Je vous remercie à mon tour de ce que vous avez dit, qui nous aide beaucoup à réfléchir ; c'est très intéressant et plus que jamais nécessaire.
Je partage l'analyse selon laquelle le Brexit ne fait que révéler une crise profonde. Tout dépend de la façon dont nous allons y répondre. Cessons donc de nous interroger : nous prendrons acte de la décision britannique, même si nous la déplorons ; mais c'est d'abord de nous que dépend l'évolution de la situation, de nous qui restons au sein de l'Union européenne.
Je ne m'attarderai pas sur l'article de M. Jean Pisani-Ferry, auquel j'avais d'ailleurs immédiatement réagi lors d'un dîner à l'ambassade du Royaume-Uni où nous étions l'un et l'autre conviés, en faisant valoir que l'on n'entre pas dans une négociation en abandonnant le principe de l'unité du marché intérieur ; mais M. Jean Pisani-Ferry en prend maintenant acte, et nous sommes passés à autre chose.
Je crois moi aussi essentiel de réfléchir à la future architecture européenne, et d'écarter l'éventualité d'un partenariat unique qui s'appliquerait au Royaume-Uni comme à la Turquie : une approche différenciée sera nécessaire. Je partage le point de vue selon lequel il vaut mieux réfléchir à une forme d'accord d'association renforcée, en prêtant attention à ce que veut le Royaume-Uni ; j'espère que le pays fera les concessions nécessaires pour être le plus proche possible de l'Union européenne.
En vue de notre rapport, il importe de bien situer le principal problème auquel l'Union européenne est aujourd'hui confrontée, à savoir l'éloignement des peuples. Sur ce point, je suis d'accord avec ce que vient de dire M. Gilles Savary. Cela va nous obliger à nous demander comment remédier aux défauts de l'Union européenne, à recentrer nos objectifs – comme vous l'avez tous dit – sur des priorités compréhensibles par les peuples, et non sur des réglementations que personne ne comprend et qui, souvent, insupportent, à juste titre. Enfin, il faudra adapter nos moyens. Sur tous ces sujets, vous avez formulé des propositions intéressantes.
Le big bang institutionnel… on s'y est essayé en 2005. À l'évidence, ce ne peut être que l'aboutissement d'une réflexion démocratique sur les projets que l'on veut poursuivre avec les peuples – et il est faux de prétendre que l'on puisse du passé faire table rase. Quelles sont donc les réussites, même imparfaites, de la construction européenne ? L'espace Schengen, l'euro, Erasmus. Ce sont trois desseins précis, mais pour la réalisation desquels les moyens, notamment institutionnels, ont par la suite été quelque peu comptés.
Notre entreprise collective doit être de définir mieux encore ce qui nous unit et de mieux répondre aux peurs des peuples, à la hantise du déclin économique et social – nous ne pouvons faire l'impasse sur le chômage des jeunes ! Il nous faut aussi réussir à régler la crise suscitée par les migrations et assurer la sécurité collective. Il est heureux que le Conseil européen se consacre aujourd'hui même – enfin ! – à ces questions ; il serait bon de reprendre la proposition tendant à la tenue de ce Conseil ad hoc au moins une fois par an. Et puis, parce que les peurs des peuples européens ne tiennent plus seulement aux difficultés internes à l'Union, mais aussi à l'évolution du monde, il faut déterminer les composantes extérieures de toutes les politiques européennes sans exception. Nous devons enfin réfléchir à une nouvelle architecture institutionnelle pour une Europe « unie dans la diversité », comme le veut sa devise.
Dans un contexte d'extrême gravité, puisque le risque de dislocation et de désintégration de l'Union européenne est réel, vous, qui, à quelques nuances près, partagez la même envie que l'Union européenne s'en sorte, ne pourriez-vous définir ensemble ce qui nous unit tous ?