Revenons-en à la proposition de loi. L’orientation, telle que ce texte propose de l’organiser, est susceptible de remettre en cause des accords de réciprocité existant avec les universités étrangères. Les récents échanges que j’ai pu avoir avec des responsables universitaires à travers l’Europe tout entière me confortent dans l’idée qu’une telle approche, que nous serons les seuls à pratiquer dans le monde, va pousser les plus prestigieuses universités étrangères à dénoncer les accords de coopération avec les universités françaises. En effet, du fait de la réforme envisagée, ces dernières changeront complètement et radicalement de logique.
En substituant à la sélection pour tous l’admission automatique pour chacun, on ne rend service à personne : ni aux universitaires, dont on viole le principe d’autonomie pédagogique, ni aux étudiants – auxquels on laisse penser que l’automaticité de l’accès serait une opportunité alors qu’elle dévalorisera le diplôme qui leur sera délivré – et pas plus aux employeurs qui seront, plus que jamais, poussés à privilégier, dans leur recrutement, des diplômés de grandes écoles qui, eux, auront subi l’épreuve de la sélection.
Enfin, un débat a été totalement escamoté : celui de la professionnalisation des licences universitaires. Dans le prolongement de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, un travail avait débuté dans ce sens afin que les titulaires d’une licence acquièrent une véritable employabilité et puissent s’insérer professionnellement à l’issue de l’obtention de leur diplôme.
La majorité socialiste a, hélas, dès 2012, mis un coup d’arrêt à cette orientation. Et cette proposition de loi révèle l’incapacité du Gouvernement à envisager une véritable professionnalisation en général et en licence en particulier.
Ainsi, ce droit prétendument automatique à la poursuite d’études constitue une manipulation intellectuelle : on poussera tous les diplômés de licence à poursuivre leurs études en master car on aura été incapable de rendre ces étudiants véritablement et effectivement employables. C’est tout de même dramatique.
Voilà pourquoi il convient de revenir sur une telle disposition qui est une véritable chimère – le groupe Les Républicains a déjà, lors des débats en commission, défendu cette position.
Par ailleurs, j’ai déposé des amendements visant à améliorer, dans l’orientation des étudiants, la prise en compte des perspectives de débouchés professionnels. Ainsi, je propose de tenir compte de ces perspectives dans l’orientation des titulaires d’une licence n’ayant pas été admis en première année du master de leur choix vers une autre formation, ainsi que dans les conditions d’admission en deuxième année de certaines formations du deuxième cycle.
De même, l’intégration d’un volet sur l’insertion professionnelle des diplômés dans l’évaluation de l’impact du dispositif de la poursuite d’études semble indispensable en vue d’améliorer l’orientation des étudiants. Une fois encore, ce sujet n’a absolument pas été abordé. Vous l’aurez compris, l’insertion professionnelle est la grande oubliée de cette proposition de loi. Par conséquent, vouloir l’adopter conforme, c’est-à-dire sans l’amender, sera avant tout dommageable aux étudiants eux-mêmes.
Il s’agit d’un paradoxe, et en tous cas d’une occasion ratée : elle aurait pu permettre à notre université de jouer pleinement son rôle en matière d’insertion professionnelle des jeunes.