupérisation qui frappait l’ensemble des chauffeurs, relevant de tous les statuts. Cela m’a d’ailleurs valu d’être critiqué par le directeur général de la société Uber pour l’Europe, qui refuse toujours de voir la réalité sociale : une paupérisation imposée par le dumping social de la multinationale qu’il dirige en Europe.
Je tiens à saluer le travail accompli avec Alain Vidalies car la proposition de loi relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes arrive à point nommé, après tant de polémiques inutiles et de caricatures venant des chantres béats de l’« ubérisation » heureuse.
Il ne s’agit pas d’opposer les chauffeurs entre eux mais au contraire de les protéger de certaines logiques prédatrices. Il ne s’agit pas d’empêcher l’innovation mais de moderniser les instruments de régulation pour permettre une concurrence saine et loyale, afin de répondre aux besoins du consommateur tout en garantissant sa sécurité. Il ne s’agit pas de complexifier les statuts mais au contraire de les simplifier, dans ce qui est devenu un véritable Far West technologique. On peut vraiment comparer le marché voulu par Uber à un Far West sans shérif car cette entreprise défend une forme de dérégulation, un ultra-libéralisme débridé. Je constate néanmoins que, lorsque des difficultés se présentent, ils savent faire appel à l’État, comme on l’a vu ces jours-ci.
Les manifestations des conducteurs de VTC – voitures de transport avec chauffeur – contre la paupérisation imposée par un acteur particulier montrent bien que nous sommes loin de cette « ubérisation » heureuse, prophétisée par certains responsables politiques…
Je les trouve bien muets ces jours-ci ; leur mutisme, leur silence, en devient assourdissant.
Malgré les millions d’euros mobilisés, en particulier par Uber, pour faire du lobbying, pour acheter des pages entières de publicité dans la presse, c’est le Parlement qui aura le dernier mot. Je tiens, à ce titre, à saluer le rappporteur de cette proposition de loi au Sénat, Jean-François Rapin, sénateur du Pas-de-Calais, avec qui nous avons travaillé de concert, dans l’intérêt général, ainsi que tous les acteurs qui ont contribué à ce travail collectif – à l’Assemblée nationale, Philippe Duron, Christophe Bouillon et bien sûr le président de la commission du développement durable, Jean-Paul Chanteguet.
La commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 30 novembre dernier, a permis d’aboutir à un équilibre sans dénaturer le texte.
L’article 1er introduit des obligations de déclaration et de vérification à la charge des plateformes de mise en relation. Le Sénat l’a modifié pour le rendre plus lisible et plus solide juridiquement. La commission mixte paritaire a entériné l’exclusion du covoiturage du champ du dispositif car cette pratique est déjà très bien définie ; il s’agit seulement de faire appliquer la loi et les règles en vigueur.
L’article 2 a été réécrit par la commission mixte paritaire afin de permettre la collecte de données par l’administration, à des fins non seulement de contrôle mais aussi statistiques. Sur la base de ces données, transmises par le régulateur, l’Observatoire national des taxis et VTC réalisera des études ; les parties prenantes disposeront ainsi de données fiables et plus seulement d’études financées par des acteurs privés. La collecte de données permettra en outre de moderniser nos outils de régulation.
À New York, une autorité de régulation locale, la TLC – Taxi & Limousine Commission – vérifie que les acteurs respectent les règles et fait remonter les données. Pourquoi ce qui est possible à New York serait-il impossible dans notre pays ? Serions-nous plus libéraux que les Américains ? Je ne le crois pas.
C’est pourquoi l’article 2 vise à doter l’État de moyens de contrôle modernisés et efficaces. Du reste, la commission mixte paritaire a logiquement étendu les dispositions de cet article aux chauffeurs occasionnels de transport collectif à la demande, dits « LOTI » – loi d’orientation des transports intérieurs.
L’article 3 interdira les pratiques des centrales qui limitent substantiellement la liberté des conducteurs. Les clauses d’exclusivité, en particulier, seront interdites : les chauffeurs pourront désormais travailler avec plusieurs plateformes ou centrales de réservation ; l’une d’entre elles ne pourra plus leur imposer de ne travailler qu’avec elle. Je précise, à ce titre, que l’article L. 422-6 du code du commerce est très clair pour ce qui concerne la relation entre des travailleurs indépendants et une entreprise, dont les relations entre un chauffeur indépendant et une plateforme sont un exemple : l’indépendance des premiers doit être respectée et, pour cela, le dialogue commercial doit être équilibré.
L’article 3 bis crée le label spécifique de qualité pour les véhicules anciennement dits de « grande remise ».
L’article 4 réforme le régime juridique des services « LOTI », pour en revenir à l’esprit de la loi du 30 décembre 1982 : il doit s’agir de transport de groupes sur réservation. Certaines plateformes avaient détourné ce statut ; on ne peut plus les appeler « plateformes VTC » car elles ont contourné les lois en vigueur en utilisant massivement des LOTI pour transporter une seule personne, percutant ainsi les taxis et les VTC. Ce dumping social a abouti à une baisse des prix, a causé le conflit du mois de janvier dernier et avive les tensions actuelles qui opposent, dans la rue, les chauffeurs de VTC et les plateformes. La présente proposition de loi prévoit une période de transition pour que chacun fasse les choix qui s’imposent, afin d’en revenir à une concurrence saine entre taxis et VTC. Il s’agit de simplifier les statuts divers, afin d’éviter qu’ils ne se percutent sur le même secteur.
L’article 4 bis a été introduit par le Sénat pour la réservation à la place. Sa rédaction a été précisée afin de le limiter aux prestations effectuées sur réservation.
L’article 4 ter, introduit par le Sénat, tend à créer la catégorie des services de transport d’utilité sociale. Il n’a pas fait l’objet de modification en commission mixte paritaire.
L’article 4 quater, introduit par le Sénat, qui concerne l’application du texte outre-mer, a lui aussi été approuvé sans modification.
L’article 5 n’a pas non plus subi de modifications importantes.
L’article 6 prévoit de nouveau que les examens visant à sanctionner l’aptitude professionnelle seront organisés par les chambres de métiers et de l’artisanat, là où sont immatriculés, d’ailleurs, aussi bien les chauffeurs de taxi que de VTC. Ces examens seront organisés de la même façon sur l’ensemble du territoire, avec un tronc commun entre les examens destinés aux chauffeurs de taxi et à ceux destinés aux chauffeurs de VTC. Cela permettra de faire échec aux différents systèmes de fraude organisée que nous avons identifiés : la nouvelle organisation sera stable, lisible pour l’ensemble des acteurs et reposera sur un établissement qui a l’habitude d’organiser les examens. Il sera essentiel que ceux-ci soient organisés régulièrement, afin de permettre aux jeunes qui le souhaitent de les passer. Tout cela devra être suivi au moyen du comité national prévu par ce texte, auquel participeront tous les acteurs.
L’article 7 ayant été adopté dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat, il ne pouvait faire l’objet de modifications.
Enfin, l’article 8 ajoute une précision concernant la présence d’un terminal de paiement dans les taxis : ce n’est pas seulement une obligation de moyen mais une obligation de résultat. Cette question était régulièrement évoquée, notamment dans nos débats.
Pour conclure, la présente proposition de loi permettra de responsabiliser les plateformes, qui en ont bien besoin, comme le prouvent les tensions de ces derniers jours. Il faut cependant bien distinguer les start-up selon leurs pratiques : certaines start-up françaises ont fait preuve d’un vrai sens de leur responsabilité sociale, comme Marcel Cab, qui a récemment ouvert le dialogue avec les chauffeurs. Il convient de saluer de telles initiatives.
Ce texte permettra en outre de mieux réguler le secteur, grâce à des outils modernes visant à traiter les données. Pour réguler une économie des données, il faut s’appuyer sur les données, cela va de soi, c’est du bon sens.
Il permettra enfin de simplifier les statuts.
Toutefois, il restera encore des questions à traiter à l’avenir. Je pense en particulier à notre modèle social, car les régimes sociaux des personnes concernées ne pourront différer éternellement ; il faudra bien, à un moment donné, les harmoniser. Je pense aussi aux aspects fiscaux : d’un côté, des multinationales mettent en place des schémas d’optimisation fiscale tandis que, de l’autre, des artisans travaillent dur, paient leurs impôts en France et sont par conséquent confrontés à une concurrence déloyale. Il faudra aussi moderniser nos outils de contrôle, en s’appuyant sur la remontée de données mais aussi en faisant en sorte que les autorités locales, tôt ou tard, à partir de ces données, se saisissent de la question et mettent en place des plans locaux de régulation. Reste la question du fonds de garantie, que j’avais proposé. Comme on l’a vu, certaines organisations de taxis s’y sont opposée, mais je persiste à penser que ce fonds de garantie représenterait une solution durable pour l’avenir.
Comme le disait Léon Blum : « Toute société qui prétend assurer aux hommes la liberté, doit commencer par leur garantir l’existence. » C’est bien l’enjeu que mettent aujourd’hui sur la table les chauffeurs confrontés à la paupérisation.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, nous voici réunis pour examiner les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes.
Ce texte est né de la crise de janvier 2016 et du rôle de médiation que le Gouvernement vous avait alors confié, monsieur le rapporteur Grandguillaume, et dont vous vous êtes acquitté avec beaucoup d’engagement et de talent. Le secrétariat d’État chargé des transports a accompagné cette démarche, notamment dans le cadre de tables rondes et de réunions de travail. Les mesures de régulation indispensables sont au rendez-vous. J’observe d’ailleurs que les principales organisations de taxis et de VTC soutiennent ce texte.
Le paradoxe, vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, est qu’au moment même où nous allons franchir une étape importante sur le chemin de la régulation de ce secteur et de la coexistence entre taxis et VTC, survient une autre crise, d’une autre nature, qui concerne les relations entre les conducteurs de VTC et les plateformes. Cette crise n’est pas franco-française ; elle existe partout dans le monde et a notamment pour objet la reconnaissance du statut de salariés pour les chauffeurs. La réunion qui s’est tenue ce matin au secrétariat d’État chargé des transports ne pouvait être conclusive, mais elle avait pour objectif de renouer le dialogue et de prévoir un calendrier de négociations, en particulier sur les questions cruciales de la protection sociale des chauffeurs et de la tarification de leurs prestations. Pour le Gouvernement, ces questions ne peuvent rester sans réponse : si les plates-formes, au premier rang desquelles Uber, ont peut-être inventé un nouveau modèle, encore faudrait-il que, dans les faits, celui-ci ne ressemble pas à l’ancien monde des journaliers du XXe siècle. Ce modèle devra donc évoluer pour s’inscrire dans la modernité, une modernité globale, pas seulement technologique mais aussi sociale. C’est pourquoi, monsieur le rapporteur, je tiens à vous remercier très sincèrement, au nom du Gouvernement, pour votre engagement sur ce dossier durant l’année 2016.
Votre proposition de loi, que l’Assemblée nationale adoptera, je l’espère, cet après-midi, marquera de réelles évolutions pour les transports publics particuliers de personnes. Les réponses aux problématiques que rencontre ce secteur ne peuvent en effet venir seulement des taxis, des VTC ou des LOTI. Nos choix doivent être équilibrés et permettre à ces professions de se développer dans des conditions justes et équitables. Ce texte, fruit d’une large concertation avec l’ensemble des acteurs, va y contribuer.
Je tiens aussi à saluer l’accord trouvé en CMP. Il a globalement permis d’apporter des éléments de clarification du texte, dans une logique opérationnelle, afin de favoriser son application.
Il était notamment important de confirmer la création d’un observatoire, dont les données seront indispensables au contrôle, à la régulation et à la connaissance du secteur par les autorités compétentes.
Quant au transfert des examens au réseau des chambres de métiers et de l’artisanat, que vous avez réintroduit dans le texte, il permet de matérialiser la convergence d’accès aux deux professions – M. le rapporteur l’a dit –, avec la mise en place d’un tronc commun entre taxis et VTC, élaboré avec les organisations professionnelles. Il traduit également la volonté du Gouvernement et des acteurs du secteur de professionnaliser l’accès au métier de conducteur de taxi ou de VTC, en s’appuyant sur l’expérience et l’expertise du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat.
Le Gouvernement soutient donc pleinement l’adoption de la proposition de loi, qui répond pleinement à ses objectifs initiaux, à savoir la régulation, la responsabilisation et la simplification du secteur, dans le respect de tous ses acteurs et bien sûr de la sécurité des consommateurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, après l’accord trouvé en CMP, nous sommes réunis pour la dernière étape du parcours de cette proposition de loi visant à améliorer l’encadrement législatif du transport de personnes. L’enjeu est bien évidemment de trouver une régulation efficace et équilibrée pour mettre fin aux multiples conflits opposant les taxis aux VTC. En dépit d’un long travail de préparation et de conciliation, la loi dite « Thévenoud » n’a pas atteint son objectif. Les tensions n’ont cessé de s’exacerber, allant jusqu’à de violents affrontements entre chauffeurs, il y a quelques mois. Aujourd’hui encore, l’actualité nous rappelle que la problématique du statut de chauffeur de VTC reste un motif de controverses.
Notre collègue Laurent Grandguillaume a effectué un travail remarquable, il a bien joué son rôle de « rapporteur-démineur », avec application et détermination. Pour ces secteurs bousculés par les percées technologiques, il a démontré ses qualités indéniables de pacificateur – on en aurait besoin dans bien d’autres domaines.
Sourires.
La numérisation de l’économie et l’émergence de nouveaux outils viennent percuter un modèle économique en place depuis des dizaines d’années. Les ruptures technologiques nous obligent à repenser les modèles traditionnels, et le législateur doit reconnaître son humilité face à la révolution numérique. Il n’est d’ailleurs pas impossible que ce sujet nécessite de nouveau une évolution législative dans les prochaines années.
Cela dit, il n’est pas anodin que, dans tous les pays du monde où existe cette activité commerciale de transport de personnes, soit apparu comme une évidence qu’une réglementation stricte devait l’encadrer, notamment s’agissant de l’autorisation de stationnement sur la voie publique – appelée habituellement « licence » –, des tarifs et des horaires de travail. Cette régulation stricte s’impose pour des raisons d’ordre public et de saine concurrence.
Rappelons que, de 2010 à 2015, soit en seulement cinq ans, le nombre de véhicules de transport avec chauffeur a pratiquement été multiplié par six en France. Sous prétexte de simplification, nous en sommes arrivés à une situation créant une concurrence inéquitable entre les taxis et les VTC. Incontestablement, ces derniers ont permis une baisse des prix, une amélioration de la qualité des services rendus aux clients et la création de nombreux emplois – même si nous devons nous interroger sur la nature de ces derniers. La grève des VTC à Paris, ces derniers jours, a provoqué des queues interminables devant les bornes de taxis et des heures d’attente, beaucoup de gens ont dû traverser Paris à pied pour rentrer chez eux dans les nuits de vendredi et de samedi. Mais cela démontre aussi qu’il existe un vrai marché, dans lequel taxis et VTC devraient pouvoir cohabiter.
Les effets bénéfiques des TIC – les technologies de l’information et de la communication – ne sauraient pour autant occulter leurs effets négatifs pour les travailleurs et la société : destruction de valeur, dumping social, précarisation en termes de temps de travail, de protection sociale et de revenus, sans oublier perte non négligeable de ressources fiscales et sociales pour l’État et les collectivités. La contradiction sur laquelle repose le modèle économique des plateformes est particulièrement criante dans ce secteur : les revenus futurs des chauffeurs, appelés « partenaires », puisque non-salariés, dépendent non seulement des notes attribuées par les clients transportés, mais aussi et surtout de décisions prises par les plateformes pour encadrer leur travail ; ainsi, sans être redevables des obligations liées au statut d’employeur, celles-ci imposent de facto une subordination aux chauffeurs.
Dans ce contexte, la présente proposition de loi tend à faire converger les métiers de chauffeur VTC et de chauffeur de taxi, et à limiter les excès et les injustices de l’« ubérisation ». Les membres de la CMP ont réussi à bâtir ensemble un consensus transpartisan et « trans-chambres ». C’est pour saluer cette réussite que les membres du groupe RRDP soutiennent le texte et remercient le rapporteur pour son excellent travail.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, deux ans après l’adoption de la loi Thévenoud, nous sommes de nouveau conviés à adopter un texte censé mieux réguler le secteur du transport public particulier de personnes.
Si nous tenons à saluer le long et patient travail conduit par notre collègue Laurent Grandguillaume, il faut nous rendre à l’évidence : ce texte se heurte à une problématique très complexe et ne peut prétendre, à lui seul, résoudre les difficultés grandissantes rencontrées par les chauffeurs, quelle que soit leur situation professionnelle – chauffeurs de taxi ou chauffeurs de VTC.
Selon l’étude du bureau de recherche 6t rendue publique début décembre, à Paris, les chauffeurs de taxi « travaillent en moyenne 11 heures par jour, six jours par semaine, et ils ne prennent que trois semaines de congés par an. Ils travaillent donc deux fois plus d’heures qu’un salarié français » aux 35 heures. Leur temps de travail hebdomadaire est par conséquent évalué à 66 heures par semaine, pour une rémunération moyenne de 5,50 euros de l’heure. Ils ont manifesté, la semaine dernière et ces jours-ci encore, pour dénoncer l’esclavage que leur impose les plates-formes de réservation, au premier rang desquelles Uber, le leader du secteur, qui réduit ses tarifs mais augmente ses commissions, précarisant ainsi toujours davantage les chauffeurs.
Le phénomène n’est pas seulement français mais européen. Le Parlement européen vient d’ailleurs d’adopter un rapport relatif à l’économie du partage et aux plateformes d’intermédiation dans le secteur des transports. Néanmoins, loin d’être favorable à l’introduction de plus de régulation, ce rapport préconise de mettre fin au protectionnisme et au corporatisme, tout en levant les restrictions aux comportements prédateurs des plateformes. Nous retrouvons la philosophie qui guide les programmes d’Emmanuel Macron et de François Fillon : résorber le chômage en tirant de nombreux métiers vers le bas, favoriser la multiplication de petits boulots, sans qualification et sans lendemain, sur fond de régression des droits sociaux et des droits du travail.
Il s’agit de transformer les allocataires du RSA en travailleurs pauvres, en une main-d’oeuvre flexible, sans qualification. On valorise comme soi-disant autoentrepreneurs et indépendants ces travailleurs journaliers dont les conditions de vie et d’emploi nous replongent en plein XIXe siècle.
À rebours de ces orientations, le texte qui nous est proposé tente d’introduire un peu de régulation. Nous en partageons l’esprit car il convient de lutter, pied à pied, contre l’idée que l’économie est la loi de la jungle et que tout est permis. Derrière l’économie des plateformes numériques, abusivement présentée comme une économie du partage, sans usines ni salariés, nous voyons le triomphe de l’économie de la rente.
Néanmoins, face à l’« ubérisation » de l’économie, le texte que vous proposez ne bâtit sans doute qu’un château de sable.
Il importe donc d’être ambitieux afin de ne pas alimenter le jeu perdant-perdant actuel : perdant pour les chauffeurs de taxi, perdant pour les chauffeurs de VTC.
Il faut à la fois mieux garantir l’application des lois existantes et le respect des obligations légales, ce qui relève de la responsabilité du pouvoir exécutif. Il faut aussi accepter de recenser et de repenser le transport public particulier de personnes comme un service public, ayant vocation à être régulé pour éviter la saturation du marché, qui condamne les chauffeurs à la précarité. Il faut encore repenser la régulation en termes de protection des usagers mais aussi de qualification et de garantie des droits des acteurs.
Il nous faudra nous pencher très sérieusement, dans les prochaines années, sur la question du statut des travailleurs de l’ensemble des plateformes.
C’est un sujet beaucoup plus vaste que celui qui nous intéresse cet après-midi. Au demeurant, la réponse que vous y apportez pour ce secteur est très incomplète.
Je voudrais néanmoins, pour conclure, saluer le travail accompli par notre collègue Laurent Grandguillaume, et nous voterons donc ce texte, malgré ses insuffisances et les réserves qu’il nous inspire.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, la proposition de loi relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes fait suite et complète la loi Thévenoud, cela a déjà été dit.
Ce nouveau texte est devenu nécessaire et urgent après les manifestations du début de l’année, qui ont montré l’exaspération de deux professions du secteur du transport public de personnes. Elle a fait l’objet d’un travail considérable de la part de notre rapporteur, qui a su écouter, comprendre et garder un cap pour maintenir l’objectif d’un équilibre justifié entre ces deux professions, nées à des époques différentes mais qui ont toutes deux leur utilité. Je voudrais aussi saluer le travail du Sénat et de son rapporteur Jean-François Rapin, avec qui nous avons collaboré en bonne intelligence et qui s’est montré d’un esprit constructif pour que ce texte puisse avancer.
Cela a permis d’aboutir à un texte équilibré, pour un secteur qui ne l’est pas, soumis à de profondes et durables transformations, touchant tout autant les formes et les usages de la mobilité, la digitalisation de l’économie et les nouvelles formes d’organisation du travail. L’actualité nous montre, s’il en était besoin, que nous ne sommes en effet pas uniquement face à une question de concurrence entre VTC et taxis.
Les mouvements revendicatifs des conducteurs de VTC, ces derniers jours, mettent aussi en évidence les difficultés d’un système généralisé de travailleurs indépendants. Dans les faits, ces derniers se retrouvent entièrement dépendants de plateformes de réservation qui fixent non seulement le prix de chaque course mais aussi le pourcentage qu’elles prélèvent, avec la possibilité de faire fluctuer les deux paramètres à tout moment.
Il en est ainsi de la digitalisation de l’économie, qui, si elle peut permettre de belles avancées pour les consommateurs, fragilise potentiellement les conditions de travail des chauffeurs. Dans le cas qui nous préoccupe cet après-midi, la digitalisation et la mise en oeuvre de plateformes ont changé et changeront encore les transports et les usages de la mobilité. Les consommateurs ont plébiscité ces nouvelles formes de déplacement – covoiturage ou VTC –, lesquelles ont d’ailleurs répondu à de vrais besoins dans les transports, en Île-de-France notamment. Les VTC ont su pallier l’insuffisance, souvent dénoncée, du nombre de taxis – rappelons-nous notamment les conclusions du rapport Attali, en 2008. La concurrence a également incité les taxis à se moderniser, en se dotant de terminaux de paiements, en offrant à leurs clients des applications facilitant la réservation et l’acheminement plus rapide d’un véhicule.
Il ne s’agit donc pas d’interdire ces nouveaux acteurs ni de les combattre, mais de veiller à ce que leur irruption sur le marché de la mobilité urbaine ne se fasse au détriment ni des taxis, qui, par leur histoire, respectent une réglementation contraignante, ni de ceux qui, désireux de devenir conducteurs, se retrouvent contraints à des conditions de travail insoutenables.
Le texte de Laurent Grandguillaume ne peut répondre à l’ensemble des problèmes qui se poseront dans les années à venir, tant il est difficile d’en prévoir toutes les évolutions. Il s’agit ici de responsabiliser les acteurs, d’apporter des règles communes à tous et, enfin, d’apaiser un secteur sous forte tension.
Laurent Grandguillaume, après avoir rappelé les apports du texte, les évolutions et les équilibres nouveaux apportés tant par le Sénat qu’en CMP, a mis en évidence ce qui, demain, devrait assurer cette régulation.
Il a beaucoup insisté sur l’article 1er, relatif aux obligations imposées aux plateformes, qui seront inscrites dans la loi afin de rassurer les taxis.
Il a également beaucoup insisté sur la nécessaire formation des chauffeurs de VTC et l’équilibre qui doit être respecté entre celle-ci et la formation des taxis : il n’y aurait aucune raison d’offrir un niveau d’accueil et de sécurité de passagers différents pour les deux offres de transport.
Pour terminer, permettez-moi de remercier de nouveau Laurent Grandguillaume pour son importante mobilisation sur ce texte. Il a réalisé, je crois, un travail absolument essentiel. L’actualité nous rappelle qu’il convient de faire baisser la tension dans le secteur des VTC. C’est pourquoi le groupe SER approuvera les conclusions de la CMP.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, « il s’agit d’un texte de circonstance, qui ne règle absolument rien pour l’avenir. En fait […] la loi arbitre entre deux capacités de nuisance. Et ceux qui l’emportent sont ceux qui ont une capacité de nuisance plus forte, parce qu’ils sont plus anciens et mieux organisés. Elle ne prépare absolument pas l’avenir, car elle met des barrières qui ne tiendront pas. » Ces propos, auxquels je souscris, sont ceux d’une parlementaire socialiste, Nicole Bricq.
Au lieu de procéder à un diagnostic global, vous avez choisi, encore une fois, d’édicter une loi, qui ne sera qu’une rustine de plus. L’évaluation de la loi Thévenoud a été passée sous silence : les leçons de son échec n’ont visiblement pas été tirées, tandis que les bonnes idées étaient oubliées et passaient inaperçues. Je pense au registre numérique des taxis, géré aux frais de l’État, sans que les chauffeurs ne soient pour autant obligés de s’y inscrire, ou à la couleur unique des véhicules. Faut-il mettre des barrières à un secteur qui créé des emplois ? La réponse de la majorité est implicite et elle est positive. C’est un choix étonnant, alors que notre pays compte plus de 3 millions de chômeurs.
Dès lors, sans surprise, on ne peut que regretter l’absence de vision globale de la part du Gouvernement. D’une part, sur le numérique et les grosses plateformes, le sujet est avant tout fiscal : par pitié, essayons de favoriser le développement des plateformes françaises ou, du moins, de ne pas l’entraver ! D’autre part, il convient de distinguer entre professionnels et non professionnels : le statut du travailleur indépendant est sans doute un sujet sur lequel il faudra plancher en 2017 ; au lieu de cela, vous regardez du côté des LOTI, du côté des données, et nous le regrettons.
Cela étant dit, la rédaction à laquelle la commission mixte paritaire a abouti est un vrai progrès par rapport au texte initial : le travail du Sénat a permis des compromis bienvenus sur la plupart des articles. Nous avons soutenu ces modifications, qui vont dans le bon sens et qu’il aurait sans doute été plus difficile d’obtenir en cas de nouvelle lecture.
Je pense notamment à l’article 2, dont le champ a été réduit et encadré : on ne pouvait raisonnablement pas absorber autant les données d’entreprises privées.
Nous saluons également l’exclusion claire et nette du covoiturage, lequel n’avait rien à faire dans le champ de cette proposition de loi. Nous l’avions demandée, en vain, en première lecture, notamment avec mes collègues Virginie Duby-Muller et Martial Saddier.
Le seul point sur lequel un compromis n’a pas été trouvé est l’article 6, qui confie systématiquement l’examen des chauffeurs de VTC aux chambres de métiers et de l’artisanat, alors que ce n’était jusqu’alors qu’une possibilité. Un comité national comprenant des représentants de l’État et des professionnels du secteur accompagnera cette mesure. Cette nouvelle instance, dont les modalités seront fixées par décret, a l’aspect d’un énième comité Théodule ; en fait, on comprend que l’essentiel des modifications à venir pour le secteur ne passera pas par cette loi mais par des actes réglementaires.
De nombreuses questions restent donc en suspens, monsieur le secrétaire d’État. À quoi servira ce comité national, qui ne pourra formuler que des recommandations ? Avez-vous déjà commencé à travailler sur sa composition ? Pouvez-vous confirmer que l’examen pratique n’a pas pour but de limiter l’accès à la profession de chauffeur de VTC et que le flux d’entrée dans la profession – 10 000 entrants par an – sera maintenu ? Sans parler de certaines barrières saugrenues au niveau théorique, on voit que la fréquence des examens est de plus en plus aléatoire et que les démarches administratives sont particulièrement lentes. Quel sera le coût de l’article 6 pour le budget de l’État ?
Enfin, qu’en est-il du fonds de compensation pour les licences de taxi ? Où en est ce dossier ? Combien coûtera-t-il ?
Toutes ces incertitudes ne seront malheureusement pas levées à l’issue du vote de la proposition de loi. En résumé, là où il aurait fallu concilier la lutte contre la concurrence déloyale dans ce secteur et la modernisation de la profession de taxi, le tout au bénéfice du consommateur et de l’innovation, cette proposition de loi n’apporte qu’une réponse partielle aux défis posés : si certaines de ses mesures sont pertinentes, elles sont contrebalancées par davantage de bureaucratie.
Aussi, bien que satisfait par le texte auquel le Parlement a abouti, si on le compare au texte initial, le groupe Les Républicains s’abstiendra, tout comme en première lecture, pour les raisons que j’ai évoquées.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en pleine grève des chauffeurs de VTC, se considérant comme des victimes d’une dérégulation sans limites de nos modes de transport, et après des appels au secours des chauffeurs de taxi, eux aussi victimes d’une absence de règles équilibrées, nous examinons un texte peu ambitieux, convenons-en, par rapport aux enjeux que représentent le développement des centrales de réservation, l’explosion de l’offre de transport public particulier de personnes et, surtout, la grande misère sociale dans laquelle est plongée une partie de nos concitoyens. Reconnaissons d’abord que nos outils d’encadrement de ce type de profession restent encore largement inadaptés.
L’activité des VTC a certes crû, ces trois dernières années, de 270 % par an, selon la seule étude dont nous disposons – financée par Uber. Dans le même temps, l’activité des taxis n’a chuté que de 5,3 % par an – mais les deux activités démarraient sur des bases totalement différentes. Globalement, le secteur de la mobilité a donc connu une croissance de l’ordre de 10 % en Île-de-France, région où il se développe le plus.
Il est clair que l’offre de nouvelles plateformes a entraîné une forte hausse de la demande, même s’il y a eu une grande part de substitution entre taxis et VTC, et si, surtout, les deux professions se caractérisent par des salaires horaires de misère : il y a davantage de services mais beaucoup moins de valeur.
Après la loi Thévenoud, la présente proposition de loi semble encore bien insuffisante pour tenir compte des bouleversements que le secteur a connus et qu’il continuera encore de connaître. Nous devrons donc, à n’en pas douter, légiférer de nouveau dans les prochaines années, parce que nous n’avons pas tranché entre deux modèles : dérégulation complète de l’offre et de la demande – pourquoi pas, mais il nous faudra en assumer les conséquences – ou régulation par quotas et contrôle à l’entrée.
Toutefois, monsieur le rapporteur, et même si nous aurions peut-être souhaité une proposition de loi plus aboutie, nous ne remettons pas en cause le résultat obtenu car nous sommes conscients du travail que vous avez réalisé. Si nous ne nous opposons pas à une réforme du statut LOTI, eu égard au détournement dont il aurait fait l’objet, nous restons circonspects quant à ses conséquences pour des chauffeurs qui, aujourd’hui salariés, risquent de passer sous statut d’indépendant, particulièrement précaire.
En effet, peut-on se satisfaire de voir des chauffeurs sous statut d’indépendant, taxis ou VTC, gagner beaucoup moins que le SMIC en travaillant 60 heures par semaine, voire davantage, alors que leur statut ne leur permet pas de toucher de droits au chômage ? Cette situation doit nous alerter sur la nécessité non seulement de réformer en profondeur le statut d’indépendant, mais aussi de réfléchir à la répartition de la valeur ajoutée entre conducteurs, d’une part, et centrales de réservation, d’autre part.
Un certain nombre de sujets auraient aussi mérité de trouver leur place dans ce texte, notamment un système d’imposition des plateformes de réservation ou une modernisation de la flotte des voitures, par le biais d’aides à leur verdissement. Nous regrettons également et nous avons du mal à comprendre que la création d’un fonds de garantie pour les taxis, annoncée comme l’une des mesures phares du Gouvernement, ait été écartée.
Malgré tout, ce texte présente quelques avancées bienvenues.
Le groupe UDI salue ainsi la cohérence apportée s’agissant des obligations imposées aux plateformes de mise en relation entre conducteurs et passagers.
Nous sommes favorables à la mise en place d’un tronc commun de formation à l’ensemble du secteur du transport public particulier ainsi qu’au choix de confier l’exclusivité de l’organisation de ces examens aux chambres de métiers et de l’artisanat.
Par ailleurs, nous reconnaissons l’utilité de la mise en place d’un observatoire du secteur, qui rassemblera les données transmises par les acteurs du marché et permettra à tous – entreprises, autorités et consommateurs – de comprendre finement les évolutions.
En définitive, l’insuffisance criante de ce texte étant en partie compensée par des mesures utiles, les députés du groupe UDI ne s’opposeront pas à son adoption.
La proposition de loi est adoptée.
La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, madame la rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, mesdames et messieurs les députés, l’avenir de notre pays, sa prospérité, sa capacité à innover, dans un monde où les changements sont nombreux, passent forcément par l’enseignement supérieur et la recherche. C’est un enjeu essentiel pour la France, l’Europe et le monde. D’ailleurs, si l’on regarde la situation des autres pays, que voit-on ? Partout, le niveau de qualification ne cesse de s’élever, et c’est une dynamique dans laquelle sont engagés des pays aussi différents que la Corée du Sud, le Brésil, les États-Unis ou l’Inde.
Nous sommes engagés, en France, avec détermination, dans le même processus. C’est un défi que j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer devant la représentation nationale et que je résume souvent à travers cette expression : la « démocratisation exigeante » de notre enseignement supérieur. Oui, nous avons besoin d’une jeunesse formée, éduquée, instruite, qui poursuive ses études pour acquérir les connaissances et les compétences qui lui seront nécessaires dans le monde d’aujourd’hui et, davantage encore, dans le monde de demain. Cela sera nécessaire aux jeunes à la fois en tant que personnes, en tant que citoyens et en tant que professionnels, car toutes ces dimensions sont en jeu dans les études.
Cela exige, de la part des pouvoirs publics, une adaptation, une exigence et un sens des responsabilités qui sont aujourd’hui au coeur d’une politique éducative ambitieuse, visant, je le rappelle, à atteindre 60 % d’une classe d’âge diplômée de l’enseignement supérieur et 25 % au niveau master. Nous en avons besoin aussi bien pour assurer la croissance économique de notre pays et répondre aux besoins de nos entreprises, que pour toutes les raisons que je viens d’évoquer.
C’est dans cette politique ambitieuse que vient s’inscrire la proposition de loi portant adaptation du deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système licence-master-doctorat, soumise cet après-midi à votre examen, puis à votre vote.
Les dispositions de cette proposition de loi mettent d’abord un terme à une situation intenable, ubuesque, qui avait été pendant trop longtemps tolérée et à laquelle il était urgent de remédier. Cette situation est apparue dans le cadre du processus de Bologne, qui, pour favoriser la construction d’un espace européen de l’enseignement supérieur, a donné lieu, en France, en 2002, à la réforme dite « LMD », licence-master-doctorat.
Avant cette réforme, le système universitaire français avait une singularité : il était fondé sur une rupture entre le niveau maîtrise et le niveau DEA ou DESS – diplôme d’études approfondies ou diplôme d’études supérieures spécialisées ; une année venait conclure, par le diplôme de la maîtrise, un cycle d’études, après quoi l’étudiant entrait dans un nouveau cycle conduisant, au bout d’un an, au DESS ou au DEA – ce dernier constituant une étape préparant au doctorat.
