Ma réponse est donc claire et précise. Le destinataire fera ou non usage de ce pouvoir, mais si le Gouvernement s'arrogeait le pouvoir du Comité national d'éthique, vous seriez alors fondés à nous reprocher d'user de prérogatives qui ne nous appartiennent pas.
Vous nous interrogez ensuite sur l'avis du Conseil d'État. La question n'est pas nouvelle, et nous avons souvent eu le débat, notamment au moment de la réforme constitutionnelle de 2008. L'article 39 de la Constitution prévoit que, avant l'examen d'un projet de loi en conseil des ministres, le Conseil d'État en est saisi par le Gouvernement, en sa qualité de conseil du Gouvernement – je le précise, car j'ai entendu que certains confondaient sa fonction contentieuse et sa fonction consultative. Ce n'est pas une spécificité de notre république, et peu de règles de droit ont une constance aussi forte, puisque cette pratique remonte au Consulat.
Si ces avis ne sont pas rendus publics, ce n'est pas parce que le Gouvernement aurait le goût du secret mais parce que la fonction consultative du Conseil d'État et le contenu de ses avis exige qu'il puisse s'exprimer en toute liberté. C'est cette liberté qui est protégée par le secret.
On a souvent abordé dans cette enceinte la question de la publicité des avis du Conseil d'État, et vous trouverez des kilomètres de compte rendu sur le sujet. En 2008, au moment de la révision constitutionnelle, certains parmi vous, à droite comme à gauche, défendaient déjà la publicité des avis, mais l'Assemblée s'était majoritairement ralliée à la position contraire, défendue par Mme Dati en des termes proches des miens.
Vous avez donc voté contre le changement de règle, proposé d'ailleurs par l'un d'entre vous, dont je vois qu'il se reconnaît dans mes propos. Cette décision était cohérente avec votre pratique. En effet, si le Premier ministre peut lever le secret et rendre le document public, cela ne s'est en pratique produit que très rarement, de façon exceptionnelle. Si ma mémoire est bonne, l'une des dernières fois, c'était pour un projet de loi sur la Corse, car il comportait des expérimentations institutionnelles.
Je vois ici beaucoup d'entre vous qui ont exercé de hautes fonctions ministérielles, auprès des plus hautes personnalités de l'État : aucun n'a jamais réclamé que ces avis soient rendus publics ni levé le secret sur ces avis. Et je pense que vous avez eu raison. Un jour – j'espère le plus tard possible – vous serez peut-être de nouveau aux responsabilités, et je ne doute pas un instant que vous perpétuerez l'usage républicain.
Je rappelle que ces avis n'ont même pas le statut de documents administratifs, afin que l'on ne puisse pas saisir la Commission d'accès aux documents administratifs pour y avoir accès.
Sommes-nous aujourd'hui dans une situation exceptionnelle qui justifierait la levée du secret ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)