– Audition du Général de brigade aérienne Jean-Marie Clament, directeur des questions régionales à la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) du ministère de la défense, du Colonel Jean-Michel Millet, chef du département Asie, Océanie, Amérique latine et Caraïbes, et de M. Matthieu Plailly, chargé de mission Asie du Sud, département Asie, Océanie, Amérique latine et Caraïbes.
La séance est ouverte à neuf quarante-cinq.
Je voudrais m'élever, et je souhaiterais qu'en tant que présidente de la commission des Affaires étrangères vous saisissiez le Quai d'Orsay sur la circulaire du 25 octobre 2016, référence ND2016 750146, intitulée « circulaire dans le cadre de l'organisation des primaires de plusieurs partis politiques » dans laquelle le département rappelle un certain nombre de consignes. À mon avis, il y a dans cette circulaire des choses qui sont totalement inadmissibles. On y explique noir sur blanc que, désormais, chaque déplacement d'un parlementaire doit être considéré comme un déplacement électoral, et qu'en aucun cas les postes ne doivent prêter assistance à l'organisation des programmes.
Cela veut-il dire que dans quinze jours, lorsque nous aurons terminé nos primaires, on pourra nous recevoir mais que l'on ne pourra pas recevoir nos collègues socialistes qui n'auront pas encore tenu la leur ? Cette circulaire est complètement absurde.
Je vous remercie de bien vouloir attirer l'attention du Quai d'Orsay sur ce point.
La question a déjà été posée à Jean-Marc Ayrault lors d'une commission élargie et le ministre s'est engagé à relire cette circulaire et, le cas échéant, à y apporter les précisions nécessaires. Moi-même, je ne l'ai pas lue. De toute façon, je vais demander au ministre sa réponse et nous vous la communiquerons à toutes et à tous.
Il faut certainement tenir un juste milieu mais il est vrai que ce n'est pas le rôle de nos postes consulaires d'aider à tenir des réunions électorales.
Nous accueillons ce matin le général Clament, directeur des questions régionales à la DGRIS du ministère de la défense, pour une audition consacrée à la situation en Afghanistan. Le Général est accompagné du colonel Millet qui est l'actuel chef du département Asie, Océanie, Amérique latine et Caraïbes de la DGRIS, mais aussi notre ancien attaché de défense près l'ambassade de France à Kaboul, dont il est rentré en août dernier.
A la fin de l'année 2014, la mission combattante de l'OTAN en Afghanistan, la FIAS, s'est achevée, avec le transfert de responsabilité de la sécurité du pays aux forces armées et de sécurité afghanes. Ces opérations avaient duré 13 ans, dont 11 sous le drapeau de l'OTAN, et mobilisé jusqu'à 130 000 soldats en provenance de 51 pays membres et partenaires de l'OTAN. Le but ultime de cet engagement avait été de faire en sorte que l'Afghanistan ne redevienne pas le sanctuaire terroriste qu'il était au début des années 2000.
Tout le monde avait conscience qu'il restait fort à faire pour construire un Etat afghan solide, en mesure d'assurer la sécurité sur son territoire. Une mission de l'OTAN d'un format plus petit, la mission Resolute support, a été maintenue afin de conduire des actions de formation et de conseil auprès des forces afghanes.
Il semble aujourd'hui que ce soutien ne suffise pas à garantir la stabilité du pays, alors que la situation se dégrade sur tous les fronts. L'insurrection taleb ne faiblit pas dans le nord et le sud du pays, et, dans le même temps, une branche de Daech est en train de prendre racine à l'est. Sur les huit premiers mois de l'année 2015, les forces armées et de sécurité afghanes ont perdu 5500 hommes, contre 5000 sur toute l'année 2015.
Dans ce contexte, on peut légitimement se demander si le gouvernement parviendra à mobiliser durablement ses troupes, d'autant que la légitimité du pouvoir est affaiblie par la rivalité persistante entre le Président Ashraf Ghani et le chef du Gouvernement Abdullah Abdullah, qui génère un immobilisme dramatique pour le pays.
En dépit des efforts de la communauté internationale, l'Afghanistan semble donc s'enfoncer inexorablement. L'économie du pays est en chute libre alors qu'il continue de produire 90% de l'opium mondial. Et nous en voyons directement les conséquences en Europe, puisque 213 000 réfugiés Afghans sont arrivés sur notre continent en 2015, ce qui en fait la deuxième nationalité représentée après les Syriens.
Vous nous donnerez donc votre analyse sur l'évolution de la situation sécuritaire, politique, économique et humanitaire de ce pays, en la replaçant dans son contexte régional. Vous nous direz quelles réponses la communauté internationale a apportées pour soutenir les autorités afghanes, et quelles sont les actions à entreprendre prioritairement pour éviter que la situation de ce pays ne devienne totalement hors de contrôle.
Nous serons évidemment intéressés d'avoir votre appréciation sur le rôle joué par la France en Afghanistan. Notre commission avait approuvé il y a quatre ans, en juillet 2012, un traité d'amitié et de coopération avec l'Afghanistan qui devait maintenir sous une autre forme notre soutien à ce pays après le retrait de nos soldats, à la fin 2012. Vous nous ferez donc un état de cette coopération ainsi que des pistes d'amélioration pour les années à venir.
Général, je vous laisse à présent la parole.
Je vais essayer de dresser un panorama succinct de la situation en Afghanistan. Pour répondre à votre dernière question, je ferai d'abord un rappel historique, indispensable pour mieux appréhender la situation en Afghanistan.
Pour les forces armées, l'Afghanistan, c'est d'abord le 11 septembre, al Qaeda et Ben Laden.
