Comment auront été employées les marges de manoeuvre budgétaires du pays au cours de ces cinq dernières années ? Loin de la caricature, c’est bien de faits dont je veux parler : des dizaines de milliards d’euros, 20 milliards pour le seul CICE – crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi –, auront été octroyés aux entreprises sans conditions, sans contreparties, sans ciblage, soit un effort budgétaire inédit.
Comment auront été financées ces aides ?
D’abord par la fiscalité sur les particuliers, les études l’ont prouvé. Je pense notamment aux travaux de l’OFCE, l’Observatoire français des conjonctures économiques, qui auront démontré un transfert inédit de fiscalité des entreprises vers les ménages, y compris sur ceux qui peinent et vivent très concrètement la précarité. Ils auront vu le taux normal et le taux intermédiaire de TVA, fiscalité la plus injuste qui soit, augmenter en 2014, venant ainsi grever le pouvoir d’achat des classes populaires.
Ces aides auront également été financées par des mesures d’économies massives sur le budget des collectivités et les services publics, notamment nos hôpitaux, où le personnel est en profonde souffrance. Localement, on le voit, les services publics ouvrent moins longtemps, sont moins accessibles, s’éloignent progressivement des citoyens, alimentant une fracture territoriale aux lourdes conséquences.
Pour quels effets sur l’emploi, sur l’investissement, sur le pouvoir d’achat ? Aucun effet ou vraiment trop peu. France Stratégie l’a démontré dans son rapport, le ratio emploi créé ou sauvegardé sur argent public mobilisé avec le CICE est loin d’être satisfaisant : entre 200 000 et 500 000 euros par emploi créé, un véritable gâchis qui vient plomber le bilan budgétaire de cette législature.
Cette manne aurait pu être mobilisée autrement, en privilégiant nos PME et en étant exigeant sur l’utilisation de l’argent public pour qu’il soit fléché vers la création effective d’emplois, la réalisation d’investissements d’avenir, la formation et l’éducation, en clair, pour faire en sorte que les ressources publiques servent utilement au pays, au plus grand nombre.
Voilà donc ce qui aura constitué la pierre angulaire de votre politique budgétaire, loin, très loin des engagements pris en 2012 mais complètement dans les clous des préconisations bruxelloises.
À cet égard, et pour conclure ces discussions budgétaires, mes chers collègues, je voudrais avoir une pensée particulière pour le peuple grec, enfermé comme tant d’autres dans la camisole du TSCG – le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance –, ligoté par une dette aussi abyssale qu’illégitime, bafoué par les conditions inhumaines imposées par le mémorandum de juillet 2015, conclu le couteau sous la gorge, selon la volonté intraitable de ses prétendus partenaires européens. Je voudrais adresser un message de soutien à ce peuple courageux face au diktat financier et exemplaire de solidarité dans la gestion de l’urgence migratoire. Le 8 décembre dernier, le Premier ministre Tsipras annonçait le rétablissement d’un treizième versement annuel pour les plus petites retraites ainsi qu’un report de la hausse de la TVA sur les îles où les migrants et réfugiés débarquent ; des annonces considérées comme crimes de lèse-majesté, puisque faites sans avoir obtenu la bénédiction de l’Eurogroupe, en particulier celle du « petit père la rigueur » de la zone euro, je veux parler bien entendu de celui qui fait la pluie et le beau temps sur les budgets des États européens, M. Schäuble. Chacun connaît la réaction de l’Eurogroupe : remettre de facto tout aménagement de la dette aux calendes grecques ; une réduction de la dette souvent promise, jamais mise en oeuvre, alors que les mesures d’austérité, elles, le sont et rongent petit à petit le pacte social grec. Notre gouvernement a annoncé sa volonté de soutenir les intentions grecques ; nous jugerons aux actes, gardant cependant en mémoire l’été 2015 et l’alignement sur les volontés allemandes.
À notre pays aussi de saisir les multiples appels à la relance, qu’ils viennent de la BCE, du FMI ou de la Commission européenne. Je ne doute pas de vous avoir convaincu, monsieur le secrétaire d’État, au vu de votre écoute attentive de mon intervention…