Cette singularité, la réforme LMD, dans les textes, y a mis fin. Cependant, dans les faits, on a trop souvent continué à établir une distinction entre ces deux années, ce qui n’a aucun sens dans le cadre d’un cycle, en l’occurrence celui du master. Aujourd’hui subsiste donc une logique souterraine, héritée de l’ancien système et qui s’est installée dans le nouveau. Cela ne va pas sans poser de nombreux problèmes, à commencer par une hétérogénéité de situations, contraire à la dimension nationale du diplôme du master. Concrètement, dans certains cas, on a une formation complète sur quatre semestres, conforme au cadre posé par le processus de Bologne, tandis que, dans d’autres cas, demeure une procédure sélective à l’entrée du M2 – la deuxième année de master –, héritage de l’accès limité qui existait naguère à l’entrée des DEA et des DESS.
Une telle situation, vous en conviendrez, ne peut nous satisfaire, pour bien des raisons. D’abord, elle est contraire à la règle de l’indivisibilité des quatre semestres du master : seule la validation des deux premiers semestres doit conditionner le passage en seconde année – qui n’a rien d’automatique mais obéit à des règles claires. Ensuite, cette situation étrange, hybride, entraîne le redoublement de la première année de master par des étudiants qui l’ont pourtant validée mais ne sont pas autorisés à poursuivre le cursus et ne peuvent donc obtenir le diplôme de master. C’est non seulement contraire à la logique la plus élémentaire mais c’est aussi profondément injuste – tellement injuste que cela a conduit à des contentieux récurrents devant les tribunaux. Cela a été, pour les requérants comme pour les établissements mis en cause, une source d’instabilité et de problèmes, devant lesquels l’action s’imposait.
À la suite de l’avis rendu par le Conseil d’État en février de cette année, Thierry Mandon et moi-même avons décidé de sécuriser la rentrée universitaire 2016-2017. C’est la raison pour laquelle nous avons fait publier, le 25 mai 2016, un décret relatif au diplôme national de master, qui a permis de sécuriser juridiquement les procédures d’admission à l’entrée du M2 pratiquées par certaines universités. Toutefois, une telle solution, si elle a sécurisé une rentrée universitaire, n’a en rien permis de résoudre le problème originel de 2002, à savoir la survivance de l’ancien système dans le nouveau. C’est pourquoi nous avons souhaité conduire une large concertation, menée de mai à fin septembre, avec l’ensemble des acteurs de la communauté universitaire, pour trouver enfin ensemble une solution satisfaisante et en finir avec une situation qui traîne depuis quatorze ans.
Le 4 octobre 2016, nous avons abouti à une position commune, entre le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, et les principales organisations représentant les étudiants – l’UNEF, Union nationale des étudiants de France, la FAGE, Fédération des associations générales étudiantes, et PDE, Promotion et défense des étudiants –, les enseignants et personnels – le SNESUP-FSU, Syndicat national de l’enseignement supérieur, le SGEN-CFDT, Syndicat général de l’éducation nationale, Sup’Recherche-UNSA et le SNPTES, Syndicat national du personnel technique de l’enseignement supérieur et de la recherche – et les établissements d’enseignement supérieur – la CPU, Conférence des présidents d’université, et la CDEFI, Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs. Un tel consensus est, à bien des égards, historique, et je veux saluer le sens des responsabilités de ces organisations, qui ont pleinement mesuré l’importance de trouver ce compromis. Cette position commune a ensuite été approuvée à une très large majorité par le CNESER – le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche – le 17 octobre 2016. C’est cet accord que vient traduire la présente proposition de loi, telle qu’issue des travaux des sénateurs de gauche et de droite.
Cette proposition de loi résulte donc d’un exercice assez original : elle est le fruit d’une co-construction de l’ensemble des acteurs de la communauté universitaire. Les objectifs du texte sont clairs ; ils répondent aux attentes de l’ensemble de la communauté universitaire. Grâce à lui, nous aurons enfin une offre de formation en master qui se déroulera pleinement sur deux années, avec la suppression de la barrière sélective qui existait parfois entre le M1 et le M2. Nous remédierons ainsi aux inconvénients provoqués par la situation que j’ai rappelée, tant pour les universités que pour les étudiants. Nous donnerons enfin aux étudiants un horizon clair. Car comment se projeter dans un cursus exigeant sur deux ans si, en définitive, on ne sait pas réellement ce qui va se passer au terme de la première année ? Par cette proposition de loi, nous voulons assurer un cursus sécurisé, comportant un recrutement au début de la première année de master, sur des critères objectifs, connus de tous, mettant donc fin aux inégalités qui prospéraient sur les non-dits et la confusion.
En théorie, en effet, la sélection n’était jusqu’à présent pas pratiquée à l’entrée du master. Toutefois, dans les faits, de nombreuses universités étaient conduites à contourner ces règles, créant un système pénalisant les plus faibles, ceux qui ne maîtrisaient pas les codes implicites et qui, de ce fait, se retrouvaient dans des situations difficiles sans même en connaître les raisons.
Avec cette proposition de loi, enfin, les universités pourront désormais fixer des capacités d’accueil, après un dialogue avec le recteur, et subordonner l’admission en première année de master au succès à un concours ou à un examen du dossier du candidat. Cela donnera lieu à un recrutement fondé sur des critères transparents, objectifs, afin de vérifier le niveau pédagogique ou le projet professionnel de l’étudiant. Les réponses aux candidatures devront être motivées et communiquées aux candidats.
Oui, nous voulons que nos universités puissent recruter à l’entrée du master. Cela ne doit pas pour autant se faire dans une logique d’exclusion, mais en offrant parallèlement à tous les étudiants qui le souhaitent un droit à la poursuite d’études. Tout étudiant titulaire du diplôme national de licence qui n’aura pas reçu de réponse positive à sa demande d’admission en première année de master se verra assurer une inscription dans un autre cursus. Dans le cas où cette poursuite d’études s’accompagnerait d’une mobilité géographique, un dispositif d’aide à la mobilité mis en place par l’État viendra compenser ce qui est trop souvent vécu comme une sélection sociale et assurera une prise en charge de chaque étudiant, quel que soit son parcours de vie et d’études.
La proposition de loi relative au master permettra donc aux universités de mettre en place un recrutement à l’entrée de la première année du master, tout en garantissant au titulaire d’un diplôme national de licence un droit à la poursuite d’études dans un cursus conduisant au diplôme national de master. Ce texte sécurise les établissements et élargit les possibilités d’orientation des jeunes – une plateforme est sur le point d’être créée afin d’aider ces derniers à obtenir toutes les informations utiles pour bien s’orienter. Il vise à orienter sans empêcher : aucun étudiant titulaire de la licence qui souhaite poursuivre ses études plus loin ne sera sans solution, sans choix, sans droit.
L’idée, derrière tout cela, vous l’avez compris, est de ne pas tomber dans le cercle vicieux conduisant à choisir quelques étudiants qui pourront parvenir au terme de leurs études sans s’intéresser à tous ceux qui seront laissés-pour-compte car on ne leur propose rien. Si je parle à ce sujet de cercle vicieux, c’est que je crois sincèrement que nous ne pourrons pas répondre aux défis qui sont les nôtres si nous fondons la réussite de quelques-uns sur l’échec de tous les autres. Ces échecs, à terme, finiraient par créer une situation insoutenable et, pour tout dire, indigne d’un pays comme le nôtre, qui, au fil de son histoire, a toujours été porté par une vision généreuse et ambitieuse du savoir et de la formation.
Nous avons tout intérêt à conserver cette vision ambitieuse et généreuse, car on ne relève les défis et on ne surmonte les crises que par le haut, par l’élévation du niveau général de qualification de la population, et non par l’exclusion ou l’injustice. En cela, je crois que ce texte répond aux attentes de l’ensemble de la communauté universitaire : clarification, cohérence, ambition, exigence. J’espère, mesdames et messieurs les députés, qu’au terme de son examen, vous l’adopterez.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Le débat autour de cette proposition de loi pose des problèmes juridiques qui, à mon avis, nécessiteraient une analyse juridique préalable de la part des services de l’Assemblée nationale. Je pense même qu’en l’état – mais c’est vous qui apprécierez, monsieur le président –, il faudrait ajourner sine die la discussion du texte. Je vais vous expliquer pourquoi.
Dans un très intéressant article paru jeudi dernier dans le journal L’Opinion, il est fait état de très curieuses méthodes de lobbying et de pressions subies par certains de nos collègues de la part de la Conférence des présidents d’université. J’ai donc mené mon enquête. Monsieur le président, je vous fais passer par un huissier ce petit dossier, qui montre la réalité du problème. Je pense, je le répète, que cela appelle une analyse juridique.
De quoi s’agit-il ? La CPU, comme vous le savez, est un organisme public, financé par des deniers publics. Or, en amont de notre débat, trois problèmes importants ont été soulevés. Le premier…
Monsieur Hetzel, un rappel au règlement porte sur le déroulement de la séance.
En l’occurrence, vous êtes en train de faire état d’éléments qui sont à verser au débat. Or il se trouve que vous êtes inscrit dans la discussion générale – vous êtes même le premier inscrit, pour dix minutes, conformément à ce qu’a demandé votre groupe. Je vous propose donc de faire état de vos arguments à l’occasion de la discussion générale.
Je vais donc passer la parole à Mme Sandrine Doucet, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.
La séance est reprise.
La parole est à Mme Sandrine Doucet, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le monde universitaire nous regarde. Il attend de nous un comportement responsable et l’adoption de cette proposition de loi, issue d’une démarche profondément exemplaire,…
…négociée et co-construite. Ce texte est en effet l’aboutissement d’un processus ayant conduit à la ratification d’un accord entre tous les membres de la communauté universitaire. Je veux saluer l’esprit de responsabilité et le courage des principales organisations représentant les étudiants, les enseignants et personnels, ainsi que les établissements d’enseignement supérieur, qui se sont entendues, le 4 octobre 2016, sur une position commune, équilibrée et prometteuse.
Dans la logique du processus de Bologne, au niveau européen, le master se compose de quatre semestres, soit deux années cohérentes, liées entre elles et permettant une vision plus globale des études. Aujourd’hui, dans près de la moitié des cas, le master est coupé par une sélection en deuxième année, à tel point que les intitulés de master 1 et de master 2 ne sont pas les mêmes. Les étudiants peuvent ainsi se retrouver bloqués après la validation d’un bac + 4 validé, sans pouvoir accéder à un bac + 5, comme il est pourtant prévu dans le système LMD. De plus, la sélection en master 2 repose sur des fondements juridiques incertains.
Rompant avec des postures idéologiques souvent contre-productives, le Gouvernement a su rassembler les acteurs du monde universitaire autour de la table pour régler cette question lancinante. Le compromis a également été approuvé à plus des deux tiers des suffrages lors du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche du 17 octobre 2016.
La proposition de loi présentée cet après-midi, qui est une nécessité, provient du Sénat, où elle a été adoptée à une très large majorité, tous bancs confondus. Le texte, proposé par l’UDI à l’initiative de Jean-Léonce Dupont, s’inspirait largement du consensus que je viens d’évoquer, et il a été complété par la sénatrice Dominique Gillot, membre du groupe socialiste, pour y intégrer le résultat de l’accord du 4 octobre.
C’est cet esprit de responsabilité que nous devons poursuivre aujourd’hui, conscients des enjeux et de la nécessité d’adopter le texte afin de répondre à l’attente pressante des universités et des étudiants pour la rentrée de 2017.
Je crois que nous pourrons tous convenir du caractère insatisfaisant de la situation actuelle, je viens d’en rappeler quelques éléments. Le système LMD, introduit en France en 2002, est demeuré inachevé pour cette étape décisive des parcours. Seuls certains masters déploient une formation complète et homogène sur quatre semestres. Conserver une procédure sélective à l’entrée de la deuxième année revient à entretenir un héritage qui n’a plus lieu d’être : celui de l’accès limité qui existait à l’entrée du DEA et du DESS.
Cette situation nuit à la qualité pédagogique car les formations en M2 s’en trouvent réduites, amputées. Les expériences à l’étranger ou les stages ne trouvent plus leur place dans un parcours découpé, où des enseignements doivent aussi être assurés. Dans l’organisation pédagogique telle que nous l’observons aujourd’hui, le M2 n’est parfois composé que de deux ou trois mois de cours, alors qu’un système en quatre semestres serait plus propice à l’organisation du temps de l’étudiant et à l’approfondissement des connaissances.
La césure actuelle est aussi un facteur d’incertitude et d’inégalité pour les étudiants. Les articulations entre les intitulés des M1 et M2 sont des facteurs de complexité qui défavorisent les étudiants issus de familles peu au fait des subtilités du système universitaire. Certains redoublent alors qu’ils ont validé leur M1, d’autres abandonnent ; ainsi, 35 % des étudiants n’obtiennent pas leur M1 en un an.
De plus, la coupure du master en deux affaiblit fortement la lisibilité, donc l’attractivité internationale de nos universités, alors même que ce cycle est celui qui fait l’objet de la concurrence mondiale la plus acharnée, en raison de son efficacité pour intégrer le marché du travail.
Enfin, cette coupure est juridiquement très fragile : elle nourrit des contentieux récurrents, source continuelle d’instabilité, aussi bien pour les requérants que pour les établissements mis en cause. La fracture est également sociale, une fois de plus, car ne peuvent agir en justice que les plus aisés, ceux qui possèdent des moyens financiers et la connaissance du système.
Par ailleurs, le Conseil d’État a déjà annulé des refus d’inscription en constatant que la loi actuelle n’autorise une sélection – d’ailleurs prévue en entrée de M1 et non de M2 – que sous certaines conditions.
L’achèvement du processus LMD est souhaité mais ce processus est longtemps resté bloqué en raison de postures idéologiques sur la sélection. Aujourd’hui, nous pouvons les dépasser. Bien entendu, il faut que les étudiants accèdent à des formations qu’ils sont aptes à suivre. Pour autant, je refuse la logique malthusienne, celle qui réserve les formations réputées les meilleures à des jeunes préalablement triés sur le volet.
La sélection n’a jamais produit l’excellence. Notre système d’enseignement supérieur souffre trop de cette extrême et précoce sélectivité dans de très nombreuses filières, préemptées par ceux qui disposent du capital culturel pour les identifier. La société tout entière gagne à une élévation du niveau global des études. Pour les étudiants, le diplôme demeure le meilleur bouclier contre le chômage. Et, pour tous les citoyens, il s’agit de vivre dans une société plus dynamique.
À partir de ces convictions, l’accord du 4 octobre, qu’il nous est proposé de transcrire dans la législation, représente un compromis audacieux et protecteur.
Tout d’abord, dans la logique du système LMD, la proposition de loi permet à l’offre de formation du master de se dérouler pleinement sur deux années. La barrière sélective entre M1 et M2 est supprimée, et l’éventuel recrutement des universités est prévu à l’entrée de la première année du cycle, afin que soit assurée, ensuite, la cohérence des quatre semestres.
La sélection s’effectuera sur la base de critères transparents et de procédures claires, bien loin de la pratique actuelle : ce sera sécurisant pour les étudiants mais aussi pour les universités, qui se préserveront ainsi de recours judiciaires. Un portail d’information, créé pour l’occasion, pourra faire connaître ces critères et les rejets seront motivés.
Précisons qu’un aménagement est introduit pour les formations du droit et de la psychologie, dont les concours ou les métiers réglementés reposent encore sur des sorties à bac + 4. Cependant, cette exception est transitoire, et une vaste concertation est d’ores et déjà engagée pour garantir rapidement leur retour vers le droit commun. Il appartient au Gouvernement, dans son décret et par la concertation, de déterminer un certain nombre de masters pour lesquels un temps d’adaptation pourrait être nécessaire. Les instituts d’études politiques, qui fonctionnent déjà sur cinq années obligatoires et une sélection en M2, pourraient disposer de temps supplémentaire afin d’adapter leur modèle particulier, mais j’insiste sur le fait que cela ne peut être que transitoire.
Pour éviter que cette nouvelle faculté ne nourrisse une inflation infondée du nombre de masters sélectifs, la fixation des capacités d’accueil par les établissements fera l’objet d’un dialogue avec l’État et sera déterminée par des critères objectifs, je le souligne.
L’accord reposant sur un équilibre, il existe une contrepartie à cette clarification des procédures d’entrée : la proposition de loi institue un très prometteur et innovant droit à la poursuite d’études en master. Je salue cette avancée considérable pour les étudiants. Tout étudiant titulaire d’un diplôme national de licence qui n’aura pas reçu de réponse positive à ses demandes d’admission se verra désormais garantir une inscription, dès lors qu’il saisira le recteur de région académique. Celui-ci lui formulera trois propositions cohérentes avec ses aspirations, en priorité dans l’établissement où il aura obtenu sa licence ou, à défaut, dans un établissement de la même région académique. Ces propositions tiendront évidemment compte du projet professionnel de l’étudiant et de la compatibilité entre la licence obtenue et le master envisagé. Il s’agit donc d’un triptyque, au bénéfice de l’efficacité, entre la licence, le master et le projet professionnel. Le système n’a rien de hasardeux : contrairement à ce que l’on a entendu dire, les étudiants n’attendront pas pendant cinq ans, dans leur faculté, que le temps passe.
Je veux ici souligner l’ampleur des garanties apportées à ce droit d’inscription. La mobilité géographique, souvent coûteuse pour l’étudiant, est limitée autant que possible. Notons cependant que plus de 40 % des étudiants changent déjà aujourd’hui d’établissement en M1, et 37 % en M2.
En retenant l’échelle de la région, l’accord comme la proposition de loi ont trouvé un juste équilibre. En outre, l’État s’est d’ores et déjà engagé à mobiliser tous les moyens disponibles, en particulier les bourses – dont le montant varie déjà en fonction de la distance entre le foyer familial et le lieu d’étude – ainsi que les aides ponctuelles à l’installation.
Enfin, l’accord du 4 octobre n’oublie ni l’information – qui est indispensable – ni le défi que représente l’orientation.
