Intervention de Bernard Cazeneuve

Séance en hémicycle du 10 janvier 2017 à 15h00
Questions au gouvernement — Résolution du conseil de sécurité des nations unies sur la syrie

Bernard Cazeneuve, Premier ministre :

Monsieur le député, chaque jour, des images nous parviennent de la tragédie humanitaire qui se joue en Syrie, des images des massacres, des tortures, des exactions qui sont le fait d’un régime qui a fait le choix, délibérément, de massacrer son propre peuple. À l’initiative de la France – vous l’avez rappelé dans votre question –, une résolution a été adoptée qui vise à déployer un dispositif humanitaire permettant l’accès à l’aide humanitaire pour les populations, la protection des hôpitaux, la mise en place d’observateurs indépendants : il s’agit de la résolution 2328 du Conseil de sécurité des Nations unies.

L’impulsion donnée par notre pays au moment de l’adoption de cette résolution a eu un impact incontestable sur la prise en compte, par la communauté internationale, de la gravité de la situation, et un accord russo-turc de cessez-le-feu – vous l’avez également rappelé – a été trouvé à la fin du mois de décembre. Le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une nouvelle résolution qui prend note des efforts russo-turcs et les salue, sans pour autant – il faut également avoir cela à l’esprit – les endosser totalement.

Des négociations intersyriennes doivent se tenir à Astana à la fin du mois, mais le format de cette réunion et son articulation avec le cadre onusien demeurent, à ce stade, très ambigus. Vous m’avez demandé d’être clair sur la position de la France : je veux rappeler que, pour nous, la résolution qui fait référence est la résolution 2254, qui doit permettre, dans le cadre d’une démarche inclusive, de dégager une solution politique durable qui mette fin à la fois aux massacres et au terrorisme qui sévit dans cette zone, avec toutes les conséquences que l’on sait pour l’Europe et pour notre pays.

Je veux toutefois insister sur la fragilité de cette résolution, qui est d’ailleurs reconnue par l’Organisation des Nations unies elle-même. Fragilité, d’abord, parce que le texte de l’accord russo-turc comporte des zones d’ombre : nous ne sommes pas encore certains, en particulier, de l’adhésion réelle de ceux qui ont proposé cette résolution à sa mise en oeuvre. Or, il n’y a pas de résolution qui puisse aboutir à un résultat si les parties à celle-ci ne sont pas elles-mêmes décidées à la mettre en oeuvre.

Fragilité aussi, il faut le dire très clairement, car le cessez-le-feu préconisé par cette résolution a déjà été violé par le régime de Bachar el-Assad, qui mène de façon incessante des bombardements et poursuit son offensive, notamment dans la vallée de la Barada, à proximité de Damas, avec les conséquences que l’on sait.

Fragilité, enfin, parce que la tentation est grande, pour certains acteurs, de ne pas s’inscrire pleinement dans le cadre du processus onusien, qui reste, pour la France, le seul cadre de référence légitime d’un règlement politique durable en Syrie.

Certains peuvent considérer qu’une autre politique est possible, avec d’autres alliés. Je remarque d’ailleurs que ces mêmes alliés, qui nous sont présentés comme pouvant être à l’origine d’une solution, soutiennent publiquement, dans les grands médias français, l’idée d’un changement de notre politique en la matière, et vont même, pour certains d’entre eux, qui ne sont pas les moins coupables, à désigner le candidat de leur choix pour les élections que nous aurons à arbitrer par la souveraineté nationale.

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