Intervention de Annie Genevard

Séance en hémicycle du 21 décembre 2016 à 15h00
Modernisation développement et protection des territoires de montagne — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnie Genevard, rapporteure de la commission mixte paritaire :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame la co-rapporteure, mesdames, messieurs les députés, nous voici arrivés au terme d’une longue séquence de deux années de travail consacrées à cet acte II de la loi montagne, que les montagnards appelaient de leurs voeux depuis longtemps. De la mission que nous avait confiée le Premier ministre, qui s’est conclue par trente-six propositions, dont la plupart ont inspiré ce texte, jusqu’au vote de la loi, c’est une démarche originale qui a été conduite, fondée sur un travail collaboratif entre le ministère, le Parlement, l’Association des élus de la montagne – ANEM –, et enrichie par de larges concertations. Tout aussi originale est la démarche qui a consisté à confier la mission de rapporteur de la loi à deux parlementaires de sensibilité différente. Mais, au fond, cela était conforme à l’ADN de la montagne. Il y a bien une dialectique de la montagne, qui veut que la montagne nous permette de dépasser les oppositions qu’inspire assez naturellement le clivage politique traditionnel.

Si notre texte a été examiné au fond par la commission des affaires économiques, c’est que les propositions en la matière y ont été riches : encourager, par la création d’une commission obligatoire, les produits de la montagne ; reconnaître les démarches de cluster si adaptées aux territoires de montagne ; renforcer la lisibilité et l’importance de l’activité agricole par l’aide à la collecte du lait, la lutte contre les prédateurs, le soutien à la construction agricole, l’aide à la remise en exploitation des terres enfrichées, la protection des fonds de vallée. La filière bois n’a pas été oubliée : l’accès à la ressource, le reboisement, l’entreposage, la transformation sont définis comme des objectifs prioritaires. En matière économique, le tourisme occupe, bien entendu, une grande place dans cette loi : la compétence « promotion du tourisme » est rendue aux communes classées stations de tourisme – merci, monsieur le ministre ! –, et la réhabilitation de l’immobilier de loisirs est reconnue comme une priorité. Oui, c’est bien un texte consacré à l’économie de la montagne qui nous est ici proposé.

Je ne souhaite pas aborder, en les résumant à la hâte, tous les aspects du texte, mais j’évoquerais deux autres domaines, le numérique et l’urbanisme, qui ont donné lieu à de vifs débats. Concernant le numérique, des avancées ont été obtenues et je veux les souligner à nouveau : publication de cartes numériques de couverture en montagne avec des indicateurs par génération de réseaux fixes et mobiles et par opérateur ; prise en compte dans les investissements publics des contraintes physiques propres à la montagne ; encouragement des expérimentations s’appuyant sur toutes les solutions technologiques disponibles ; développement des services et usages numériques ; incitation à déployer et à commercialiser les réseaux d’initiative publique – RIP.

S’agissant de la question si sensible des zones blanches, toute commune qui demande à être inscrite sur la liste des communes situées en zones blanches doit obtenir une réponse motivée dans les deux mois à compter de sa demande. Cette question a donc été largement traitée par la loi. Certes, l’idée de mutualisation contrainte a finalement été abandonnée, y compris par les sénateurs eux-mêmes, dans la crainte que cela ne compromette les capacités d’investissement des opérateurs, qui auraient été forcés de supporter des investissements dont profiteraient leurs concurrents, mesure probablement anticonstitutionnelle.

Pour autant, nous ne pourrons pas en rester là. Les opérateurs ont compris que l’impatience numérique peut se transformer demain en colère numérique. La présidente de l’ANEM a annoncé son intention de les réunir dès demain. Les lignes doivent bouger. Ce qui définit aujourd’hui une zone blanche n’est absolument plus adapté. Nos concitoyens veulent partout une bonne couverture numérique, mobile ou fixe. Aujourd’hui, plus personne ne peut s’en passer. Je pense que chacun a senti le « vent du boulet », et cela devrait inspirer très vite de nouvelles politiques. J’espère que le programme France mobile et celui du Guichet 1 300 sites y répondront.

Concernant l’urbanisme, la lecture à l’Assemblée avait abouti à la rédaction consensuelle de la réglementation en matière d’unité touristique nouvelle, qu’elle soit locale ou structurante. Nous avons obtenu que la dérogation au principe d’urbanisation limitée renforcé ne soit effective qu’au 1er janvier 2019. Cela donne un délai supplémentaire de deux ans, qui sera le bienvenu et qui est une avancée par rapport au texte voté par l’Assemblée. Néanmoins, il est vrai que cela ne supprime pas le principe de la planification, que certains d’entre nous regrettent et que d’autres sacralisent, dans les documents d’urbanisme que sont les PLU et les SCoT, auxquels tous les territoires de France sont aujourd’hui assujettis. Les membres de la CMP ont accepté à l’unanimité ce report de deux ans.

Certains, je crois, auraient souhaité que l’on fasse à ce sujet de la politique. En clair, ils auraient voulu que la loi échoue. Plusieurs membres de la CMP auraient sans doute souhaité qu’on en arrive là. Nous ne l’avons pas voulu. C’est une question d’esprit de responsabilité. Que signifie, pour un responsable politique, de faire échouer une démarche, ce qui aurait plongé dans la difficulté de très nombreux territoires ? Nous aurions perdu, au passage, les dispositions attendues en matière scolaire, agricole, touristique, sociale. Est-ce cela que certains auraient voulu ? Est-ce cela être politique ? Non, assurément !

La vie parlementaire réserve parfois bien des surprises. Ainsi, le 18 octobre, nous nous sommes collectivement félicités de l’adoption à l’unanimité d’un texte qui n’a subi aucun recul. On comprend mal pourquoi il serait aujourd’hui rejeté. C’est une question de cohérence. Certes, les modifications apportées par le Sénat n’ont pas toutes été retenues, mais puisque l’objectif souhaité par la plupart était d’aboutir, chacun a fait un pas. Il y a trente ans, les initiateurs ont su trouver l’énergie pour dépasser leurs oppositions et adopter une démarche fondatrice. Nous sommes, en quelque sorte, leurs obligés. Ne compromettons pas, par des propos excessifs, la politique dont notre montagne a besoin. Nous y perdrions tous. Ce texte n’est pas moins satisfaisant que celui que nous avons voté en première lecture. C’est pourquoi je vous appelle à renouveler votre vote en faveur d’un texte qui n’a rien perdu, et que des améliorations ultérieures pourront peut-être, à l’avenir, enrichir encore.

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