Les mieux informés sont souvent les jeunes issus des familles les mieux armées, disposant du capital culturel, social et économique le plus étoffé. Le Gouvernement s’engage à mettre en place, dans les plus brefs délais, un portail – dénommé « trouvermonmaster.gouv.fr » – qui présente avec clarté et précision l’ensemble des filières disponibles, leurs prérequis comme leur évaluation.
J’ai entendu, lors de mes auditions, les craintes de voir ce portail devenir un nouvel APB, la plateforme d’admission post-bac qui oriente les lycéens. Or l’administration m’a rassurée : l’esprit qui a présidé à sa création est très loin de tout cela. Par conséquent, les étudiants peuvent l’être également : ils y trouveront toute l’information nécessaire à leur orientation.
J’ai débuté mon propos en indiquant que le monde universitaire nous regardait. Vous aurez compris, mes chers collègues, les grandes qualités de cette proposition de loi qui repose sur un équilibre précieux. Maintenons-le donc car il traduit en actes l’ambition de co-construire avec les acteurs : notre enseignement supérieur en sortira renforcé.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, je me réjouis sincèrement que la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui apporte une solution équilibrée et équitable au problème lancinant de l’accès au deuxième cycle des études supérieures et de la compatibilité de celui-ci avec le système licence-master-doctorat, dit « LMD ».
En effet, alors que la France a adopté depuis 2002 cette structuration des études supérieures en trois, cinq et sept années, la persistance d’une sélection en quatrième année pour l’accès aux troisième et quatrième semestres du master – c’est-à-dire aux anciens DEA et DESS – induit des difficultés tout à la fois juridiques, administratives, pédagogiques et sociales peu compatibles avec la volonté de modernisation et de démocratisation de l’enseignement supérieur animant notre majorité.
Pour autant, trouver une solution satisfaisant toutes les parties prenantes était complexe, et l’imposer par le haut se serait, assurément, révélé contre-productif.
C’est pourquoi je me félicite que le Gouvernement ait eu la sagesse d’attendre l’accord historique trouvé par l’ensemble de la communauté universitaire. À cet égard, je salue le sens des responsabilités et de l’intérêt général dont témoigne la position commune arrêtée le 7 octobre dernier par les principales organisations représentant les étudiants, les enseignants, les personnels ainsi que les établissements d’enseignement supérieur.
Approuvée par le CNESER le 17 octobre dernier, la solution proposée est fidèlement reprise dans la proposition de loi que nous examinons et qui a été déposée à l’initiative de notre collègue sénateur Jean-Léonce Dupont et opportunément enrichie lors de sa première lecture au Sénat, aussi bien commission qu’en séance.
Je ne reviendrai pas sur le détail du dispositif qui vient d’être très précisément présenté par notre rapporteure Sandrine Doucet. En l’état, le texte adopté à une large majorité par le Sénat le 26 octobre fait le choix d’une dynamique vertueuse d’orientation à l’issue de la licence. Il privilégie en effet l’adéquation entre les offres de formation disponibles et l’aptitude des étudiants à les suivre avec succès, tout en affirmant un droit à la poursuite des études.
Il rejoint ainsi les conclusions du rapport d’information de la mission sur les liens entre le lycée et l’enseignement supérieur présenté par notre excellent collègue Emeric Bréhier, ici présent, en juillet 2015. Notre collègue préconisait notamment une refonte de l’orientation à l’université afin de lutter contre la sélection par l’échec et l’accompagnement des étudiants dans la construction de leur parcours universitaire et de leur projet professionnel afin d’orienter sans empêcher.
Mes chers collègues, ne nous laissons pas impressionner par les mauvais augures, ni dans un sens – celui d’une politique malthusienne des universités qui contracterait l’offre de formation afin de préserver une sélection pure et dure – ni dans l’autre, qui verrait l’offre de formation exploser pour satisfaire toutes les demandes, quitte à proposer un enseignement à deux vitesses pour les recalés du premier choix, ce que nous refusons, évidemment, de la façon la plus absolue.
La réalité est beaucoup plus simple : le diplôme constitue aujourd’hui le meilleur moyen, pour nos jeunes, de trouver leur place sur le marché du travail. La réforme qui nous est proposée sert donc avant tout l’intérêt des étudiants, y compris ceux qui ne disposent pas des codes leur permettant de tracer leur chemin au sein d’offres de formation qui demeurent complexes. Elle va dans le sens de leur réussite en clarifiant les critères de candidature et de sélection à l’entrée en master et en leur garantissant la possibilité de poursuivre leurs études au-delà de la licence.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a été adoptée sans modification par la commission des affaires culturelles et de l’éducation le 6 décembre dernier. Pour toutes les raisons que je vous ai exposées après Mme la rapporteure, je vous invite, mes chers collègues, à renouveler ce vote à l’issue de nos échanges. Cette proposition de loi utile et novatrice pourra ainsi entrer en vigueur dès les prochaines inscriptions en master : cette perspective sert donc l’intérêt même des étudiants tout comme l’intérêt général.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, madame la rapporteure, mes chers collègues, je vais avant tout, comme vous m’y avez invité, monsieur le président, revenir sur les problèmes juridiques que pose cette proposition de loi. Je traiterai ensuite les autres aspects que notre groupe souhaite aborder.
Les problèmes juridiques sont très simples et au nombre de trois. Le premier est le suivant : la CPU a mis en place une gigantesque opération de lobbying, dont vous pouvez prendre connaissance grâce au dossier que j’ai transmis à la présidence. La Conférence a en effet demandé aux présidents d’université de faire pression sur les députés, ce qui pose un premier problème, d’ordre déontologique.
Le deuxième problème est bien plus grave : la CPU ne respecte pas la neutralité qui pourtant devrait s’imposer à elle : ainsi, elle est intervenue auprès des députés pour exiger un vote conforme. Ce faisant, elle remet en cause notre droit d’amendement, qui est fondamental, et s’immisce de manière anormale dans l’activité parlementaire : elle ne respecte donc pas le principe de séparation des pouvoirs.
Troisième problème juridique : la CPU a établi un fichier Excel annoté contenant une liste de députés à cibler prioritairement en vue d’exercer des pressions. Dans un courrier électronique, la CPU mentionne même le fait que son action auprès de Mme le rapporteur aurait permis de prévenir « toute modification du texte qui n’est pas souhaitable ».
Je pense par ailleurs que ce fichier, dont vous pouvez également prendre connaissance, n’a fait l’objet d’aucune déclaration préalable auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL – on imagine aisément pourquoi.
Cela étant dit, la proposition de loi déposée par le sénateur Jean-Léonce Dupont prévoyait initialement d’autoriser la mise en place, conformément à la logique du système LMD, d’une sélection des étudiants lors de l’accès en master 1. En somme, il s’agissait d’avancer la sélection – qui jusqu’alors se faisait entre l’année de master 1 et celle de master 2 – à l’entrée en master. À l’issue de son examen au Sénat, le texte a été modifié par un amendement du groupe socialiste et républicain pour créer un droit automatique à la poursuite d’études.
Concrètement, l’accord prévoit qu’un étudiant pourra, en cas de non-sélection dans les masters qu’il a demandés, faire appel au rectorat, lequel se trouvera alors dans l’obligation de lui faire trois propositions, dont au moins une, si l’offre de formation le permet, dans son établissement, ou, à défaut, dans son académie, tout en tenant compte de son projet professionnel.
Avant d’aller plus loin dans l’argumentation, je voudrais d’ores et déjà insister sur le fait que ce droit, s’il devait par malheur être voté, promet d’être très compliqué à mettre en oeuvre dans les faits.
En effet, comment le recteur pourra-t-il connaître tous les masters qui peuvent encore accueillir des étudiants ? Que se passera-t-il s’il n’y a plus de places disponibles ? Enfin, le recteur pourra-t-il imposer un candidat à un responsable de formation ?
D’un point de vue opérationnel, cette proposition de loi constitue une atteinte grave à l’autonomie pédagogique des universitaires ainsi qu’à la souveraineté des jurys d’admission.
Et comment imaginer qu’au sein d’un groupe d’étudiants coexistent, selon la voie d’accès choisie, deux groupes ? En effet, leur logique – celle de la sélection, d’une part, et celle de la voie parallèle de la non-sélection, d’autre part – sera strictement orthogonale. Enfin, franchement !
En fait, la version de la proposition de loi qui nous est proposée ici vide de tout sens, contrairement à ce que d’aucuns affirment, la notion même de sélection. En outre, elle institue un principe de non-sélection qui dévalorisera, à terme, les masters ; ils ne seront plus les diplômes d’excellence du système universitaire.
Çà et là, certains disent qu’un consensus général existerait sur cette proposition de loi. Or toutes les organisations syndicales ne l’ont pas signé et, de la même manière, au sein de la CPU, la réforme a donné lieu à un débat extrêmement important. Si une majorité a pu se dégager,…
Cela s’appelle la démocratie !
Revenons-en à la proposition de loi. L’orientation, telle que ce texte propose de l’organiser, est susceptible de remettre en cause des accords de réciprocité existant avec les universités étrangères. Les récents échanges que j’ai pu avoir avec des responsables universitaires à travers l’Europe tout entière me confortent dans l’idée qu’une telle approche, que nous serons les seuls à pratiquer dans le monde, va pousser les plus prestigieuses universités étrangères à dénoncer les accords de coopération avec les universités françaises. En effet, du fait de la réforme envisagée, ces dernières changeront complètement et radicalement de logique.
En substituant à la sélection pour tous l’admission automatique pour chacun, on ne rend service à personne : ni aux universitaires, dont on viole le principe d’autonomie pédagogique, ni aux étudiants – auxquels on laisse penser que l’automaticité de l’accès serait une opportunité alors qu’elle dévalorisera le diplôme qui leur sera délivré – et pas plus aux employeurs qui seront, plus que jamais, poussés à privilégier, dans leur recrutement, des diplômés de grandes écoles qui, eux, auront subi l’épreuve de la sélection.
Enfin, un débat a été totalement escamoté : celui de la professionnalisation des licences universitaires. Dans le prolongement de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, un travail avait débuté dans ce sens afin que les titulaires d’une licence acquièrent une véritable employabilité et puissent s’insérer professionnellement à l’issue de l’obtention de leur diplôme.
La majorité socialiste a, hélas, dès 2012, mis un coup d’arrêt à cette orientation. Et cette proposition de loi révèle l’incapacité du Gouvernement à envisager une véritable professionnalisation en général et en licence en particulier.
Ainsi, ce droit prétendument automatique à la poursuite d’études constitue une manipulation intellectuelle : on poussera tous les diplômés de licence à poursuivre leurs études en master car on aura été incapable de rendre ces étudiants véritablement et effectivement employables. C’est tout de même dramatique.
Voilà pourquoi il convient de revenir sur une telle disposition qui est une véritable chimère – le groupe Les Républicains a déjà, lors des débats en commission, défendu cette position.
Par ailleurs, j’ai déposé des amendements visant à améliorer, dans l’orientation des étudiants, la prise en compte des perspectives de débouchés professionnels. Ainsi, je propose de tenir compte de ces perspectives dans l’orientation des titulaires d’une licence n’ayant pas été admis en première année du master de leur choix vers une autre formation, ainsi que dans les conditions d’admission en deuxième année de certaines formations du deuxième cycle.
De même, l’intégration d’un volet sur l’insertion professionnelle des diplômés dans l’évaluation de l’impact du dispositif de la poursuite d’études semble indispensable en vue d’améliorer l’orientation des étudiants. Une fois encore, ce sujet n’a absolument pas été abordé. Vous l’aurez compris, l’insertion professionnelle est la grande oubliée de cette proposition de loi. Par conséquent, vouloir l’adopter conforme, c’est-à-dire sans l’amender, sera avant tout dommageable aux étudiants eux-mêmes.
Il s’agit d’un paradoxe, et en tous cas d’une occasion ratée : elle aurait pu permettre à notre université de jouer pleinement son rôle en matière d’insertion professionnelle des jeunes.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, madame la rapporteure, chers collègues, nous nous apprêtons aujourd’hui à inscrire dans la loi une disposition attendue depuis près de dix ans puisque le système licence-master-doctorat, introduit en France en 2002 conformément aux conclusions du processus de Bologne, n’a en réalité jamais été définitivement instauré.
Jusqu’à cette date, la sélection s’effectuait à bac + 4, après l’obtention de la maîtrise et avant un éventuel passage en DEA ou en DESS. Or cette scission entre les deux années de master n’a jamais cessé d’exister et les cursus de formation à l’université prévoient encore aujourd’hui une sélection entre le master 1 et le master 2.
Soucieux d’harmoniser l’offre de formation dans l’enseignement supérieur, nous soutenons depuis son lancement le modèle européen dit « LMD » et, par souci de cohérence, nous prônons un master articulé autour de quatre semestres.
Du fait de la multiplication des recours devant les tribunaux administratifs et les nombreux recours gracieux auxquels les universités répondent favorablement, la situation devenait intenable. Le récent décret adopté à la hâte par le Gouvernement n’a rien changé et nous courrions le risque de déstabiliser l’ensemble de l’offre de formation délivrée par les universités.
Mes chers collègues, depuis de trop nombreuses années, l’absence de volonté politique face à cette situation déplorable cache en réalité un tabou : celui de la sélection dans l’enseignement supérieur. Alors que les négociations étaient au point mort, nous devons beaucoup à l’initiative de notre collègue Jean-Léonce Dupont, qui a enfin pris ce problème à bras-le-corps, ce qui a sans aucun doute encouragé le Gouvernement à accélérer la concertation.
La proposition de loi déposée initialement au Sénat prévoyait ainsi une sélection à l’entrée du deuxième cycle, c’est-à-dire du master 1, laissant aux universités le soin de définir les capacités d’accueil en première année.
Mue par la volonté d’intégrer la « position commune » entre les syndicats étudiants et les universités, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat a ensuite sensiblement modifié le texte.
Si la procédure de sélection à l’entrée en master 1 reste proche de la première version, le Sénat a malheureusement introduit, de manière insidieuse, un « droit à la poursuite d’études ». Il faut en avoir conscience. En effet, la proposition de loi prévoit désormais que s’ils en font la demande, les titulaires d’une licence non admis en master 1 se verront proposer une inscription dans une formation du deuxième cycle en tenant compte de leur projet professionnel et de l’établissement dans lequel ils ont obtenu leur licence.
Nous craignons que ce nouveau droit conduise à l’engorgement des rectorats. Jusqu’à présent, il revenait aux étudiants de mener les démarches pour trouver un master correspondant à leur projet et à leurs aptitudes. Or demain, n’importe quel étudiant n’aura plus qu’à déposer un dossier dans un master et attendre une décision de refus. Le rectorat fera ensuite les démarches nécessaires pour lui trouver une formation, même plusieurs, qu’il sera obligé d’accepter.
Compte tenu de ce qu’a de précaire et de potentiellement hasardeux le fait d’inscrire dans la loi un tel droit, nous souscrivons à la volonté du rapporteur du Sénat d’y adjoindre un dispositif d’évaluation. En effet, seule la pratique nous éclairera sur la portée de ce dispositif.
Tout à fait !
S’agit-il d’un droit à la poursuite d’études ou simplement d’un deuxième tour d’orientation ?
Cette proposition de loi soulève de nombreuses critiques, que nous partageons. Reconnaissons toutefois que ce texte présente au moins le mérite d’instaurer une sélection à l’entrée en master, dans l’esprit de la réforme européenne, et apporte aux universités une lisibilité et une sécurité juridique bienvenues. Nous souhaitons que ce texte en appelle d’autres car nous sommes favorables à des mesures d’orientation contrôlées, voire à des mesures d’encadrement à l’entrée en premier cycle.
Dans la perspective d’une entrée en vigueur dès la rentrée 2017, il est essentiel que le texte soit adopté dans des délais brefs. Conscients des contraintes imposées par le calendrier parlementaire, nous avons choisi de ne pas déposer d’amendement.
Pour autant, l’adoption de cette proposition de loi ne signifie pas que le débat est clos, bien au contraire, car le problème de l’enseignement supérieur ne se résume pas à la question de la sélection en master. Nous devons veiller à ce que nos filières restent des filières de réussite, qui garantissent une insertion professionnelle aux étudiants. Or, selon une étude réalisée par l’Association pour l’emploi des cadres – l’APEC – en 2015, près de 40 % des jeunes ayant un niveau bac + 5 sont sans emploi un an après leur diplôme. Quel échec !
La question de la sélection à l’université reste toujours ouverte et devra être traitée dès les premiers mois du nouveau quinquennat.
Les débouchés ne sont pas extensibles à l’infini et il faudra bien fixer des limites, si l’on souhaite que chaque diplômé trouve un emploi en lien avec la formation qu’il a suivie – sans compter le coût, pour le contribuable, de telles formations vouées à l’échec.
Cette année encore, pas moins de 32 400 étudiants supplémentaires sont entrés dans l’enseignement supérieur – après une augmentation de 30 000 étudiants l’année dernière. Depuis 2009, les universités ont accueilli 180 000 étudiants supplémentaires, soit l’équivalent de près de dix universités.
Nous l’avons dit en commission : nous déplorons l’enterrement du rapport de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche sur l’affectation en première année de licence dans les formations à capacités d’accueil limitées.
Ce rapport proposait plusieurs mesures qui mériteraient d’être débattues : limiter les redoublements en première année de licence, en les subordonnant à un avis favorable du jury tenant compte de l’assiduité de l’étudiant et de ses résultats, donner la priorité aux étudiants qui justifient d’un parcours spécifique au lycée les ayant préparés à une poursuite d’études dans la filière demandée, ou encore établir des prérequis à l’entrée de certaines formations, ce qui est peut-être la proposition la plus sensible. Pourquoi avons-nous peur de proposer des filières et des orientations qui garantiraient à nos étudiants de trouver un emploi ?
Aujourd’hui, les demandes d’inscription continuent d’augmenter année après année et on ne peut tolérer que certaines filières en tension pratiquent une sélection aussi arbitraire que le tirage au sort. À ce propos, nous avons entendu qu’un arrêté serait en cours de préparation pour légaliser le tirage au sort en licence, en dernier ressort. Qu’en est-il, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État ?