Nous nous sommes engagés en Afghanistan aux côtés de nos alliés juste après le 11 septembre 2001, au mois de novembre, avec trois objectifs : renverser le régime des talibans, détruire al Qaeda et reconstruire les forces de sécurité afghanes (FSA) qui avaient été dissoutes au moment de la guerre civile entre 1992 et 1994, et par la prise de Kaboul par les talibans en 1996. C'était l'opération Pamir qui a pris fin le 31 décembre 2014 et que je vais retracer en trois périodes successives.
De 2001 à 2008, l'engagement français est essentiellement centré autour de Kaboul. Nous participons à la fois à l'opération antiterroriste Enduring Freedom, lancée le 7 octobre 2001 par les États-Unis, et à la Force internationale d'Assistance et de Sécurité (FIAS), créée par la résolution 1386 du Conseil de Sécurité le 20 décembre 2001, dont l'OTAN a pris la direction dès 2003.
Nous avons alors un détachement aérien, un bataillon français déployé à Kaboul, le BATFRA, qui étend sa zone d'action dès 2006 au district de Surobi, à l'Est de la capitale, une composante aéro-maritime déployée dans l'Océan indien dans le cadre d'OEF, et un détachement d'instruction, Épidote, créé en 2002, chargé de l'instruction des FSA. En 2003, un groupement de forces spéciales de 200 hommes est également mis en place.
Entre 2008 et 2012, l'engagement français est renforcé dans la région Est, suivant une décision prise lors du sommet de l'OTAN de Bucarest tenu du 2 au 4 avril 2008, avec environ 4 000 militaires déployés en Afghanistan au plus fort de notre engagement, en 2010. A titre de comparaison, 3 500 hommes ont été déployés dans le cadre de l'opération Barkhane.
Notre stratégie, qui est celle de l'OTAN, consiste alors à accompagner, parallèlement au renforcement des troupes de la FIAS, qui connaît un pic de 140 000 hommes, le transfert progressif des responsabilités de sécurité aux forces de sécurité afghanes. La région centre de Kaboul, dont le commandement est assuré à trois reprises par la France entre 2006 et 2009, est la première à passer sous l'autorité des Afghans en 2009. Le centre de gravité des troupes françaises se déplace alors vers la Surobi, puis vers la province de Kapissa, qui est sous l'autorité du Regional Command Est, sous commandement américain. La Task Force La Fayette, qui commande alors deux bataillons et un groupement de forces spéciales, devient opérationnelle le 1er novembre 2009. Des équipes de liaison et de tutorat opérationnel (OMLT) appuient les FSA dans leurs missions de combat, dans la zone de déploiement française mais aussi en dehors, en Orouzgan, avec un maximum de 7 OMLT en octobre 2010.
Parallèlement, la France consacre un effort supplémentaire à la formation des FSA, avec près de 200 instructeurs français déployés dans le cadre d'Épidote en 2011, et la participation de la gendarmerie française à l'encadrement de policiers afghans en Kapissa, en Surobi et dans la province du Wardak.
Un premier retrait de forces françaises est annoncé en juin 2011, en cohérence avec la transition sécuritaire alors engagée en Surobi.
La troisième période, de 2012 à 2014, est celle du retrait des forces, décidé par le Président de la République en juin 2012. Fin 2012, les missions de combat prennent fin et les militaires français sont regroupés sur Kaboul autour d'une structure d'environ 1 500 soldats, chargés pour 1 000 d'entre eux des opérations logistiques de désengagement. Il faut alors rapatrier 3 000 véhicules et containers ; c'est un travail de logistique important qui dure jusqu'en 2014.
Jusque fin 2014, les 500 militaires restant se consacrent à la formation des FSA et contribuent aux missions transverses de la FIAS, c'est-à-dire l'état-major de la FIAS, le commandement de l'hôpital, celui de l'aéroport international de Kaboul, assuré par un général français jusqu'en 2014.
Au bilan, cette opération aura marqué l'armée française, que ce soit en termes d'effectifs engagés ou d'expérience opérationnelle. Nous sommes dans un continuum progressif d'intensité depuis la Guerre du Golfe, en passant par les Balkans et jusqu'à l'Afghanistan.
Au terme de treize ans d'intervention, les armées françaises ont contribué au soutien et à la formation de forces de défense et de sécurité, afin de les rendre capables d'affronter de façon autonome les défis sécuritaires qui se posent à l'Afghanistan. Les soldats français ont accompli la mission qui leur avait été confiée avec courage et détermination. Plus de 70 000 d'entre eux ont été engagés dans l'opération Pamir. Cet engagement a coûté la vie à 89 soldats français et fait plus de 700 blessés. L'attaque de la vallée d'Ouzbin des 18 et 19 août 2008 a notamment coûté la vie à dix soldats français, un interprète, deux soldats afghans et a fait 21 blessés dans nos rangs.
Je vais maintenant traiter du positionnement actuel de la France et de ses alliés.
Depuis la fin de la FIAS en décembre 2014, qui a acté le transfert des responsabilités de sécurité aux FSA sur l'ensemble du territoire, l'OTAN inscrit son action dans le cadre de la mission Resolute Support (RSM) qui porte sur la formation, le conseil et l'assistance aux FSA. Initialement prévue pour deux ans, de 2014 à 2016, cette mission a été prolongée au-delà de 2016 sine die, lors du sommet de Varsovie en juillet dernier. Elle comporte 13 453 soldats au mois de septembre, parmi lesquels près de 7 000 Américains, près de 5 000 membres de l'OTAN alliés des Américains et un peu moins de 1 600 partenaires de l'OTAN.
L'Afghanistan demeure le premier théâtre d'opérations de l'Alliance. Je n'inclus pas dans ces chiffres les Américains qui participent à la mission de contre-terrorisme, baptisée Resolute Sentinel, qui opère en parallèle de l'opération RSM.
