Quand vous estimez, Mme la présidente Guigou, que le parquet européen et, en général, tout élément de justice supranationale est difficilement concevable dans une Europe qui n'est pas fédérale, sachez que c'est également ma conviction. Je vous ai proposé la présentation standard du parquet européen qui est peu ou prou celle du gouvernement français. Du coup, M. Myard, sur ce point, je suis également en plein accord avec vous : ce qui fait la force et l'efficacité du système Eurojust, c'est précisément qu'il s'appuie sur un modèle intergouvernemental.
Je suis en outre d'accord avec vous sur la nécessité de conserver une relation étroite avec le Royaume-Uni, mais pas dans n'importe quel domaine. Le bureau français d'Eurojust a deux priorités : la lutte contre le terrorisme – nous sommes saisis de tous les grands dossiers d'action publique en la matière – et la lutte contre le trafic de migrants. Nous avons, à l'initiative de la procureure générale de Douai, créé un groupe de travail opérationnel associant les quatre pays de la mer du Nord, ainsi dénommés pour donner au groupe une certaine visibilité politique, à savoir la France, le Royaume-Uni, la Belgique et les Pays-Bas, pays directement concernés par la situation non seulement de Calais, mais encore de Dunkerque, de Grande-Synthe… Président du tribunal de grande instance de Dunkerque dans une vie antérieure, je connais bien la région.
Dès lors que les contrôles sont de plus en plus serrés à Calais, les migrants en situation irrégulière sont présents sur toute la façade maritime, mais aussi dans l'arrière-pays de tous les États européens à proximité. Les quatre pays du groupe ont travaillé avec les magistrats de liaison britanniques, dont celui spécialement désigné pour travailler à Lille sur les dossiers de trafics de migrants. Nous avons évidemment intégré ces magistrats britanniques dans notre groupe de liaison et je considère qu'il est indispensable de maintenir cette coopération régionale avec eux pour coordonner nos enquêtes. En sortant de l'Union européenne, les Britanniques vont-ils perdre leurs magistrats de liaison ? Non, puisque leur existence repose sur un accord bilatéral. Nous pourrons donc maintenir la coopération que nous avons mise en place dans un cadre explicitement intergouvernemental.
Cependant, pour ce qui est de la reconnaissance mutuelle, le pays qui a le plus durement attaqué ceux de la partie la plus orientale de l'Europe auxquels vous avez fait allusion, M. Myard, à commencer par la Pologne, est le Royaume-Uni. Plusieurs mandats d'arrêt polonais ont été critiqués, à mon avis à juste titre, par les États membres qui considéraient qu'ils avaient été décernés pour des faits des plus mineurs, pour des queues de cerise. Reste que ces mandats d'arrêt peuvent concerner des ressortissants français, britanniques ou allemands, et pas seulement des Polonais qui auraient commis des infractions en Pologne. Le Royaume-Uni, par sa dureté, a affaibli le dispositif en lui portant de véritables coups de boutoir et en adoptant une deuxième loi de transposition beaucoup plus protectrice des intérêts britanniques. Or – et c'est un point de désaccord avec vous –, nous devons conserver contre vents et marées ce principe de reconnaissance mutuelle et cette idée qu'il doit s'appuyer sur une confiance mutuelle élevée entre les autorités judiciaires des États membres, même si, parfois, en effet, nous éprouvons des difficultés à exécuter des mandats d'arrêt qui nous paraissent disproportionnés par rapport…