Si nous ne remettons pas en cause la massification de l’enseignement, nous constatons néanmoins qu’elle montre – aujourd’hui comme hier – ses limites et ses contradictions.
Par ailleurs, on ne pourra éluder la sélection par l’échec, quand moins d’un tiers – 27,5 %, pour être précis – des étudiants inscrits en première année à l’université en 2012-2013 ont obtenu leur licence en trois ans et que seuls 40 % des nouveaux inscrits à l’université en 2014-2015 ont validé leur première année de licence.
Aujourd’hui, il est paradoxal que les bacheliers s’orientent majoritairement vers des filières sélectives – BTS, classes préparatoires, écoles intégrées – et que l’université, censée préparer à des études longues, soit la seule à ne pas pouvoir sélectionner.
À terme, il faudrait qu’après un examen individuel de leur dossier, on puisse renseigner les étudiants sur leurs chances de réussite dans telle ou telle filière, en fonction de leur bac et de leurs notes.
Les universités devront également aider les étudiants à développer leurs capacités d’adaptation, à convoquer différentes disciplines et à mettre en application leurs connaissances dans le cadre de projets en groupe, tout en les formant aux démarches qu’ils devront effectuer pour trouver un emploi.
Enfin, la question des langues, et singulièrement celle de l’anglais, aujourd’hui incontournable dans bien des métiers, se pose avec acuité. Si nous défendons évidemment l’usage du français à l’université, nous partageons également la préoccupation de l’ouverture la plus large possible au monde extérieur.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, c’est en responsabilité que nous apportons notre soutien à cette proposition de loi mais nous restons dans l’attente d’une réforme d’ampleur pour faire de notre université une filière d’excellence.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, il aura donc fallu quinze ans pour que la France réponde totalement aux exigences du système européen d’enseignement supérieur définies dans le cadre du processus de Bologne.
Il aura aussi fallu la multiplication des contentieux et surtout l’avis du Conseil d’État de février 2016 pour qu’un texte de loi propose de réaliser la mise en conformité du cursus universitaire français avec ceux existant en Europe.
Nous devons à présent légiférer dans l’urgence pour que le diplôme national du master devienne dans les universités françaises un cycle à part entière, juste avant que la France n’assure, à partir du 1er janvier prochain, la présidence du processus de Bologne.
En 2002, l’enseignement supérieur français a connu une véritable mutation. Si l’offre de formation est toujours organisée autour de trois niveaux de qualification, ceux-ci ne répondent plus au même découpage pédagogique et ne sont plus sanctionnés par les mêmes diplômes. Au système où se succédaient DEUG, licence, maîtrise puis DEA ou DESS et doctorat, s’est substitué un nouveau parcours articulé autour de la licence, du master et du doctorat : le LMD, devenu la référence universitaire.
Issu de la fusion de deux diplômes distincts, le master n’a pas réussi, en quinze ans, à fonctionner comme un véritable cycle, à s’imposer comme le deuxième cycle de l’enseignement supérieur. Alors qu’il se déroule sur quatre semestres a priori insécables, une sélection s’est instituée entre le master 1 et le master 2, à l’image de ce qui existait avant la réforme entre la maîtrise et les DEA et DESS.
Cette sélection inédite au beau milieu d’un cycle a fait l’objet de critiques de plus en plus vives. Elle a pourtant survécu à deux lois relatives à l’université en 2007 et en 2013, ainsi qu’à plusieurs séances d’habilitation de maquettes de master.
Cette sélection « illégale », selon le terme employé par le Conseil d’État, a perduré dans la quasi-totalité des masters et a provoqué bien des difficultés, sans compter le désarroi de nombre d’étudiants. Faute de pouvoir s’inscrire en deuxième année du master, ils se retrouvent avec un bac + 4 qui, contrairement à l’ancienne maîtrise, ne sanctionne pas un niveau d’étude officiel. Le master 1 n’étant pas un diplôme, il est assimilé à une licence par le marché du travail français et n’est pas reconnu à l’international.
Tout à fait !
Cette sélection intracycle a aussi créé autour du master un climat d’incertitude, de méfiance et d’insécurité juridique peu propice aux études et à la qualification de la jeunesse.
La médiatrice de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, Monique Sassier, avait même consacré, en 2011, toute une partie de son rapport aux difficultés voire à l’impossibilité pour des milliers d’étudiants de poursuivre leurs études en master 2. Elle décrivait l’« éviction structurelle » d’une partie des étudiants et déplorait : « Les titulaires du M1 découvrent tardivement, après la validation de cette première année, qu’ils ne sont pas tous attendus en deuxième année, que leur accès au M2 n’est pas automatique ».
Alertée par l’impasse dans laquelle se trouvaient les étudiants de La Réunion, j’avais, au moins à deux reprises, interrogé le Gouvernement quant aux dysfonctionnements du master, particulièrement pénalisants pour les étudiants ultramarins. Face aux réponses qu’on a pu qualifier d’attente mais surtout devant le nombre important de sollicitations que ces interventions ont suscitées auprès des jeunes étudiants originaires de toute la France, j’ai déposé en octobre 2014 une proposition de résolution pour que soit ouverte une enquête parlementaire sur le diplôme du master.
Il est donc aisé de comprendre l’attention qui entoure le processus d’élaboration des nouvelles mesures appelées à mettre un terme aux difficultés d’une réforme inachevée.
Issu de la large concertation que le Gouvernement a organisée avec l’ensemble des représentants de la communauté universitaire, un accord a été signé le 4 octobre dernier par la quasi-totalité des syndicats d’enseignants et d’étudiants du supérieur, avant d’être adopté par le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Les propositions contenues dans ce texte, déjà adopté par les sénateurs, s’articulent autour de deux principes : une « orientation-sélection » à l’entrée de la première année du master par le biais d’un concours ou à partir de l’examen du dossier du candidat et, pour les étudiants titulaires d’une licence mais non retenus dans le master de leur choix, un droit à la poursuite des études dans un champ disciplinaire compatible.
Sélection et droit opposable – ou presque – doivent garantir l’accès de tous au master 1 : le bien-fondé de cette audacieuse et inédite articulation entre deux principes généralement opposés sera évidemment appréhendé à travers la capacité dans le temps des différents masters à offrir à tous les étudiants un niveau élevé de qualification et de réelles chances d’insertion professionnelle. Le pire des scénarios serait d’aboutir à un diplôme à deux vitesses.
Par ailleurs, d’une manière récurrente et qui se veut rassurante, l’accent est mis sur les capacités aujourd’hui suffisantes des établissements pour accueillir les flux actuels d’étudiants en provenance du premier cycle. Mais qu’en sera-t-il dans un futur proche, surtout si l’on considère que la stratégie nationale de l’enseignement supérieur prône une augmentation sensible des effectifs en deuxième cycle, son objectif étant de porter à 25 % d’une classe d’âge, contre 16 % aujourd’hui, la proportion de jeunes diplômés d’un master ?
Un dialogue avec l’État est prévu pour contrecarrer les dérives malthusiennes liées à des procédures de sélection excessives. Il n’en demeure pas moins indispensable d’envisager, dès à présent, la question de l’augmentation globale des capacités d’accueil des masters, surtout dans un contexte où un nombre croissant d’universités sont confrontées à de graves difficultés financières.
Pour faciliter la mise en oeuvre de ce nouveau droit à la poursuite des études, la réforme sera accompagnée d’un ensemble de mesures.
D’abord une aide à la mobilité géographique. Le dispositif selon lequel le recteur d’académie devra formuler trois propositions à tout titulaire d’une licence non retenu dans un master 1 sera assorti de moyens financiers. À cet égard, je souhaite appeler votre attention sur l’application forcément particulière de ce nouveau droit pour les étudiants des outre-mer, et singulièrement à La Réunion où notre académie ne compte qu’une université. Comme, chez nous, master rimera encore plus qu’ailleurs avec mobilité, des mesures compensatoires seront-elles prévues pour que l’éloignement géographique et les onéreux frais d’approche qu’il induit ne pénalisent pas nos jeunes, surtout lorsqu’ils sont issus de familles modestes ? C’est aussi pour cette raison qu’il est souhaitable que le dispositif d’évaluation prévu dans le texte comprenne un volet spécifique sur les conditions d’application et l’impact de cette réforme pour les universités et les étudiants d’outre-mer.
Une autre mesure consiste à apporter aux titulaires d’une licence les informations nécessaires à leur choix à travers un portail internet. La simplification de la nomenclature des formations a déjà rendu plus lisible l’offre des masters, mais on peut encore progresser en mettant à la disposition de chacun les éléments les plus précis sur les filières, leurs prérequis, leurs débouchés et leur taux d’insertion. Cet outil se révélera encore plus indispensable pour ceux qui déclencheront leur droit à poursuivre un master de manière différée. Ainsi le texte peut-il être une occasion de rendre plus accessible la formation tout au long de la vie.
Ce souci de transparence sur les formations elles-mêmes pourrait d’ailleurs être complété par un renforcement des mesures relatives à la recherche des stages. Nous savons que la capacité à offrir des stages est un des critères fondamentaux quand il s’agit de fixer les capacités d’accueil des masters. Nous savons aussi que l’obtention d’un stage conditionne le bon déroulement, voire la validation d’un cursus et que les étudiants ne sont pas à égalité dans cette recherche. La plateforme « Mon stage en ligne » a certes apporté des améliorations, mais elle ne réduit pas le décalage toujours important entre les demandes et les offres de stage.
Enfin, il va de soi que la réforme du master ne répondra à toutes ses promesses que si, en amont, le premier cycle fait l’objet d’une véritable rénovation. Ce cursus ne doit plus être synonyme d’orientation par défaut, de sélection par l’échec, et finalement d’immenses frustrations. Nous devons réunir toutes les conditions pour en faire un parcours de réussite.
Consciente de la nécessité de ne pas retarder davantage l’harmonisation de l’offre de formation supérieure, et donc l’adoption de cette proposition de loi, je ne défendrai pas d’amendements sur les points que je viens d’évoquer mais je souhaite vivement que ceux-ci soient pris en compte, notamment dans le cadre du plan d’accompagnement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis afin d’examiner une proposition de loi émanant de nos collègues du Sénat et qui a fait l’objet d’un large consensus au sein de la Haute Assemblée.
Cela n’est pas pour déplaire au groupe RRDP, qui affectionne particulièrement les textes qui font consensus. Nous pouvons nous targuer en effet d’en avoir fait adopter un certain nombre, comme la proposition de loi de notre président Roger-Gérard Schwartzenberg visant à garantir le droit d’accès à la restauration scolaire, celle d’Alain Tourret relative à la réforme des procédures de révision et de réexamen d’une condamnation pénale définitive, celle également de Dominique Orliac visant à prolonger la période légale d’interdiction de rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur pour les femmes à l’issue de leurs congés liés à la grossesse et à la maternité, ou encore la proposition de loi de Joël Giraud, que le Sénat serait bien inspiré d’inscrire à son ordre du jour, relative aux connaissances linguistiques des candidats francophones à la naturalisation.
Espace de liberté d’expression, le groupe radical progressiste agit résolument pour trouver, par la recherche du consensus, le moyen de faire adopter des avancées réelles et concrètes en faveur de nos concitoyens. C’est ce que ces derniers attendent, plutôt que des luttes partisanes.
Cette page publicitaire étant refermée,
Sourires
nous devons donc nous exprimer sur un texte issu d’un accord entériné par plus de deux tiers des suffrages lors de la séance du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche du 17 octobre dernier. Le Gouvernement a en effet rassemblé autour d’une même table tous les membres de la communauté universitaire afin de trouver un accord sur l’organisation du système licence-master-doctorat. Les organisations syndicales représentant les étudiants, les organisations syndicales représentant les enseignants et personnels, ainsi que les établissements d’enseignement supérieur ont abouti à une position commune le 4 octobre 2016, compromis qui trouve aujourd’hui sa traduction législative.
La proposition de loi portant adaptation du deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système licence-master-doctorat vise à mettre fin à la situation très délicate dans laquelle se retrouvent trop d’étudiants qui, en raison de leurs résultats en première année de master, ne peuvent accéder à la seconde année, si bien que seul leur niveau de licence est validé – autrement dit, cette césure à l’issue de la première année de master leur fait perdre une année.
Notre rapporteure a par ailleurs fort justement souligné que les « articulations byzantines entre les mentions M1 et M2 sont autant de facteurs de complexité qui défavorisent les étudiants issus de familles peu au fait des subtilités du système universitaire », rappelant que, finalement, « 35 % des étudiants n’obtiennent pas leur M1 en un an ». Notre collègue Sandrine Doucet relève également que ce « master coupé en deux affaiblit la lisibilité et donc l’attractivité internationale de nos universités ». Car il s’agit bien de préserver, voire de renforcer, l’attractivité de notre système universitaire à l’échelle internationale.
Si, en 2002, avec l’instauration du système LMD, la France avait pour but d’asseoir cette attractivité, elle est passée à côté de son objectif en maintenant une possibilité de césure à l’issue de la première année de master, reproduisant la logique du système antérieur. Cette pratique de beaucoup d’établissements ne pouvait perdurer.
Il faut souligner ici que la sélection dès la première année de master 1 est une possibilité offerte aux établissements universitaires et ne constitue en rien une obligation qui leur incomberait. En outre, la possibilité, pour les universités, de procéder à une sélection des étudiants souhaitant intégrer un programme de master est assortie d’un certain nombre de garanties. D’une part, les établissements procéderont par concours ou sur dossier au recrutement en première année de master après que leur conseil d’administration aura voté une capacité d’accueil, négociée avec l’État et validée par le recteur. D’autre part, chaque refus de recrutement devra être motivé et notifié à l’étudiant concerné. Ainsi, un étudiant qui n’aura pas été admis se verra proposer une inscription dans trois autres formations en adéquation avec son projet professionnel, en privilégiant autant que possible son établissement d’origine, comme Mme la ministre l’a rappelé.
La présente proposition de loi vise donc à sécuriser les parcours des étudiants inscrits en master en garantissant pleinement le déroulement de ce deuxième cycle d’études supérieures sur deux années. Par ailleurs, cette possibilité de sélection dès l’entrée en master 1 conférera à notre système d’enseignement supérieur une meilleure lisibilité, tant pour les étudiants français qu’à l’échelle européenne et internationale, une lisibilité qui devrait concourir à renforcer cet objectif d’attractivité dont nos universités et nos étudiants ont tout à gagner. La sélection dès l’entrée en première année de master permettra aux étudiants français effectivement inscrits de compléter sans césure leur cursus en deuxième cycle universitaire. Quant aux étudiants qui ne pourront pas être inscrits en master 1, ils auront la possibilité de se tourner vers d’autres filières sans perdre une année non validée par un diplôme.
Ces étudiants se verront en outre assurer un droit à la poursuite des études. Ainsi, la proposition de loi donne à tout étudiant titulaire d’un diplôme national de licence qui n’aura pas reçu de réponse positive à ses demandes d’admission le droit de s’inscrire ailleurs, dès lors qu’il en saisira le recteur. Celui-ci formulera alors trois propositions en cohérence avec les aspirations et le projet professionnel du demandeur, en priorité au sein de l’établissement où il aura obtenu sa licence ou, à défaut, dans un établissement de la même région académique.
Cette proposition de loi a retenu l’échelon régional afin de pallier les difficultés économiques que peut représenter une mobilité souvent coûteuse pour les étudiants et constituant de ce fait un facteur discriminant pour les populations les plus modestes. Sur ce point, le groupe RRDP se félicite de ce que l’État se soit engagé à mobiliser les moyens nécessaires, en particulier les bourses et les aides ponctuelles à l’installation.
Enfin, en instaurant une sélection dès l’entrée en première année de master et non plus à partir de la seconde année, le système LMD français placera nos universités sur un pied d’égalité avec les universités étrangères et européennes. Par là même, nos masters se placent dans une perspective d’excellence au regard des politiques d’enseignement supérieur pratiquées à l’étranger.
Je souhaiterais cependant partager avec vous une préoccupation majeure, qui n’est pas abordée par la présente proposition de loi, à savoir la place que nos universités doivent garantir à l’enseignement en langue française et l’enseignement du français stricto sensu. Député de l’Aisne, j’ai dans ma circonscription une ville qui symbolise l’attachement que nos concitoyens peuvent avoir pour le français, Villers-Cotterêts où, en 1539, fut signée l’ordonnance édictée par François Ier, acte fondateur faisant du français la langue officielle du droit et de l’administration en lieu et place du latin.
Parler une même langue, pouvoir la lire, posséder une législation et une Constitution rédigées dans une langue commune, sont des biens inestimables.
Prétendre attirer dans nos établissements universitaires des étudiants étrangers sans leur dispenser des cours en français, comme cela se pratique dans certains de nos établissements, et sans même leur offrir des cours de français de façon obligatoire, est une pratique pédagogique contestable. En effet, nombre de nos établissements d’enseignement supérieur, au motif qu’il faut attirer des étudiants non francophones, dispensent des cours en langue étrangère. Or accueillir des étudiants étrangers sans les initier, à tout le moins, à la langue française constitue de facto une moins-value certaine quant à la qualité des diplômes qu’ils convoitent. Je suis d’ailleurs persuadé, comme mes collègues du groupe RRDP, que les étudiants étrangers souhaitent avant tout être sensibilisés à la langue française et à notre patrimoine culturel.
La France a donc toute légitimité pour intégrer un enseignement obligatoire du français dans le cursus universitaire des étudiants étrangers non francophones. Car la francophonie est un combat de tous les jours. N’oublions jamais que c’est notre langue, le français, qui porte l’expression des Lumières, les valeurs du vivre ensemble et l’esprit de fraternité entre les peuples. Il ne faudrait pas priver les étudiants étrangers que nous accueillons d’une richesse qu’ils espèrent trouver en s’inscrivant dans nos universités.
