Je confirme que des personnes des départements du Calvados, de la Manche et de l'Orne sont venues dans les studios aménagés au sein du laboratoire CYCERON à Caen.
Je relierai les deux questions de Mme Doucet : la place de la recherche française dans cette thématique et la dimension citoyenne du programme. Dans le discours de remise du prix Pierre-Simon « Éthique et société », que nous avons été extrêmement touchés de recevoir, il a beaucoup été question de l'engagement des personnels, qu'il s'agisse des personnels statutaires ou des personnels recrutés sur contrat à durée déterminée (CDD). C'est à eux, en effet, que nous devons une grande part des premiers succès de notre programme. À cela s'ajoute le rôle des institutions : elles ont bien fonctionné, nous apportant rapidement leur soutien. Aucun grain de sable n'est venu perturber le démarrage du programme. Nous avons pu commencer à la mi-mai les premiers entretiens, en ayant toutes les autorisations éthiques et administratives requises.
Les équipes parisiennes ont joué un rôle déterminant : les participants ont vite manifesté leur confiance envers les chercheurs, qui leur ont paru incarner la connaissance face à la barbarie. Entre les entretiens, menés dans un cadre très professionnel, les relations entre enquêteurs et témoins se sont approfondies : en off, ce sont des jeunes qui parlent à d'autres jeunes. Les chercheurs, affectés comme tout le monde par les attentats, ont éprouvé le besoin de mettre leur énergie dans ce projet et les participants le ressentent également. Cette dynamique est importante : il faut que les participants aient envie de revenir sinon tout un pan du programme, fondé sur une étude longitudinale, ne pourra être mené à bien.
Nous nous devons d'être ambitieux. Le syndrome de stress post-traumatique est appelé à toucher de plus en plus de personnes. Des chercheurs d'autres disciplines nous contactent. Il est encore prématuré de vous en dire plus mais j'espère que nous pourrons développer des protocoles thérapeutiques, y compris médicamenteux. Il est très important que nous nous orientions vers ce type de recherches, notamment pour traiter les formes graves de syndrome de stress post-traumatique.
Autre chantier d'importance : l'évaluation des cellules psychologiques, dispositif critiqué, notamment à l'étranger.
Les questions sur l'attentat de Nice rejoignent celles posées sur la prise en compte des enfants. Dès le 15 juillet, les responsables du programme se sont contactés : il est évident que cet événement a eu une répercussion sur les entretiens que nous menons. Et je suis rapidement entré en relation avec mes collègues psychiatres, notamment la pédopsychiatre Florence Askenazy, qui est devenue la personne référente. Comme elle le souligne, ce qui était visé dans cet attentat, c'était la figure de la mère, avec tout ce qu'elle représente dans la culture méditerranéenne. J'espère que nous pourrons développer un programme ambitieux avec ces professionnels. Différent de l'étude « Remember », il sera mené en coordination avec nos équipes. C'est une dimension importante : nous devons montrer aux participants, aux élus et aux décideurs politiques que nous coordonnons nos efforts pour le bien public.
La résilience, sur laquelle ont porté plusieurs questions, est au coeur de l'étude « Remember ». Chaque participant passe deux journées dans nos laboratoires à Caen, pendant lesquelles nous procédons à la fois à un examen psychopathologique pour discerner les symptômes, à un examen neurologique pour mettre au jour les mécanismes cognitifs à l'oeuvre, enfin à une investigation sur le fonctionnement même du cerveau pour déceler le rapport de forces entre les intrusions et les mécanismes permettant de contrecarrer leurs effets. Nous effectuons, en outre, des mesures portant sur l'environnement social, familial, amical de la personne. Nous prenons également en compte la façon dont elle ressent l'effort de l'État et des collectivités à son égard en tant que victime et nous analysons la construction de la mémoire sociale. L'originalité du programme « 13 novembre » est de faire interagir plusieurs strates de la construction de la mémoire afin de comprendre différents phénomènes.
Nous ne savons pas encore combien de chercheurs se consacreront à ce programme car nous devons trouver les moyens de financer leur travail, qu'il s'agisse de l'analyse des données dont nous disposons déjà ou du recueil des données à venir. Nous avons bénéficié d'une première tranche de financement avec les 2 millions d'euros octroyés par le Commissariat général à l'investissement (CGI) et le soutien de plusieurs partenaires nous a permis de recruter des post-doctorants, de commencer à analyser les données et de préparer le recueil de témoignages pour 2018. Mais je vais laisser à Carine Klein le soin de vous en dire plus.
Le 28/12/2016 à 14:23, Laïc1 a dit :
"Comme elle le souligne, ce qui était visé dans cet attentat, c'était la figure de la mère, avec tout ce qu'elle représente dans la culture méditerranéenne."
Le camion écrasait tout ce qui présentait sur son passage au hasard : comment peut-on dès lors affirmer que le criminel au volant visait plus spécifiquement les mères de famille, la figure de la mère ? ça n'a pas de sens.
Ou alors, on peut penser que dans l'idée de cette pédo-psychiatre tout ce qui est méditerranéen est forcément féminin, comme la culture nordique serait masculine, non pas parce tel est le cas, mais parce qu'elle voit la culture méditerranéenne comme une culture moins mécanisée, moins dominante que la culture nordique, donc moins puissante, et donc féminine... Et après d'autres psys vont nous dire que les méditerranéens sont très jaloux, très machos car très virils, on pourrait ainsi dire que c'est la figure du père dans sa puissance castratrice (très freudien, non ?) qui était visée dans cet attentat méditerranéen ... , bref on met en valeur avec ces deux versions opposées l'incohérence psychologique officielle habituelle, il y en aura pour tous les goûts.
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