Le soutien financier international aux FSA se prolonge jusqu'en 2020, avec un budget d'environ cinq milliards de dollars par an. La France contribue à RSM uniquement sur le plan financier, puisque nous sommes contributeurs à hauteur de 11 % de son budget, mais nous ne contribuons pas au niveau militaire, comme cela a été confirmé à Varsovie. Au sein de l'Alliance, le Canada est sur la même ligne que nous. Si la France ne participe pas au financement direct des FSA, son effort se situe à d'autres niveaux.
Nous soutenons l'Afghanistan dans le cadre de l'Union européenne. C'est un programme indicatif pluriannuel pour la période 2014-2020 qui est consacré à quatre domaines : agriculture et développement rural, santé, Etat de droit et maintien de l'ordre.
Sur le plan bilatéral, notre action s'inscrit dans le cadre du traité d'amitié et de coopération signé le 27 janvier 2012 et entré en vigueur le 1er décembre de la même année, valable pour vingt ans et reconductible.
Tous domaines confondus, l'effort financier de la France envers l'Afghanistan s'est élevé à 132,7 millions d'euros sur la période 2012-2026, soit 26,5 millions d'euros par an en moyenne.
Lors de la conférence de Bruxelles, en octobre 2015, nous avions annoncé une contribution de 100 millions d'euros sur les cinq prochaines années.
La coopération en matière de défense se poursuit à un niveau certes modeste, mais continu. Il s'agit principalement de soutenir les FSA. Nous avons cette année, par exemple, mis en place un stagiaire à l'école de guerre, accueilli plusieurs stagiaires afghans au centre de formation interarmées du renseignement, élément clef de la survie en Afghanistan, nous avons poursuivi l'enseignement du français en milieu militaire, qui est un préalable nécessaire à nos actions de formation, ainsi que la coopération entre l'hôpital militaire de Kaboul et l'institut médical français pour la mère et l'enfant.
J'ai eu l'occasion de rencontrer des officiers afghans formés chez nous, et je peux vous confirmer que leur niveau est excellent.
La situation sécuritaire n'est toujours pas satisfaisante. Les FSA, soumises à la pression continue des insurgés qui sont présents dans la totalité des provinces afghanes, peut-être à l'exception du Pandjshir, concentrent leurs efforts sur la sécurisation de l'« Afghanistan utile » : capitales provinciales et axes stratégiques reliant les principales villes du pays et assurant la liaison avec le Pakistan, l'Iran et l'Ouzbékistan.
Les Nations unies ont recensé environ 6 000 attaques sur la période du 20 mai au 15 août 2016, un chiffre en augmentation de 4,7% par rapport à la même période en 2015 mais en diminution de 3,6% par rapport à 2014. Ces attaques ne sont pas toutes le fait des talibans : la fragmentation du pays en pouvoirs locaux et en milices contribue elle aussi, dans une certaine mesure, au désordre. Les pertes civiles ont atteint un niveau jamais égalé au premier semestre 2016: 1 601 morts et 3 565 blessés.
La situation se détériore globalement en province, où les insurgés parviennent à mener simultanément des offensives sur plusieurs fronts, mettant à l'épreuve la solidité du tissu sécuritaire afghan, qui repose principalement sur les forces spéciales afghanes, qui se composent de 17 000 personnes, et sur l'appui de la coalition. A l'heure où nous parlons, les combats se concentrent à proximité de villes de province, dans le Nord autour de Kunduz et dans le Sud.
Les perceptions sont plus positives à Kaboul qui, début octobre, avait connu 16 opérations terroristes majeures depuis le début de l'année contre 23 sur la même période en 2015. Cette inflexion est notamment due aux efforts accrus de la part du service de renseignement afghan (NDS) et à de meilleures mesures préventives de la part de la garnison de Kaboul. La menace demeure cependant à un niveau très élevé.
Les FSA font face à plusieurs difficultés. D'abord un niveau d'attrition très élevé, qui s'établit approximativement à 80 000 par an, dont 5 000 morts et 15 000 blessés, pour un effectif total d'environ 320 000 FSA en juillet 2016. Ce dernier chiffre se situe en deçà de l'objectif de 360 000. Il y a un nombre élevé de défections. Le rythme de remplacement des FSA est élevé et les déploiements opérationnels exigeants sur pratiquement l'ensemble du territoire afghan. Le deuxième défi, ce sont les déficiences dans les domaines de la planification, du commandement et de la logistique ainsi que des problèmes de corruption, que constataient nos soldats aux côtés de leurs frères d'armes afghans jusqu'en 2012 et qui n'ont pas disparu depuis.
Troisième difficulté, le mouvement taliban a globalement réussi à surmonter les dissensions apparues lors de l'officialisation, en juillet 2015, du décès de son chef historique, le mollah Omar, en 2014. Force est par ailleurs de constater que le mouvement taliban conserve de solides soutiens au Pakistan.
Au bilan, en Afghanistan, aucune des parties au conflit n'apparait en mesure de prendre un avantage décisif sur l'adversaire et, je reprends les mots du commandant de RSM et des forces américaines en Afghanistan, le général Nicholson, l'Afghanistan peut apparaître dans une « impasse » (« stalemate »). La seule voie de sortie de crise est politique mais les talibans, qui estiment avoir le temps pour eux, refusent d'entrer officiellement en négociations avec Kaboul. La signature d'un accord de paix entre l'État afghan, en la personne du président Ashraf Ghani, et le chef insurgé Gulbuddin Hekmatyar le 30 septembre 2016 ne lie nullement les partisans de feu le mollah Omar.
Je vais maintenant évoquer les défis actuels. Sur le plan de la sécurité internationale, l'Afghanistan représente toujours un sujet d'intérêt majeur à plusieurs titres :
D'abord, la stabilité du sous-continent indien se joue en partie en Afghanistan. Si l'Afghanistan s'effondrait, le reste du sous-continent serait menacé.
