Intervention de Huguette Bello

Séance en hémicycle du 19 décembre 2016 à 16h00
Adaptation du deuxième cycle de l'enseignement supérieur français au système licence-master-doctorat — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHuguette Bello :

Cette sélection intracycle a aussi créé autour du master un climat d’incertitude, de méfiance et d’insécurité juridique peu propice aux études et à la qualification de la jeunesse.

La médiatrice de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, Monique Sassier, avait même consacré, en 2011, toute une partie de son rapport aux difficultés voire à l’impossibilité pour des milliers d’étudiants de poursuivre leurs études en master 2. Elle décrivait l’« éviction structurelle » d’une partie des étudiants et déplorait : « Les titulaires du M1 découvrent tardivement, après la validation de cette première année, qu’ils ne sont pas tous attendus en deuxième année, que leur accès au M2 n’est pas automatique ».

Alertée par l’impasse dans laquelle se trouvaient les étudiants de La Réunion, j’avais, au moins à deux reprises, interrogé le Gouvernement quant aux dysfonctionnements du master, particulièrement pénalisants pour les étudiants ultramarins. Face aux réponses qu’on a pu qualifier d’attente mais surtout devant le nombre important de sollicitations que ces interventions ont suscitées auprès des jeunes étudiants originaires de toute la France, j’ai déposé en octobre 2014 une proposition de résolution pour que soit ouverte une enquête parlementaire sur le diplôme du master.

Il est donc aisé de comprendre l’attention qui entoure le processus d’élaboration des nouvelles mesures appelées à mettre un terme aux difficultés d’une réforme inachevée.

Issu de la large concertation que le Gouvernement a organisée avec l’ensemble des représentants de la communauté universitaire, un accord a été signé le 4 octobre dernier par la quasi-totalité des syndicats d’enseignants et d’étudiants du supérieur, avant d’être adopté par le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Les propositions contenues dans ce texte, déjà adopté par les sénateurs, s’articulent autour de deux principes : une « orientation-sélection » à l’entrée de la première année du master par le biais d’un concours ou à partir de l’examen du dossier du candidat et, pour les étudiants titulaires d’une licence mais non retenus dans le master de leur choix, un droit à la poursuite des études dans un champ disciplinaire compatible.

Sélection et droit opposable – ou presque – doivent garantir l’accès de tous au master 1 : le bien-fondé de cette audacieuse et inédite articulation entre deux principes généralement opposés sera évidemment appréhendé à travers la capacité dans le temps des différents masters à offrir à tous les étudiants un niveau élevé de qualification et de réelles chances d’insertion professionnelle. Le pire des scénarios serait d’aboutir à un diplôme à deux vitesses.

Par ailleurs, d’une manière récurrente et qui se veut rassurante, l’accent est mis sur les capacités aujourd’hui suffisantes des établissements pour accueillir les flux actuels d’étudiants en provenance du premier cycle. Mais qu’en sera-t-il dans un futur proche, surtout si l’on considère que la stratégie nationale de l’enseignement supérieur prône une augmentation sensible des effectifs en deuxième cycle, son objectif étant de porter à 25 % d’une classe d’âge, contre 16 % aujourd’hui, la proportion de jeunes diplômés d’un master ?

Un dialogue avec l’État est prévu pour contrecarrer les dérives malthusiennes liées à des procédures de sélection excessives. Il n’en demeure pas moins indispensable d’envisager, dès à présent, la question de l’augmentation globale des capacités d’accueil des masters, surtout dans un contexte où un nombre croissant d’universités sont confrontées à de graves difficultés financières.

Pour faciliter la mise en oeuvre de ce nouveau droit à la poursuite des études, la réforme sera accompagnée d’un ensemble de mesures.

D’abord une aide à la mobilité géographique. Le dispositif selon lequel le recteur d’académie devra formuler trois propositions à tout titulaire d’une licence non retenu dans un master 1 sera assorti de moyens financiers. À cet égard, je souhaite appeler votre attention sur l’application forcément particulière de ce nouveau droit pour les étudiants des outre-mer, et singulièrement à La Réunion où notre académie ne compte qu’une université. Comme, chez nous, master rimera encore plus qu’ailleurs avec mobilité, des mesures compensatoires seront-elles prévues pour que l’éloignement géographique et les onéreux frais d’approche qu’il induit ne pénalisent pas nos jeunes, surtout lorsqu’ils sont issus de familles modestes ? C’est aussi pour cette raison qu’il est souhaitable que le dispositif d’évaluation prévu dans le texte comprenne un volet spécifique sur les conditions d’application et l’impact de cette réforme pour les universités et les étudiants d’outre-mer.

Une autre mesure consiste à apporter aux titulaires d’une licence les informations nécessaires à leur choix à travers un portail internet. La simplification de la nomenclature des formations a déjà rendu plus lisible l’offre des masters, mais on peut encore progresser en mettant à la disposition de chacun les éléments les plus précis sur les filières, leurs prérequis, leurs débouchés et leur taux d’insertion. Cet outil se révélera encore plus indispensable pour ceux qui déclencheront leur droit à poursuivre un master de manière différée. Ainsi le texte peut-il être une occasion de rendre plus accessible la formation tout au long de la vie.

Ce souci de transparence sur les formations elles-mêmes pourrait d’ailleurs être complété par un renforcement des mesures relatives à la recherche des stages. Nous savons que la capacité à offrir des stages est un des critères fondamentaux quand il s’agit de fixer les capacités d’accueil des masters. Nous savons aussi que l’obtention d’un stage conditionne le bon déroulement, voire la validation d’un cursus et que les étudiants ne sont pas à égalité dans cette recherche. La plateforme « Mon stage en ligne » a certes apporté des améliorations, mais elle ne réduit pas le décalage toujours important entre les demandes et les offres de stage.

Enfin, il va de soi que la réforme du master ne répondra à toutes ses promesses que si, en amont, le premier cycle fait l’objet d’une véritable rénovation. Ce cursus ne doit plus être synonyme d’orientation par défaut, de sélection par l’échec, et finalement d’immenses frustrations. Nous devons réunir toutes les conditions pour en faire un parcours de réussite.

Consciente de la nécessité de ne pas retarder davantage l’harmonisation de l’offre de formation supérieure, et donc l’adoption de cette proposition de loi, je ne défendrai pas d’amendements sur les points que je viens d’évoquer mais je souhaite vivement que ceux-ci soient pris en compte, notamment dans le cadre du plan d’accompagnement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion