Intervention de Juliette Méadel

Séance en hémicycle du 21 décembre 2016 à 15h00
Exercice par la croix-rouge française de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux — Présentation

Juliette Méadel, secrétaire d’état chargée de l’aide aux victimes :

Monsieur le président, madame la rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mesdames et messieurs les députés, la proposition de loi que vous examinez ce soir répond à un engagement pris il y a deux ans par Président de la République en matière de rapprochement familial. L’adoption de ce texte permettra à la Croix-Rouge française de remplir une mission essentielle, celle qui consiste à réunir les membres d’une famille séparés par un conflit, une catastrophe naturelle ou une crise humanitaire.

Je voudrais que nous nous arrêtions quelques instants sur cette mission. Lorsque surviennent une guerre, un attentat, un accident collectif ou une catastrophe naturelle, des familles et des fratries sont séparées par la panique qui s’ensuit. Des enfants perdent leurs parents, des parents perdent leurs enfants. Avant tout processus de reconstruction, la mission la plus fondamentale est d’aider les victimes à retrouver leurs proches, pour leur permettre de redonner du sens à leur vie après avoir traversé de telles épreuves et de telles difficultés.

Cette mission n’a pas de prix. Le monde actuel n’est hélas pas exempt de drames, dont on a le sentiment qu’ils se multiplient de plus en plus vite, en particulier les déplacements massifs de population. La crise migratoire que nous connaissons n’a pas eu d’équivalent au cours des cinquante dernières années. Il faut remonter à la Seconde guerre mondiale pour retrouver des déplacements d’une telle ampleur. Cette crise qui frappe la zone euro-méditerranéenne nous concerne tous directement. Elle nous engage, ainsi que le Gouvernement qui a pris les dispositions nécessaires à l’amélioration de l’accueil de ces hommes, ces femmes et ces enfants sur notre territoire.

Je saisis d’ailleurs l’occasion de l’examen de cette proposition de loi pour remercier les élus locaux, les associations, les communautés religieuses et tous les citoyens qui se sont engagés pour aider à l’intégration de ces migrants, de ces familles en souffrance dans nos villes, nos régions et nos territoires. Ils contribuent ainsi à donner une belle image de la France, à nous-mêmes comme au monde, une France comme nous l’aimons, fraternelle, accueillante, généreuse, fidèle au fond à ce qu’elle a toujours été, c’est-à-dire une France qui refuse l’indifférence et le rejet de la différence. Je les en remercie et je salue le travail constant, réfléchi et responsable que vous avez mené, mesdames et messieurs les députés, ainsi que les services du ministère de l’intérieur.

J’en viens plus précisément au texte. Il répond pleinement aux attentes légitimes de la Croix-Rouge française en lui donnant les moyens de remplir cette belle mission de rapprochement familial tout en garantissant le strict respect de la vie privée et du droit à l’oubli des personnes recherchées. L’année dernière, 562 demandes de recherche ont été traitées par la Croix-Rouge et 23 familles ont été réunifiées grâce au travail de longue haleine de l’ensemble des salariés et bénévoles du Comité international de la Croix-Rouge. Songeons combien la vie de toutes ces personnes et de toutes ces familles a changé ! Ce rapprochement leur a probablement permis de se reconstruire, à tout le moins de retrouver une vie normale.

Ces demandes émanaient essentiellement de personnes séparées pendant la Seconde guerre mondiale. Hélas, les événements tragiques auxquels nous assistons auront nécessairement pour effet d’accroître les besoins dans les années à venir. Des centaines de personnes auront probablement besoin de l’aide de la Croix-Rouge pour retrouver leurs proches.

Le texte dont vous débattez aujourd’hui introduit trois dérogations dans le droit existant visant à permettre à la Croix-Rouge de réaliser sa mission de rétablissement des liens familiaux et en particulier d’obtenir des administrations d’État, des collectivités territoriales, des établissements publics administratifs, des organismes de Sécurité sociale et des organismes assurant la gestion des prestations sociales toutes les informations indispensables pour déterminer le sort des personnes recherchées.

Il appartient à ces organisations, sous le contrôle de la CADA – commission d’accès aux documents administratifs – d’apprécier le caractère indispensable des informations demandées, ce qui introduit dans le dispositif une certaine souplesse qui vise à éviter les demandes superflues ou celles excédant les limites de la mission de rétablissement des liens familiaux. La Croix-Rouge française pourra aussi obtenir communication des copies intégrales et des extraits d’actes d’état-civil et vérifier l’inscription d’une personne sur les listes électorales. En outre, l’article 4 de la proposition de loi rappelle les principes déjà appliqués par la Croix-Rouge française dans le traitement du rétablissement des liens familiaux, notamment celui qui impose de recueillir le consentement écrit de toute personne retrouvée avant communication de ses coordonnées aux membres de sa famille qui la recherchent.

Je remercie très chaleureusement Mme la rapporteure Françoise Dumas pour la qualité de son travail, sa détermination et son soutien à la Croix-Rouge française. Cet engagement est véritablement essentiel. Je veux remercier également le ministre de l’intérieur, Bruno Le Roux, qui, très occupé par les derniers événements, ne peut hélas participer à nos débats et m’a chargée tout à l’heure de vous transmettre ses excuses. S’il avait été des nôtres, il aurait eu à coeur de défendre en tant que ministre un texte qu’il avait lui-même déposé avec ses collègues sur le bureau de l’Assemblée nationale lorsqu’il était président du groupe socialiste – il n’y a pas si longtemps. Je remercie également vos collègues du Sénat et plus particulièrement Mme la rapporteure Marie Mercier pour les améliorations qui ont été apportées au texte. Nos assemblées savent se rassembler quand la cause est juste et indiscutable et qu’elle apporte de l’humanité à un monde marqué par la violence, les menaces et surtout une immense souffrance humaine à laquelle nous devons remédier autant que possible.

Je veux rendre hommage à la Croix-Rouge elle-même et profiter de l’examen de cette proposition de loi pour remercier une nouvelle fois, devant la représentation nationale, les 57 000 bénévoles et 18 000 salariés de la Croix-Rouge française, ainsi que l’ensemble des forces de secours, pour leur engagement exemplaire aux côtés des victimes, que j’ai pu constater dès les premières heures qui ont suivi l’attentat survenu à Nice le 14 juillet dernier.

Je tiens aussi à saluer l’action de la Croix-Rouge en faveur de la formation des Françaises et des Français aux gestes qui sauvent sur l’ensemble du territoire. Dans le contexte actuel marqué par de graves menaces terroristes, faire de chaque citoyen un acteur de sa propre sécurité et de celle des autres est un témoignage précieux de fraternité et de solidarité et est essentiel dans les moments que nous les vivons.

Je veux les remercier tous pour les missions qu’ils remplissent quotidiennement au service de nos concitoyens. Le Gouvernement soutient sans réserve cette proposition de loi et espère de cette assemblée un vote conforme.

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