Pour en revenir au texte soumis à notre assemblée, je souhaiterais enfin souligner, à l’instar de Mme la rapporteure, qu’il serait opportun de réfléchir à la mise en place d’un système de tutorat d’orientation pour tous les étudiants en licence.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe RRDP considère que la présente proposition de loi ne remédie pas à tous les problèmes. Ce n’est d’ailleurs pas son objet : d’autres réformes sont en effet indispensables pour renforcer l’attractivité de nos universités et fluidifier davantage les parcours dans l’enseignement supérieur. Elle prévoit donc de procéder à une sélection avant l’inscription en master 1 assortie des garanties nécessaires aux étudiants et d’assurer à ces derniers un droit à la poursuite des études. C’est un bon texte, équilibré, qui offre des réponses concrètes à des problèmes réels. Le groupe RRDP lui apportera son appui.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, j’avoue être un peu surpris de la tonalité de nos débats sur un texte qui, me semble-t-il, aurait pu nous rassembler puisqu’il acte en quelque sorte un accord qui, plus qu’un compromis, est un véritable point d’équilibre entre des conceptions qui furent très souvent divergentes dans l’histoire de l’université et qui aujourd’hui se retrouvent pour établir ce qui est un bien commun, à savoir l’avenir des universités et la réussite des étudiants au plus haut niveau.
Si nous sommes amenés aujourd’hui à débattre de ce texte, c’est qu’il est issu de l’accord historique – vous l’avez dit, madame la ministre, et je reprends ce qualificatif – signé le 4 octobre par des organisations qui, sans être véritablement adversaires, étaient très souvent en conflit – je pense à la CPU et aux deux grandes organisations étudiantes, l’UNEF et la FAGE. Cet accord a été voté par les deux tiers, voire les trois quarts de la réunion du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche qui s’est tenue le 17 octobre, ce qui est aussi relativement historique.
C’est pour cette raison que je suis surpris de l’attitude de nos collègues de l’opposition, même s’ils ne se sont pas mobilisés à l’extrême pour lutter contre ce texte.
Sourires.
Je ne veux pas croire, connaissant et appréciant l’honnêteté intellectuelle de nos collègues, en particulier M. Hetzel, que ce positionnement soit dû à l’approche de certaines élections.
Nous devons aller au-delà de telles considérations.
Pourquoi cet accord et pourquoi faut-il absolument l’acter dans la loi dès ce soir et en le votant conforme ? J’y vois trois raisons essentielles.
La première est qu’il y avait une véritable absurdité à permettre à des étudiants de s’engager dans des études en master pour, à la fin du M1, leur dire qu’ils n’avaient pas la capacité de continuer en M2 et que, par conséquent, on les excluait. C’était une absurdité sur le plan universitaire et sur le plan de la formation, et cette absurdité créait une insécurité juridique, que nous a très bien expliquée Mme la rapporteure, qui a d’ailleurs amené un certain nombre d’étudiants, du moins ceux qui en avaient la possibilité financière, ce qui n’était pas le cas de tous, à aller en justice. Il appartenait donc au juge de décider de la poursuite ou non d’études en master.
Je voudrais dire à nos collègues de l’opposition, qui sont très attachés à la liberté et à l’indépendance des universités, que cette dernière en prenait un coup, si je puis dire, puisqu’il appartenait à un juge de déterminer la façon dont allaient se poursuivre des études universitaires.
Cette véritable absurdité, en plus de l’insécurité juridique, a conduit le Gouvernement à prendre un décret, dans un premier temps, puis à encourager cet accord.
La deuxième raison tient à l’emploi du mot sélection, que j’appellerai quant à moi la « sélection-orientation », car il ne faut pas opposer les deux. Je voudrais d’ailleurs dire à mon collègue M. Hetzel, qui parle d’alternance et de débouchés professionnels après la licence et les études universitaires, que nous avons, dans la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche de 2013, considérablement insisté sur l’alternance, notamment en intégrant les IUT dans l’université. Son argument, à mon avis, est assez fallacieux.
Il est parfaitement normal, au niveau du master, qu’il y ait une relation entre les formations et les aptitudes des étudiants. Longtemps, le terme de sélection a été un tabou, notamment pour les organisations étudiantes. Conscientes de la pression qui existe dans certains masters, les organisations étudiantes ont évolué, ce qui montre leur esprit de responsabilité. Elles ont pris acte de ce que la sélection devait non pas être une pratique malthusienne, une exclusion, mais une orientation au bénéfice de la réussite des étudiants. Nous devons absolument le reconnaître et c’est pourquoi il faut l’inscrire dans la loi.
Enfin, chacun le sait et le revendique, nous avons besoin de plus en plus d’étudiants dans nos universités.
La troisième raison pour laquelle il faut intégrer cet accord dans la loi dès ce soir est la suivante : concomitamment à la sélection-orientation, nous créons un nouveau droit qui est essentiel si nous voulons ouvrir l’université au plus grand nombre et permettre la réussite de tous : il s’agit du droit à la poursuite des études.
Ce droit sera effectif puisque des mesures d’aide à la mobilité seront prises. Et surtout, il permettra à tous les étudiants qui en ont la capacité d’aller jusqu’à la fin du master.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, je souhaite personnellement que nous puissions nous rassembler pour que cet accord soit, dès ce soir, inscrit dans la loi.
Je voudrais dire à nos collègues de l’opposition que, au-delà de positionnements et de préoccupations qui n’ont pas grand-chose à voir avec l’université, je souhaite que nous prenions nos responsabilités face aux universités, aux étudiants, aux présidents d’université qui, je le précise, n’ont en aucun cas fait pression sur les uns et les autres, mais ont simplement compris où se trouvait l’intérêt général. Je ne nous vois pas, ce soir, mettre un terme à l’espoir considérable né de cet accord dont beaucoup d’universités préparent l’entrée en vigueur qui doit intervenir dès la rentrée prochaine, afin de permettre aux étudiants de construire la voie de leur réussite.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, monsieur le responsable du groupe socialiste pour ce texte, chers collègues, la proposition de loi que nous examinons en cette fin d’après-midi nous donne enfin la possibilité de mettre un terme à une insécurité juridique et pédagogique préjudiciable non seulement aux universités mais aussi aux étudiants et à leur famille.
Je vais vraisemblablement répéter des choses qui ont déjà été dites, mais puisqu’il s’agit ici de l’école, nous pouvons nous permettre des redites : comme nous le savons tous, enseigner c’est répéter.
Cette proposition de loi incorpore l’accord signé le 4 octobre 2016 par la quasi-totalité des acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche, que je ne nommerai pas une fois de plus. Elle autorise les universités à conduire une politique cohérente de recrutement des étudiants à l’entrée du cycle master et non plus entre les deux années de ce cycle, ce qui provoquait chaque année de nombreuses relations conflictuelles, qui aboutissaient à d’incessants contentieux.
Cette proposition de loi, quoi qu’en dise et en pense M. Hetzel, préserve la valeur du diplôme national de master face à des employeurs de plus en plus exigeants et facilite la qualité de l’insertion professionnelle des étudiants.
Les universités acquièrent ainsi les marges de manoeuvre nécessaires pour accompagner leurs étudiants vers la réussite et les orienter plus activement vers un projet professionnel en tenant compte de leurs compétences, de leurs propres choix et des possibles offres d’emploi.
Elle répond en outre aux engagements pris par notre gouvernement d’élever le niveau de qualification et de formation de notre jeunesse et de lui ouvrir le droit à la poursuite d’études.
Elle intervient alors que l’on constate une hausse du nombre d’étudiants qui est non pas uniquement l’effet mécanique d’un plus grand nombre d’inscriptions de titulaires du baccalauréat à l’université, mais bel et bien le reflet du choix et de la volonté de la nation d’aller vers la démocratisation de l’enseignement supérieur.
Les universités, confortées dans leurs missions, auront désormais les moyens de renforcer l’accompagnement des étudiants issus des milieux les plus fragiles.
Enfin, rappelons que, dès 1999, la France s’est engagée dans le processus de Bologne, lequel vise à harmoniser les cursus européens de l’enseignement supérieur.
Attendue depuis plus de dix ans, cette harmonisation pourra enfin se concrétiser à la veille du sommet intergouvernemental qui aura lieu pour les vingt ans du processus de Bologne et que la France présidera en 2018.
Le mercredi 26 octobre, le Sénat a adopté à la quasi-unanimité cette proposition de loi portant adaptation du deuxième cycle de l’enseignement français au système licence-master-doctorat. Mes chers collègues, je vous invite tout simplement à suivre l’exemple du Sénat et à voter cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, le niveau de formation et de diplôme constitue la meilleure garantie d’insertion professionnelle, exception faite, reconnaissons-le – malgré les efforts du Gouvernement, que je salue –, de ce qui constitue ma marotte, à savoir le doctorat.
Au-delà de la question de l’insertion, qui suffit bien évidemment à ce que nous, législateurs, nous saisissions du sujet, nous ne pouvons oublier la dimension émancipatrice, bien absente de votre discours, mon cher collègue Hetzel, de construction citoyenne et d’esprit critique qui accompagnent l’accès au plus haut niveau de formation. Et que dire de l’investissement pour notre société dans sa globalité ? Et que dire aussi de notre capacité à renforcer notre système productif ?
L’organisation de notre système d’enseignement supérieur, cela a été rappelé, demeure pour le moins hybride, à cheval entre le système européen du LMD et notre système antérieur – composé du DEUG, de la licence, de la maîtrise, du DEA et du DESS –, que nous tous ici avons connu. Chacun de ces grades correspondait à un diplôme, bac + 2, + 3, + 4 ou + 5, ce qui permettait de sélectionner les étudiants entre la maîtrise et le DEA ou le DESS.
Certains pouvaient alors poursuivre leur formation quand d’autres s’en voyaient privés. C’est bien cette transition inachevée vers la norme européenne du LMD qui a conduit à ce travers dont chacune et chacun d’entre nous a connaissance : la sélection des étudiants entre les deux années de la préparation à un seul et même diplôme, le master.
Outre le caractère parfois bien ubuesque, avouons-le, qu’il y a à refuser à un étudiant ayant validé une année de formation la possibilité de tenter de valider la suivante, cette sélection concentrait en elle tous les travers de son aînée sans en posséder le moindre avantage, la validation du niveau bac + 4 n’étant plus sanctionnée par l’obtention d’un diplôme.
Les étudiants ne s’y sont pas trompés puisque nombre d’entre eux, dès lors qu’ils en avaient la possibilité, ont attaqué ces décisions devant la justice, et ont obtenu gain de cause. Il était donc crucial, de notre responsabilité et de celle du Gouvernement, de prendre ce sujet à bras-le-corps et de ne pas remettre à demain ce qui pouvait être fait aujourd’hui.
Tel est le sens de l’accord passé entre les organisations étudiantes, les syndicats enseignants et la Conférence des présidents d’université. Il nous revient de le traduire dans la loi et de faire en sorte qu’il s’applique dès la rentrée prochaine, sans tarder. C’est une impérieuse nécessité tant pour les établissements que pour les étudiants.
Sans revenir sur le contenu de cet accord, je tiens tout de même à souligner que, grâce à lui, là où il n’y avait que sélection, il y a désormais orientation. Le texte permettra donc aux universités, en fonction de leur capacité d’accueil et des prérequis, d’orienter les étudiants vers les formations qui leur correspondent, tout en leur garantissant la possibilité de poursuivre leurs études s’ils le peuvent et s’ils le souhaitent.
Avant de conclure, j’avoue m’être quelque peu ébaubi de l’intervention de M. Hetzel, qui s’est plaint de recevoir des mails et des courriers de présidents d’université.
Mon cher collègue, chaque fois que vous prendrez la parole, vous vous étonnerez de recevoir des tombereaux de messages nous demandant de ne pas prendre telle décision, de ne pas légiférer. C’est normal ; c’est même sain.
Il est de notre responsabilité de résister aux lobbies – ce dont je ne doute pas, de votre part – afin de légiférer en conscience et selon notre responsabilité.
Et avec discernement et esprit critique !
Quand j’entends ce qui est dit parfois – pas toujours – sur les bancs de l’opposition, il me paraît indispensable de réaffirmer la conviction forte que symbolise ce texte. Il n’est nul besoin de brutaliser, il n’est nul besoin de stigmatiser pour réformer. Réformer implique d’entendre et d’écouter ; réformer implique de rapprocher les uns et les autres, loin des effets de tribune.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, l’examen de la proposition de loi portant adaptation du deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système licence-master-doctorat nous offre une belle opportunité de nous interroger sur l’accès à une formation progressive et cohérente pour tous nos étudiants du supérieur.
Introduit en France en 2002, dans le cadre du processus de Bologne, le système LMD organise l’enseignement supérieur autour de trois diplômes nationaux : la licence, le master et le doctorat. Ce système présente de réels atouts : il harmonise les cursus d’enseignement supérieur européens et permet d’accroître la mobilité des étudiants ; il structure l’offre de formation en ensembles cohérents d’unités d’enseignement, sanctionnés par des diplômes nationaux.
Cependant, pour tirer pleinement bénéfice des vertus de cette organisation, fluidité et cohérence s’imposent dans la continuité des parcours et des diplômes. Or force est de constater que la sélection s’appliquant entre les première et deuxième années de master rompt totalement avec l’objectif de progressivité de la formation.
En premier lieu, cette sélection ne permet pas une formation complète, suivie sur quatre semestres. La sélection entre les première et deuxième années de master remet en cause l’essence même du système LMD, qui repose sur l’homogénéité de la formation.
En outre, par cette sélection à mi-parcours, certains étudiants se voient refuser l’entrée en deuxième année. Ce frein les empêche d’obtenir un diplôme, objectif dans lequel ils se sont engagés dès la première année. Cette configuration pose sérieusement la question de l’avenir réservé aux étudiants qui n’ont pas pu valider le diplôme de master dans son intégralité, faute d’une admission en deuxième année.
La sélection en master est juridiquement fragile. En témoignent les nombreux contentieux en cours sur cette question, réelles sources d’instabilité, aussi bien pour les requérants que pour les établissements mis en cause, et ce malgré un décret relatif au diplôme de master publié le 27 mai dernier.
Le texte vise donc à rectifier une incohérence provoquée par la procédure sélective à l’entrée de la deuxième année du diplôme de master. Il sécurise le deuxième cycle de l’enseignement supérieur en permettant aux établissements de fixer les capacités d’accueil pour l’accès à la première année du master pendant l’ensemble des deux années de formation.
Au nom de l’accompagnement que nous avons la responsabilité de proposer à chaque étudiant pour qu’il finalise sa formation, le texte instaure un droit à la poursuite d’études en master. En effet, il sera proposé à l’étudiant qui s’est vu refuser l’admission dans le master souhaité une inscription – parmi trois choix possibles – dans une autre formation du deuxième cycle, en tenant compte de son projet professionnel et de l’établissement dans lequel il a obtenu sa licence.
Ce droit à la poursuite d’études est fondamental. Il s’inscrit dans un projet de société plus général et absolument crucial qui tend à porter chacun au meilleur niveau.
L’épanouissement de chaque étudiant dans le cadre de sa formation, l’émancipation et l’éducation de notre société : autant de valeurs qui reposent sur une formation cohérente et aboutie de chacun, autant de priorités qui nous sont chères. Pour ce faire, et afin de garantir l’accès au savoir et à l’instruction de tous, dans le respect des projets et des envies de formation de chaque étudiant, il est nécessaire de faire en sorte que les moyens soient à la hauteur.
Au service de ces ambitions, le Sénat a ajouté au texte initial un droit d’information, pour les étudiants titulaires d’une licence qui interrompent leurs études, sur les perspectives qui s’offrent à eux en matière d’insertion professionnelle ou de formation. Et, toujours au nom de l’accès au niveau de formation le plus abouti possible pour les étudiants qui le souhaitent, M. le secrétaire d’État a annoncé qu’il proposerait la mise en place d’une plateforme décrivant la carte nationale des formations conduisant au diplôme national de master, afin d’accompagner les candidatures des étudiants. Nous nous réjouissons de cette mesure qui contribue à améliorer la bonne marche des formations dans le supérieur.
Enfin, saluons-le, la proposition de loi est le fruit d’une démarche collective et interdisciplinaire particulièrement intéressante, qui résulte d’échanges ayant permis la signature d’un accord entre le ministère de l’éducation nationale et les représentations syndicales des étudiants, des personnels et des établissements.
C’est donc avec conviction que nous la voterons. Donner à chaque étudiant la chance d’avoir accès à un diplôme est un objectif que nous poursuivons fermement au sein de la majorité. Il s’agit même du sens profond du projet socialiste, de la priorité de notre engagement et je me réjouis que le texte puisse contribuer à traduire cet objectif dans notre réalité.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons vise à proposer une nouvelle organisation du master. Elle est le fruit d’une concertation consensuelle entre le Gouvernement, l’ensemble des syndicats et la communauté universitaire.
La France a fait évoluer son système d’enseignement supérieur autour du cursus licence-master-doctorat en 2002, mais le master n’est jamais devenu un bloc de connaissances et de compétences en tant que tel. Il est aujourd’hui scindé en deux, avec une sélection entre la première et la seconde année.
Il est nécessaire de rendre sa cohérence au master parce cette sélection à l’entrée de la deuxième année pénalise de nombreux étudiants : elle concerne en effet 40 % des masters 2. De plus en plus de recours sont intentés contre une sélection illégale et l’on voit aujourd’hui des universités condamnées devant les tribunaux. Un site internet a même été créé pour faciliter les démarches juridiques des étudiants. L’université ne peut pas vivre sous la menace de la judiciarisation : cette situation n’est tenable ni pour elle ni pour les étudiants.
