Le terrorisme en Afghanistan a incontestablement des ramifications régionales. Cela nous renvoie au Pakistan et, notamment, à la question du réseau Haqqani. Mais le réseau taliban, en lui-même, recourt au terrorisme pour lutter contre toutes les formes de pouvoir en place en Afghanistan.
Quant à Daech, force est de constater qu'il s'implante difficilement en Afghanistan. La violence dont il fait preuve, qui est globale, massive, est rejetée par les Afghans. Un parallèle peut être fait à cet égard avec le Sahel. Al Qaeda demeure par contre bien insérée dans le tissu insurgé local.
Concernant les réfugiés afghans renvoyés de force du Pakistan dans leur pays d'origine, il faut reconnaître que ces retours forcés n'aident pas l'Afghanistan à sortir de la crise.
Le retrait de l'OTAN d'Afghanistan n'est pas d'actualité puisqu'il a été reporté sine die. Nous sommes, cependant, loin de la FIAS et de ce que nous avons fait auparavant. Il y a tout de même eu des évolutions positives en Afghanistan, concernant par exemple l'accès aux soins. Il faudra poursuivre nos actions et notamment la formation des forces de sécurité afghanes qui sont la clé, selon moi, pour la sécurité de ce pays et de sa région.
Cela fait treize ans que nous sommes en Afghanistan. L'OTAN est présente en Bosnie depuis 1992, elle y est toujours. Même si les opérations ne sont pas les mêmes, elles s'inscrivent sur le long terme. Nous avons trouvé un modus vivendi satisfaisant avec les Afghans. Il faut que les Français poursuivent leur mission. Il est apprécié en tout cas. On y arrivera pas à pas.
Colonel Jean-Michel Millet. Je m'exprimerai sur la relation UE-OTAN en matière de sécurité et défense. La participation de l'UE au renforcement de la sécurité en Afghanistan a été limitée à une mission de formation de la police. Cette mission s'est achevée l'année dernière et n'a pas rempli tous ses objectifs. L'UE souhaitait, en effet, former, à l'instar de ses États membres, une police qui aide le système judiciaire et rassure la population. Or, la police afghane est une force armée comme une autre, ce qui ne correspond pas à la vision de l'UE. En termes de modèle à suivre, je crains que nous ne puissions pas en tirer beaucoup d'éléments.
La situation en Afghanistan reste difficile. Cependant, des progrès décisifs ont eu lieu comme l'électrification de Kaboul. La majorité des Afghans, dont la jeunesse qui est urbanisée, est hostile au retour au pouvoir des talibans, qui sont vus comme des has been. On a longtemps regardé l'Afghanistan comme un pays rural mais aujourd'hui ce pays s'est urbanisé et la jeunesse, davantage éduquée, n'est pas prête à rentrer dans les rangs des talibans. On assiste aussi à un renforcement du salafisme mais qui ne se fait pas au profit des talibans, ces derniers n'ayant pas démontré leur capacité à gouverner.
Sur les aspects régionaux, depuis 2014 et l'annonce du retrait de l'OTAN, les pays voisins regardent l'Afghanistan comme un terrain d'influence pour se protéger à l'avenir. Par exemple, l'Iran perçoit la menace de se retrouver entre deux feux et un risque de mouvement anti-chiite en Afghanistan. De même, le Pakistan veut maintenir sa profondeur stratégique. C'est le cas également de la Russie qui veut se constituer un glacis au nord de ce pays. Tout cela contribue à l'instabilité.
Il faut voir les aspects positifs concernant les forces armées afghanes. Au sein de cette grande force composée de 320 000 éléments (soldats et policiers), à peine 10% est au combat. La vraie question est de former des militaires de qualité. C'est cela l'avenir. L'Afghanistan n'a pas les moyens d'entretenir des forces de sécurité à ce niveau-là. Il faut donc investir sur la qualité de ces forces. Il faut recruter moins mais mieux car les forces spécialisées ont beaucoup moins de pertes humaines. Nous n'en sommes pas encore là.