Passer d'une construction juridique à une construction plus démocratique, selon les termes de M. Gilles Savary, me paraît bien résumer les enjeux, et la question n'est pas étrangère à la nécessité de revivifier la démocratie représentative dans notre propre pays. Mieux mettre en évidence dans les débats nationaux la plus-value qu'apporte la dimension européenne aux solutions nationales oblige à mieux appréhender la dimension extérieure des problèmes nationaux dont on traite. D'autre part, chaque État membre doit mieux mesurer les effets, positifs et négatifs, de ses décisions pour ses voisins. Cela participe de la reconsolidation de l'union économique et monétaire.
Nous avons tous insisté sur la nécessité de redonner des perspectives aux politiques économiques et industrielles européennes, mais peu a été dit de la nécessité de repenser dans le même temps les politiques commerciales extérieures. Nous venons de connaître les épisodes relatifs à l'accord économique et commercial global avec le Canada, d'une part, au partenariat transatlantique de commerce et d'investissement avec les États-Unis, d'autre part. Dans un monde dérégulé, où les politiques multilatérales sont en panne, l'Union européenne doit définir et appliquer une politique commerciale véritable – ou alors, c'est la fermeture. Étant donné les défis majeurs qu'il nous faut affronter et le bousculement provoqué par les nouvelles technologies, des accords de plus en plus larges sont nécessaires, qui doivent de plus en plus intégrer les États.
Confrontations Europe, la Fondation Robert Schuman, l'Institut Jacques Delors, le Mouvement européen et EuropaNova travaillent déjà ensemble. France Stratégie n'est pas encore dans le cercle que nous avons constitué et peut-être faudrait-il l'y associer, mais, depuis un an, tous ces groupes de travail se rencontrent une fois par trimestre pour définir comment mieux valoriser ce qui rassemble les États membres et comment mieux traiter les enjeux européens.
Nous sommes très favorables à l'idée d'une Union européenne constituée en trois cercles et nous insistons sur la nécessaire articulation entre l'Union européenne et une union économique et monétaire qui doit être consolidée. Détricoter l'euro serait extrêmement douloureux et très coûteux, mais il faut construire une trajectoire pour les pays membres de l'Union non membres de la zone euro. On ne peut refaire ce qui a eu lieu lors des élargissements – exiger des nouveaux entrants qu'ils absorbent l'acquis communautaire en oubliant quelque peu le nécessaire accompagnement de pays aux cultures différentes.
La fermeté à l'égard du Royaume-Uni ne fait pas débat pour l'instant, mais elle est extraordinairement fragile. Si les Vingt-Sept ne consolident pas leurs relations en cette période douloureuse, l'Union peut voler en éclats – et le résultat des élections à venir peut rebattre toutes les cartes.