Intervention de Jacques Myard

Réunion du 15 décembre 2016 à 10h00
Mission d'information sur les suites du référendum britannique et le suivi des négociations

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Myard :

Vous entendre vous interroger, madame, messieurs, est pour moi un plaisir sans mélange. Enfin ! Vous, que beaucoup considéraient comme des « euro-béats » convaincus, commencez à questionner la faillite d'une construction européenne qui ne peut aller de l'avant sur sa lancée actuelle.

Pour commencer, deux axiomes s'imposent. Le premier est que, si le Royaume-Uni est sorti d'une organisation internationale qui a pour nom « Union européenne », il n'est pas sorti de l'Europe ; les lois de la géographie valent pour le Royaume-Uni comme pour le reste de l'Europe. Le second est que, comme l'a rappelé M. Gilles Savary, la démocratie s'exerce au niveau de la cité et de la nation, lieux de cohésion culturelle que ne sont ni un continent ni l'Organisation des Nations unies.

Ensuite, comment en est-on arrivé là ? Le projet d'Union européenne est né dans les années 1950, à juste titre, pour éviter une nouvelle guerre franco-allemande. La tentative de Gustav Stresemann et la Société des Nations ayant échoué, il fallait trouver autre chose. On y a réussi, non par un traité et des règles, mais grâce à une révolution culturelle, l'Allemagne ayant compris qu'elle devait vivre en harmonie avec ses voisins. Mais, parce que l'on pensait en fonction de ce qu'était le monde d'alors, celui des blocs, le projet a été de constituer un bloc européen entre le bloc américain et le bloc soviétique, et l'on a poursuivi sur cette voie, celle d'une Union européenne unique au point d'en devenir intégriste. Cet intégrisme, sous sa forme la plus achevée, l'euro, est en train de tuer l'Europe, car une monnaie commune à des économies divergentes, sans budget fédéral, est vouée à l'échec – et l'euro échouera. Un jour qu'il était reçu dans cette salle, j'ai eu l'occasion de dire à M. Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne, qu'il avait bien du courage d'être à la tête du Titanic, lui rappelant la longue liste des cinquante monnaies uniques mortes depuis un siècle. On a rêvé un monde qui n'existe pas ; il faut abandonner ce logiciel intégriste et en appliquer un autre.

Au moment de l'élargissement de l'Union, M. Valéry Giscard d'Estaing, grand Européen qui, initialement, ne le voulait pas, m'avait dit : « Maintenant, il faut faire autre chose. » Seulement, cela n'a pas eu lieu. S'en est suivi le traité de Maastricht, contre lequel j'ai voté, et l'on a abouti à une « Europe-kibboutz » : tout le monde dort dans la même chambre et tout le monde veut tout faire. Cela ne peut pas fonctionner. D'une part, il faut repenser l'Union, qui doit maigrir en appliquant à la lettre le principe de subsidiarité pour ne traiter que de l'essentiel. D'autre part, les valeurs européennes ne sont plus seulement en Europe, elles sont partagées par beaucoup d'autres États dans le monde. Parlant du fonctionnement de l'Alliance atlantique, M. Donald Rumsfeld avait déclaré : « C'est la mission qui définit la coalition et non la coalition qui définit la mission. » De fait, en fonction du problème traité au niveau planétaire, des Européens peuvent être sur la même ligne, ou être en désaccord entre eux. Parce que nous sommes désormais à l'ère des puissances relatives dans un village planétaire, une réorganisation s'impose.

Dans un monde transnational, il faut des lois uniformes, comme les conférences de La Haye ont permis, bien avant la Commission européenne, qu'il en existe depuis le début du XIXe siècle. Des normes sont nécessaires, mais elles dépassent le cadre européen. Nous devons, bien sûr, garder un marché commun, et je sais gré à M. Giuliani d'avoir parlé de politique industrielle pour tempérer la concurrence. Songez qu'elle n'est mentionnée qu'à l'article 173 du traité sur le fonctionnement de l'Union, en un seul article ramassé, alors que le traité contient dix articles relatifs à la concurrence ! Cela ne peut pas fonctionner. Enfin, il convient de tout régler à la carte, au niveau inter-gouvernemental. Dans un tel cadre institutionnel, qui ne serait plus celui d'une Union intégriste, mais d'une Union plus ouverte et plus souple, le Royaume-Uni comme la Turquie peuvent trouver leur place.

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