Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, madame la rapporteure, mes chers collègues, je vais avant tout, comme vous m’y avez invité, monsieur le président, revenir sur les problèmes juridiques que pose cette proposition de loi. Je traiterai ensuite les autres aspects que notre groupe souhaite aborder.
Les problèmes juridiques sont très simples et au nombre de trois. Le premier est le suivant : la CPU a mis en place une gigantesque opération de lobbying, dont vous pouvez prendre connaissance grâce au dossier que j’ai transmis à la présidence. La Conférence a en effet demandé aux présidents d’université de faire pression sur les députés, ce qui pose un premier problème, d’ordre déontologique.
Le deuxième problème est bien plus grave : la CPU ne respecte pas la neutralité qui pourtant devrait s’imposer à elle : ainsi, elle est intervenue auprès des députés pour exiger un vote conforme. Ce faisant, elle remet en cause notre droit d’amendement, qui est fondamental, et s’immisce de manière anormale dans l’activité parlementaire : elle ne respecte donc pas le principe de séparation des pouvoirs.
Troisième problème juridique : la CPU a établi un fichier Excel annoté contenant une liste de députés à cibler prioritairement en vue d’exercer des pressions. Dans un courrier électronique, la CPU mentionne même le fait que son action auprès de Mme le rapporteur aurait permis de prévenir « toute modification du texte qui n’est pas souhaitable ».
Je pense par ailleurs que ce fichier, dont vous pouvez également prendre connaissance, n’a fait l’objet d’aucune déclaration préalable auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL – on imagine aisément pourquoi.
Cela étant dit, la proposition de loi déposée par le sénateur Jean-Léonce Dupont prévoyait initialement d’autoriser la mise en place, conformément à la logique du système LMD, d’une sélection des étudiants lors de l’accès en master 1. En somme, il s’agissait d’avancer la sélection – qui jusqu’alors se faisait entre l’année de master 1 et celle de master 2 – à l’entrée en master. À l’issue de son examen au Sénat, le texte a été modifié par un amendement du groupe socialiste et républicain pour créer un droit automatique à la poursuite d’études.
Concrètement, l’accord prévoit qu’un étudiant pourra, en cas de non-sélection dans les masters qu’il a demandés, faire appel au rectorat, lequel se trouvera alors dans l’obligation de lui faire trois propositions, dont au moins une, si l’offre de formation le permet, dans son établissement, ou, à défaut, dans son académie, tout en tenant compte de son projet professionnel.
Avant d’aller plus loin dans l’argumentation, je voudrais d’ores et déjà insister sur le fait que ce droit, s’il devait par malheur être voté, promet d’être très compliqué à mettre en oeuvre dans les faits.
En effet, comment le recteur pourra-t-il connaître tous les masters qui peuvent encore accueillir des étudiants ? Que se passera-t-il s’il n’y a plus de places disponibles ? Enfin, le recteur pourra-t-il imposer un candidat à un responsable de formation ?
D’un point de vue opérationnel, cette proposition de loi constitue une atteinte grave à l’autonomie pédagogique des universitaires ainsi qu’à la souveraineté des jurys d’admission.
Et comment imaginer qu’au sein d’un groupe d’étudiants coexistent, selon la voie d’accès choisie, deux groupes ? En effet, leur logique – celle de la sélection, d’une part, et celle de la voie parallèle de la non-sélection, d’autre part – sera strictement orthogonale. Enfin, franchement !
En fait, la version de la proposition de loi qui nous est proposée ici vide de tout sens, contrairement à ce que d’aucuns affirment, la notion même de sélection. En outre, elle institue un principe de non-sélection qui dévalorisera, à terme, les masters ; ils ne seront plus les diplômes d’excellence du système universitaire.
Çà et là, certains disent qu’un consensus général existerait sur cette proposition de loi. Or toutes les organisations syndicales ne l’ont pas signé et, de la même manière, au sein de la CPU, la réforme a donné lieu à un débat extrêmement important. Si une majorité a pu se dégager,…
Le 21/12/2016 à 10:22, Laïc1 a dit :
"Troisième problème juridique : la CPU a établi un fichier Excel annoté contenant une liste de députés à cibler prioritairement en vue d’exercer des pressions. Dans un courrier électronique, la CPU mentionne même le fait que son action auprès de Mme le rapporteur aurait permis de prévenir « toute modification du texte qui n’est pas souhaitable »."
C'est quoi, au fait, son "action auprès de Mme la rapporteur" ? Du harcèlement téléphonique ou par mail, des cadeaux, des avantages personnels, des contreparties secrètes ? Le citoyen est dans l'interrogation inquiète, on aimerait plus de renseignements.
Le 21/12/2016 à 10:16, Laïc1 a dit :
" la CPU a mis en place une gigantesque opération de lobbying, dont vous pouvez prendre connaissance grâce au dossier que j’ai transmis à la présidence. La Conférence a en effet demandé aux présidents d’université de faire pression sur les députés, ce qui pose un premier problème, d’ordre déontologique."
C'est très très grave : là où le lobbying passe, la démocratie trépasse. Et si en plus il est orchestré par ceux qui sont censés enseigner la démocratie aux étudiants, alors là c'est la catastrophe.
Ainsi le système est vicié, corrompu, de fond en comble, c'est en tout cas ce que nous suggère M. Hetzel, c'est très courageux à lui de dénoncer l'inqualifiable lobbying, que M. Jan, en groupe de travail sur l'avenir des institutions, avait déjà dénoncé lors de la discussion de la loi de finances...
Le mal est donc dans tous les sujets abordés à l' Assemblé nationale, qui n'est plus que le laboratoire de travail et le lieu d'action des lobbies de tout poil, avec des députés qui se sont accommodés de ce système, au détriment de l'intérêt général et de la vraie démocratie, qui repose, on le sait, sur le référendum et non pas sur un système de parti ultra-corrompu et incapable de défendre réellement les intérêts des citoyens.
Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui