Les Russes semblent, en effet, se sentir très européens, d'autant que l'essentiel de la population se concentre dans la partie européenne du pays, et qu'il existe une communauté d'esprit importante avec l'Europe, qui excède le seul aspect culturel.
À côté de l'obsession de la puissance impériale, celle de la faiblesse démographique est non moins cruciale. Avec ses 140 ou 150 millions d'habitants, la Russie peut faire le poids face à l'Europe, mais non face à la Chine.
Jusqu'aux années 2008 ou 2009, la Russie avait tenté de faire de l'énergie un véritable levier de sa diplomatie de puissance. Elle n'y est pas parvenue, en particulier à cause de la crise qui a montré que le pays était touché par le syndrome hollandais – la malédiction du pétrole. Les Russes ont alors essayé de faire du chantage à l'égard des Occidentaux, les menaçant de livrer leur pétrole et leur gaz aux Chinois – mais les pas concrets réalisés dans cette direction ont été peu nombreux. Peuple fantasque, les Russes sont animés, en matière de politique internationale et énergétique, par plusieurs fantasmes. Le passage du Nord-Est en est un depuis longtemps. Autre fantasme : celui du gaz naturel liquéfié (GNL) – en particulier celui du gisement Chtokman – que les Russes avaient imaginé, un temps, exporter aux États-Unis, avant de s'apercevoir du caractère chimérique du projet. Cette succession de fantasmes aboutit à une politique énergétique incohérente. Si Poutine a repris les choses en main, au sein d'une commission présidentielle sur l'énergie, la politique énergétique russe apparaît beaucoup trop centralisée, la Russie souhaitant toujours s'en servir comme d'un levier de sa politique diplomatique.