La réforme a donc pour objectif de permettre la construction d’une offre de formation de master qui se déroule sur deux années pleines, comme le prévoient la réforme du LMD et les standards internationaux. Elle permet de trouver une solution à la sélection de fait qui existait jusqu’à présent entre M1 et M2. Aujourd’hui, le système qui consiste à sélectionner après le master 1 manque clairement de cohérence.
La proposition de loi que nous examinons repose sur deux piliers.
Le premier consiste à permettre aux universités de recruter les étudiants à l’entrée du master, en se fondant sur leur niveau pédagogique et leur projet professionnel, et non plus en milieu de master. Mme la ministre l’a rappelé : ce sont les universités qui pourront fixer des capacités d’accueil et subordonner l’admission en master au succès à un concours ou à l’examen du dossier du candidat. Les réponses aux candidats devront être motivées.
Le second pilier vise à inscrire dans la loi un droit nouveau : le droit à la poursuite d’études pour chaque titulaire du diplôme national de licence. Lorsqu’un étudiant titulaire de ce diplôme n’aura reçu aucune proposition d’admission répondant aux candidatures qu’il a déposées dans des masters, il pourra faire valoir son droit à la poursuite d’études.
Ce que la proposition de loi va apporter, c’est donc une cohérence nouvelle dans le parcours étudiant, tournée vers la réussite.
J’insiste sur ce point qui me paraît primordial : la réussite de notre jeunesse est un enjeu fondamental pour notre pays, où l’on diplôme actuellement 16 % d’une génération. La France manque de diplômés de niveau master. Elle produit deux fois moins de docteurs par an que l’Allemagne. On doit donc tout faire pour que le cursus de master soit une orientation cohérente et non une orientation par défaut.
Le fait d’être recalé avant la fin du cursus entraîne la démotivation. Or il nous faut une jeunesse motivée, une jeunesse qui puisse choisir son master sur des critères objectifs et transparents fondés sur la motivation et le projet de l’étudiant. Car, au-delà de l’enjeu du choix et de la réussite, se trouve l’enjeu de l’égalité. Ceux qui, à droite, plaident pour une sélection accrue, partisans d’un élitisme suranné, ne font que renforcer les inégalités. Nous sommes quant à nous dans une démarche de démocratie sociale.
En effet, on doit toujours se demander ce que deviennent les étudiants recalés à leur master. Après une licence, nous le savons, il est difficile aujourd’hui de trouver un travail. Je le répète, notre pays a besoin d’une génération au niveau master. Alors pourquoi mettre des barrières ? Comme l’a souligné Mme la rapporteure, l’« essentiel est d’orienter sans empêcher ».
La question de la démocratisation est bien au coeur de la proposition de loi. J’en suis convaincu : le nouveau droit à l’admission permettra une orientation maîtrisée dans l’intérêt de tous, et d’abord des étudiants.
Par ailleurs, la proposition de loi marque une continuité dans le processus d’harmonisation des systèmes universitaires européens. En effet, la sélection dès la première année de master est déjà la norme dans de nombreux pays. Le texte ne fera donc que renforcer la lisibilité et l’attractivité de nos universités à l’international. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à l’adopter.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Deux orateurs sont inscrits sur l’article 1er.
La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain.
Mme la ministre l’a dit : l’important, pour notre jeunesse, est d’avoir accès à des formations qui sont diplômantes parce qu’elles sont également qualifiantes. Elles doivent être qualifiantes pour le jeune qui reçoit son diplôme dans l’honneur, pertinentes aux yeux des enseignants qui la délivrent et validées par les professionnels qui vont ensuite embaucher ces jeunes.
Depuis une quinzaine d’années, d’autres l’ont souligné, on constate une césure importante entre le M1 et le M2. On a le droit d’entrer en M1 quand on a sa L3, mais le M2 est accessible sur dossier, ce qui a conduit dans les universités à des situations ubuesques. Certains établissements, y compris quand on y enseigne le droit – je pense, par exemple, à Dauphine, à Paris, mais il y en a dans toute la France – ont créé des dispositifs invisibles qui sélectionnent les étudiants, et seuls « ceux qui savent » se fraient un chemin.
Ceux qui savent sont souvent ceux qui sont bien nés, bien installés dans les bons réseaux, et qui pour cette raison auront accès au cursus de leur choix. Mme la ministre le rappelait tout à l’heure : certains en arrivent au point de redoubler un M1 pour pouvoir accéder à un M2 avec de meilleures notes. Il est dramatique d’en arriver là : c’est toute l’ambition du LMD qui se trouve biaisée, cette ambition de mettre la France au niveau du processus de Bologne et d’un système européen puissant, important tant pour les entreprises que pour les étudiants, qui circulent dans toute l’Europe pour obtenir des diplômes qualifiants et reconnus.
Le choix qui est fait dans ce texte, et je voudrais en remercier les sénateurs, lève l’ambiguïté qui persiste en France entre les formations à sélection post-bac – brevets de technicien supérieur, dits BTS, classes préparatoires, voire écoles d’ingénieur, puisque les classes préparatoires y donnent accès – et le système universel, celui de l’université. Le texte dit que l’université est aujourd’hui un système professionnalisant, qui ouvre des portes grâce à des formations de qualité et de haut niveau – autant général que professionnel et technique – dans tous les domaines. C’était important, et je remercie Mme la ministre d’avoir porté avec doigté cette évolution.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, nous aurions aimé nous inscrire dans la continuité des discours de la ministre, de la rapporteure et du président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, mais pour nous, il y a un écueil, et il est de taille.
Vous avez dit tout à l’heure, monsieur le président de la commission, que le texte avait été « opportunément enrichi ». C’est là que nous ne pouvons plus vous suivre. Dans la parfaite logique du système LMD, cette proposition de loi prévoyait d’autoriser la mise en place d’une sélection des étudiants à l’entrée en M1. Lors de son examen au Sénat, elle a été modifiée par un amendement du groupe socialiste pour intégrer l’accord négocié entre le Gouvernement, la CPU et les syndicats étudiants, et donc le droit à la poursuite d’études en master.
Le texte initial comportait bien une réforme attendue, qui exigeait un certain courage politique. Vous avez eu ce courage, monsieur le secrétaire d’État : « Pour moi, avez-vous dit, la sélection n’est pas un gros mot. » Vous ajoutiez : « La loi doit rendre possible une sélection en master 1. » Vous avez immédiatement été recadré par Mme la ministre, qui a préféré le mot « recrutement » au mot « sélection ». Ce n’est pas une question de sémantique : il s’agit de donner aux étudiants toutes les chances de réussir leur insertion professionnelle. Nous sommes aujourd’hui dans le contexte d’une concurrence internationale acharnée ; la spécialisation et la professionnalisation feront du master l’un des diplômes les plus efficaces pour intégrer le marché du travail.
Dans cette « sélection-orientation » évoquée par Emeric Bréhier et Yves Durand, il y aura des masters prisés et recherchés et des masters au rabais ; ou alors nous aurons dans un même master des étudiants qui ont été sélectionnés et des étudiants qui se retrouvent là sur proposition du rectorat, dans le cadre des trois propositions que celui-ci devra faire à tous les recalés. Où est l’égalité là-dedans ? Nous estimons que ce que propose aujourd’hui ce texte est la porte ouverte à d’incroyables complexités ; nous déplorons la place d’une véritable usine à gaz. C’est pourquoi nous défendrons un certain nombre d’amendements sur ce texte qui arrive en urgence, en fin de quinquennat et à la veille de Noël.
Nous en venons aux amendements.
Vous conservez la parole, monsieur Reiss, pour soutenir l’amendement no 10 .
Cet amendement déposé par mon collègue Paul Salen part du constat que le drame en France, c’est l’échec en licence. Seuls 27 % des étudiants qui s’inscrivent en première année de licence obtiennent leur diplôme trois ans plus tard ; ils sont 40 % à l’issue d’une quatrième année. L’objectif de cet amendement est de garantir que la sélection dans les établissements universitaires se fasse avant tout en fonction du mérite des candidats.
Il est défavorable, monsieur le président. Le texte opère une clarification substantielle des critères de recrutement des éventuels masters sélectifs en les limitant au succès à un concours ou à l’examen du dossier du candidat. Aller plus loin serait porter atteinte à l’autonomie des universités, à laquelle vous êtes autant que nous attachés.
Nous avons également précisé, ce qui sera repris dans les décrets d’application, qu’il s’agit d’instaurer des critères exclusivement pédagogiques et transparents. Or cet amendement fait référence à des comportements « sanctionnables » – tricherie, blocage, ou encore violences, pour reprendre l’énumération de votre exposé sommaire. Le blocage peut certes être rattaché au droit de grève, mais ce critère me semble tout de même assez arbitraire.
Même avis, pour les mêmes raisons.
L’amendement no 10 n’est pas adopté.
Cet amendement vise à revenir sur une disposition particulière de l’article 1er, à savoir l’automaticité de l’inscription avec le droit à la poursuite d’études en master.
Nous sommes d’accord sur un point, et nous l’avons toujours dit : il existe, et nous l’avons vu au cours des douze derniers mois, un problème de sécurisation juridique des masters. C’est un fait, et il faut agir. Pour cela, le plus simple eût été de déplacer la sélection. Au moment de la réforme LMD, un compromis – héritage d’un autre temps, celui où l’on avait encore des DESS et des DEA – avait été trouvé avec le maintien d’une sélection à l’issue de la maîtrise pour ceux souhaitant poursuivre dans les anciens DESS et DEA, devenus M2. Certes, il convenait de clarifier ce point, mais cela pouvait être fait de manière très simple, comme l’avait d’ailleurs fait le sénateur UDI Jean-Léonce Dupont, en décidant que la sélection se ferait non plus entre le M1 et le M2, mais dès le départ, c’est-à-dire à l’entrée en master. Les arguments touchant à la sécurisation juridique comme à l’harmonisation à l’échelle européenne, qui exige que l’on ait bien un vrai L, un vrai M et un vrai D, sont pertinents. Ce qui ne l’est plus, c’est l’automaticité de l’inscription. C’est pourquoi cet amendement vise à supprimer les alinéas 5 et 6 de l’article 1er.
Ces alinéas sont difficilement applicables. Selon nous, ils sont source de contentieux. Ils participent à la dévalorisation des formations chargées d’accueillir les recalés et entrent en contradiction avec le principe d’une sélection. Un master doit rester sélectif, sous peine d’être dévalorisé.
Avis défavorable. Le droit à la poursuite d’études est l’un des piliers de l’accord du 4 octobre. L’abattre, c’est faire s’effondrer tout l’édifice. Il s’agit ici d’un choix de justice, endossé par toute la communauté éducative afin de ne laisser personne sans solution. À cela s’ajoute le fait que les étudiants concernés ont prouvé en obtenant leur licence qu’ils avaient les moyens de réussir.
Quant à l’argument de la dévalorisation de certains masters, il ne me paraît pas davantage fondé. La loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dite loi ESR, a créé les regroupements d’universités, qui répondent à un projet universitaire et doivent équilibrer l’offre des masters, comme l’a rappelé M. le secrétaire d’État il y a quelques jours, avec une offre équilibrée dans les territoires et des sites proposant des masters très spécialisés. Nous aurons ainsi à la fois une équité des choix et une équité territoriale.
Votre raisonnement, que j’ai écouté jusqu’au bout pour essayer de bien vous suivre, monsieur Hetzel, me semble négliger deux aspects importants. Vous vous demandez pourquoi nous ne sommes pas revenus à la situation d’avant 2002, où l’admission en DEA ou en DESS n’était pas ouverte à tous les étudiants à l’issue de la maîtrise – c’est ce que j’ai connu personnellement dans mes études. Mais ce dont votre raisonnement ne tient pas compte, c’est qu’à l’époque, un étudiant titulaire d’une maîtrise avait accès au marché du travail, ce qui n’est plus le cas des étudiants ayant en poche une simple licence.
Vous le voyez, nous pouvons trouver des terrains d’entente ! Dans le cadre de cette proposition de loi et du travail que nous conduisons depuis des mois et qu’il convient de poursuivre, nous avons mis en place des groupes de travail pour penser les licences et les rendre plus professionnalisantes, notamment par le biais de l’alternance. Nous avons ainsi revu un texte pour faire en sorte que la notion de projet professionnel soit davantage abordée et que les étudiants soient pour cela accompagnés en licence.
On ne le redira jamais assez : contrairement à ce qui se passait avant 2002, une simple licence est aujourd’hui loin de garantir un accès au marché du travail. Quel service rendriez-vous donc à ces étudiants à qui vous voulez interdire la poursuite d’études supérieures après la licence alors que, de fait, celle-ci n’est plus le sésame pour accéder au marché du travail ?
Vous ne prenez pas non plus en considération le monde dans lequel nous vivons et l’indispensable préparation de l’avenir. Nous vivons dans une société de plus en plus apprenante ; cela exige de notre nation des efforts pour élever le niveau général de qualification. Dès lors que nous avons l’ambition d’avoir plus d’étudiants qui iront plus loin dans les études supérieures, nous ne pouvons pas nous contenter de suggérer de revenir au système d’il y a quatorze ans, où l’on pouvait empêcher nombre d’entre eux d’aller plus loin. Au contraire, il faut se demander comment accompagner le mieux possible vers la réussite ces étudiants qui sont de plus en plus nombreux à vouloir poursuivre leurs études.
Permettez-moi maintenant de m’adresser à M. Reiss. Ne considérez pas qu’il y aurait avec cette proposition de loi des masters sélectifs et des masters accueillant les publics recalés. Ce n’est pas ainsi qu’il faut voir les choses : c’est s’enfermer et manquer d’ambition. La vérité, je n’ai de cesse de le répéter, c’est que nous n’avons pas trop de diplômés de masters aujourd’hui en France.
Nous n’en avons pas assez ; il est donc souhaitable d’en accroître le nombre.
Ensuite, l’observation des flux actuels entre le L3 et le M1 montre qu’en termes de places, nous avons les masters pour accueillir les étudiants qui demandent à poursuivre leurs études après la licence. Parmi ces masters, il y a des masters de niche, ou plus spécialisés que d’autres, pour reprendre les termes de Mme la rapporteure, et des masters plus généralistes. Cela ne veut pas dire que les premiers soient meilleurs que les seconds ; ce sont simplement deux types de masters différents. Que des masters de niche avec un nombre de places par définition plus restreint puissent ne recruter que ceux justifiant d’un certain niveau pédagogique, ce que permet cette proposition de loi, et que ceux qui n’auraient pas été pris aient la possibilité de se tourner vers des masters plus généralistes ne crée pas un système à deux vitesses.
Je refuse que l’on parle de bons masters et de moins bons. Tout dépendra aussi de la qualité de l’encadrement. C’est pourquoi il y a – et il y aura toujours –, derrière cette proposition de loi, que j’espère voir adopter, la nécessité d’avoir un gouvernement ambitieux dans les moyens qu’il consacre à l’enseignement supérieur. Si vous réduisez les moyens consacrés à l’enseignement supérieur, tous les masters n’auront plus les moyens de fonctionner, et nous risquons alors, c’est vrai, d’avoir un système à deux vitesses. Avis défavorable.
Dès lors qu’il s’agit de mettre en place un système LMD qui s’inscrive dans la même logique que ce qui se fait ailleurs en Europe, madame la ministre, un point dans votre raisonnement ne tient pas. Vous avez raison de dire qu’il faut être ambitieux et faire en sorte que davantage de jeunes Français puissent être titulaires d’un master. J’observe néanmoins que, dans de nombreux pays, il existe un écart assez important entre le nombre de diplômés au niveau licence ou bachelor et le niveau master. Or ce que vous êtes en train de mettre en place, c’est un système en quelque sorte tubulaire, où il n’y aura plus de différence entre le volume des diplômés de licence et celui des diplômés de master ; c’est très différent de ce qui se fait dans la quasi-totalité des autres pays.
Votre autre argument consiste à dire que les choses ont changé et que la question se pose de savoir si un diplômé de l’université titulaire d’une licence est susceptible de s’insérer professionnellement. C’est un sujet qui mérite réflexion, mais je voudrais vous rappeler que les prérequis nécessaires pour s’inscrire à un certain nombre de concours, parmi les plus éminents, tels ceux de l’École nationale de la magistrature ou de l’École nationale d’administration – je vous invite à relire les textes y afférents – sont un diplôme du niveau de la licence, non un master. On peut poursuivre ses études dans des institutions qui vont assurer un complément de formation. C’était tout le travail qu’il fallait mener avec les professionnels – que vous n’avez, hélas, pas conduit. Geneviève Fioraso l’avait engagé, par la loi du 22 juillet 2013, mais vous ne l’avez pas poursuivi : on ne peut que le regretter.
Je souhaite vous faire part à mon tour d’un point de désaccord avec votre raisonnement, madame la ministre. Vous nous dites qu’il y a davantage de chômage, que la situation est plus difficile et qu’il est donc important que tout le monde suive des études les plus longues possible. Le problème est que 40 % des jeunes titulaires d’un bac + 5 sont sans emploi un an après leur diplôme. C’est un lieu commun de constater que, dans certaines filières, il y a beaucoup trop d’étudiants au regard des possibilités d’emploi.
On a un vrai problème d’orientation et d’adéquation entre l’offre et la demande. Dans ce contexte, affirmer le principe de la sélection ne semble pas du tout choquant. Or vous laissez planer une certaine ambiguïté en permettant à tout le monde de s’inscrire partout. Je ne suis absolument pas certain que l’on règle les problèmes que je viens d’évoquer en repoussant l’amendement de nos collègues.
À la lecture de la presse, nous avons été amenés à développer des amendements de repli. Nous avons en effet constaté qu’un barrage était opposé au principe que nous défendons s’agissant des alinéas 5 et 6 de l’article 1er, ce qui est fort regrettable.