Ensuite, l'argent de l'opium fait vivre environ 10 % de la population. Il représente aussi un enjeu de santé publique considérable, avec probablement 3 millions de toxicomanes. Les estimations fournies par l'UNODC le 26 octobre dernier sont particulièrement alarmantes avec, cette année, une augmentation de 43% de la production d'opium, soit 4 800 tonnes contre 3 300 en 2015, et de 10% des surfaces cultivées. Le rendement a donc augmenté.
Enfin, il y a la résilience des réseaux terroristes transnationaux. Le commandement central d'al Qaeda se situe toujours dans la zone afghano-pakistanaise. Daech a fait son apparition début 2015 en Afghanistan, en agrégeant des groupes de combattants issus de factions insurgées afghanes et pakistanaises en rupture avec leurs mouvements respectifs. Cette organisation a démontré à trois reprises, en 2016, sa capacité à mener des attaques terroristes majeures à Kaboul, avec deux attentats visant la population chiite de la capitale : le 11 octobre pendant les cérémonies religieuses du mois de Moharram, qui a fait 19 morts, et le 23 juillet contre un rassemblement chiite, qui a fait 80 morts. Puis un autre attentat, le 20 juin, contre un convoi de Gorkhas népalais travaillant au profit de l'ambassade du Canada, qui a fait au moins 14 morts.
Dernier point, les questions migratoires. Sur le premier semestre 2016, plus de 270 000 ressortissants afghans sont arrivés en Europe, principalement par la route de la Méditerranée orientale et par la route des Balkans. Tout laisse à penser que la hausse des flux migratoires se poursuivra en 2017 car, outre les facteurs sécuritaires que j'ai mentionnés, il faudrait ajouter des considérations politiques, avec la crise institutionnelle, et économiques. Le taux de fécondité en Afghanistan est un peu supérieur à cinq enfants par femme et la croissance démographique est de 2,3 %. Les problèmes ne peuvent donc que s'aggraver.
Le nombre de déplacés internes est en augmentation cette année, avec plus de 382 000 personnes à la fin octobre, contre près de 272 000 en 2015. Le Pakistan et l'Iran intensifient pour leur part les retours, forcés ou volontaires, de réfugiés et de sans papiers afghans, dont la population est estimée à 6 millions dans les deux pays. Pour ces derniers, les chiffres s'établissaient fin octobre à plus de 450 000 retours depuis le Pakistan et plus de 350 000 depuis l'Iran.
En conclusion, l'amitié historique entre nos deux pays ne remonte pas au traité de 2012 mais à 1922 avec la fondation de la délégation archéologique française en Afghanistan (DAFA). La stature internationale de la France, membre du Conseil de Sécurité des Nations unies, qui combat le terrorisme sur plusieurs théâtres, l'intérêt de nos alliés et de nos partenaires, peuvent justifier le maintien de notre engagement envers l'Afghanistan.
Je vous remercie pour votre écoute et me tiens prêt à répondre à vos questions.
Vous n'avez pas évoqué le contexte régional. Nous voyons que l'« internationale du terrorisme » est en train d'investir l'Asie centrale. Les combattants en Afghanistan sont-ils tous des locaux ou certains viennent-il de l'étranger ? Par ailleurs, quelles leçons tirez-vous de la coopération Union européenne – OTAN en Afghanistan ? Dans quelle mesure ces enseignements pourraient-ils aider à mieux structurer cette coopération sur d'autres théâtres, notamment en méditerranée ?
Je crois que nous devons en effet nous souvenir des 70 000 soldats français qui ont été déployés en Afghanistan, des 89 qui y ont laissé la vie et des 700 qui y ont été blessés. Vous avez évoqué la progression de Daech en Afghanistan depuis deux ans. Quel est, à l'heure actuelle, le rapport de forces entre Daech et Al-Qaeda ? Serait-il envisageable que Daech prenne le dessus ? On annonce que le Pakistan va renvoyer 250 000 travailleurs immigrés afghans dans leur pays : s'agit-il d'une nouvelle mesure pour déstabiliser l'Afghanistan ? Nous avons l'impression que les choses vont de mal en pire : voyez-vous une sortie pour l'OTAN ? Pensez-vous que nous parviendrons un jour à rétablir un niveau minimal de stabilité dans ce pays où la communauté internationale est présente depuis déjà quinze ans ?
Le terrorisme en Afghanistan a incontestablement des ramifications régionales. Cela nous renvoie au Pakistan et, notamment, à la question du réseau Haqqani. Mais le réseau taliban, en lui-même, recourt au terrorisme pour lutter contre toutes les formes de pouvoir en place en Afghanistan.
Quant à Daech, force est de constater qu'il s'implante difficilement en Afghanistan. La violence dont il fait preuve, qui est globale, massive, est rejetée par les Afghans. Un parallèle peut être fait à cet égard avec le Sahel. Al Qaeda demeure par contre bien insérée dans le tissu insurgé local.
Concernant les réfugiés afghans renvoyés de force du Pakistan dans leur pays d'origine, il faut reconnaître que ces retours forcés n'aident pas l'Afghanistan à sortir de la crise.
Le retrait de l'OTAN d'Afghanistan n'est pas d'actualité puisqu'il a été reporté sine die. Nous sommes, cependant, loin de la FIAS et de ce que nous avons fait auparavant. Il y a tout de même eu des évolutions positives en Afghanistan, concernant par exemple l'accès aux soins. Il faudra poursuivre nos actions et notamment la formation des forces de sécurité afghanes qui sont la clé, selon moi, pour la sécurité de ce pays et de sa région.
