Je les trouve bien muets ces jours-ci ; leur mutisme, leur silence, en devient assourdissant.
Malgré les millions d’euros mobilisés, en particulier par Uber, pour faire du lobbying, pour acheter des pages entières de publicité dans la presse, c’est le Parlement qui aura le dernier mot. Je tiens, à ce titre, à saluer le rappporteur de cette proposition de loi au Sénat, Jean-François Rapin, sénateur du Pas-de-Calais, avec qui nous avons travaillé de concert, dans l’intérêt général, ainsi que tous les acteurs qui ont contribué à ce travail collectif – à l’Assemblée nationale, Philippe Duron, Christophe Bouillon et bien sûr le président de la commission du développement durable, Jean-Paul Chanteguet.
La commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 30 novembre dernier, a permis d’aboutir à un équilibre sans dénaturer le texte.
L’article 1er introduit des obligations de déclaration et de vérification à la charge des plateformes de mise en relation. Le Sénat l’a modifié pour le rendre plus lisible et plus solide juridiquement. La commission mixte paritaire a entériné l’exclusion du covoiturage du champ du dispositif car cette pratique est déjà très bien définie ; il s’agit seulement de faire appliquer la loi et les règles en vigueur.
L’article 2 a été réécrit par la commission mixte paritaire afin de permettre la collecte de données par l’administration, à des fins non seulement de contrôle mais aussi statistiques. Sur la base de ces données, transmises par le régulateur, l’Observatoire national des taxis et VTC réalisera des études ; les parties prenantes disposeront ainsi de données fiables et plus seulement d’études financées par des acteurs privés. La collecte de données permettra en outre de moderniser nos outils de régulation.
À New York, une autorité de régulation locale, la TLC – Taxi & Limousine Commission – vérifie que les acteurs respectent les règles et fait remonter les données. Pourquoi ce qui est possible à New York serait-il impossible dans notre pays ? Serions-nous plus libéraux que les Américains ? Je ne le crois pas.
C’est pourquoi l’article 2 vise à doter l’État de moyens de contrôle modernisés et efficaces. Du reste, la commission mixte paritaire a logiquement étendu les dispositions de cet article aux chauffeurs occasionnels de transport collectif à la demande, dits « LOTI » – loi d’orientation des transports intérieurs.
L’article 3 interdira les pratiques des centrales qui limitent substantiellement la liberté des conducteurs. Les clauses d’exclusivité, en particulier, seront interdites : les chauffeurs pourront désormais travailler avec plusieurs plateformes ou centrales de réservation ; l’une d’entre elles ne pourra plus leur imposer de ne travailler qu’avec elle. Je précise, à ce titre, que l’article L. 422-6 du code du commerce est très clair pour ce qui concerne la relation entre des travailleurs indépendants et une entreprise, dont les relations entre un chauffeur indépendant et une plateforme sont un exemple : l’indépendance des premiers doit être respectée et, pour cela, le dialogue commercial doit être équilibré.
L’article 3 bis crée le label spécifique de qualité pour les véhicules anciennement dits de « grande remise ».
L’article 4 réforme le régime juridique des services « LOTI », pour en revenir à l’esprit de la loi du 30 décembre 1982 : il doit s’agir de transport de groupes sur réservation. Certaines plateformes avaient détourné ce statut ; on ne peut plus les appeler « plateformes VTC » car elles ont contourné les lois en vigueur en utilisant massivement des LOTI pour transporter une seule personne, percutant ainsi les taxis et les VTC. Ce dumping social a abouti à une baisse des prix, a causé le conflit du mois de janvier dernier et avive les tensions actuelles qui opposent, dans la rue, les chauffeurs de VTC et les plateformes. La présente proposition de loi prévoit une période de transition pour que chacun fasse les choix qui s’imposent, afin d’en revenir à une concurrence saine entre taxis et VTC. Il s’agit de simplifier les statuts divers, afin d’éviter qu’ils ne se percutent sur le même secteur.
L’article 4 bis a été introduit par le Sénat pour la réservation à la place. Sa rédaction a été précisée afin de le limiter aux prestations effectuées sur réservation.
L’article 4 ter, introduit par le Sénat, tend à créer la catégorie des services de transport d’utilité sociale. Il n’a pas fait l’objet de modification en commission mixte paritaire.
L’article 4 quater, introduit par le Sénat, qui concerne l’application du texte outre-mer, a lui aussi été approuvé sans modification.
L’article 5 n’a pas non plus subi de modifications importantes.
L’article 6 prévoit de nouveau que les examens visant à sanctionner l’aptitude professionnelle seront organisés par les chambres de métiers et de l’artisanat, là où sont immatriculés, d’ailleurs, aussi bien les chauffeurs de taxi que de VTC. Ces examens seront organisés de la même façon sur l’ensemble du territoire, avec un tronc commun entre les examens destinés aux chauffeurs de taxi et à ceux destinés aux chauffeurs de VTC. Cela permettra de faire échec aux différents systèmes de fraude organisée que nous avons identifiés : la nouvelle organisation sera stable, lisible pour l’ensemble des acteurs et reposera sur un établissement qui a l’habitude d’organiser les examens. Il sera essentiel que ceux-ci soient organisés régulièrement, afin de permettre aux jeunes qui le souhaitent de les passer. Tout cela devra être suivi au moyen du comité national prévu par ce texte, auquel participeront tous les acteurs.
L’article 7 ayant été adopté dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat, il ne pouvait faire l’objet de modifications.
Enfin, l’article 8 ajoute une précision concernant la présence d’un terminal de paiement dans les taxis : ce n’est pas seulement une obligation de moyen mais une obligation de résultat. Cette question était régulièrement évoquée, notamment dans nos débats.
Pour conclure, la présente proposition de loi permettra de responsabiliser les plateformes, qui en ont bien besoin, comme le prouvent les tensions de ces derniers jours. Il faut cependant bien distinguer les start-up selon leurs pratiques : certaines start-up françaises ont fait preuve d’un vrai sens de leur responsabilité sociale, comme Marcel Cab, qui a récemment ouvert le dialogue avec les chauffeurs. Il convient de saluer de telles initiatives.
Ce texte permettra en outre de mieux réguler le secteur, grâce à des outils modernes visant à traiter les données. Pour réguler une économie des données, il faut s’appuyer sur les données, cela va de soi, c’est du bon sens.
Il permettra enfin de simplifier les statuts.
Toutefois, il restera encore des questions à traiter à l’avenir. Je pense en particulier à notre modèle social, car les régimes sociaux des personnes concernées ne pourront différer éternellement ; il faudra bien, à un moment donné, les harmoniser. Je pense aussi aux aspects fiscaux : d’un côté, des multinationales mettent en place des schémas d’optimisation fiscale tandis que, de l’autre, des artisans travaillent dur, paient leurs impôts en France et sont par conséquent confrontés à une concurrence déloyale. Il faudra aussi moderniser nos outils de contrôle, en s’appuyant sur la remontée de données mais aussi en faisant en sorte que les autorités locales, tôt ou tard, à partir de ces données, se saisissent de la question et mettent en place des plans locaux de régulation. Reste la question du fonds de garantie, que j’avais proposé. Comme on l’a vu, certaines organisations de taxis s’y sont opposée, mais je persiste à penser que ce fonds de garantie représenterait une solution durable pour l’avenir.
Comme le disait Léon Blum : « Toute société qui prétend assurer aux hommes la liberté, doit commencer par leur garantir l’existence. » C’est bien l’enjeu que mettent aujourd’hui sur la table les chauffeurs confrontés à la paupérisation.