Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du 10 janvier 2017 à 21h30
Questions sur l 'avenir du nucléaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Bien volontiers, madame la présidente.

Monsieur le secrétaire d’État, l’un des grands objectifs de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte est la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité française de 77 % aujourd’hui à 50 % d’ici à 2025. Le nucléaire représente la principale source d’électricité produite et consommée en France, grâce à cinquante-huit réacteurs répartis dans dix-neuf sites.

L’étude d’impact de la loi de transition énergétique a retenu une augmentation annuelle de 1 % de la consommation d’électricité en volume : dans cette hypothèse, il faudrait fermer environ 30 % des tranches. Mais si l’on prend pour hypothèse une croissance nulle – ce qui semble plus réaliste puisque la consommation française d’électricité stagne depuis 2010 –, il faudrait fermer environ la moitié des tranches. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous préciser à la représentation nationale quelles sont les tranches que vous entendez fermer et dans quels délais ? Quel est le coût de la fermeture de ces 30 à 50 % des réacteurs français d’ici à 2025 ?

Alors qu’un ménage français paie son électricité 22 % moins cher que la moyenne européenne et presque deux fois moins cher qu’en Allemagne, la substitution par de l’électricité renouvelable destinée à compenser la chute de la part du nucléaire se traduira inéluctablement par une forte augmentation du prix de l’électricité pour les ménages et les entreprises. Quel serait l’ordre de grandeur de l’évolution des prix d’ici à 2025 ? Voilà pour la première question.

Monsieur le secrétaire d’État, l’énergie nucléaire représente 77 % de la production d’électricité française et la filière électronucléaire emploie près de 220 000 personnes dans notre pays, dont 28 000 appartiennent au groupe Areva. Longtemps considéré comme un fleuron de notre industrie nucléaire, Areva, détenu à 87 % par des capitaux publics, s’est retrouvé au bord de la faillite en 2015. L’origine de cette situation est liée à la gestion désastreuse de la COGEMA puis d’Areva par Mme Lauvergeon, doublée de malversations qui ont conduit la Cour des comptes à saisir le parquet national financier en 2014. Les résultats de l’entreprise se sont constamment dégradés et ont accusé une perte de 4,9 milliards d’euros en 2014, 2 milliards en 2015 et, selon les prévisions, 1,5 milliard en 2016. L’endettement financier du groupe a bondi pour atteindre environ 9 milliards d’euros à la fin de l’année 2016.

Le Gouvernement a annoncé en janvier dernier une recapitalisation de 5 milliards d’euros, dont 4,5 milliards à la charge de l’État français, que la Commission européenne a estimé cet après-midi conforme aux règles de l’Union européenne en matière d’aides d’État, sous deux réserves toutefois. La première est que les tests effectués à la demande de l’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN, sur la cuve de l’EPR – réacteur pressurisé européen – de Flamanville soient positifs ; la deuxième est que les règles européennes de concentration soient respectées dans le rachat d’Areva NP par EDF. Monsieur le secrétaire d’État, où en est le contrôle de la cuve de l’EPR de Flamanville ? Dispose-t-on de premiers éléments de réponse à la question posée par la Commission européenne ? Quelle est la probabilité que l’intégration dans le groupe EDF de la production des réacteurs avec New Areva NP respecte les règles de concentration de l’Union européenne ? Voilà pour la deuxième question.

Enfin, la fiabilité technique et la compétitivité économique de l’EPR font l’objet de vives controverses. En effet, la construction de l’EPR d’Olkiluoto, en Finlande, accuse dix ans de retard ! Les pertes sur le coût du seul investissement atteignent à ce jour 5,5 milliards d’euros, sans que l’on ait de certitudes sur la réception définitive de ce réacteur par le client – souvenons-nous que l’ancien ministre de l’économie, M. Emmanuel Macron, pensait trouver une sortie de crise à la fin du mois de février 2016, car il ne s’agissait selon lui que d’une affaire « d’une quinzaine de jours » !

La construction de l’EPR de Flamanville accuse, quant à elle, un retard prévisionnel de mise en fonctionnement de six ans et son coût devrait être environ trois fois supérieur au budget initial – pour un coût minimal de l’électricité compris entre 100 et 130 euros le mégawattheure, soit près du double de celui de l’éolien.

Le projet de la centrale nucléaire de Hinkley Point soulève pour sa part de très vives inquiétudes : non seulement les difficultés techniques de l’EPR n’ont toujours pas été résolues, mais ce projet constitue un risque majeur pour EDF, qui y investit 24 milliards d’euros, soit davantage que sa capitalisation boursière. En effet, on a caché, même aux membres du conseil d’administration, monsieur le secrétaire d’État, les conditions financières de l’engagement du partenaire chinois – à hauteur d’environ 6 milliards d’euros – qui font reposer le risque financier de la totalité des 24 milliards d’euros sur EDF. N’est-il pas temps de faire preuve de lucidité et de courage politique sur cette technologie et de soutenir une nouvelle génération de réacteurs, plus fiables techniquement et plus rentables économiquement que l’EPR ? Êtes-vous prêt, monsieur le secrétaire d’État, à reconsidérer les engagements de la France avant qu’il ne soit trop tard et que le contribuable français, seul comme d’habitude, paie une nouvelle fois les surcoûts liés à l’erreur stratégique que constitue l’EPR ?

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