Je pense qu'on va finir par trouver une solution et qu'il n'y a pas nécessairement de contradiction entre la mesure que vous avez votée – que je ne connais pas exactement –, la décision du Conseil constitutionnel – que je ne connais pas exactement non plus – et la directive.
S'agissant de la TTF, je ne peux pas, en effet, trahir le secret des discussions à huis clos au sein du conseil Ecofin. Mais je ne veux pas non plus faire preuve d'opacité à votre endroit : contrairement à ce qui était prévu, il n'y a pas eu cette fois-ci de réunion des ministres sur le sujet, ce qui est sans doute significatif. Des débats techniques ont lieu quant à l'impact de cette taxe sur les fonds de pension et quant à la crainte de certains États que cela ne leur coûte plus que cela ne leur rapporte. Cette crainte n'est pas totalement infondée mais il peut y avoir des compensations et il y a sans doute derrière cela des arrière-pensées politiques, y compris, peut-être, de la part de certains grands pays. La démarche n'est pas achevée. La Commission continue à apporter son soutien technique et politique à ce projet. Regardez ce que les grands pays pensent de cette taxe, et vous aurez assez vite une réponse plus précise encore que la mienne…
Je ne donnerai pas de réponse spécifique concernant les banques, sujet qui ne relève pas de mon portefeuille même si je le suis du point de vue de leur impact sur la stabilité macroéconomique. Mais sur le fondement de tous les contacts que je peux avoir, des discussions du conseil Ecofin et des travaux de la Commission européenne, je dois dire qu'il n'y a pas aujourd'hui, selon nous, de risque de crise bancaire, que la plupart des banques italiennes sont saines et que les autres sont en train de faire les efforts nécessaires pour régler les difficultés identifiées. Enfin, les mécanismes dont nous disposons dans le cadre de l'Union bancaire nous permettent de traiter des différentes situations, à commencer par celle de la banque portugaise qu'évoquait M. Alauzet et sur laquelle je vais revenir. Il n'y a pas – et il n'y aura pas – de crise bancaire italienne, allemande ou systémique. C'est évidemment un sujet sur lequel la Commission européenne et la BCE travaillent ensemble, avec beaucoup de confiance.
M. Savary m'a posé plusieurs questions. Vous comprendrez que je n'aie pas de commentaires particuliers à faire concernant les banques et le quantitative easing. La transformation du Mécanisme européen de stabilité (MES) en une sorte de fonds monétaire européen est une démarche en faveur de laquelle nous plaidons tout en étant conscients qu'elle demande sans doute une révision des traités. Mais il y a d'autres options – M. Caresche parlait notamment des rapports entre la Commission européenne et l'Allemagne. Le ministre allemand des finances, M. Schäuble, a pu proposer que la Commission européenne laisse sa place, comme instance de surveillance budgétaire, au MES. Je ferai observer que cela suppose, tout autant que la transformation du MES en fonds monétaire européen, une révision des traités. Mais, dans un cas, la révision irait dans le sens de la communautarisation, vers plus de démocratie, et, dans l'autre, vers moins de démocratie.
Il me paraît tout à fait légitime que l'on débatte de ces décisions avec la Commission européenne, et je suis prêt à m'expliquer, décision par décision. Mais nous n'avons pas pris une seule décision, pour quelque pays que ce soit, qui soit contraire à la règle. Nous avons parfois pris des décisions assorties d'une certaine flexibilité. Il n'était certes pas intelligent de suspendre les fonds structurels et d'investissement en Espagne et au Portugal, compte tenu de la crise qu'ils ont connue et des efforts qu'ils ont faits, mais nous prenons toujours des décisions conformes à la règle. Enfin, je suis en désaccord avec le ministre allemand des finances – je le lui ai déjà dit à Bratislava – sur un point. On reproche à la Commission européenne d'être une instance technocratique : c'est faux. Nous sommes une instance politique contrôlée par le Parlement européen et rendant des comptes devant les parlements nationaux. Faire échapper le MES à tout contrôle politique ne va pas dans le sens de l'histoire, qui est celui d'un renforcement de la démocratie européenne. Si nous répondons à la crise de confiance européenne par plus de technocratie, je nous prédis les rendez-vous les plus funestes. C'est la raison pour laquelle la Commission européenne continuera d'exercer son rôle.
L'assurance-chômage européenne fait partie des propositions de ce que pourrait être un budget de la zone euro. J'avais formulé cette idée moi-même lorsque j'étais ministre des finances et je continue de la soutenir comme commissaire européen. Dans le même temps, je sais que les conditions de sa mise en oeuvre sont complexes car elle suppose de l'harmonisation, mais c'est assurément une piste pour le Livre blanc, que j'aurai à coeur de soutenir.
Mme Guittet m'a interrogé sur la défense. J'en profite pour lui rappeler que nous avons défini des marges de flexibilité, dans le cadre de notre communication, pour les investissements et pour les réformes structurelles. Nous avons dit aussi qu'il était possible d'accorder de la flexibilité aux pays faisant face, en première ligne, à un afflux de réfugiés ou à un tremblement de terre – c'est le cas récurrent de l'Italie – et que nous pouvions aussi prendre en compte les dépenses supplémentaires effectuées pour assurer la sécurité face au terrorisme. Mais il n'est pas prévu de soustraire les dépenses de défense du calcul des déficits publics. D'autre part, cette flexibilité ne s'applique qu'aux pays relevant du volet préventif du Pacte de stabilité et de croissance, et nullement aux pays relevant de son volet correctif. C'est pourquoi il me semble intéressant pour les États membres de relever de ce volet préventif. C'est ainsi que les politiques deviennent plus flexibles.
En ce qui concerne l'Afrique, nous travaillons à un plan d'investissement externe, distinct du plan Juncker même si sa structure ressemblera à celle de ce dernier. La différence, c'est que le vice-président Jyrki Katainen sera chargé du plan Juncker et que Mme Mogherini le sera de l'autre plan. C'est un instrument de politique étrangère et de développement tandis que le plan Juncker est destiné à l'Europe.
Toujours concernant les dépenses de défense, il n'y a pas de traitement statistique de faveur mais nous voulons mieux prendre en compte la défense européenne. C'est la raison pour laquelle nous avons présenté un plan d'action européen pour la défense qui prévoit un fonds européen de défense, notamment destiné à financer des dépenses de recherche et d'innovation en la matière.
La question bancaire est principalement suivie par mon collègue Valdis Dombrovskis. Novo Banco, qui a repris Banco Espírito Santo, devra faire l'objet d'un processus de privatisation, déjà en cours. Le dossier avance bien.
Vous m'avez interrogé concernant l'output gap. Nous sommes allés au-delà du groupe technique, dont je ne connais pas les résultats, pour commencer à parler politique dans le cadre du conseil Ecofin. Force est de constater qu'il n'y a pas de consensus en la matière, mais qu'une latitude est tout de même donnée à la Commission européenne pour essayer de traiter les cas aberrants aboutissant à des taux de croissance potentielle négatifs ou à des écarts beaucoup trop importants par rapport au taux de croissance effectif.
Enfin, j'en viens à la question de la zone euro. Nous sommes vingt-sept États membres dans l'Union européenne, et nous devons rester vingt-sept. Le Brexit est une aventure que nous devons éviter de voir se reproduire. Nous devons aussi éviter, dans les négociations, d'inciter les États à imiter ce type de comportement. D'autre part, nous sommes dix-neuf dans la zone euro : c'est un espace économique parfaitement pertinent. Je souhaite vraiment que la zone euro soit dotée à la fois d'instruments de politique économique – c'est le budget de la zone euro –, d'une gouvernance nouvelle – avec un ministre des finances de la zone euro – et d'une organisation suivant la question au sein du Parlement européen. Cela nous permettra de mener une politique de croissance. À titre personnel, je ne crois guère aux organisations qui agiraient à un niveau en deçà des dix-neuf membres. Le couple franco-allemand est vital mais insuffisant. Si vous y ajoutez l'Italie, cela ne fera pas non plus une masse suffisante. Si vous prenez les États fondateurs, vous serez confrontés à des contradictions, car leur logique actuelle n'est plus celle des fondations. Enfin, on voit la difficulté des coopérations renforcées. La zone euro me semble donc être le niveau le plus structurant pour mener une bonne politique économique européenne. D'ailleurs, après le Brexit, la zone euro représentera probablement 90 % du PIB de l'Europe entière. Par conséquent, négliger l'euro serait une faute. Cette construction politique intégrée qu'est la zone euro me semble être le projet politique le plus intéressant pour les membres des commissions des finances et des affaires européennes que vous êtes.