Cela fait treize ans que nous sommes en Afghanistan. L'OTAN est présente en Bosnie depuis 1992, elle y est toujours. Même si les opérations ne sont pas les mêmes, elles s'inscrivent sur le long terme. Nous avons trouvé un modus vivendi satisfaisant avec les Afghans. Il faut que les Français poursuivent leur mission. Il est apprécié en tout cas. On y arrivera pas à pas.
Colonel Jean-Michel Millet. Je m'exprimerai sur la relation UE-OTAN en matière de sécurité et défense. La participation de l'UE au renforcement de la sécurité en Afghanistan a été limitée à une mission de formation de la police. Cette mission s'est achevée l'année dernière et n'a pas rempli tous ses objectifs. L'UE souhaitait, en effet, former, à l'instar de ses États membres, une police qui aide le système judiciaire et rassure la population. Or, la police afghane est une force armée comme une autre, ce qui ne correspond pas à la vision de l'UE. En termes de modèle à suivre, je crains que nous ne puissions pas en tirer beaucoup d'éléments.
La situation en Afghanistan reste difficile. Cependant, des progrès décisifs ont eu lieu comme l'électrification de Kaboul. La majorité des Afghans, dont la jeunesse qui est urbanisée, est hostile au retour au pouvoir des talibans, qui sont vus comme des has been. On a longtemps regardé l'Afghanistan comme un pays rural mais aujourd'hui ce pays s'est urbanisé et la jeunesse, davantage éduquée, n'est pas prête à rentrer dans les rangs des talibans. On assiste aussi à un renforcement du salafisme mais qui ne se fait pas au profit des talibans, ces derniers n'ayant pas démontré leur capacité à gouverner.
Sur les aspects régionaux, depuis 2014 et l'annonce du retrait de l'OTAN, les pays voisins regardent l'Afghanistan comme un terrain d'influence pour se protéger à l'avenir. Par exemple, l'Iran perçoit la menace de se retrouver entre deux feux et un risque de mouvement anti-chiite en Afghanistan. De même, le Pakistan veut maintenir sa profondeur stratégique. C'est le cas également de la Russie qui veut se constituer un glacis au nord de ce pays. Tout cela contribue à l'instabilité.
Il faut voir les aspects positifs concernant les forces armées afghanes. Au sein de cette grande force composée de 320 000 éléments (soldats et policiers), à peine 10% est au combat. La vraie question est de former des militaires de qualité. C'est cela l'avenir. L'Afghanistan n'a pas les moyens d'entretenir des forces de sécurité à ce niveau-là. Il faut donc investir sur la qualité de ces forces. Il faut recruter moins mais mieux car les forces spécialisées ont beaucoup moins de pertes humaines. Nous n'en sommes pas encore là.
Comment expliquez-vous la vague migratoire afghane à laquelle nous assistons depuis un an ou deux ? Les flots de jeunes afghans qui partent du pays constituent ils quelque chose de durable ? Ils sont sans doute liés à l'urbanisation du pays.
En Afghanistan, la clé se trouve entre l'Inde et le Pakistan. S'il n'y a pas un accord sur le statut et la neutralisation de l'Afghanistan, et si l'Afghanistan continue de servir de terrain de jeu aux ambitions régionales de l'Inde et du Pakistan, on n'en sortira jamais. Est-ce qu'il y a des efforts en ce sens par la communauté internationale ou la diplomatie française ?
Je m'associe à cette dernière question et je vous en pose une autre compte tenu à l'actualité de la nuit dernière. Est-ce qu'il y a des propositions du futur président Trump sur l'Afghanistan ?
Je ne connais pas encore les positions de Donald Trump sur l'Afghanistan.
La vague migratoire afghane augmente et ne devrait pas diminuer dans les prochaines années. On prévoit encore une augmentation en 2017. Les raisons de la migration sont assez classiques : elles tiennent essentiellement à la situation sécuritaire et à la crise économique. La presse est libre en Afghanistan et les débats vigoureux. Les Afghans ont accès aux informations et à l'éducation, ce qui peut constituer une motivation supplémentaire pour émigrer.
La question de la neutralisation de l'Afghanistan se pose de manière théorique, si on considère que la conflictualité entre l'Inde et le Pakistan est à la racine des maux de ce pays. Elle semble toutefois en pratique impossible à mettre en oeuvre : l'Afghanistan est et a toujours été très proche de l'Inde, à l'exception de la période taleb… quoique même à cette époque, les points de contentieux historiques n'avaient pas disparu avec le Pakistan, notamment la non-reconnaissance par l'Afghanistan de la ligne Durand comme sa frontière orientale.
Et telle n'est pas la position de la France, qui appuie le rôle positif de l'Inde en Afghanistan, avec notamment plus de 2 milliards de dollars d'aide civile. Notre partenaire stratégique est identifié comme un facteur de stabilité régionale dans le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013.
Le Pakistan se défend de vouloir dominer l'Afghanistan. Il se contenterait d'un gouvernement amical, ou même neutre à Kaboul. Mais il n'a pas saisi la chance offerte par le président Ashraf Ghani qui, après son élection en 2014, a pris des risques considérables vis-à-vis de son opinion publique pour lui tendre la main en lui faisant d'importantes concessions. La crainte au Pakistan qu'inspire la proximité entre Kaboul et New Delhi ne contribue pas à la stabilité de l'Afghanistan.
A Calais, j'ai été frappé de ne pas voir de femmes afghanes. Du temps des Talibans, elles étaient particulièrement malmenées, et les petites filles empêchées d'aller à l'école. Qu'en est-il aujourd'hui ? Et quel est l'impact du salafisme ?