Cet amendement vise simplement à ce qu’un jeune qui n’est pas sélectionné à l’entrée en master puisse bénéficier d’une année de césure. Vous faites référence au marché de l’emploi : il est fort heureusement accessible à un certain nombre de jeunes, y compris ceux qui sont titulaires d’une licence universitaire. Par ailleurs, votre gouvernement a assuré la promotion du service civique, qui offrirait l’occasion à un certain nombre de jeunes de mûrir leur projet avant de présenter de nouveau leur candidature, tout à fait normalement, au terme d’une année, et d’être admis après un processus classique de sélection. Mieux vaut cela que de leur ouvrir l’entrée en master au moyen d’un dispositif que vous appelez, de manière assez prude, d’« orientation », mais qui est en réalité fondé sur le contraire de la sélection.
Nous estimons que l’accord du 4 octobre dernier, loué par la majorité, n’est pas une bonne nouvelle pour l’université française à moyen terme. En effet, c’est un peu du donnant-donnant, au détriment des étudiants eux-mêmes. Le rapporteur du Sénat s’est d’ailleurs montré très dubitatif, même si son texte intègre maintenant la totalité du compromis qui a été accepté. Une année supplémentaire pour mûrir le choix des étudiants pourra être une chance pour obtenir la filière souhaitée : telle est l’objectif de cet amendement.
C’est un avis défavorable. En effet, je vois mal ce qui justifierait d’imposer aux étudiants d’attendre une année avant de commencer un master qui correspond à leurs aptitudes et à leur projet. Ce serait de toute évidence une solution injuste, notamment au regard du coût, pour un jeune, d’une année pleine d’études.
On peut y voir aussi l’invention d’un nouveau type de redoublement. De fait, dans votre amendement, vous ne parlez pas de césure : il s’agirait simplement, pour l’étudiant, d’attendre l’année suivante, en se raccrochant à ce qu’il peut pour mûrir sa réflexion.
Je vous rappelle qu’il y a quelques années de cela, lorsqu’est survenu un problème de financement s’agissant des bourses Erasmus, Martin Schulz avait fait remarquer qu’en Europe, les parents n’ont jamais autant dépensé d’argent pour les études de leurs enfants. Il serait néfaste d’ajouter des difficultés à celles que connaissent déjà les familles.
Il s’agit, par cette proposition de loi, d’assurer une information claire, transparente, accessible à tous les étudiants, pour leur permettre de bien réfléchir à leur orientation. Leur imposer une année supplémentaire serait faire insulte à leur capacité de réflexion.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, pour donner l’avis du Gouvernement.
Avis défavorable. Le texte repose sur l’accord du 4 octobre, qui a prévu, entre autres sujets, le master sélectif et le droit à la poursuite d’études. Signé par tous les partenaires sociaux, cet accord a été adopté à la quasi-unanimité du Sénat, un seul groupe s’étant abstenu. Par ailleurs, obliger des étudiants à accomplir un service civique serait tout à fait étrange puisque, par définition, celui-ci repose sur un engagement personnel. Imposer aux étudiants une année de césure est une innovation à laquelle nous n’avions pas pensé.
Sourires.
Je souhaiterais développer deux arguments. Premièrement, dans un certain nombre de pays européens, une période d’activité professionnelle est requise entre la licence et le master.
C’est tout autre chose que ce que vous proposez !
Un jeune ne peut poursuivre automatiquement ses études, car on considère qu’il doit pouvoir mûrir son projet ; c’est fort de ce projet professionnel qu’il sera recruté dans un master. Cela concerne plus de 40 % des étudiants à l’échelle européenne.
Vous vous enfermez ici dans un débat franco-français. Il assez surprenant de constater que ce que vous déclarez est contraire à ce qui se pratique dans beaucoup de pays européens et, évidemment, au-delà – je ne parlerai même pas des États-Unis.
Deuxièmement, vous recourez à l’argument selon lequel il y a un accord et qu’il ne faut pas y toucher. Dans ce cas, à quoi sert le Parlement ? Je suis désolé de devoir rappeler que notre rôle est de débattre et d’amender. Considérer que, parce qu’il y a un accord, il n’y a plus rien à discuter, est absolument irrecevable : c’est en effet nier le principe même du fonctionnement de notre parlement. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je m’étais insurgé contre l’attitude de la CPU : celle-ci n’a pas à dire ce que le Parlement doit faire. Si ses membres peuvent émettre des voeux, ils ne doivent pas imposer aux parlementaires de voter un texte conforme.
Cet amendement vise à ce que l’on intègre les perspectives de débouchés professionnels dans les propositions d’inscription à une formation de deuxième cycle qui sont faites aux étudiants titulaires d’une licence et n’ayant pas été admis en master. Cela rejoint la philosophie du texte qui avait été défendu en 2013 par Mme Fioraso. Celui-ci indiquait en effet qu’il fallait préciser les débouchés réels des masters proposés aux étudiants. C’est donc une mesure qui s’inscrit dans la continuité de ce qui a été fait par votre majorité. Elle a du sens, car elle donnerait des éléments importants permettant la prise de décision, cette fois-ci du côté des étudiants.
C’est un avis défavorable. Votre préoccupation me paraît satisfaite, puisque l’accord du 4 octobre prévoit bien que les propositions des recteurs se feront en particulier sur le fondement des projets professionnels des étudiants, dûment rédigés par ces derniers. C’est une innovation importante. Je vous rappelle que la proposition de loi repose sur un triptyque : la réussite en licence, le projet professionnel et l’avis du recteur, en cas de refus en master, pour réorienter. Ce triptyque implique l’étudiant, l’université et l’État ; on est parvenu à un équilibre, qui prend en compte le projet professionnel et donne toutes chances à l’étudiant de réussir.
Avis également défavorable. J’ajoute à l’argumentation de Mme la rapporteure que la loi du 22 juillet 2013 a introduit le principe d’accréditation, et que l’article L. 613-1 du code de l’éducation, dans la rédaction issue de cette loi, dispose que l’offre de formations accréditées « prend en compte […] les objectifs d’insertion professionnelle »…
…« et les liens entre les équipes pédagogiques et les représentants des professions concernées par la formation ». Il n’y a donc pas de difficultés en la matière.
L’amendement no 1 n’est pas adopté.
À partir du moment où l’on considère qu’il y a automaticité, droit à la poursuite d’études, je suis surpris qu’il faille proposer trois inscriptions. On perçoit les difficultés opérationnelles que cette disposition est susceptible de poser – j’y faisais référence lors de la discussion générale. Je ne sais pas si l’on en a pris la mesure. C’est pourquoi il serait prudent et sage de se limiter, dans un premier temps, à une seule proposition, ce qui garantirait la mise en oeuvre de votre proposition de poursuite d’études. Nous sommes certes opposés à cette proposition, mais nous nous efforçons d’améliorer le texte.
Par ailleurs, vous avez employé l’argument selon lequel un accord a été conclu avec l’UNEF ; il serait choquant que, désormais, les accords avec l’UNEF valent plus que le travail du législateur.
Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
En ce qui concerne l’année de césure, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je ne sais pas si vous êtes au courant, mais les règlements des études de certains établissements dont vous avez la tutelle – la plupart des écoles d’ingénieurs, et même Sciences Po – la prévoient. Ce qui est bon pour les grandes écoles ne le serait pas pour les universités ? Votre manière de raisonner est étonnante : on pourrait imaginer que l’enseignement supérieur s’inscrive dans le cadre d’un système global. En tout cas, l’idéologie est au pouvoir, c’est certain.
C’est un avis défavorable. Voilà un amendement original, qui introduit dans notre droit la notion d’« affectation obligatoire », confiée au recteur. Il me semble que, compte tenu de l’importance des masters dans les parcours, c’est bien le moins que l’étudiant dispose de plusieurs propositions avant de s’engager, élaborées compte tenu de certaines priorités : choix de l’université, même discipline, même région. Je rappelle la philosophie du texte qui avait été défendu par Geneviève Fioraso : prendre en considération la communauté universitaire, compte tenu des différents choix qu’elle peut proposer à l’étudiant. Le projet de l’étudiant doit correspondre au projet de l’université.
J’avoue être surprise par votre proposition, monsieur le député. Je pense qu’en politique, de manière générale, pour bien penser, il faut se mettre à la place des gens dont on parle et dont on organise, en l’occurrence, les études supérieures. Vous, si vous étiez dans cette situation, apprécieriez-vous qu’on vous impose, sans autre choix, une seule orientation, et que l’on vous place devant le fait accompli ? Ce n’est certainement pas ce que vous voudriez, ni pour vous, ni pour vos propres enfants, donc ne l’imaginez pas pour les autres étudiants.
Par ailleurs, vous vous appropriez totalement l’année de césure : on marche sur la tête ! Je vous confirme que je suis extrêmement sensible à l’année de césure : c’est moi qui ai souhaité que, dans l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur, et pas simplement dans les quelques grandes écoles qui l’avaient lancé il y a déjà quelques années, on puisse garantir la possibilité aux étudiants qui le souhaitent d’interrompre leur scolarité pendant un an, notamment pour s’adonner à des activités d’engagement solidaire. C’est très bien, et je m’en réjouis. À cet égard, le projet de loi égalité et citoyenneté, qui sera bientôt adopté, prévoit que cet engagement des étudiants puisse être pris en compte dans l’évaluation de leur scolarité. Il faut donc rendre à César ce qui est à César ! C’est quelque chose auquel ce gouvernement est très attaché.
Dans le cadre de ces nouvelles règles d’organisation du master, il est prévu, vous l’aurez noté, qu’un étudiant ayant effectué une année de césure pourra malgré tout, au même titre que tout autre, bénéficier du droit à la poursuite d’études, et ne se verra donc pas écarté d’office pour s’être absenté un an de son université.
Pour le reste, je vous confirme que le fait d’obliger un étudiant à faire une année de césure – car tel est le sens de vos amendements – alors qu’il n’en aurait pas envie, sans lui garantir ni le droit à la poursuite d’études ni le respect de son choix d’orientation ne fait pas partie de nos ambitions.
Au sujet de l’année de césure, M. Mandon déplorait tout à l’heure qu’il n’y ait pas d’étude d’impact,…
Je n’ai jamais dit ça !
…mais il n’y en a pas plus sur tout ce que vous affirmez ; l’objection vaut donc de part et d’autre.
J’en viens à l’amendement que nous proposons. Si l’étudiant de licence qui n’a pas été admis en première année de master ne donne pas suite à la proposition du recteur, il a, comme tout étudiant, la possibilité de mûrir son projet. Et c’est ce qui me paraît important au regard de l’argument que vous venez de développer, madame la ministre. C’est aussi rendre service tant à l’étudiant qu’à notre système de formation que de permettre l’élaboration d’un projet professionnel cohérent. Ce critère est d’ailleurs à ce titre très important dans la sélection à l’entrée en master.
Cet amendement, dont l’initiative revient à Paul Salen, vise à éviter que des étudiants ayant validé timidement leur quatrième année, c’est-à-dire leur première année de master, soient privilégiés par rapport à des étudiants plus motivés et de meilleur niveau provenant d’autres sections ou d’autres universités.
L’adoption de cette solution aurait pour conséquence l’instauration de deux niveaux de sélection, l’un en quatrième année et l’autre en cinquième année. Aujourd’hui, l’offre en master 1 doit être équivalente partout en France de façon que tout étudiant puisse demander à être admis.
L’avis est défavorable. L’objet de la présente proposition de loi est précisément d’en finir avec cette absurde sélection en master 2, qui obère la cohérence pédagogique du cycle. Je ne peux donc souscrire à votre proposition, qui vise à la rétablir en version musclée, puisque vous faites mention d’une validation timide de la quatrième année. Celle-ci s’ajouterait ainsi à la sélection en master 1 et ferait du cursus de l’étudiant un véritable parcours d’obstacles. Je rappelle qu’il faut valider son master 1 pour entrer en master 2. Dans d’autres amendements, vous suggérez également l’ajout d’une sélection en licence et une année de césure obligatoire. Tout cela va à l’encontre de notre objectif de démocratisation.
L’amendement no 11 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
Par cet amendement, il est proposé de prendre en compte les perspectives de débouchés professionnels dans les conditions d’admission, cette fois-ci en deuxième année de certaines formations du deuxième cycle.
En effet, le master est une certification professionnelle ; à ce titre, il est inscrit dans le répertoire national des certifications professionnelles. Il est donc important de faire davantage de place à l’insertion professionnelle. Mme la rapporteure indiquait tout à l’heure, à propos de mon amendement no 9 , qu’il était satisfait parce que ces précisions figuraient dans l’accord, mais l’accord n’a pas force de loi. La loi s’écrit ici et au Sénat. Et je maintiens – ce en quoi vous devriez être d’accord – qu’il faut inscrire ces dispositions dans le texte afin d’apporter des garanties aux étudiants.
L’avis est défavorable. Cet amendement, dont l’objet est proche d’un amendement précédemment examiné, vise à maintenir une sélection en master 2, qui devait s’ajouter à celle qu’il était proposé d’introduire en master 1 au regard des débouchés professionnels des masters. Deux sélections dans un même cursus, voilà une innovation qui serait bien éloignée de notre ambition de rendre sa cohérence au deuxième cycle.
Je précise que les débouchés professionnels sont pris en compte dans la carte des masters, qui fait l’objet d’une concertation entre l’État, les universités et les régions, en lien avec les bassins d’emplois et les activités professionnelles. Le souci des débouchés est donc bien présent dans la réflexion sur l’accès en master.
Avis défavorable.
Madame la rapporteure, je ne comprends vraiment pas votre raisonnement. Pour commencer, avec ce texte, vous vous asseyez sur les prérogatives des universitaires ; dont acte. Ils apprécieront sans doute, et cela créera peut-être plus de tensions encore entre la CPU et les enseignants. Surtout, par votre réaction, vous laissez penser que l’insertion professionnelle des diplômés de l’enseignement supérieur est une question annexe. C’est vraiment faire fausse route.
En outre, vous chargez la barque des recteurs, qui devront faire des propositions et prendre des décisions d’affectation en master. De grâce, préoccupez-vous au moins de la question des débouchés professionnels ! À défaut, vous vous poserez à l’issue du master le problème évoqué par Mme Vallaud-Belkacem pour la licence. Et pourquoi pas le doctorat pour tous ?
L’amendement no 2 n’est pas adopté.
Cet amendement vise à intégrer dans l’évaluation de l’application du dispositif de poursuite d’études en deuxième cycle un volet sur l’insertion professionnelle des diplômés. Une fois encore, je pense que si nous ne l’inscrivons pas dans le texte, ce point risque d’être oublié, même si l’insertion professionnelle figure parmi les missions des universités depuis la loi de 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, renforcée par la loi Fioraso de 2013.
L’avis est défavorable. Le Sénat a utilement prévu que le nouveau dispositif de la présente proposition de loi fasse l’objet d’ici à la mi-2019 d’une évaluation indépendante confiée au Haut Conseil de l’évaluation, de la recherche et de l’enseignement supérieur. Il a prévu que cette évaluation porte précisément sur l’impact des dispositions sur la qualité de l’offre de formation, ce qui intègre évidemment son adaptation aux besoins, donc aux débouchés dans le monde professionnel. Votre amendement est par conséquent déjà satisfait.
L’amendement no 3 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
Cet amendement a pour objet de demander aux universités la prorogation de la durée pendant laquelle elles délivrent des conventions de stage aux étudiants titulaires du diplôme de master 2 pendant un an après l’obtention du diplôme.
Cette disposition part d’un constat simple : beaucoup d’étudiants commencent leur insertion professionnelle par des stages ; or, l’année qui suit l’obtention du diplôme, ils ne peuvent plus être conventionnés par leur université et sont donc en difficulté pour effectuer des stages. Se développe par conséquent un marché parallèle d’organismes délivrant des conventions de stage moyennant finances. Le service après-vente pourrait être assuré par les universités elles-mêmes dans la limite d’une année après l’obtention du diplôme, de façon à permettre aux étudiants d’accéder à des stages pour parfaire la partie pratique de leur formation et faire un premier pas vers l’insertion professionnelle.
L’avis est défavorable. Cette proposition soulève une difficulté juridique importante : pour les universités, les personnes ayant terminé leur cursus par l’obtention d’un diplôme ne sont plus des étudiants. N’étant plus inscrits dans un établissement, ils ne peuvent demander à l’université d’être partie dans une convention de stage. Un stage a valeur diplômante et doit être inscrit dans un cursus de formation ; il ne peut intervenir après le cursus.
L’amendement no 19 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 1er est adopté.
L’article 2 est adopté.
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Je souhaite intervenir une petite minute, car le fait que l’examen de cette proposition de loi essentielle pour tous les étudiants de France n’ait donné lieu à l’adoption d’aucun amendement crée peut-être quelque frustration, notamment pour les députés de l’opposition.
En cette fin de session parlementaire, en cette fin de législature, parce que le débat a eu lieu pleinement au Sénat, tant en commission qu’en séance, et que le texte y a été très largement adopté par une majorité qui a dépassé nos clivages habituels, nous qui siégeons à l’Assemblée nationale et qui avons si souvent le dernier mot, pouvons considérer de le laisser pour une fois à nos collègues sénateurs. Et il ne s’agit pas de leur faire une fleur, car il y va aussi de l’intérêt même de tous les étudiants de France : ces dispositions sur lesquelles nous nous retrouvons tous, fruits d’un accord historique datant du début du mois d’octobre, pourront s’appliquer dès la prochaine rentrée universitaire. Et c’est en responsabilité que nous voterons cette proposition de loi, certes non amendée, mais qui va dans le sens de l’intérêt général ; je pense que nous en conviendrons tous.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Il est en effet assez rare qu’un texte venant du Sénat soit adopté conforme par l’Assemblée dès la première lecture !
La proposition de loi est adoptée.
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain ;
Discussion, en lecture définitive, du projet de loi de finances pour 2017 ;
Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances rectificative pour 2016.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly