nous devons donc nous exprimer sur un texte issu d’un accord entériné par plus de deux tiers des suffrages lors de la séance du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche du 17 octobre dernier. Le Gouvernement a en effet rassemblé autour d’une même table tous les membres de la communauté universitaire afin de trouver un accord sur l’organisation du système licence-master-doctorat. Les organisations syndicales représentant les étudiants, les organisations syndicales représentant les enseignants et personnels, ainsi que les établissements d’enseignement supérieur ont abouti à une position commune le 4 octobre 2016, compromis qui trouve aujourd’hui sa traduction législative.
La proposition de loi portant adaptation du deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système licence-master-doctorat vise à mettre fin à la situation très délicate dans laquelle se retrouvent trop d’étudiants qui, en raison de leurs résultats en première année de master, ne peuvent accéder à la seconde année, si bien que seul leur niveau de licence est validé – autrement dit, cette césure à l’issue de la première année de master leur fait perdre une année.
Notre rapporteure a par ailleurs fort justement souligné que les « articulations byzantines entre les mentions M1 et M2 sont autant de facteurs de complexité qui défavorisent les étudiants issus de familles peu au fait des subtilités du système universitaire », rappelant que, finalement, « 35 % des étudiants n’obtiennent pas leur M1 en un an ». Notre collègue Sandrine Doucet relève également que ce « master coupé en deux affaiblit la lisibilité et donc l’attractivité internationale de nos universités ». Car il s’agit bien de préserver, voire de renforcer, l’attractivité de notre système universitaire à l’échelle internationale.
Si, en 2002, avec l’instauration du système LMD, la France avait pour but d’asseoir cette attractivité, elle est passée à côté de son objectif en maintenant une possibilité de césure à l’issue de la première année de master, reproduisant la logique du système antérieur. Cette pratique de beaucoup d’établissements ne pouvait perdurer.
Il faut souligner ici que la sélection dès la première année de master 1 est une possibilité offerte aux établissements universitaires et ne constitue en rien une obligation qui leur incomberait. En outre, la possibilité, pour les universités, de procéder à une sélection des étudiants souhaitant intégrer un programme de master est assortie d’un certain nombre de garanties. D’une part, les établissements procéderont par concours ou sur dossier au recrutement en première année de master après que leur conseil d’administration aura voté une capacité d’accueil, négociée avec l’État et validée par le recteur. D’autre part, chaque refus de recrutement devra être motivé et notifié à l’étudiant concerné. Ainsi, un étudiant qui n’aura pas été admis se verra proposer une inscription dans trois autres formations en adéquation avec son projet professionnel, en privilégiant autant que possible son établissement d’origine, comme Mme la ministre l’a rappelé.
La présente proposition de loi vise donc à sécuriser les parcours des étudiants inscrits en master en garantissant pleinement le déroulement de ce deuxième cycle d’études supérieures sur deux années. Par ailleurs, cette possibilité de sélection dès l’entrée en master 1 conférera à notre système d’enseignement supérieur une meilleure lisibilité, tant pour les étudiants français qu’à l’échelle européenne et internationale, une lisibilité qui devrait concourir à renforcer cet objectif d’attractivité dont nos universités et nos étudiants ont tout à gagner. La sélection dès l’entrée en première année de master permettra aux étudiants français effectivement inscrits de compléter sans césure leur cursus en deuxième cycle universitaire. Quant aux étudiants qui ne pourront pas être inscrits en master 1, ils auront la possibilité de se tourner vers d’autres filières sans perdre une année non validée par un diplôme.
Ces étudiants se verront en outre assurer un droit à la poursuite des études. Ainsi, la proposition de loi donne à tout étudiant titulaire d’un diplôme national de licence qui n’aura pas reçu de réponse positive à ses demandes d’admission le droit de s’inscrire ailleurs, dès lors qu’il en saisira le recteur. Celui-ci formulera alors trois propositions en cohérence avec les aspirations et le projet professionnel du demandeur, en priorité au sein de l’établissement où il aura obtenu sa licence ou, à défaut, dans un établissement de la même région académique.
Cette proposition de loi a retenu l’échelon régional afin de pallier les difficultés économiques que peut représenter une mobilité souvent coûteuse pour les étudiants et constituant de ce fait un facteur discriminant pour les populations les plus modestes. Sur ce point, le groupe RRDP se félicite de ce que l’État se soit engagé à mobiliser les moyens nécessaires, en particulier les bourses et les aides ponctuelles à l’installation.
Enfin, en instaurant une sélection dès l’entrée en première année de master et non plus à partir de la seconde année, le système LMD français placera nos universités sur un pied d’égalité avec les universités étrangères et européennes. Par là même, nos masters se placent dans une perspective d’excellence au regard des politiques d’enseignement supérieur pratiquées à l’étranger.
Je souhaiterais cependant partager avec vous une préoccupation majeure, qui n’est pas abordée par la présente proposition de loi, à savoir la place que nos universités doivent garantir à l’enseignement en langue française et l’enseignement du français stricto sensu. Député de l’Aisne, j’ai dans ma circonscription une ville qui symbolise l’attachement que nos concitoyens peuvent avoir pour le français, Villers-Cotterêts où, en 1539, fut signée l’ordonnance édictée par François Ier, acte fondateur faisant du français la langue officielle du droit et de l’administration en lieu et place du latin.
Parler une même langue, pouvoir la lire, posséder une législation et une Constitution rédigées dans une langue commune, sont des biens inestimables.
Prétendre attirer dans nos établissements universitaires des étudiants étrangers sans leur dispenser des cours en français, comme cela se pratique dans certains de nos établissements, et sans même leur offrir des cours de français de façon obligatoire, est une pratique pédagogique contestable. En effet, nombre de nos établissements d’enseignement supérieur, au motif qu’il faut attirer des étudiants non francophones, dispensent des cours en langue étrangère. Or accueillir des étudiants étrangers sans les initier, à tout le moins, à la langue française constitue de facto une moins-value certaine quant à la qualité des diplômes qu’ils convoitent. Je suis d’ailleurs persuadé, comme mes collègues du groupe RRDP, que les étudiants étrangers souhaitent avant tout être sensibilisés à la langue française et à notre patrimoine culturel.
La France a donc toute légitimité pour intégrer un enseignement obligatoire du français dans le cursus universitaire des étudiants étrangers non francophones. Car la francophonie est un combat de tous les jours. N’oublions jamais que c’est notre langue, le français, qui porte l’expression des Lumières, les valeurs du vivre ensemble et l’esprit de fraternité entre les peuples. Il ne faudrait pas priver les étudiants étrangers que nous accueillons d’une richesse qu’ils espèrent trouver en s’inscrivant dans nos universités.
Pour en revenir au texte soumis à notre assemblée, je souhaiterais enfin souligner, à l’instar de Mme la rapporteure, qu’il serait opportun de réfléchir à la mise en place d’un système de tutorat d’orientation pour tous les étudiants en licence.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe RRDP considère que la présente proposition de loi ne remédie pas à tous les problèmes. Ce n’est d’ailleurs pas son objet : d’autres réformes sont en effet indispensables pour renforcer l’attractivité de nos universités et fluidifier davantage les parcours dans l’enseignement supérieur. Elle prévoit donc de procéder à une sélection avant l’inscription en master 1 assortie des garanties nécessaires aux étudiants et d’assurer à ces derniers un droit à la poursuite des études. C’est un bon texte, équilibré, qui offre des réponses concrètes à des problèmes réels. Le groupe RRDP lui apportera son appui.