Intervention de Jean-Louis Costes

Séance en hémicycle du 10 janvier 2017 à 15h00
Débat sur les politiques publiques en faveur de l'accès aux droits sociaux

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Costes :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, mes chers collègues, en tant que cosignataire d’un récent rapport d’information du comité d’évaluation et de contrôle sur le sujet, je suis ravi que les politiques d’accès aux droits sociaux fassent l’objet d’un débat dans cet hémicycle.

L’enjeu est en effet crucial et ce débat doit nous rappeler l’importance de la solidarité dans notre pays, mais également nous responsabiliser à l’endroit des populations les plus fragiles. Nous devons réfléchir à l’évolution et à l’amélioration de notre système, dans un seul objectif : celui de la justice sociale.

Le constat est accablant : six milliards d’euros de prestations sociales ne profitent pas à ceux qui devraient en être les bénéficiaires et la fraude atteindrait les quatre milliards d’euros. Le système est inadapté et à bout de souffle. La preuve : plus de huit millions de personnes vivent encore en dessous du seuil de pauvreté dans notre pays et, en dépit de ce que la ministre a affirmé en commission, leur nombre ne diminue pas, au contraire.

La France compte aujourd’hui dix minima sociaux pour plus de quatre millions d’allocataires et elle dépense chaque année plus de vingt-quatre milliards d’euros dans un système social qui, malheureusement, continue de créer de l’exclusion. Le système ne fonctionne pas et manque ses cibles. Ces aides ne permettent pas non plus à leurs bénéficiaires de sortir de la pauvreté, malgré les hausses qui se sont succédé entre 2008 et 2014 – ces dépenses ont augmenté de 43 % durant cette période !

Il nous appartient donc de réfléchir à un nouveau système.

Un système plus juste tout d’abord, qui permettrait à ceux qui en ont le plus besoin de bénéficier des aides et des prestations, et pas seulement aux plus malins. L’enjeu n’est pas que notre système donne une illusion de solidarité en distribuant des aides au plus grand nombre mais bien qu’il les attribue le plus justement et simplement possible aux populations fragiles et qui en ont besoin.

Malheureusement il est encore trop fréquent que ces citoyens, qui ont des droits, ne les exercent pas, par méconnaissance, par lassitude face à des procédures compliquées, voire par pudeur tout simplement. Tout en renforçant sa lutte contre la fraude, notre pays doit se pencher sérieusement sur le phénomène du non-recours. Certes il est mal connu et difficile à mesurer mais le quantifier et connaître le profil et les raisons des « non-recourants » permettraient d’ajuster nos politiques de manière plus efficace et plus juste. Il faut renforcer ce travail et mener des enquêtes plus systématiques sur le sujet.

Plus généralement, nous devons réfléchir à la mise en place d’un système plus simple, tout d’abord au niveau de sa gouvernance.

Aujourd’hui celle-ci est confuse du fait des textes mêmes. Puisque vous avez maintenu le conseil départemental en lui laissant l’action sociale comme seule compétence véritable, qu’il l’assume complètement en devenant le chef de file territorial chargé d’organiser l’accès aux droits sociaux.

Le système doit également être simplifié au niveau des démarches et des prestations. Il faut permettre aux bénéficiaires d’accéder aux aides sans qu’ils aient à fournir des dizaines de fois les mêmes documents et de rencontrer de véritables interlocuteurs, mieux formés. Certes, le numérique est une des clé de la simplification mais il faut faire attention à ne pas privilégier systématiquement les démarches dématérialisées au détriment du contact direct. Beaucoup de nos territoires sont encore mal couverts par les réseaux internet et tous nos concitoyens ne maîtrisent pas cet outil. Il serait paradoxal que le numérique soit un facteur d’exclusion.

Ma vision est simple. Il nous faut remettre à plat tout le système pour simplifier les démarches et surtout rationaliser les prestations. Un grand chantier de simplification doit être ouvert. Cette simplification pourrait se traduire – je partage sur ce point les conclusions du rapport que Christophe Sirugue a consacré à ce sujet – par le remplacement des aides diverses par une prestation « socle » commune à tous les demandeurs, qui pourrait être complétée, en fonction des situations, soit par une prestation de soutien pour les plus fragiles – personnes âgées, personnes handicapée –, soit par une prestation d’insertion pour les actifs en capacité de travailler. Un tel système permettrait de mieux cibler les bénéficiaires et d’aider plus équitablement ceux qui en ont besoin.

Le complément de soutien permettrait notamment de revaloriser le niveau de vie de certains de nos petits retraités. Je pense notamment aux retraités agricoles ou aux retraités du commerce ou de l’artisanat qui se retrouvent dans une grande précarité alors qu’ils ont travaillé toute leur existence. Attention : il ne s’agit pas de mettre en place un revenu universel, qui serait un non-sens économique pour notre pays et que nous ne pourrions d’ailleurs pas financer.

Je voudrais conclure en élargissant le sujet. L’aide aux plus démunis ne peut être traitée indépendamment des problèmes économiques que rencontre notre société. Ces aides ne sont qu’un pansement sur une plaie que nous aurions dû soigner depuis des années. Ce sont de véritables et profondes réformes économiques et sociales qui auraient dû être menées afin de relancer la machine économique française. La croissance économique est le seul moyen de résorber efficacement la pauvreté. Or, de ce côté-là, rien n’a été fait. Ce sera tout l’enjeu des années à venir.

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