Je voudrais revenir sur les propos du Colonel. Vous avez dit que la jeunesse était dans une forme de modernité. Mais en contrepoint, elle est sensible au salafisme, ce qui est la négation de la modernité puisque c'est une doctrine moyenâgeuse et rétrograde. S'ils sont sensibles à cette idéologie, on ne peut que désespérer des lendemains.
Egalement, lorsque nous étions présents, nous avions le souci d'éradiquer les sources financières des talibans, et notamment de détruire les cultures de pavots, et de trouver des cultures de substitution. Avons-nous avancé sur ce point ? Qu'en est-il des ressources minières, qui pourraient aussi enrichir le pays ?
Pensez-vous que dans la situation actuelle, il existe un risque de contagion dans les autres pays ? Au Tadjikistan notamment, les autorités évoquent ce risque.
En Ouzbékistan, la transition semble bien se passer, mais le Mouvement Islamique d'Ouzbékistan (MIO) est l'un des mouvements les plus sérieux dans la zone. Est ce qu'il y a un tel risque dans ce pays ?
Le MIO est en perte de vitesse et je ne crois pas qu'une contagion soit possible à l'Ouzbékistan. La transition au sommet de l'État se passe bien. Ailleurs en Asie centrale, il peut y avoir des transits de combattants.
Les revenus de l'opium font vivre 10% de la population. Il existe 3 millions de toxicomanes, ce qui pose un vrai problème de santé publique. La production a augmenté en 2016 de 43%, en passant de 3 300 à 4 800 tonnes. Non seulement on n'a pas éradiqué les plantations, mais en plus on a amélioré le rendement. On est à 10% de plus de surfaces cultivées.
Ce pays est riche en minerais divers. L'Afghanistan est le deuxième producteur mondial de lapis-lazuli. Ce pays cherche à sortir de son enclavement par l'ouverture de nouvelles voies de commerce, notamment en Iran, afin de réduire sa dépendance vis-à-vis du Pakistan. Des progrès s'observent donc, mais pas au rythme espéré.
Pour la partie de la jeunesse afghane qui se tourne vers cette idéologie, le salafisme n'est pas rétrograde mais moderne.
Colonel Jean-Michel Millet. À ce sujet, je faisais surtout référence aux manifestations dans les universités afghanes, à Kaboul, dans le Nord ou dans l'Est du pays. On y voit parfois des slogans hostiles à la démocratie. Cela ne signifie pas que la jeunesse en général adhère à cette doctrine. L'erreur serait de considérer que l'ouverture d'écoles et le financement des programmes scolaires se traduisent automatiquement par un soutien de la jeunesse au modèle démocratique.
Au sujet des migrations, il faut être attentif au potentiel péril humanitaire dans les quelques mois à venir du fait du grand nombre de déplacés, lié aux retours du Pakistan, aux personnes chassées d'Iran et aux migrations internes, en particulier depuis le Nord du pays.
Au sujet des femmes en migration, il me revient en mémoire un rapport de l'ONU de 2015, qui soulignait l'augmentation des ventes de maison en Afghanistan. Les familles envoient un fils, généralement le plus jeune, comme élément pilote pour trouver des voies d'exfiltration. Elles partent ensuite progressivement. Les filles et les femmes viennent en dernier. Cela peut expliquer pourquoi l'on voit moins de femmes en Europe.
Nous examinons maintenant le rapport de Thierry Mariani sur le projet de loi n°3950 autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Tadjikistan relatif à la construction d'une tour de contrôle sur l'aéroport de Douchanbé.
L'accord que nous examinons ce jour n'est pas sans lien avec l'audition qui a précédée. Il concerne la construction d'une tour de contrôle dans ce pays voisin de l'Afghanistan qu'est le Tadjikistan, en remerciement de l'accueil d'un détachement aérien français par ce pays pendant la durée de notre intervention en Afghanistan.
Le Tadjikistan est un petit pays enclavé, seul pays persanophone d'Asie centrale, caractéristique qu'il partage avec une partie de l'Afghanistan. C'est le pays le plus pauvre de la Communauté des Etats indépendants. A la chute de l'URSS, le pays est entré en guerre civile. Opposant les communistes, soutenus par la CEI, à un ensemble hétéroclite qualifié d'« islamo-démocrate » comprenant des démocrates, des nationalistes, des islamistes et des séparatistes, sur fond de divisions ethniques, cette guerre a duré de mai 1992 à juin 1997 et provoqué la mort de 50 à 100 000 personnes et le déplacement de 1,2 million de réfugiés. L'une de nos ressortissantes du Vaucluse a perdu la vie dans une prise d'otage. Un centre pour réfugiés à Douchanbé porte son nom, le centre Kareen Mane.
A cette situation intérieure s'ajoute la menace sécuritaire sur ses frontières orientales. Encore aujourd'hui, le Tadjikistan est très préoccupé par le risque d'une montée de l'islamisme radical, même si le souvenir de la guerre civile prive les islamistes d'un vrai soutien populaire. Des combats ont néanmoins encore eu lieu entre 2010 et 2012, avec des éléments proches des islamistes ouzbèkes. Le gouvernement, qui a pris des mesures, à la fois préventives et répressives, pour lutter contre l'extrémisme et contrôler la pratique de l'islam : rapatriement des étudiants tadjiks du Pakistan, du Golfe et du Maghreb, contrôles des imams et des prêches, fermeture de mosquées non accréditées.
Les autorités ont toutefois peu de moyens pour contrer l'influence des fondamentalistes sur les nombreux Tadjiks émigrés en Russie. Elles estiment à près de 900 le nombre des ressortissants tadjiks partis combattre en Syrie et en Irak et plusieurs dizaines de volontaires présumés ont été arrêtés au Tadjikistan. Un colonel des forces spéciales a rejoint fin mai 2015 les rangs de Daech en Syrie, où il a été grièvement blessé.
