Je remercie M. Baab pour son intervention sur un sujet énorme, évidemment méconnu – et sur lequel nous-mêmes avons besoin d'actualiser nos connaissances. Vous vous êtes montré très pédagogue en tout cas.
Nous avons eu raison d'en rester à la coopération intergouvernementale. Lorsque j'ai participé au Conseil européen de Tampere, avec le Premier ministre finlandais dont le pays venait d'adhérer à l'Union européenne, nous avons immédiatement posé le principe selon lequel il ne saurait être question que la Finlande intègre le système communautaire sur ces questions.
Nous avons raison, j'y insiste, de continuer dans cette voie, car il ne peut y avoir de justice européenne supranationale sous quelque forme que ce soit s'il n'existe pas un système politique fédéral. La question est en effet de savoir, comme toujours, qui contrôle les contrôleurs. Et avancer de manière pragmatique ne nous a pas empêchés de beaucoup progresser : le principe de reconnaissance mutuelle, proclamé à Tampere, et que nous avons constamment développé par la suite, a tout de même abouti au mandat d'arrêt européen. Sur ce dernier point, vous l'avez rappelé, il a fallu dix ans pour extrader Rachid Ramda vers la France – je garde un souvenir précis de mes conversations avec mon homologue de l'époque –, alors que, grâce au mandat d'arrêt européen, Salah Abdeslam a été remis aux autorités françaises au bout de quatre ou cinq semaines seulement.
Pour ce qui est du parquet européen, il faudra que le rapport de la mission d'information le définisse clairement – or vous l'avez très bien fait, M. Baab. Je me souviens de débats constants avec les Britanniques sur la question de savoir s'ils allaient adopter ce dispositif, de débats féroces entre Britanniques eux-mêmes, très allants quant à la coopération judiciaire et policière en matière de lutte contre la criminalité organisée et de lutte contre le terrorisme, et donc inquiets pour certains à l'idée de devoir abandonner les instruments dont il est ici question. J'ai en mémoire le cas, abondamment commenté dans les journaux d'outre-Manche, d'un moniteur britannique de colonie de vacances, qui avait, je crois, agressé sexuellement une petite fille et s'était réfugié en France, les Britanniques nous demandant naturellement son extradition.
Dès lors qu'on considère qu'ils ne peuvent formellement rester au sein des agences européennes, il s'agit de savoir quels dispositifs mettre en place avec eux, de façon pragmatique et bilatérale, si jamais ils manifestent la volonté, que nous avons intérêt à encourager, de continuer à coopérer dans le cadre de mandats d'arrêt européens ou dans le cadre du principe de reconnaissance mutuelle. Il en va d'ailleurs un peu de même dans le domaine de la défense. Personne n'aurait rien à y perdre. Je rappelle que nous avons créé Eurojust – c'est en tout cas la proposition que j'avais faite à l'époque – pour donner un pendant judiciaire à Europol qui existait déjà. Or il ne faudrait pas que la sortie des Britanniques de l'Union européenne crée un appel d'air, le Royaume-Uni devenant le refuge de tous ceux que nous souhaitons traduire devant nos tribunaux.