Intervention de Hervé Féron

Réunion du 14 décembre 2016 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Féron :

Nous sommes à la fois heureux et curieux de découvrir votre ambitieux programme, dont l'objet et l'ampleur inédits sont véritablement fascinants : 1 000 personnes interrogées, quatre fois chacune en douze ans. Le chantier est immense, alors que plus de 2 000 heures de vidéos ont déjà été collectées.

Comme vous le donnez à entendre, il n'y a pas un Bataclan, mais cent Bataclans, décrits par les 100 personnes interviewées : la mémoire n'est pas la même en fonction des personnes et le champ des memory studies qui s'ouvre à nous donne le tournis. Le choix de mettre l'humain au centre est très novateur en allant chercher l'information au coeur des émotions, des souvenirs intenses et des cauchemars. Comment transformer ces témoignages en données, qui pourront ensuite être analysées par la communauté scientifique ? En d'autres termes, comment passer de l'émotion à la donnée ?

J'ai lu que vous aviez déjà travaillé, il y a une dizaine d'années, dans le cadre d'un programme franco-américain, sur l'importance de tenir compte de l'évolution de la mémoire. Nous pouvons imaginer que c'était dans le cadre du 11 septembre, acte traumatique à l'effet de sidération maximal, qui fait que chacun de nous se rappelle précisément où il était ce jour-là. Quelles seront, selon vous, les différences entre le peuple français et le peuple américain dans leur appréhension de ces événements traumatiques et leur capacité à se construire une mémoire collective qui, comme vous ne cessez de le rappeler, évolue continuellement ?

Vous travaillez à partir de l'émotion, du sentiment, tout en installant votre réflexion dans un temps suffisamment long qui permet d'avoir le recul nécessaire à une analyse apaisée et source de véritables enseignements. Ne croyez-vous pas que les méthodes aujourd'hui pratiquées par certains médias, notamment les chaînes d'information en continu, où l'information circule beaucoup plus vite qu'avant et qui présentent certaines personnes comme des experts, parfois à la va-vite, peuvent être dangereuses ?

Selon vous, les recommandations du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) relatives à la couverture audiovisuelle d'actes terroristes, rendues publiques fin octobre, seront-elles utiles ? Plus largement, quelles règles pourrions-nous imposer aux médias pour parer à ces dérives, et notamment au phénomène de ressassement dont vous dites qu'il peut entretenir la pathologie du syndrome post-traumatique, et donc causer une véritable « maladie de la mémoire » ?

Je retiens enfin de votre intervention et des informations que j'ai pu rassembler des éléments porteurs d'espoir : un an après les attentats du 13 novembre, on note le « nouveau contrat » passé avec les policiers, la solidarité, le fait que la société tient le coup, avec même une baisse des actes antisémites et antimusulmans. Ce qui se joue, c'est la défense de nos valeurs partagées avec, au premier rang, celles de la République, qu'une organisation comme l'État islamique veut nous faire abandonner. Un programme comme celui que vous menez est une forme d'engagement des scientifiques pour défendre ces valeurs citoyennes, et le politique doit également y prendre sa part.

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