Comme l'audition précédente a permis de le rappeler, au-delà du théâtre moyen-oriental, la force de l'islamisme et du terrorisme réside aussi en Asie du Sud et ne serait-ce que pour un impératif stratégique, l'Asie centrale ne doit pas être négligée. Concernant le Tadjikistan, cela commence par nous souvenir de l'appui précieux qu'a été celui du Tadjikistan pendant notre intervention en Afghanistan.
En vertu d'un accord signé le 7 décembre 2001 avec le gouvernement tadjik, de fin 2001 à fin 2013, un détachement aérien (DETAIR) a été accueilli à Douchanbé (un Groupement de Transport Opérationnel, un plot de chasse composé de trois Mirage 2000, trois Mirage F1 CR et trois Rafale) qui aura également assuré le transit de 89 000 militaires et 11 000 missions d'aérotransport et d'appui. La visite à Paris du Président Rahmon en décembre 2002 sera aussi l'occasion de signer un accord de coopération en matière de sécurité intérieure et de lutte contre le terrorisme et le crime organisé, premier accord de ce genre signé par la France avec un pays de la région.
Nombreux sont les députés à s'être rendus au Tadjikistan pendant ces longues années pour apporter leur soutien aux forces françaises, qui ont joué un rôle majeur dans le dispositif de la coalition internationale. Je rappelle que plus de 70 000 soldats français ont été engagés dans l'opération Pamir. Au plus fort des opérations, 4 000 militaires y participaient. Cet engagement a coûté la vie à 89 soldats français et fait plus de 700 blessés.
L'accord qui nous est soumis aujourd'hui consiste à répondre à un engagement politique pris en contrepartie de cet accueil pour moderniser l'aéroport de Douchanbé. Cette modernisation est d'autant plus importante pour le Tadjikistan que ce pays est très enclavé. Ne disposant d'aucun accès maritime, les liaisons internationales ne peuvent s'effectuer que par voies aériennes. Dans ces conditions, l'aéroport de Douchanbé est une infrastructure primordiale pour le développement économique du pays et plus généralement pour son ouverture sur le monde.
La construction de la tour de contrôle est la dernière composante de cet engagement. Notre pays a déjà procédé à la réfection et à la modernisation complète de la piste et des voies de stationnement et de circulation pour avions de l'aéroport, pour un montant total de 33 millions d'euros. Cette mission a été conduite par les équipes du génie de l'air (25ème RGA) de 2004 à 2014 grâce à dix campagnes annuelles de travaux. La dernière campagne, débutée le 20 avril 2014 a vu notamment la réalisation de quatre plots de stationnement pour avions moyens porteurs type B757-200 et Airbus A310, la réparation du taxiway et la pose de trois pylônes d'éclairage.
Aux termes d'un accord signé en 2013, la France a aussi participé à hauteur de vingt millions d'euros à la construction du nouveau terminal de l'aéroport international de Douchanbé, pour un coût total de 49 millions. Un prêt concessionnel de 20 millions d'euros a été octroyé au Tadjikistan pour la construction d'une nouvelle aérogare à l'aéroport international de Douchanbé. Ce prêt comporte 80 % d'éléments don et s'étale sur 35 ans avec 20 ans de franchise et un taux d'intérêt de 0,15 %.
L'accord signé à Douchanbé le 13 juillet 2015 concerne la construction de la tour de contrôle. Il est composé de quatorze articles et d'une annexe. Je n'en présenterai que quelques-uns.
L'article 3 insiste sur le fait que la partie française assumera seule les coûts relatifs à la réalisation de l'opération et spécifie l'identité des acteurs de cette opération. Le montant total des dépenses engagées pour la phase de conception s'élève à 259 000 euros. Le montant total prévisionnel des travaux et prestations s'élève quant à lui à 5,7 millions d'euros. Ces travaux sont prévus par l'article 5 de l'annexe pour durer 41 mois. S'ajoutent à ces coûts un montant prévisionnel de 42.400 euros pour la phase garantie de parfait achèvement. Cette dernière est prévue par l'article 4 et durera un an à compter de la date de réception de l'ouvrage.
L'article 5 énumère les obligations de la partie tadjike telles que la réalisation des travaux de voiries ou encore la préparation et la protection du site. Plus précisément, en vertu de l'article 2 de l'annexe de l'accord, la préparation du chantier, les travaux de bâtiment, de voirieréseaux et la fourniture, l'installation et la mise en service des équipements sont en revanche à la charge de la partie française. Selon l'article 3 de l'annexe, la sécurité du site, son dévoiement et sa dépollution éventuelle, les travaux de voirie hors limite de parcelle, la fourniture et l'installation de certains services (alimentation électrique, postes téléphoniques…) sont à la charge de la partie tadjike.
L'article 4 de l'annexe liste les exigences fonctionnelles, techniques et environnementales de l'opération. L'article 4.3.5 précise notamment que l'ouvrage se situe dans une zone classée à hauts risques sismiques et qu'en conséquence, la partie tadjike devra fournir des informations sur la sismicité du site.
L'article 7 dispose que le personnel civil français bénéficiera des privilèges octroyés par la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961, comme c'était le cas pour nos forces armées. L'article 9 impose la gratuité des visas pour le personnel français et exonère le matériel nécessaire à la construction de la tour de toutes impositions et droits de douanes de la partie tadjike.
Pour conclure, je voudrais souligner que la construction de la tour de contrôle est urgente. Le mécontentement ne cesse de croître quant à la lenteur de notre procédure, alors que la ratification de l'Accord par la partie tadjike est intervenue trois mois après sa signature. Il convient par cette ratification de donner un signal clair que la France respectera son engagement. Il convient de souligner qu'à ce jour aucun français ne travaille actuellement sur le site ou le projet, puisque l'Accord n'est toujours pas en vigueur, et que le dossier est suivi par l'Ambassade de France à Douchanbé, qui est un poste à présence diplomatique aux moyens limités, et l'attaché de défense résidant au Kazakhstan, la mission de défense au Tadjikistan ayant fermé le 31 juillet 2016.
