En ce qui concerne la politique économique de M. Trump, je pense qu'il faut attendre encore un peu pour savoir ce que fera le président une fois en fonction. Le Congrès américain est plus hostile à une augmentation du déficit public et de la dette que ne semble l'être M. Trump. J'observe que la littérature économique sur l'impact d'un tel programme, s'il était réalisé, est mitigée ; elle considère qu'il y aurait sans doute un impact à court terme, mais que c'est beaucoup moins certain à moyen terme.
On peut relire notre travail sur la contribution budgétaire agrégée de la zone euro. Le G20, le Fonds monétaire international (FMI), l'OCDE ont formulé des recommandations pour soutenir davantage la croissance et mettre les différents moteurs de croissance en phase : la politique monétaire ; la politique d'investissement – nous avons renforcé le plan Juncker – ; les réformes structurelles, dont je pense qu'elles devront bien plus qu'auparavant mettre l'accent sur l'éducation, l'innovation, la recherche et développement, le capital humain ; enfin la politique budgétaire, qui ne peut plus être récessive et dont nous estimons qu'elle ne doit plus être neutre. Est-ce que, pour autant, la situation se prête à une relance massive ? Sûrement pas. Est-ce qu'elle implique un relâchement des efforts budgétaires des pays ? En aucun cas. Je ne suis pas en train de tenir une parole disciplinaire. Il ne faudrait pas tomber dans cette situation aberrante où les pays qui n'ont pas de marge de manoeuvre budgétaire aient envie de l'utiliser, tandis que ceux qui ont de la marge budgétaire ne l'utilisent pas. Quand nous parlons de contribution budgétaire agrégée positive, cela signifie que ce sont ceux qui ont de la marge qui doivent l'utiliser tandis que les autres doivent poursuivre leurs efforts. Les grands pays, y compris l'Allemagne, ne respectent pas les 60 %. Il faut mettre un terme à cela.
Le système Target 2 a un rapport avec le quantitative easing de la Banque centrale européenne (BCE). Comme je l'ai dit, je reviens de Francfort, où j'ai rencontré ce matin M. Draghi et M. Weidmann. Compte tenu du quantitative easing, la situation ne doit pas être interprétée comme en 2012. Les ratios n'ont pas exactement la même signification aujourd'hui.
Je vous redonne nos prévisions, monsieur de Courson, pour vous montrer que la Commission européenne ne se tient pas à l'écart de la tendance mondiale. Je précise d'ailleurs que les prévisions sont produites par une direction indépendante, la direction générale « Affaires économiques et financières », et que toutes les décisions de la Commission européenne sont collégiales. Nous prévoyons 1,3 % de croissance pour 2016 et 1,4 % pour l'an prochain. Notre sentiment est que la croissance économique dans la zone euro est globalement un peu plus résiliente qu'on ne le pense. Avec 1,4 %, nous ne sommes cependant pas très loin du consensus.
Nous ne redressons pas les prévisions de dette en fonction de l'évolution de primes d'émission. Ce que je remarque, c'est que la dette française se stabilise, et je crois qu'il faut poursuivre les efforts pour la réduire. Pour cela, il ne convient pas de donner un stimulus budgétaire artificiel. Il est important que la France rejoigne le « bras préventif ».
En matière d'harmonisation des taux, les décisions-cadres prises sur la TVA au moment de la mise en place du marché intérieur ont rencontré des résistances très fortes de la part des États membres. L'absence de compétence de l'Union européenne ainsi que l'unanimité requise ne me permettent pas de vous faire de promesses en la matière. Je crois beaucoup en l'harmonisation de l'assiette, et même à son unification, mais je ne crois pas réaliste de revenir sur certaines politiques de taux. Certains États, à l'instar de l'Irlande, ne consentent d'ailleurs absolument pas à une telle démarche.
La question que m'a posée Mme Berger concernant le reporting pays par pays m'embarrasse. Étant devenu commissaire européen, je n'ai pas eu l'occasion d'examiner, autant que peut le faire un membre de la commission des finances de l'Assemblée nationale, la décision du Conseil constitutionnel. Je sais néanmoins que la discussion continue : au niveau du conseil Ecofin, nous en avons encore parlé la semaine dernière. Certains États membres s'intéressent – et ce n'est pas illégitime – à la contradiction qu'il pourrait éventuellement y avoir entre publicité et compétitivité. La Commission, pour sa part, a conclu, après étude d'impact, qu'il n'y avait pas de telle contradiction. Notre position est donc très claire : nous sommes favorables au reporting public, pays par pays, sur les données comptables et fiscales. Personne, autour de la table, n'a invoqué jusqu'à présent la liberté d'entreprendre ni considéré qu'il y avait une contradiction entre la publicité et cette liberté. Mais le Conseil constitutionnel est évidemment une institution que, en tant que citoyen français, je respecte au plus haut point. Des débats suivront donc sur ce sujet.