Intervention de Sandrine Doucet

Réunion du 14 décembre 2016 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Doucet :

Nous nous rappelons tous où nous étions le 7 janvier 2015 au matin lorsque, aux alentours de midi, nous avons appris que la rédaction de Charlie Hebdo avait été attaquée. Nous nous souvenons tous des jours qui ont suivi, de l'attaque de Montrouge et de l'Hyper Cacher, jusqu'au dénouement à Dammartin-en-Goële. Les mêmes souvenirs nous suivent pour ce soir de fête nationale à Nice. Nous n'oublions pas non plus les actes barbares de Saint-Quentin-Fallavier, Magnanville et Saint-Étienne-du-Rouvray, ni ceux perpétrés chez nos voisins.

Votre programme de mémoire s'intéresse tout particulièrement à un soir d'attentat. Nous nous rappelons tous, sans doute plus qu'aucun autre événement, où nous étions et ce que nous faisions le soir du 13 novembre et dans la nuit qui a suivi lorsque nous avons appris l'ampleur du drame qui avait eu lieu à Paris et à Saint-Denis, ne trouvant pas les mots pour traduire notre effroi devant l'ignominie de tels attentats. Cette mémoire vive est due à de multiples facteurs dont, sans doute, la violence, la méthode utilisée, le symbole d'une jeunesse libre arrachée à son destin, ou encore la durée de l'attaque, qui a généré de nombreuses images.

Le terrorisme que nous connaissons impacte la société dans sa dimension collective, mais également chaque individu qui la compose. Le programme « 13 novembre » est hors du commun, et je veux saluer l'initiative conjointe du CNRS et de l'INSERM, suite à l'appel d'Alain Fuchs au recueil des témoignages et à l'étude de la mémoire individuelle et collective après les attentats. Vous évoquez ces attaques comme des actes traumatisants au-delà de l'imaginable, et la construction de la mémoire est à analyser.

Des centaines de personnes sont interrogées dans le cadre de votre programme d'une ampleur exceptionnelle, nécessaire pour prendre la mesure des nuances. Le panel est imposant, mais aussi la durée de l'étude puisqu'elle durera douze ans.

Vous avez constitué quatre cercles de proximité par rapport à ces attentats, afin d'appréhender la mémoire en fonction du degré de vécu dans les attaques.

Le programme fait appel à de nombreuses disciplines, que vous avez évoquées. Dès le départ, l'État s'est engagé à vos côtés pour accompagner le programme, et 2 millions d'euros ont été débloqués via le programme d'investissements d'avenir (PIA) pour vous permettre d'amorcer vos travaux.

Ma première question porte sur la place du témoin. Lorsque vous avez évoqué les cercles de témoignages, cela m'a fait penser aux travaux issus de la Première Guerre mondiale, dans lesquels des cercles de deuil avaient permis de décrire la façon dont le phénomène de « brutalisation » avait affecté l'ensemble de la société.

La manière d'appréhender le témoin a changé. Les témoignages sur la Première et la Deuxième Guerre mondiale n'ont pas été recueillis de la même façon. Vous avez adjoint les neurosciences à votre programme, vous avez parlé d'images de l'INA, étudié l'effet des réseaux sociaux. Comment, en tant que scientifique, appréhendez-vous cette mutation ?

Ma deuxième question concerne la place de la recherche française. Dans cette commission, nous sommes attentifs à la place de la recherche française dans le monde. Vous avez fait allusion à la recherche menée sur les attentats du 11 septembre 2001. Je viens d'évoquer moi-même la recherche que vous avez faite, monsieur Peschanski, sur les deux guerres mondiales. Pensez-vous que vos travaux sur les attentats du 13 novembre peuvent offrir à la France la possibilité de drainer un réseau de chercheurs sur ces sujets ?

Ma troisième question porte sur la place du politique. Vous parlez de mémoire individuelle et collective face à ces événements traumatisants. Aujourd'hui, nous avons peu de recul par rapport au 13 novembre. Mais comment, selon vous, la mémoire officielle, portée par le politique au sens large, va-t-elle s'immiscer entre mémoire individuelle et mémoire collective ?

Ma dernière question concerne la place du citoyen. Vous avez terminé votre propos en évoquant les armes de la connaissance et de la recherche. Nous avons ressenti beaucoup d'émotion dans votre propos. Comment avez-vous, en tant que chercheur citoyen, appréhendé ce sujet ?

Enfin, pour aborder le sujet plus trivial du financement, il faudra peut-être rechercher dans le PIA 3 les armes financières qui vous permettront de poursuivre ce travail passionnant.

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