Pour la France, la construction de cette tour permettrait en outre à des entreprises françaises de décrocher des marchés intéressants. Je vous rappelle que c'est l'entreprise Vinci qui a construit l'aérogare. Les opportunités économiques dans ce pays sont réelles et le tourisme commence à s'y développer, ce que le développement des liaisons aériennes grâce à des aéroports modernes renforcerait. Le prolongement de la liaison Douchanbé-Frankfort jusqu'à Paris est notamment envisagé selon l'ambassadrice française au Tadjikistan et l'ambassadeur tadjike à Paris que nous avons reçu.
La construction de la tour de contrôle permettrait en tout état de cause de faire prospérer l'implantation française au Tadjikistan dans le secteur aéroportuaire car, outre le bâti, qui fera l'objet d'un appel offres français, ce sont des marchés potentiels en termes d'équipements – une opportunité, entre autres pour Thalès – voire à moyen terme de gestion aéroportuaire. Or, d'autres projets sont à l'étude concernant les trois autres aéroports internationaux.
Dans ce domaine, la France a une longueur d'avance par rapport à ces concurrents en raison de sa présence sur l'aéroport de Douchanbé pendant plus de dix ans. Néanmoins, en raison de la longueur de la procédure permettant in fine la construction de la tour, certains concurrents se sont positionnés en montrant leur intérêt pour ce projet auprès des autorités tadjikes. Tel est le cas notamment de l'agence de coopération japonaise, la JICA, qui a formulé une proposition de financement de plusieurs millions de dollars pour l'achat d'équipements et des formations de personnel et qui a obtenu l'ouverture d'un bureau au sein de la compagnie d'aviation tadjike.
La construction rapide d'une tour de contrôle sur l'aéroport de Douchanbé est essentielle pour la crédibilité de la parole de la France, vitale pour le développement économique du Tadjikistan, nécessaire pour la perpétuation de nos relations étroites avec ce pays d'une zone stratégique et enfin utile au regard des opportunités pour nos entreprises. Pour toutes ces raisons, je vous invite à voter ce projet de loi de ratification.
Les travaux ne pourront commencer qu'une fois l'accord ratifié et notifié, ce qui suppose que le Sénat l'ait également voté, a priori au plus tard en janvier 2017. Il faudra tenir compte de l'hiver qui rend impossible certains travaux.
Je suis allé dans ce pays une quinzaine de fois. Pour ceux qui aiment la montagne, c'est un pays magnifique. La France avec le réseau Aga Khan fait un travail remarquable. Cet accord est important car les tadjikes nous ont fait confiance. J'ai rencontré à plusieurs reprises le Président Rahmon. Ils nous ont laissé la base sans contrepartie signée. Nous avons partiellement honoré la parole de la France puisque nous avons refait les pistes et l'aérogare. Maintenant, nous devons mettre en oeuvre la dernière partie de notre engagement. Notre ambassadrice nous a dit que la construction de la tour était très importante pour la crédibilité de la parole de la France. Comme l'ont dit les deux militaires auditionnés aujourd'hui, ce pays est, de plus, le plus fragile de la région.
S'agira-t-il d'un appel d'offres international ? Deuxième question, lorsque la tour sera construite, l'accord prévoit-il une formation pour les tadjikes ?
Avons-nous beaucoup de relations économiques avec ce pays ? J'ai vu notamment qu'un barrage hydroélectrique était en construction avec la Chine.
L'appel d'offres concernant la construction de la tour relève du ministère de la défense français. En clair, c'est nous qui construisons. Il est évident que l'entreprise qui a construit l'aérogare attend ce chantier. D'ailleurs, j'ai posé deux fois la première pierre du chantier de l'aérogare, la première fois avec une première entreprise qui n'a pas pu continuer puis une deuxième fois avec l'entreprise Vinci.
En ce qui concerne les équipements de la tour, l'appel d'offres sera tadjike. Nous avons passé un message aux autorités tadjikes selon lequel nous serions sensibles au fait que l'entreprise Thalès soit choisie puisqu'elle est un prestataire de qualité.
Concernant nos échanges, les exportations sont limitées avec ce pays puisque ceux-ci s'élèvent à environ 12 millions d'euros. Le Tadjikistan est un pays pauvre, d'autant que la crise du rouble a entrainé le retour d'au minimum 100 000 travailleurs tadjikes. Je rappelle que le Tadjikistan est le pays d'où proviennent le plus grand nombre d'immigrés en Russie, notamment pour le secteur de la construction. Beaucoup de tadjikes travaillent sur les chantiers dans ce pays.
Si nos échanges sont faibles, ce pays a un potentiel, particulièrement du fait de ses ressources en eau. Un rapport d'information de la Commission sur la géopolitique de l'eau a mis en lumière cet élément. Le barrage de Rogoun a suscité des inquiétudes avec l'Ouzbékistan mais celles-ci se sont aplanies après des années de tensions. Le Tadjikistan a un réel potentiel dans ce domaine à condition que ses relations avec ses voisins soient bonnes. Une fois la sécurité assurée, le Tadjikistan aura, également, un potentiel touristique.
J'ajoute qu'Auchan s'est récemment implanté au Tadjikistan, même si ce magasin ne ressemble pas encore aux supermarchés établis en France. Enfin, Total est sur place, mais sa présence est incertaine en raison du prix du pétrole et des coûts de prospection.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi n° 3950 sans modification.
La séance est levée à onze heures trente.